Anorexie. Signes cliniques (1)

publicité
Troubles des conduites
alimentaires
Dr.E.JAUNAY Service de
Psychiatrie de l’Enfant et de
l’Adolescent
Groupe Hospitalier PitiéSalpétrière
Anorexie mentale / Boulimie
-
Troubles des conduites alimentaires (TCA) : origine psychique
avec expression comportementale
Addiction : processus par lequel un comportement permet à
la fois de procurer un plaisir et d’écarter une sensation de
malaise interne (caractérisé par échec répété à contrôler ce
comportement et poursuite en dépit des conséquences négatives)
(Goodman, 1990)
-
-
Survenue élective à l’adolescence
Milieu socio économique favorisé
Prévalence en augmentation dans pays occidentaux ou
occidentalisés (Japon) depuis 20 ans
Déterminisme plurifactoriel
Engagement du pronostic vital
Prise en charge thérapeutique longue
Epidémiologie TCA
Anorexie mentale :
- Prédominance féminine : 9/10 (10 % de sexe masculin)
- 1 % des femmes jeunes (16 à 25 ans)
- Formes cliniques pré pubères (8 %) ou tardives plus rares
- 2 pics de fréquence de survenue : 14 et demi, 18 ans


-
Boulimie :
10 % des femmes jeunes (16 à 25 ans)
10 à 20 % de sexe masculin
Âge de début : entre 15 et 20 ans mais caché
Poids normal dans 65 % des cas (vomissements associés)
Anorexie. Signes cliniques (1)
-
Restriction alimentaire volontaire sous-tendue par une peur
de grossir, alors même que le poids est anormalement bas
-
Diagnostic clinique
-
Phase de début reconstituée par l’anamnèse avec possible
événement déclenchant : embonpoint suscitant des remarques,
désir de régime, rupture affective, séparation, deuil ou maladie d’un
proche, confrontation à la sexualité, événement traumatique,…
-
Installation en 3 à 6 mois
Triade symptomatique : anorexie, amaigrissement ,
aménorrhée
Conduites associées
Anorexie. Signes cliniques (2)
Anorexie
- Lutte acharnée contre la faim sous-tendue par peur de grossir
(tri des aliments, grignotage,…)
- Conduites de « rejet » : vomissements provoqués, prise de
laxatifs ou de diurétiques
- Anorexie « vraie » après un jeûne prolongé, intolérance
gastrique
- Sentiment de bien-être, élation de l’humeur
 Amaigrissement
- Perte de 30 % du poids initial avec déni de la gravité
- Visage émacié, silhouette décharnée, cachée ou exhibée
- Cheveux secs et ternes, peau sèche, lanugo, troubles
circulatoires, oedèmes MI
- Déni de la maigreur
 Aménorrhée primaire ou secondaire, fonctionnelle
- Absence de règles pendant au moins 3 cycles consécutifs

Anorexie. Signes cliniques (3)
-
-
-
Trouble de l’image du corps ou dysmorphophobie : altération de la
perception de l’image corporelle (conviction d’être grosse) avec conduites de
vérification incessantes de la silhouette et du poids (pesées, valeurs
caloriques, mensurations)
Relation de fascination-répulsion pour la nourriture (intérêt pour l’art
culinaire)
Sexualité habituellement désinvestie ou non pourvoyeuse de plaisir
Vie relationnelle limitée en dehors du milieu familial
Derrière le besoin de maîtrise, grande dépendance affective, difficilement
reconnue et humiliante
Surinvestissement intellectuel (résultats scolaires et évaluations
psychométriques au-dessus de la moyenne)
Hyperactivité physique, sportive
Vécu intime d'absence de valeur personnelle, sentiment de solitude
Réactions dépressives accompagnant plutôt l'abandon de la conduite
anorexique ou les accès boulimiques
Diagnostic d’anorexie mentale
-
Diagnostic clinique devant la triade symptomatique, les
signes psychologiques, les signes somatiques de carence et
les signes négatifs
-
Examen clinique +++ : signes de dénutrition avec absence
de maladie organique : cyanose des extrémités,
amaigrissement, asthénie , hypothermie, lanugo, peau
sèche, cheveux secs et ternes, ongles cassants, omi, hypoTA
et bradycardie ; hypertrophie des parotides, état dentaire
(vomissements) ; aménorrhée I ou II ; BMI
-
Examen psychiatrique : pas d’autre trouble psychiatrique
avéré (EDM ou mélancolique, syndrome délirant,…)
TCA. Examens complémentaires
-
-
-
NFS et ionogramme sanguin :
anémie hypochrome, hyposidérémique, leucopénie, thrombopénie
alcalose hypochlorémique et hypokaliémique(vomissements)
acidose métabolique (abus laxatifs)
hyponatrémie (potomanie)
hypoglycémie
signes déshydratation / hypoprotidémie, hypoalbuminémie (dénutrition)
Signes endocriniens : ralentissement de l’axe cortico-hypothalamohypophysaire
hypogonadisme (hypooestrogénie, FSH,LH diminuées)
hypercortisolémie avec ACTH normal
GH parfois augmenté (secondaire au jeûne glucidique)
métabolisme de base de la thyroïde diminué
ECG : bradycardie sinusale, signes ECG d’hypokaliémie
EEG : anomalies légères diffuses liées aux troubles métaboliques
Radio du squelette : retard de l’âge osseux, décalcification avec
ostéoporose diffuse (fractures multiples)
Anorexie. Diagnostic différentiel
-
Affections médicales avec amaigrissement et
aménorrhée (certaines tumeurs cérébrales, maladies
infectieuses, cancéreuses, métaboliques,…)
-
Épisode dépressif majeur ou mélancolique
-
Schizophrénie : anorexie sous-tendue par un délire
d’empoisonnement ou apragmatisme majeur
-
Délire chronique non dissociatif
Anorexie. Formes cliniques
-
Type restrictif pur : sans vomissement provoqué, ni
recours aux purgatifs, ni épisode boulimique
Type avec crises boulimiques : formes frontières
Formes associées à une potomanie ou à un mérycisme :
signes de gravité
Formes pré pubertaires : risque de retard de croissance,
pronostic plus défavorable
Formes tardives plus rares : dimension dépressive plus
marquée
Formes selon personnalité sous-jacente : traits
obsessionnels, hystériques, phobiques ou limite
Anorexie. Evolution
-
Guérison : 60 % à 80 % de cas (si on prend en compte
les seuls paramètres symptomatiques de la conduite
anorexique : anorexie, amaigrissement, aménorrhée)
-
Chronicisation avec rechutes fréquentes : au moins 50
% des cas
-
Mort : environ 10 % des cas : par suicide ou par
cachexie, troubles hydro-électriques (hypokaliémie),
rupture gastrique (réalimentation brutale ou crise
boulimique)
-
Complications psychiatriques : épisodes dépressifs,
troubles phobiques ou obsessionnels, troubles anxieux,
conduites addictives,…
Anorexie. Facteurs étiopathogéniques
Facteurs socio culturels : idéal social féminin de
minceur avec un corps maîtrisé
 Approche psychodynamique
- Déplacement des conflits intrapsychiques
- Situation de dépendance à l’égard de la mère, enfant
objet narcissique de la mère
- Relation avec le père : rejet ou rapprochement,
reviviscence du conflit oedipien, effacement des
barrières entre les générations
- Dynamique familiale : parentification des enfants,
refus de situations conflictuelles, pauvreté des
échanges affectifs et émotionnels
- Conduites de dépendance : « ce dont j’ai besoin,
c’est ce qui me menace »
- Dimension alexithymique et gestion des conflits par
l’agir
 Facteurs biologiques : vulnérabilité génétique, liens
addictions et circuit du plaisir (systèmes opioïdes

