Formation Ecole de Puéricultrices : 1. Considérations éthiques en Réanimation Néonatale 2. Dilemmes à la limite de la viabilité 3. Soins palliatifs aux nouveau-nés Pierre Bétrémieux Mise à jour 5 février 2008 Quelques chiffres Naissances vivantes : 807 000 (France 2005) IVG : environ 206 000 (en 2003) IMG : environ 7000 (43 centres) Ille et Vilaine 13 364 naissances en 2005 IMG I & V : 155 dont 54 > 22 SA (2004) Prématurité : 6.5% = 56 000 en France 2001 = 700 en I & V Extrême prématurité < 33 = 1% = 11200 en France 2001 soit 120 en I&V Réanimation néonatale Rennes : 30 DC / an 7 AR/28 DC en 2005 Les périodes de dilemme éthique Période prénatale Manipulation des embryons IVG ? IMG ou accompagnement : un nouveau défi Salle de naissance Période post natale : Prise en charge des SFA, des polymalformés … Prise en charge des prématurissimes Quand ne faut-il plus continuer la réanimation ? Période pédiatrique Période Prénatale Malformations : découverte échographie 22 SA le plus souvent maladies génétiques: cas index dans les antécédents ou expression morphologique maladies métaboliques : cas index précédent Décisions ante-natales La découverte ante-natale d’une anomalie sévère conduit à une discussion ante natale : réunion hebdomadaire du Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal de Rennes et à des décisions ante natales écrites consignées dans le dossier de soins Décisions à prendre en salle de naissance désormais exceptionnelles malformations congénitales majeures non connues réanimation sans succès (15 mn NNAT, 10 mn Prématuré) Dilemmes éthiques et Prématurité Face aux naissances prématurées faut-il Entreprendre une réanimation à tous les termes? Discussion des limites de viabilité Poursuivre ou non une réanimation entreprise? Lorsque le pronostic s’annonce catastrophique 1. Ethique aux limites de la viabilité = discussion de la limitation de prise en charge en fonction du terme Problématique néonatale NN < 33 SA : - de 0,5% à 1,6% des naissances en 10 ans [prématurité : 5,9% (1995) à 6,5% (2000)] - 50% des moyens en réanimation néonatale - 80% de la mortalité néonatale - 50% des IMOC malgré une diminution du % de séquelles, il existe une augmentation du nombre absolu d'enfants avec séquelles neurologiques - à 36 mois, 10% ont une IMOC et 25 à 50% des survivants < 33 SA ont un déficit cognitif variable Extrêmes prématurés 23, 24, 25 SA Enquête EPIPAGE <500 g et < 24 SA : 100% mortalité Handicap majeur : 23 SA : 40 à 75% + 25 % hand. modéré 24 SA : 35 à 75 % + 25 % hand. Modéré 25 SA : 30% Troubles cognitifs Forte suspicion d’une grande fréquence des troubles cognitifs 24 SA : 75% 25 SA : 53% 26 SA à 32 SA : 25% Mortalité 24 SA : 60 % 25 SA : 40 % EPIBEL (B) Survie sans séquelles à 23, 24, 25 SA EPIPAGE (F) 23 SA : 10 % 24 SA : 15 % 25 SA : 35 % EPICURE (UK) 24 SA : 2.6% 25 SA : survie 50% Dont 50% de handicap Dont 50% sévère = 25 % surv ss seq Rappel : à 28 SA 80% de survie dont 70% sans séquelle Enquête de 1998 à 2001 Ille & Vilaine sur 109 enfants de moins de 28 SA 83 (76%) ont été réanimés en SDN 26 (24% = 1 sur 4 ) n’ont pas été réanimés. AG moyen des non réanimés = 24 SA (extrêmes 22 – 27) Poids moyen = 600g ( extr 380 – 960) Pour les termes extrêmes ? 22 – 23 SA : peu de survivants dans le monde (sauf Japon : handicap lourd) 24 – 25 SA : il existe des séries les données échographiques et l’IRM apportent peu actuellement (Nouvelles techniques d’IRM en évaluation) Car les HIV4 et la LMPV sont rares à ce terme Autres données RCIU, PC, sexe CTC anténat, RPM>12h, grossesses multiples VB céphalique ou siège, césarienne Aucune corrélation entre QdV=1 et ces items Facteurs de décision du pédiatre avant 26 SA Le score d’Apgar aucune valeur pronostique BB « vigoureux » : aucune valeur pronostique Besoin de surfactant, ventilation, BDP : idem Examen clinique du pédiatre : précision 2 à 4 semaines EEG précision 2 à 4 semaines ETF : HIV 4 exceptionnelle Et si ETF nle : 1/3 handicap néanmoins IRM : LMPV