La politique budgétaire de l’Etat Bernard Ruffieux FEE 2005-2006 Plan du chapitre • 1. Un outil de politique économique contesté – A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle – B. La contestation de la relance budgétaire • 2. Les contraintes actuelles impliquent une nouvelle conception de la politique budgétaire – A. Les conséquences de l’aggravation des déficits – B. La nouvelle conception de la politique budgétaire : la réduction des dépenses publiques Introduction • Jusqu’aux années 1930 : le budget assure le financement des services publics régaliens – sécurité, justice, etc. • L’impact sur la croissance n’est pas en question : pas une variable économique. • C’est Keynes qui bouleverse profondément les choses : le budget devient un instrument de régulation de l’activité économique (PIB). • En particulier, le budget devient un instrument de relance de l’économie lors des phases de récession. • L’idée est qu’en période de basse conjoncture, il convient de relancer l’économie par un déficit public issu de l’élévation des dépenses budgétaires. Introduction • L’usage de la politique budgétaire comme moyen de régulation de la croissance a été intégré avec succès jusqu’aux années 1970. • L’instrument atteint ses limites avec la crise de 1974. • L’instrument est critiqué en théorie et en pratique. • Aujourd’hui, la politique budgétaire a inversé ses objectifs : – On ne relance plus l’économie par le déficit … – … on cherche plutôt à assainir le budget en réduisant les dépenses et en cherchant une meilleure qualité de son usage… – … au moins dans les discours ! 1. Un outils de politique économique contesté • Classiquement, on distingue trois grandes fonctions à la politique budgétaire : (Musgrave 1959) • 1. Une fonction d’allocation des ressources. Par ses dépenses, l’Etat influe sur l’allocation des facteurs de production entre les secteurs. • 2. Une fonction de redistribution des revenus. Par la fiscalité et les dépenses, l’Etat modifie les revenus (et la patrimoine) des agents. • 3. Une fonction de stabilisation de la conjoncture. Les équilibres macroéconomiques sont modifiés à court terme en fonction du solde des masses budgétaires. 1. Un outils de politique économique contesté • A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle – La dépense publique a un effet multiplicateur sur la croissance – L’effet de relance dépend du mode de financement du déficit. • B. La contestation de la relance par le budget – Contestation théorique : effets d’éviction – L’échec des politiques de relance (non traité ici : TD) A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle • Le multiplicateur budgétaire. – La dépense publique engendre des revenus : salaires, profits. – Une partie de ces revenus est consommée (c) et l’autre est épargnée (s=1-c). – La partie consommée forme une demande additionnelle, qui elle-même engendre des revenus pour les producteurs des biens achetés. – Les producteurs investissent et embauchent. – Investissements et emploi créent une demande additionnelle… – … un cycle économique de croissance est engendré. A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle • Le multiplicateur budgétaire. – Le supplément de revenu national engendré par l’intervention publique a des effets supérieurs aux surcroît de dépenses. – Le coefficient d’accroissement est 1/(1-c) c’est le multiplicateur budgétaire. – Il est la justification théorique des interventions publiques de conjoncture par le budget (politique de ‘soutien’ conjoncturel). A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle • Le multiplicateur fiscal. – Plutôt que d’accroître ses dépenses, l’Etat peut aussi diminuer ses recettes pour relancer l’économie. – Le multiplicateur fiscal exprime alors l’augmentation des revenus qui découle d’une diminution des prélèvements sans que le niveau des dépenses soit modifié. – Il est censé être moins efficace que le précédent du fait de ses effets accrus sur l’épargne. – Les politiques de réduction de la fiscalité avec déficit sont à la mode depuis Reagan 1986. A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle • La mode du soutien conjoncturel. – Tous les pays occidentaux ont mis en œuvre des politiques de soutien de la demande. – La théorie est élaborée dans les années 1930. – Le New Deal des Etats-Unis est la première action de ce type. – Le Stop and Go britannique durera grosso modo de 1945 à Thatcher. A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle • La mode du soutien conjoncturel. – En France, les périodes de relance budgétaire ont été nombreuses. Citons : • 1966-68 : contraction des recettes (aides fiscales à l’investissement) et accroissement des dépenses (plans sectoriels informatiques et sidérurgie). • 1975 : politique d’aide aux investissements des entreprises, en particulier nationales. • 1981-1982 : plan massif de relance par déficit public. A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle • Comment financer le déficit ? – Il existe deux manières de financer une politique budgétaire expansionniste. – 1. Par emprunt. Bons et obligations du Trésor. – Le déficit public est alors en concurrence avec le besoin de financement de l’économie privée. – Il s’en suit que le taux d’intérêt a tendance à s’accroître. – Le niveau des investissements privés diminue. – Réduit l’impact de la relance budgétaire. A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle • Comment financer