Prise en charge d’un AES Dr Annabelle FREMIOT-ROLLIN Médecin du travail CHU Besançon Cours DU d’hygiène, mars 2012 Définition • Coupure, piqûre avec matériel souillé par le sang d’un patient • Projection de sang (ou liquide contenant du sang) sur – Muqueuses (yeux, bouche) – Peau lésée • Rappel : pas de risque en cas de projection sur peau saine Source : GERES Risque après un AES • Risque augmenté – Piqûre profonde – Aiguille IV ou IA contenant du sang frais – Aiguille ayant servi à un prélèvement – Charge virale du patient source élevé • Risque diminué – Piqûre au travers de gants/tissus – Aiguille pleine (suture, dextro) – Aiguille IM/SC – Charge virale du patient source indétectable Epidémiologie • Depuis 2005, nombre de séroconversions documentées – Par le VHB : 0 – par le VIH : 0 – Par le VHC : 5 – Source : rapport HCSP « prévention de la transmission soignant-soigné des virus hématogènes », juin 2011, rapport , rapport Yeni 2010 Conduite à tenir Circulaire 8 décembre 1999 • En urgence – Soins locaux • Plaie – lavage savon + eau, rinçage – Antiseptie : avec un dérivé chloré stable (Dakin) ou eau de javel 12 ° diluée à 1/10 pendant au moins 5 minutes • Muqueuses – Rinçage abondant au sérum physiologique ou à l’eau – Pendant au moins 5 minutes Conduite à tenir • En urgence – Recherche du statut sérologique du patient source (avec l’accord du patient) : VIH, VHB, VHC – Evaluation du risque par un médecin référent • Dans les 24 heures – Déclaration d’accident de travail • Dans les 8 jours – Débuter la surveillance biologique de l’agent Virus de l’hépatite B • Virus enveloppé à ADN • Transmission par – Le sang et ses constituants – Les liquides biologiques contenant du sang – Présent également dans le sperme, les sécrétions vaginales, certains liquides biologiques (LCR, liquide péricardique, péritonéal, amniotique, pleural), les tissus, la salive Virus de l’hépatite B • Prévalence en France en 2004 : 0,65 % soit près de 300 000 personnes dont la moitié ignorait son statut – Source : rapport HCSP « prévention de la transmission soignant-soigné des virus hématogènes », juin 2011 Virus de l’hépatite B • Incubation – 1 à 1,5 mois – Apparition de l’Ag HBs en moyenne 2 semaines après le contage • Clinique – Hépatite B aiguë : • Asymptomatique (60 %) • Hépatite aiguë « simple » (40 %) : ictère, asthénie • Hépatite fulminante (0,5 % des formes aiguës) – Hépatite B chronique (10 %) • Cirrhose (20 %) • Cancer (2 % des cirrhoses) Virus de l’hépatite B Diagnostic sérologique VACCIN VHB Ag HBs VIRUS VHB + Ac anti HBs Ac anti HBc Ac anti HBs Ac anti HBc Virus de l’hépatite B • Diagnostic sérologique Ag HBs Ac anti HBs Ac anti HBc Maladie + variable variable Guéri - + + Vacciné - + - Pas de contact, pas de vaccin - - - Rq : disparition possible des Ac anti HBs avec le temps mais mémoire immunitaire Source : stratégie de dépistage des hépatites virales B et C, recommandations de la HAS, mars 2011 Hépatite B • Traitement – Molécules • Interféron • Inhibiteur de l’ADN polymérase – En fonction de • • • • Charge virale Atteinte histologique Dosage ALAT Profession – Pas de guérison définitive mais réduction de la charge virale Hépatite B : obligation vaccinale • Réglementation – Art L.3111-4 code de la Santé Publique : obligation de vaccination VHB – Arrêté du 15 mars 1991 : liste des établissements soumis à l’obligation de vaccination – Arrêté du 6 mars 2007 : fixe les conditions d’immunisation et les professions concernées Hépatite B : obligation vaccinale • Réglementation – Immunisation si • Vaccination complète avant 13 ans pour médecins, chirurgiens-dentistes, sage-femmes, IDE, pharmaciens, techniciens en analyse biomédicale • Vaccination copmplète