rarissime Autres facteurs : comment les utiliser ? Les filles ont une avance pronostique de 2 semaines sur les garçons Le milieu qui accueille l’enfant corrige le pronostic (OR x 5 !!) Qualité de vie appréciée par les survivants est plus positive que vue par les soignants Au total Les moyens d’affiner le pronostic en postnatal à 23 – 24 SA sont pour l’instant inexistants Car le pronostic échappe à la clinique, l’imagerie et l’EEG Retarder la prise de décision en post-natal n’apporte aucun argument prédictif supplémentaire « Que faire? » La réanimation d’attente est une notion qui s’applique plus tard à partir de 26 SA Qui doit-on réanimer : Tous ? Aucun ? Répartition géographique des droits de l’extrême préma : attitude variable selon le site d’hospitalisation = injuste Notion de prise en charge « proportionnelle » Rôle majeur de la demande parentale Argumentaire des néonatalogistes français (Antoine Béclère, Clamart, et Marseille) Terme : imprécis Limite : arbitraire Rôle du milieu ++ Risque d’eugénisme Progrès constants = Réanimer (Cochin Port Royal, Paris) Organisation en réseau spécialisé Légitimité des parents à décider Limite : moins de 26 SA moins de 650 g Soit abandon fœtal Soit accompagnement post natal vers la mort Rendre la décision aux parents Préciser le terme Exposer les risques et l’incertitude post natale Ne pas accepter à ce terme l’a priori de vie parental sans discussion Proposer les alternatives : Réanimation malgré les risques Abandon fœtal Foeticide Accompagnement post natal vers le décès (en application de la loi Léonetti) 2. Dilemmes éthiques survenant au décours de la prise en charge = discussion d’arrêt thérapeutique MOYENNE 1999 2004 Moyenne de survie poolée sur 6 ans 100 80 60 40 20 0 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 >37 POPULATION< 32 SA Rennes 1996-2004 100 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 <32 SA DCD Situations jugées irréversibles Population Diagnostic Confirmation HIV 4 26-28 SA ETF IRM LPV Kystique bilatérale 28-32 SA ETF IRM de diffusion EDMC intraitable NN à Terme EEG Clinique IRM de diffusion Coma profond post anoxique NN à Terme EEG Clinique IRM de diffusion HIV 4 IRM Autres situations (plus rares) de dilemme éthique en période néonatale Unité de néonatalogie : découverte tardive de lésions neurologiques sévères Grêle ultra court post entérocolite (résection totale du grêle) Insuffisance rénale terminale néonatale Tumeur cérébrale néonatale Hémopathie maligne néonatale Décisions d’arrêt thérapeutique (1) basées sur : la sévérité des lésions la certitude d ’un très mauvais pronostic (absence de vie relationnelle) Ou la mort à brève échéance l’opinion des parents Principes de base (1) Contrairement au fœtus, le nouveau-né est un être humain, avec des droits, quels que soient son terme, son poids de naissance, son état clinique Il a aussi une histoire, dès J1 Il fait partie d’un projet parental Principes de base (2) Les parents et la famille ont au minimum le droit à une information claire et précise (Décrets sur les droits des patients) Les médecins et les infirmières doivent prodiguer les soins les plus adaptés et fournir des informations Considérations légales Principes aux bornes de l’action: donner les meilleurs soins : assistance à personne en danger (art 9 du code de déontologie) penser à la qualité de la survie : pas d ’acharnement thérapeutique : « le médecin doit s’abstenir de toute obstination déraisonnable » (art R 4127- 37) « Ne pas provoquer délibérément la mort » (art 38) LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (1) dite loi Leonetti Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris. Dans ce cas, le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa vie en dispensant les soins visés à l'article L.1110-10.» LOI n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie (1) dite loi Leonetti Si le médecin constate qu'il ne peut soulager la souffrance d'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, qu'en