le déficit ? – 2. Par la création monétaire. – La Banque Centrale octroie des facilité de découverts plus importants à l’Etat. – Il n’y a plus de substitution entre les besoins de financement publics et privés. – Le surcroît de dépenses est absorbé par une masse de liquidités accrue. – Dans ce cas : politiques budgétaires et monétaires sont liées. A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle • Comment financer le déficit ? – Le lien politique budgétaire et monétaire doit permettre de maximiser les effets de stabilisation conjoncturelle. – En récession : l’Etat relâche sa politique monétaire et augmente ses dépenses sans les couvrir par des prélèvements supplémentaires. – En surchauffe : il y a inflation. La création monétaire est freinée et le budget est mis en excédent (accroissement des recettes ou réduction des dépenses). 1. Un outils de politique économique contesté • A. Un instrument de stabilisation conjoncturelle – La dépense publique a un effet multiplicateur sur la croissance – L’effet de relance dépend du mode de financement. • B. La contestation de la relance par le budget – Contestation théorique : effets d’éviction – L’échec des politiques de relance B. La contestation de la relance budgétaire • Les contestations théoriques – 1. le théorème d’équivalence de Ricardo. – Barro (1975), puis Saeter (1993) reprennent les idées classiques de Ricardo. – Vision à long terme des finances publiques. – Idée : le multiplicateur est nul si au lieu d’investir ou de consommer, les agents économiques épargnent leurs revenus supplémentaires dus au déficit. B. La contestation de la relance budgétaire • Les contestations théoriques – L’Etat devra in fine rembourser ses dettes. – Il y aura donc un jour ou l’autre levée d’impôt pour couvrir les dépenses (le déficit). – Si les agents anticipent cette hausse future, ils préfèrent accroître leur épargne de précaution. – Le multiplicateur ne jour plus. Le agents établissent une ‘équivalence’ entre déficit d’aujourd’hui et alourdissement fiscal demain. B. La contestation de la relance budgétaire • Les contestations théoriques – En France, les agents anticipent que les déficits publics ne pourront pas se maintenir indéfiniment. – Les pouvoirs publics devront accroître l’impôt et/ou diminuer les dépenses… – … Ce qui revient au même pour eux. B. La contestation de la relance budgétaire • Les effets d’éviction. – Au-delà de l’équivalence, d’autres comportements des agents limitent ou annulent l’impact des relances budgétaires : les effets d’éviction. • Eviction par le taux d’intérêt • Eviction par l’inflation B. La contestation de la relance budgétaire • L’éviction par le taux d’intérêt. – On a vu que l’Etat a deux moyens pour couvrir son déficit : l’emprunt ou la création monétaire. – S’il emprunte, il introduit une demande supplémentaire sur les marchés des capitaux. – Le taux d’intérêt augmente. – Cette hausse décourage une partie des consommations financées par emprunt (voitures, logement). – Il en va de même pour les entreprises : leur rentabilité devient insuffisante. B. La contestation de la relance budgétaire • L’éviction par le taux d’intérêt. – L’effet d’éviction est la hausse du taux d’intérêt consécutif au déficit public. – Il est d’autant plus sensible qu’est important, à un moment donné, l’élasticité des investissements aux taux d’intérêt. – Cette élasticité n’est pas très importante et ne doit pas être surestimée. B. La contestation de la relance budgétaire • L’éviction par l’inflation. – Selon les théoriciens monétaristes (Milton Friedman) le processus de relance budgétaire a pour seul effet de favoriser l’inflation. – Dans un premier temps de relance, les ménages sont victimes de l’illusion monétaire. – Ils révisent à la hausse leurs dépenses de consommation. – Mais la carence de l’offre favorise la hausse des prix. – Cette hausse des prix incite les salariés à négocier des hausses de salaires. – L’inflation ramène le niveau initial de dépenses. B. La contestation de la relance budgétaire • L’éviction par l’inflation. – Pour les tenants de la théorie des anticipations rationnelles (Muth 1961, Luca et Sargent 1972) la relance budgétaire en économie fermée débouche sur la seule inflation. – Le point important est que l’inflation repose en grande partie sur les anticipations des agents. – La politique monétaire laxiste conduit les agents à anticiper de l’inflation. – La politique d’indépendance des Banques Centrales (notamment de la BC Européenne) sont directement issues de ce constat. B. La contestation de la relance budgétaire • L’éviction par l’international. – L’ouverture internationale accroît le déséquilibre extérieur lors de politiques de relance selon deux canaux : • 1. Les revenus additionnels distribués accroissent les importations. • Cet effet est d’autant plus élevé que la relance a lieu dans un seul pays. • Pour échapper à cet effet, les pays ont essayé de coordonner leurs politiques keynésiennes (Europe). • Mais une logique de passager clandestin est à l’œuvre. B. La contestation de la relance budgétaire • L’éviction par l’international. • 2. Si le déficit est financé par emprunt, l’Etat peut chercher à limiter les effets d’éviction en empruntant à l’étranger. • De même l’Etat peut inciter les entreprises publiques à emprunter sur les marchés internationaux pour ne pas peser sur les taux interne. • Le solde de la balance des paiements se trouve dégradé.