avant 25 ans pour AS, ambulanciers, AP, manipulateurs radio, kiné, pédicurepodologues • Vaccination complète + – Anticorps anti HBs > 100 UI/L – Anticorps anti HBs compris entre 10 et 100 UI/L et Ag HBs < 0 • Hépatite B ancienne, guérie Hépatite B : obligation vaccinale • Recommandations HCSP (mars 2011) – Sérologie VHB quelque soit l’âge de vaccination Hépatite B : obligation vaccinale • Réglementation – En l’absence d’immunité • Si anticorps HBs < 0 avec 3 injections – Poursuite de la vaccination jusqu’à 6 injections – Si toujours négatif, autorisation d’exercer avec dosage annuel de l’antigène HBs • Si antigène HBs > 0 – Pas de vaccination nécessaire – Orientation vers des soins – Autorisation d’exercer discutée en fonction de la charge virale et du risque de transmission au patient Hépatite B : CAT en cas d’AES Dépend du risque de contamination (Circulaire du 8 décembre 1999) Statut agent Statut patient source Ag HBs négatif Ag HBs positif (ou inconnu) Vacciné, immunisé Risque de transmission nul Risque de contamination nul Hépatite B guérie Risque de transmission nul Risque de contamination nul Vacciné, non répondeur Risque de transmission nul Contamination possible Non vacciné, pas d’ATCD de VHB Risque de transmission nul Contamination possible Porteur chronique de l’Ag HBs Cas particulier à prendre en charge par un service spécialisé Rq : si statut de l’agent non connu, faire en urgence une sérologie à l’agent Hépatite B : CAT en cas d’AES • En cas de contamination possible – Sérovaccination par immunoglobulines anti HBs spécifiques – + débuter la vaccination VHB – Délai < 72 heures • Dans les autres cas, pas de traitement ni de suivi Hépatite B : CAT en cas d’AES • Suivi sérologique – Uniquement en cas de contamination possible – Circulaire de mars 2008 • J0 : Ac anti-HBS et antigène HBs (si statut de l’agent non connu) • M6 : Ac anti-HBc – Rapport Yeni de 2010 (recommandations de suivi) • J0 : Ac anti-HBS et antigène HBs (si statut de l’agent non connu) • M3 : Ac anti-HBc Virus de l’hépatite C • Virus enveloppé à ARN • Transmission par – Le sang et ses constituants – Les liquides biologiques contenant du sang – Absent (ou très peu) dans la salive, le sperme, les sécrétions vaginales et les liquides biologiques non contaminés par le sang Virus de l’hépatite C • Prévalence en France en 2004 : – 0,84 % soit environ 367 000 personnes ont des anticorps anti VHC positifs – Parmi eux, 220 000 personnes sont porteurs chroniques (ARN VHC +) – 40 % ignorent leur séropositivité – Source : rapport HCSP « prévention de la transmission soignant-soigné des virus hématogènes », juin 2011 Virus de l’hépatite C • Depuis 1991, 64 séroconversions documentées en France chez les personnels de santé – 42 piqûres IV / IA – 2 piqûres aiguille pleine – 2 expositions cutanéo-muqueuses Virus de l’hépatite C • Incubation : – Symptômes : 6 semaines – Apparition ARN : 2 semaines après le contage – Apparition Ac anti VHC : 6 semaines après le contage. Virus de l’hépatite C • Clinique – Hépatite C aiguë : • Asymptomatique (90 %) • Rarement symptomatique : ictère, asthénie • Formes extra-hépatiques d’origine immunologique : cryoglobulinémie, porphyrie, glomérulo-néphrite, diabète type II, lymphome… – Hépatite C chronique (55 à 80 % des cas) • Formes bénignes (10-40 %) : asymptomatique • Cirrhose (20 %) dont 15 % évolueront vers un carcinome hépato-cellulaire Virus de l’hépatite C • Diagnostic sérologique – Ac anti VHC • - : pas d’infection • + : contact avec le virus => doser l’ARN – Dosage de l’ARN du VHC • + : infection en cours • - : Hépatite C guérie • Traitement • Bi ou trithérapie (interféron + ribavirine +/- inhibiteur de protéase • Guérison dans 50 à 