lui appliquant un traitement qui peut avoir pour effet secondaire d'abréger sa vie, il doit en informer le malade, sans préjudice des dispositions du quatrième alinéa de l'article L. 1111-2, la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un des proches. La procédure suivie est inscrite dans le dossier médical. » Art. L. 1111-10. «- Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, décide de limiter ou d'arrêter tout traitement, le médecin respecte sa volonté après l'avoir informée des conséquences de son choix. La décision du malade est inscrite dans son dossier médical. Art. L. 1111-13. - Lorsqu'une personne, en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelle qu'en soit la cause, est hors d'état d'exprimer sa volonté, le médecin peut décider de limiter ou d'arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n'ayant d'autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne, après avoir respecté la procédure collégiale définie par le code de déontologie médicale et consulté la personne de confiance visée à l'article L. 1111-6, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne. Sa décision, motivée, est inscrite dans le dossier médical. la procédure collégiale Décret n° 2006-120 du 6 février 2006 : La décision est prise par le médecin en charge du patient Après concertation avec l’équipe de soins Sur l’avis motivé d’au moins un médecin appelé en qualité de consultant Sans lien hiérarchique avec lui Avis motivé possible d’un 2ème consultant la procédure collégiale (suite) Pour les mineurs… La décision prend en compte l’avis des titulaires de l’autorité parentale hormis les situations où l’urgence rend impossible cette consultation La décision est motivée. Les avis recueillis, la nature et le sens des concertations qui ont eu lieu ainsi que les motifs de la décision sont inscrits dans le dossier du patient La procédure collégiale Elle est obligatoire Elle exonère le médecin qui s’y plie de responsabilité pénale (art 122-4 du CP) Buts Éviter l’obstination déraisonnable Vérifier l’information des parents Expliciter les critères décisionnels La procédure collégiale Écueils décisionnels : Elle renforce Souffrance de l’équipe soignante Contraintes économiques Pressions de la famille parfois divisée La confiance des parents dans l’équipe La parentalité Elle favorise le travail de deuil ultérieur La procédure collégiale Elle garantit au patient l’absence de décision médicale ou paramédicale solitaire dans le domaine de la fin de vie Elle repose sur la transparence des discussions et décisions qui sont transcrites dans le dossier et donc accessibles au patient ou représentant La procédure collégiale : la transparence La reconnaissance conjointe de l’équipe que les limites raisonnables des soins curatifs ont été atteintes Que l’action se déroule dans le cadre légal permet une construction psychique collective déculpabilisante Et une sérénité généralement perçue par la famille Composition de l’équipe collégiale 2 ou 3 médecins + l’interne Cadre Infirmières impliquées dans le soin Psychologues Autres avis pertinents ? ATTENTION : ce n’est pas une séance d’enseignement, les personnes non impliquées n’ont pas à y assister Processus de décision Prise d’avis externes : la radio-pédiatre, la neuro-pédiatre, un collègue néonatalogiste non impliqué dans le soin de cet enfant Perception de l’équipe : Prise de décision unanime : un avis « contre » fait différer la décision; (NB : ce n’est pas prévu par la loi) L’avis des parents est capital Décision d’arrêt de réanimation : équipe soignante Rédaction d’un compte rendu écrit Compte rendu oral aux parents ou signature conjointe (non explicitée par la loi) Soutien psychologique Plan d’arrêt de réanimation décidé avec les infirmières et les parents (délai, modalités) = soins palliatifs L’avis des parents dans la prise de décision d’arrêt thérapeutique Il est capital pour eux d’être impliqué au plus haut point dans la prise de décision Il faut du