RAPPELS DE PHYSIOLOGIE CARDIOVASCULAIRE
II.1. Introduction
II.1.1. La performance cardiaque
La performance de la pompe cardiaque définit la capacité du cœur à délivrer au système
circulatoire un débit adapté aux besoins de l’organisme sous une pression efficace. Elle est
donc classiquement évaluée en termes de débit cardiaque. Cependant, sous un même niveau
apparent de débit, le coeur doit fournir au sang une quantité variable d’énergie mécanique,
responsable de niveaux différents de consommation d’énergie, selon l’état de charge imposé
au ventricule. C’est ainsi qu’une évaluation correcte de la performance cardiaque doit
prendre en compte les conditions de travail imposées au cœur avant et après la survenue de
contractions (précharge et postcharge), mais aussi la contractilité myocardique ou
inotropisme.
II.1.2. Concepts de précharge et de postcharge
Ces termes de précharge et de postcharge ont été initialement développés par les
physiologistes étudiant les contractions d’un muscle isolé et placé dans des conditions de
charge simple. Ainsi, si l’on pend un poids à l’extrémité d’un muscle au repos, ce poids est
appelé la précharge, c’est-à-dire la charge du muscle avant sa contraction. Si aucune charge
additionnelle n’est imposée au muscle se raccourcissant, il s’agit d’une contraction isotonique
sans postcharge. Si, au contraire, le muscle ne peut se raccourcir qu’après avoir dépassé une
certaine force au-delà de la précharge, cette force additionnelle est appelée la postcharge, et la
contraction est dénommée contraction isotonique avec postcharge. La charge totale avec
laquelle s’exerce cette contraction isotonique est donc la somme de la précharge et de la
postcharge.
Bien qu’elle s’apparente à la contraction musculaire avec postcharge, le raccourcissement
myocardique ne s’effectue pas face à une postcharge fixe, puisque les pressions artérielle et
ventriculaire évoluent pendant l’éjection. En outre, même si la pression était maintenue
constante, la force exercée sur le versant pariétal du myocarde varierait pendant la systole en
fonction d’une relation complexe mettant en jeu la force intrapariétale, la pression
intracavitaire et la dimension ventriculaire (Mirsky, 1979).
Dés lors, l’analogie entre la contraction physiologique du muscle cardiaque et la contraction
isotonique de la préparation musculaire squelettique pourvue d’une postcharge prend fin dès
lors que commence l’éjection ventriculaire.
Par ailleurs, la précharge et la postcharge appliquées à la préparation musculaire squelettique
sont indépendantes de l’état contractile. La comparaison de la vitesse et du degré de
raccourcissement de deux fibres, à la même précharge et sous une postcharge constante,
représente donc une comparaison quantitative de leur contractilité respective. Par contre,
lorsque le muscle cardiaque se contracte in vivo, la situation est plus complexe. La mesure de
la tension pariétale, et celle du stress auquel est soumise une fibre musculaire dans une région
donnée de la paroi ventriculaire, sont impossibles (Yin, 1981). De plus, ces éléments varient
avec le temps pendant le cycle cardiaque, au cours duquel des variations de la forme du
ventricule sont enregistrées (Rankin et al.,1976). Donc, le stress est déterminé non seulement
par l’opposition exercée par le système artériel contre l’éjection du sang et par la force
contractile du ventricule dans son ensemble, mais également par le niveau de contractilité du
myocarde dans une région particulière, par rapport à celui du reste de la paroi ventriculaire.
Les différentes régions interagissent à chaque instant du cycle contractile, puisque cette force
régionale relative détermine la forme et la pression instantanées de la cavité ventriculaire. Le
ventricule dans son ensemble et la contractilité de la région pariétale jouent toutes deux un
rôle dans la détermination de la charge exercée sur chaque fibre musculaire dans une région
donnée. Ceci rend extrêmement ardus tant l’estimation que le contrôle de la postcharge du
muscle cardiaque in vivo.
Si la définition de la postcharge ventriculaire est complexe, la précharge ventriculaire peut,
au contraire, être définie plus simplement. La précharge représente la charge imposée au
muscle cardiaque au moment où commence sa contraction.
En raison de la compliance ventriculaire, il est préférable d’utiliser le volume télédiastolique
plutôt que la pression télédiastolique pour apprécier la précharge, puisque sa relation est plus
étroite avec la longueur musculaire et, donc, la longueur du sarcomère (Spotnitz et al., 1966).
Toutefois, la pression ventriculaire télédiastolique est généralement plus aisément mesurable
que le volume. De plus, les informations relatives à la pression télédiastolique ventriculaire
gauche ont une importance clinique, compte tenu de leur reflet des pressions pulmonaires,
capillaires et veineuses. Dès lors, le diagramme des fonctions ventriculaires utilise souvent la
pression télédiastolique comme mesure de la précharge ventriculaire.
Cette pression télédiastolique ventriculaire peut être mesurée directement en plaçant un
cathéter dans le ventricule gauche par voie artérielle rétrograde, ou en introduisant un cathéter
veineux dans l’oreillette droite puis, par voie transseptale, dans l’oreillette gauche.
De telles procédures étant lourdes, la pression télédiastolique du ventricule gauche est souvent
assimilée à la pression capillaire pulmonaire bloquée, obtenue par microcathétérisme de la
circulation pulmonaire.
Toutefois, le volume ventriculaire gauche, et particulièrement le volume télédiastolique, peut
être mesuré avec une précision nettement meilleure qu’autrefois par plusieurs techniques,
notamment des méthodes non invasives, telles l’échocardiographie, les méthodes isotopiques,
ou encore la résonance magnétique nucléaire.