80 % des cas (ttt précoce ++) Hépatite C : CAT en cas d’AES • Pas de vaccin disponible • Pas de traitement post-exposition • Contamination possible – si patient source • Anticorps anti VHC + • ARN VHC + (pas de suivi si ARN VHC -) – Si patient source de statut inconnu Hépatite C : CAT en cas d’AES • Surveillance sérologique ++ pour un traitement précoce (90 % d’efficacité) • Suivi sérologique – Uniquement en cas de contamination possible – Circulaire de mars 2008 • • • • • J0 : ALAT + séro VHC J15 : ALAT + PCR VHC M1 : ALAT + séro VHC M3 : ALAT + séro VHC M6 : ALAT + séro VHC Hépatite C : CAT en cas d’AES • Suivi sérologique – Uniquement en cas de contamination possible – Rapport Yeni de 2010 (recommandations de suivi) • J0 : ALAT + séro VHC • S6 : ALAT + PCR VHC • M3 : ALAT + séro VHC Virus du VIH • Virus enveloppé à ARN (VIH 1 et VIH 2) • Présent dans • Le sang et ses constituants • Les liquides biologiques contenant du sang • Certains liquides biologiques (pas de contamination documentée pour le personnel soignant) : LCR, LBA, liquide amniotique, liquide pleural • Sécrétions génitales et lait (transmission maternofœtale, transmission sexuelle) • Egalement dans salive, larmes, urine mais à des concentrations très faibles => pas de risque de contamination. Virus du VIH • Contamination – Voie sanguine – Voie sexuelle – Materno-fœtale Virus du VIH • Prévalence en France en 2004 : – 0,36 % soit environ 150 000 personnes – Source : rapport HCSP « prévention de la transmission soignant-soigné des virus hématogènes », juin 2011 • Contamination prof en France (14) – Dernière contamination décrite en 2004 – 13 après piqûre et 1 après projection cutanéo-muqueuse abondante – 12 chez des infirmier(e)s, 1 chez un interne en médecine et 1 chez un secouriste Virus du VIH • Incubation : • Symptomes : 10-15 jours • Apparition antigène P24 : 2 semaines • Apparition Ac : 22-26 jours (maxi 3 mois) • Clinique – Aigu • Asymptomatique (50 %) • Symptomatique (fièvre, éruption, adénopathie, myalgies, ulcérations pharyngées/génitales, syndrome mononucléosique) – SIDA (lié à la baisse des CD4) • Pneumocystose, toxoplasmose, CMV, lymphome… Virus du VIH • Diagnostic sérologique – Test rapide dans les situations d’urgence – Obligation de valider le résultat par un examen de laboratoire • Recherche antigène P24 + anticorps (ELISA) • Si >0, technique Western Blot • Traitement – Association d’antirétroviraux VIH : CAT en cas d’AES • Pas de vaccin • Recherche du statut sérologique du patient source (test rapide puis ELISA) – Négatif : pas de suivi (sauf risque de primo-infection) – Positif ou inconnu : évaluation du risque +/- TPE • Consentement patient source nécessaire sauf si inconscient (anesthésie, réanimation) VIH : CAT en cas d’AES • Evaluation du risque – Ancienneté de l’AES • Maximum d’efficacité du TPE dans les 4 heures • TPE jusqu’à 48 heures – Statut du patient source • • • • Stade clinique Taux de CD4 TTT antérieurs et en cours Charge virale – Nature de l’exposition • Profondeur, type d’aiguille • Port de gants Circulaire 13 mars 2008 Circulaire 13 mars 2008 VIH : CAT en cas d’AES • TPE (rapport Yeni 2010 + circ 13 mars 2008) – Prescrit par un médecin référent – Le + fréquemment, association d’antirétroviraux (Kaletra + Truvada) sauf virus résistant (historique des ttt du patient source) – Réévalué à 48-96 heures (virémie, tolérance, sérologie négative, réévaluation du risque) – Durée de 28 jours – Surveillance de la tolérance : bilan sanguin à J15 VIH : CAT en cas d’AES • TPE – Information de l’agent traité • • • • Modalités du ttt Incertitude sur l’efficacité (surtout si tardif) Effets indésirables Rapports sexuels protégés pendant 4 mois + exclusion