temps pour qu’ils puissent exprimer un avis éclairé Leur reconstruction psychique dépend de leur reconnaissance en tant que parents codécideurs Ils ne « font pas » un choix abstrait; ils approuvent la « moins mauvaise » proposition des médecins L’avis des parents dans la prise de décision d’arrêt thérapeutique Pendant longtemps considéré comme accessoire puis évité car potentiellement culpabilisant (en France mais pas UK) Obligation de le recueillir : décret 2006120 du 6/2/2006 : le médecin recueille l’avis des titulaires de l’autorité parentale Il ne peut être question d’aller contre l’avis des parents (dans un sens ou l’autre); nécessité d’un consensus du couple parental… L’arrêt de réanimation EN PRATIQUE Documenter les anomalies Tous les moyens diagnostiques doivent être mis en œuvre Échographie, EEG, IRM Deux ou trois médecins doivent être d’accord sur l’irréversibilité et la gravité des lésions Importance de la communication Si l’on s’oriente vers un arrêt de réanimation : Partager l’information n’est pas partager la responsabilité Le médecin en charge de l ’enfant est le seul responsable de la décision Communication avec les parents (1) Ils sont informés dès que certitude du pronostic péjoratif On doit recueillir leur avis Alliance avec le médecin : ils adhèrent à la moins mauvaise solution Ils se sentent toujours très impliqués dans cette décision L’infirmière en charge de l’enfant participe aux entretiens Communication avec les parents Présentation claire du pronostic estimé et du degré de certitude Entendre leurs souhaits, convictions, implications religieuses Renforcer leur conviction qu’ils adhèrent au meilleur choix Communication avec l’équipe (1) La discussion sur l’arrêt de réanimation doit faire partie des discussions de routine Explications spécifiques sur le diagnostic et le pronostic Les remarques des infirmières sur l ’arrêt de réanimation et les situations personnelles doivent être prises en compte : rôle du cadre Communication avec l’équipe (2) Les jeunes médecins, les étudiants doivent recevoir des explications spécifiques Les objections personnelles pour adhérer ou participer au projet de fin de vie doivent être respectées Autres ressources comité d ’éthique? Unité mobile de soins palliatifs Autre structure à créer? Le / la psychologue est facilement accessible aux parents et à l ’équipe Il / elle sera une ressource ultérieure également Plan d’arrêt de réanimation (1) Ne jamais compter sur « l’évolution spontanée » L’arrêt de réanimation n’est pas l’arrêt des soins, l’abandon ou le rejet C’est l’entrée dans la période de soins palliatifs Plan d’arrêt de réanimation (2) Ce n’est jamais « tout arrêter » Il n’y a jamais d’urgence pour l’arrêt de réanimation Laisser du temps aux parents et à l’équipe Adhérer aux souhaits parentaux Photos, médailles, jouets, peluches, habits, objets qui ont un sens pour eux Pourquoi donner du temps aux parents et à l’équipe ? « La vie est courte, certaines vies sont plus courtes » Ils peuvent prodiguer de l’affection à leur enfant pour une courte période Ils peuvent organiser les visites familiales Ils peuvent organiser leurs pratiques religieuses Collaboration avec l’aumônerie Pourquoi donner du temps aux parents et à l’équipe ? Ils peuvent constater les progrès de la maladie Ils peuvent constater que l’enfant n’est pas abandonné, est respecté et ne souffre pas Management du « temps d’attente » soins palliatifs Les parents doivent être informés de l’évolution prévue pour l’enfant de ce qui va se passer au moment du décès et après Rencontre avec le cadre Évocation de l’autopsie, des frais, des démarches Management du « temps d’attente » Les parents ont libre accès auprès de leur enfant On facilite la discussion quotidiennement On débute la sédation par morphiniques et barbituriques Les supports vitaux sont maintenus : ventilation apports hydro-électrolytiques autres médicaments Position non approuvée par tous, ils peuvent être arrêtés conformément à la loi