Dans nos travaux, la précharge est appréciée par le volume télédiastolique, déterminé à l’aide
d’un cathéter à conductance. Cette méthode sera décrite dans le chapitre III.
III.1.3. Les propriétés du réseau vasculaire systémique
La définition des résistances vasculaires résistances systémiques, selon la loi de Poiseuille,
par le rapport de la pression artérielle moyenne au débit cardiaque moyen, est inadéquate car
elle ne tient pas compte, du caractère fréquence dépendant de l’écoulement artériel, ainsi que
des propriétés viscoélastiques des parois vasculaires. De même, l’approche du calcul de la
résistance hydraulique, obtenu par la division de la pression artérielle instantanée par le débit
sanguin instantané correspondant, demeure également déficitaire, en raison de l’absence de
prise en compte de la différence de phase qui existe entre les ondes de pression et les ondes de
débit (time lag).
Afin de pallier ces différentes approches de nature parcellaire, d’autres propositions
analytiques ont été formulées. Ce sont essentiellement l’analyse fréquentielle et l’analyse
temporelle.
Ainsi, comparé aux mesures hémodynamiques standard, le spectre d’impédance (Z
in
)
aortique fournit une description beaucoup plus complète de la postcharge imposée par le
réseau vasculaire à l’éjection ventriculaire gauche, parce qu’il intègre tant les variables
pulsatiles que les variables continues de la pression et du débit sanguins systémiques (Milnor,
1975). Toutefois, le spectre d’impédance présente plusieurs inconvénients, dont le plus
important est sans doute l’impossibilité d’obtenir une valeur quantitative tant de la
compliance vasculaire que de l’inertance, paramètres mécaniques circulatoires pourtant très
influents sur les modalités d’éjection systolique. C’est pourquoi Z
in
est souvent interprété en
utilisant un modèle analytique, connu sous le terme de modèle windkessel, à trois ou quatre
éléments. Celui-ci est en fait un analogue électrique de Z
in
(Elzinga &Westerhof, 1973). Il
offre l’avantage de conduire à une analyse dans le domaine temporel.
Cette dernière étant la méthode que nous utilisons pour étudier les propriétés du réseau
vasculaire systémique, nous la décrirons ci-après dans ce chapitre (II.3)
II.1.4. Le couplage ventriculo-artériel systémique
Bien que le spectre d’impédance fournisse un outil précis pour étudier le couplage entre le
ventricule gauche et l’arbre vasculaire (O’Rourke, 1982 ; van den Horn et al.,1984), il
nécessite des analyses mathématiques complexes ne permettant guère d’appréhender le
mécanisme des effets interactifs.
A l’inverse, Sunagawa et al. (1983, 1984) se sont attachés à représenter les propriétés du
ventricule et de l’arbre vasculaire en termes d’équations algébriques simples, dans le but
d’identifier, au sein de la boucle cardio-circulatoire, les différents déterminants du débit
cardiaque. Ces auteurs ont analysé le couplage ventriculo-artériel en modélisant la pompe
ventriculaire et le réseau vasculaire artériel sous forme d’une relation entre les pressions
télésystoliques ventriculaire et artérielle, et le volume éjecté. En d’autres termes, l’égalité des
pressions télésystoliques fournit une équation qui détermine le volume éjecté en fonction des
paramètres d’état des modèles ventriculaire et artériel.
Il nous paraît opportun d’analyser cette dernière approche, car nous avons choisi pareille
analyse pour la conduite de nos travaux.
II.2. Evaluation de la contractilité ventriculaire gauche
La performance cardiaque dépend non seulement de la fréquence, mais aussi de la précharge
et de la postcharge imposées au coeur, ainsi que de la contractilité myocardique, ou
inotropisme. Toutefois, il n’existe aucun système permettant de mesurer celle-ci de manière
directe, in vivo. Dès lors, il importe de définir un ou plusieurs indices exprimant au mieux
cette propriété fondamentale qu’est la contractilité du myocarde.
Les indices de fonction systolique myocardique classiquement utilisés sont divisés en trois
groupes : les indices isovolumiques, les indices d’éjection et les indices dérivant des
intervalles de temps systolique. Néanmoins, la plupart de ces indices, tels que le travail
systolique SW, la pression ventriculaire maximale P
max
, la variation instantanée maximale de
la pression ventriculaire dP/dt
max
, le volume éjecté SV, ou le débit cardiaque CO, présentent le
défaut majeur de dépendre des conditions de charge ventriculaire. Or, la capacité contractile
du ventricule ne peut être évaluée de manière précise qu’en tenant compte des conditions de
travail qui lui sont imposées.
Alors que tout indice dérivé directement des mesures de la pression, ou du volume,
ventriculaire dépend nécessairement des conditions de travail du ventricule, la relation de ces
deux paramètres l’un par rapport à l’autre est susceptible de révéler des indices indépendants
des conditions de charge.
II.2.1. Le diagramme pression-volume
Dans cette optique, le cycle cardiaque peut être représenté par le diagramme pression-volume,
obtenu en établissant la relation entre la pression (P) et le volume (V) [V(t), P(t)], à chaque
instant t du cycle cardiaque. De manière plus précise, l’ensemble de l’information est ainsi
contenue dans les données [t, V(t), P(t)], pour t variant de 0 à T, où T représente la période du
cycle cardiaque (la fréquence cardiaque HR = 1/T).
La Figure II-1 représente un tel diagramme de pression-volume ventriculaire gauche.
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