du don du sang VIH : CAT en cas d’AES • Surveillance sérologique (+ surveillance tolérance pour TPE) TPE Sans TPE J0 Séro VIH Séro VIH M1 - Séro VIH M2 Séro VIH - M3 - Séro VIH M4 Séro VIH Circulaire 13 mars 2008 VIH : CAT en cas d’AES • Suivi sérologique – Rapport Yeni de 2010 (recommandations de suivi) J0 TPE Séro VIH Sans TPE Séro VIH S6 - Séro VIH M2 Séro VIH - M3 - Séro VIH M4 Séro VIH - Suivi biologique global • Circulaire 13 mars 2008 Suivi biologique global • Rapport Yeni 2010 En pratique (Circ 13 mars 2008) • Rédaction de procédures et diffusion aux personnels – Précisant la CAT – Disponible sur les lieux de travail • Consultation auprès d’un médecin référent en urgence • TPE disponible sur place • Retour d’information au MW En pratique (Circ 13 mars 2008) • • • • • • Accueil ++ Information Ecoute Possibilité de rencontrer une psychologue Confidentialité ++ Suivi sérologique – Par MW (FPH) – Par médecin pour le secteur privé Découverte fortuite • Déclaration en MP possible – MP 45 : Infections d'origine professionnelle par les virus des hépatites A, B, C, D et E – Pas de tableau de MP pour le VIH Découverte fortuite • Déf AT et MP • AT : événement ou série d’événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail dont il est résulté une lésion corporelle • MP : maladie contractée à l'occasion de l'exercice professionnel (constitution lente et progressive) MP 45 Découverte fortuite MP 45 (suite) Surveillance • Web-AES – Réseau de surveillance nationale depuis 2003 sous l’égide du RAISIN (Réseau d’Alerte, d’Investigation et de Surveillance des Infections Nosocomiales) – En collaboration avec le GERES et les CCLIN – Retour des résultats aux établissements participant – Benchmarking Quel sort professionnel pour un agent contaminé ? Avis HCSP juin 2011 • Mesurer et réduire la charge virale – Charge virale indétectable => pas de limitation d’activité – Charge virale élevée (VHB ou VHC > 104 UI/ml et VIH > 200 copies / ml) => traiter • Information du soignant • Respect de la confidentialité ? Quel sort professionnel pour un agent contaminé ? Avis HCSP juin 2011 • Problème quand – Charge virale reste élevée – Activité à risque élevé de transmission soignant-soigné • Chirurgiens vasculaires, gynécologuesobstétriciens,, orthopédistes, chirurgiens-dentistes • Pas d’information des patients ? Quel sort professionnel pour un agent contaminé ? Avis HCSP juin 2011 • Commission nationale d’évaluation ? – Avis consultatif – Le MW ne peut prononcer d’inaptitude • Indemnisation des soignants concernés ? ? Références • Rapport Yeni 2010 • Directive européenne 2010/32/UE du 10 mai 2010 portant application de l’accord-cadre relatif à la prévention des blessures par objets tranchants dans le secteur hospitalier et sanitaire • Prévention de la transmission soignant-soigné des virus hématogènes, rapport HCSP, juin 2011 • Circulaire DGS/VS 2/DH/DRT n° 99-680 du 8 décembre 1999 relative aux recommandations à mettre en oeuvre devant un risque de transmission du VHB et du VHC par le sang et les liquides biologiques • Circulaire N°DGS/R12/DHOS/DGT/DSS /1008/91 du 13 mars 2008 relative aux recommandations de prise en charge des personnes exposées à un risque de transmission du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) • Arrêté du 28 mai 2010 fixant les conditions de réalisation du diagnostic biologique de l'infection à virus de l'immunodéficience humaine (VIH 1 et 2) et les conditions de réalisation du test rapide d'orientation diagnostique dans les situations d'urgence Références • Guide Eficatt, INRS : http://www.inrs.fr/accueil/produits/bdd/eficatt.html • Site du GERES : http://www.geres.org/ • Légifrance : http://www.legifrance.gouv.fr/