Léonetti La présence des parents au moment de la mort Sur demande parentale ou proposition médicale Présence constante du médecin et de l’infirmière Soutien actif des parents Sans ajouter de détresse supplémentaire Après la mort (1) Proposer l’autopsie dans tous les cas, avec des explications détaillées Faciliter les démarches (cadre et assistante sociale) Laisser du temps aux parents Après la mort (2) Assurer l’accès facile des parents et de la famille Impliquer le psychologue dans le suivi Revoir la famille avec les résultats Proposer des explications spécifiques à la fratrie Officialiser la mort du bébé Expliquer simplement les causes => base de déculpabilisation Prévenir les parents des troubles possibles dans la fratrie Enurésie ou réapparition d’une énurésie Encoprésie Bégaiement Terreurs nocturnes, cauchemars Fléchissement scolaire Agressivité de novo Qui doivent amener à consulter S’agit-il d’euthanasie? Définition : acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne consciente, incurable, souffrante qui le demande le nouveau-né est hors du champ de cette définition Le terme d’exception d’euthanasie ne s’y applique pas Nécessité d’un raisonnement spécifique à la période néonatale Néanmoins tout ceci est dénommé « néonatal euthanasia » dans la littérature de langue anglaise Distinguer arrêt de réanimation et arrêt de vie L’arrêt de réanimation est l’arrêt d’un acharnement thérapeutique : entre maintenant dans la légalité L’arrêt de vie est une forme d’euthanasie (interdit) : Découverte tardive de lésions neurologiques majeures chez un enfant autonomisé Il donne la priorité à la famille sur l’enfant alors que le pédiatre est classiquement défenseur de l’intérêt supérieur de l’enfant Distinguer arrêt de réanimation (légal) et euthanasie (illégale) L’arrêt de vie est l’objet de nombreux débats entre néonatalogistes : « acceptable » / « inacceptable » Ligne de fracture idéologique Assimilable à l’euthanasie? Qu’est-ce qui est inacceptable? Peut-il exister une médecine néonatale sans handicap? Serait-ce souahitable? Soins Palliatifs au nouveau-né Pierre Bétrémieux Janvier 2008 Définitions Nouveau-né : enfant âgé de 0 à 28 jours Par extension petit nourrisson hospitalisé depuis la naissance Soins palliatifs : soins actifs continus, centrés sur la personne dans sa globalité, offrant une prise en charge pluridisciplinaire des besoins physiques, psychologiques, sociaux et spirituels du patient ainsi qu’un soutien de sa famille avant et après le décès. Soins palliatifs Ils cherchent aussi à éviter les investigations déraisonnables, se refusent à provoquer la mort et s’efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’au décès Ils reconnaissent également la souffrance des équipes soignantes Spécificités pédiatriques Aspects pharmacologiques et thérapeutiques Environnement familial et social particulier = les parents sont l’interlocuteur (seul interlocuteur chez le NN) Abord psychologique doit inclure les parents, la fratrie, les grands parents nouvelle intentionnalité du projet de soin marque l'entrée en SP : abandon de l'objectif de sauvegarde du patient au profit d'un objectif de confort les SPNN ont 3 caractéristiques particulières : juridiques, médicales et psychologiques le foetus n'est pas une personne, et il n'est donc titulaire d'aucun droit sa mère : décide ou non d'une IVG demande, ou ne demande pas, une IMG et ce «à toute époque» de la grossesse le nouveau-né au contraire est un sujet titulaire de droits Toute atteinte intentionnelle à la vie du nouveauné (euthanasie) est interdite aux professionnels de santé ; juridiquement, elle constitue un infanticide (avant la déclaration à l'état civil), un meurtre ou un assassinat (en cas de préméditation). MAIS… les SPNN ont 3 caractéristiques particulières : juridiques, médicales et psychologiques …Mais, depuis la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des patients et à la fin de vie tous les actes médicaux pratiqués chez le nouveau-né sont conditionnés par leur caractère proportionné : des actes disproportionnés définissent une obstination déraisonnable, désormais interdite. nouvelle intentionnalité du projet de soin À traduire dans les mots : A partir du moment où l’on se tourne vers les soins palliatifs, on essayera d’éviter l’emploi de termes négatifs comme affection ou malformation létale, affection fatale, agonie prolongée, projet de fin de vie, tout au moins au début du processus d’accompagnement. terminologie employée doit être délibérément tournée vers le temps de vie : accompagnement des instants de vie, recherche du confort, recherche d’intimité permettant aux parents de chérir l’enfant, de le prendre et de le bercer. l’ensemble du corps soignant est dans un a priori de vie (au moins transitoirement) ceci inscrit l’enfant dans notre humanité. éviter les mots qui tuent l’enfant encore vivant, comme l’emploi de l’imparfait qui montre que nous sommes déjà au-delà de la mort et plus loin que la réalité objective. Quand les derniers instants s’approcheront, peut-être serons-nous alors amenés à utiliser des termes évoquant la mort La formalisation d'une telle situation chez un nouveau-né doit: être documentée (dossier médical) être collective (discussion collégiale) recueillir l'avis d'un consultant indépendant de l'équipe soignante du patient recueillir l'avis des titulaires de l'autorité parentale (le couple) puisque le sujet lui-même est dans l'incapacité de donner son avis. La décision appartient finalement au médecin en charge du patient Le «fossé» juridique séparant foetus et nouveau-né alors que tous deux sont tenus pour un patient par les professionnels de santé (principe éthique dit «du foetus comme un patient»), rend compte de l'éventuelle incohérence apparente prénatale/post-natale de certaines décisions des soignants (réanimation en salle de naissance d'un bébé qui aurait pu faire l'objet d'un foeticide quelques instants avant la naissance) Le «fossé» juridique séparant foetus et nouveau-né ou de certains comportements des parents ils demandaient en prénatal qu'on «accompagne» le nouveau-né vers un décès rapide, et choisissent après la naissance de le faire soigner ou même opérer. Au moins faut-il s'efforcer le plus souvent possible de respecter une cohérence d'intention éthique (P. RICOEUR) Conditions générales d’entrée en soins palliatifs « Certitude » du diagnostic = passage des soins curatifs aux soins palliatifs Probabilité du pronostic fatal ? Acceptation du pronostic par les parents considérés comme meilleurs défenseurs des intérêts de l’enfant (à vérifier) Population concernée : 4 groupes Nouveau-nés porteurs d’anomalies congénitales incompatibles avec une survie prolongée 1) anomalies non diagnostiquées in utero 2) anomalies diagnostiquées in utero + choix de ne pas faire IMG 3) Prématurés à la limite de la viabilité (23 24 SA) 4) Nouveau-nés porteurs d’une maladie ne répondant pas aux traitements les plus actifs ou pour lesquels la prolongation du traitement ne fait que prolonger les souffrances = pb de l’arrêt de réanimation Situations issues du diagnostic prénatal Situations de “certitude” d’affection fatale Trisomies 13 – 15 -18 (et triploïdie?) Anencéphalie Certaines holoprosencéphalies (alobaires) Encéphalocèles de grande taille Cardiopathies inopérables (lesquelles ?) Agnénésie rénale bilatérale Situations issues du diagnostic prénatal (2) Incertitude étiologique avec certitude de pronostic foetal défavorable Nanisme tanathophore Syndrome de Potter Hydranencéphalie Hydrocéphalie majeure Situations issues du diagnostic prénatal (3) Incertitude pronostique mais intérêt supérieur de l’enfant discutable Erreurs métaboliques IRA terminale d’emblée dialysable mais … Myéloméningocèle (spina bifida) opérable mais … Amyotrophie spinale infantile Hypoplasie du ventricule gauche Pentalogie de Cantrell Omphalocèle majeure Hernie diaphragmatique majeure ou syndromique Jumeaux conjoints (“siamois”) Bilan 2000 2006 CPDP Poursuite de la grossesse malgréà atteinte fœtale RENNES « d’une particulière gravité » 9 en 2000 anasarque- ACC x2 – holoprosencéphalie – T18 – agénésie cervelet – diastématolyélie 3 en 2001 hydrocéphalie sévère x2 – craniosténose 0 en 2002 ? 5 en 2003 10 en 2004 T21 x2 – HypoVG x2 – anasarque – anamnios – polymalfo – ACC + malfo cérébrale – valve UP avec IR 13 en 2005 del 22q, T21, mucoviscidose, 2 hypoVG, hygroma, extrémités, holoprosencéphalie, tumeur fœtale, anom. des voies urinaires, 1 cas d’ischémie feotale et 1 anasarque. hypoVG – CMV + signes cérébraux – PKR AR – encéphalocèle – kyste arachnoïdien + atteinte parenchyme 6 en 2006 Bilan 2006 CPDP RENNES Poursuite de la grossesse malgré atteinte fœtale « d’une particulière gravité » Pathologie terme hypoVG 24 SA DC nv-né oui cardiopathie 35 SA DC tardif oui chondrodysplasie (pronostic) issue accompagnementDC remarques ---------------------------------------------------------------- 34 SA chir post-nat en vie path maternelle en vie chir canal artériel ponctuée 21 SA T21 cardiopathie 26 SA complexe (situs) del22q + arc aortic 22 SA DC nv-né en vie non gémellaire MCMA chir post nat / mère del 22 Particularités médicales des SPNN Affections qui ont disparu depuis longtemps des services de pédiatrie =>se référer aux expériences du passé rapportées dans la littérature ancienne Chaque équipe a rencontré des survies prolongées improbables caractère aléatoire de la prédiction en médecine. Particularités médicales des SPNN Les médecins et les parents se trouvent face à leurs projections, sans beaucoup de données objectives sur lesquelles s’appuyer. l’incertitude de l’avenir doit impérativement être communiquée aux parents dans la période prénatale, notamment à ceux qui choisissent de ne pas recourir à une IMG dans une situation de pathologie foetale qui pourrait relever de cette procédure. Accompagnement postnatal dans les situations issues du diagnostic prénatal Association d’un refus d’IMG et d’un souhait d’accompagnement postnatal de l’enfant malformé Permet à la mère d’éviter la culpabilité de l’IMG, de vivre une grossesse de durée habituelle et de faire connaissance avec son enfant Peut-être de mieux préparer son deuil Et d’être davantage “mère” Ambiguïtés à lever Le sous-entendu c’est SOUVENT: l’Association d’un refus d’IMG et d’un souhait d’accompagnement postnatal de l’enfant malformé VERS LE DECES La loi française interdit l’euthanasie L’IMG “postnatale” n’existe pas! Spécificités psychologiques 1 l'éventualité de la mort du patient, même si celle-ci n'est ni obligatoire ni forcément rapide. Or envisager la fin de vie de quelqu'un au tout début de sa vie est une démarche qui n'est ni naturelle ni aisée, que ce soit pour les soignants ou pour les parents, a fortiori dans des lieux (maternité) habituellement dédiés à l'heureux événement que représente le début d'une nouvelle personne humaine. Il est donc parfois difficile ne serait-ce que d'en parler ! Spécificités psychologiques 2 A l'inverse, l'histoire de l'Humanité a depuis toujours intégré le risque élevé que représente l'accouchement tant pour la femme que pour son bébé. La perspective d’un décès précoce du nouveau-né n'est donc parfois pas considérée à l'égal de celui d'un sujet plus âgé, tant par les soignants que par les parents Spécificités psychologiques 3 Ces deux considérations contradictoires rendent compte de l'extrême variabilité du contexte psychologique familial dans lequel va se situer l'entrée en SPNN d’un nouveau-né donné : il appartient donc à l'équipe médicale et soignante de déterminer au cas par cas dans quel contexte particulier elle se situe (considérations philosophiques, religieuses, culturelles, personnelles, etc), afin d'adapter au mieux l'accompagnement des parents pendant cette épreuve. Spécificités psychologiques 4 La durée de mise en œuvre des SPNN est éminemment variable : de quelques minutes (en salle de naissance) à quelques semaines voire mois. Cette longue durée éventuelle peut avoir un impact psychologique fort sur les parents, qui peuvent par exemple changer d’attitude au bout d’un certain temps palliatif réclamer pour leur enfant des soins curatifs même faiblement porteurs d’espoir, l’attente leur étant devenue insupportable. Ambiguïtés à lever Nombreuses incertitudes en prénatal Inhérentes aux limites des examens prénatux L’échographie ne dépiste que 60% des malformations => une anomalie réputée isolée peut en fait faire partie d’un syndrome => changement de pronostic et de conseil génétique (ex HD) Le caryotype sur amniocentèse n’est pas toujours aisé Ambiguïtés à lever Contrairement à l’IMG, les parents ne peuvent jamais être absolument certains que l’enfant mourra… Pendant le travail Juste après la naissance en salle de travail ou dans le post partum immédiat en maternité Voire plus tard : Ex : exencéphalie = 6 ans hypoVG = 6 mois Conduite à tenir Réserver cette proposition aux (rares) maladies certainement létales Tout en gardant la notion que le délai d’accompagnement post-natal peut être long (plusieurs jours à plusieurs mois) Ou aux parents qui en font spontanément la demande formelle et éclairée et acceptent l’éventualité d’une survie prolongée d’un enfant gravement atteint Conduite à tenir Organiser une rencontre tripartite : parents pédiatre obstétricien Si possible simultanée Quand ? À quelque distance de l’annonce Avant la viabilité et a fortiori la mise en travail Pendant la période de réflexion et de décision de l’IMG Conduite à tenir le pédiatre doit être informé en détail de la nature de la malformation pour pouvoir apprécier sa létalité spontanée. Aborder avec les parents les questions clés : Qu’attendent-ils des pédiatres? Qu’entendent-ils par acharnement thérapeutique? Qu’entendent-ils par “pas de réanimation”? Exemples Si l’enfant ne tête pas faut-il le nourrir par sonde ou est-ce de l’acharnement? Si l’enfant ne meurt pas en salle de naissance, reste-t-il près de sa mère ou bien est-il transféré en néonatalogie Si l’enfant ne meurt pas en maternité faut-il le transférer en néonatalogie ou bien rentre-t-il à la maison ? recours à l’unité de soins palliatifs : à Rennes ré[email protected] et équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs Pour le pédiatre Proposer une conduite humaniste Prise en charge du confort chaleur, propreté et de la douleur si elle existe (peu probable) Conduite claire de limitation des soins Consignée dans le dossier Et connue des parents En particulier il faut pouvoir prouver que l’information optimale a été délivrée et comprise Intérêt des rencontres tripartites ou d’équipe Problème de l’alimentation et de l’hydratation Certaines équipes proposent uniquement l’alimentation naturelle que le bébé peut prendre spontanément : Le sein ou le biberon Pas la sonde ni la perfusion Doit être négocié entre médecin parents et équipe Une particularité Le « conseil génétique » ultérieur est toujours latent dans les situations de décès périnatal (grossesse ultérieure) Cette dimension doit être prise en compte Compléter le bilan à visée génétique (caryotype, sérothèque, DNAthèque, RX squelette complet, tout examen permettant d’étayer formellement le dg s’il n’atait pas précis en antenatal) Discuter l’intérêt de l’autopsie Proposer éventuellement une nouvelle rencontre avec les généticiens En conclusion La législation française est une des plus libérales au monde en permettant l’IMG quelque soit le terme L’accompagnement post-natal vers le décès peut être une alternative envisageable dans quelques cas mais dans le respect de la loi qui interdit l’euthanasie Cette notion n’est pas innée chez les parents : il y a toujours une possibilité que la vie se prolonge Prise en charge à domicile Peut être envisagée si la situation se prolonge (cas d’hypoplasie du ventricule gauche surtout) Toujours informer de la possibilité de revenir à l’hôpital si la situation devient intenable Parfois changement d’avis des parents : retour au curatif possible