Principes thérapeutiques TCA

-
Indications limitées de la chimiothérapie
Antidépresseurs : si dépression associée ou si boulimie
Anxiolytiques : ponctuellement ou en début
d’hospitalisation

Approche psychothérapeutique : élaboration des conflits
-
Psychothérapies d’inspiration psychanalytique
Psychodrame psychanalytique
Relaxation
Psychothérapies cognitivo-comportementales
Thérapies de groupe

internes, importance du désir du patient
Prise en charge de la famille +++, en particulier dans
l’AM : groupes pour les familles, mais aussi thérapies
familiales
Anorexie. Indications d’hospitalisation
-
Dénutrition extrême ou désordre hydroélectrique avec
risque vital : réanimation
-
Amaigrissement important et rapide
-
Pression artérielle (PA) systolique inférieure à 9 ; PA
diastolique inférieure à 5 ; bradycardie inférieure à 50
-
Hypothermie
-
Troubles de la conscience et de la vigilance
-
Apathie, prostration
-
Risque suicidaire
Anorexie. Objectifs de l’hospitalisation
-
-
Réalimentation : peut devenir une urgence…par sonde
gastrique ou une nutripompe, en veillant à éviter tout
caractère violent et punitif à cette mesure
Ou objectif de reprise d’une alimentation spontanée sans
attitude de forçage et sans devenir un enjeu exclusif
-
Contrat d'hospitalisation : un 1er poids correspondant à
une période de séparation d'avec l'environnement
habituel ; cette séparation n'est plus synonyme
d'isolement dans la mesure où l'hospitalisation va
permettre d'ouvrir des possibilités de relations nouvelles
au travers de la vie institutionnelle ;
un 2e poids à partir duquel la sortie pourra être
envisagée
Approche psychothérapeutique
-
Risque permanent de transgressions…
-
Boulimie. Signes cliniques (1)
-
-
Trois phases : phase prodromique, accès, fin de l’accès
Début parfois secondaire à des situations de séparation, de perte; accès
souvent en fin de journée, en réponse à un sentiment de solitude
Phase prodromique : sensation envahissante de faim accompagnée
d’angoisse
Accès :
Déclenchement brutal, caractère impérieux, déroulement d'un seul
tenant jusqu'au malaise physique ou le vomissement
Ingurgitation massive, quasi frénétique d'une grande quantité de
nourriture
En général en cachette, d'une façon totalement indépendante des
repas
Aliments choisis en raison de leur richesse calorique et surtout de
leur caractère bourratif : la quantité prime toujours sur la qualité
Accompagné de plaisir
Rapide : voracité, absence de mastication
Boulimie. Signes cliniques (2)
-
Fin de l'accès :
Etat de torpeur à la limite d'un vécu de
dépersonnalisation
Douleurs physiques violentes surtout abdominales,
asthénie
Sentiment de malaise, de honte, de dégoût de soi,
remords et autodépréciation
Vomissements provoqués puis quasi automatiques
-
Malgré cette souffrance et la conscience du caractère
anormal de ce comportement : oubli et annulation du
malaise d’où déroulement répétitif des crises de boulimie
Stratégies de maintien du poids : vomissements,
restriction, prises médicamenteuses, hyperactivité
physique
Préoccupations constantes autour de la nourriture
Pas de trouble de l’image du corps
-
-
Diagnostic de boulimie
-
Diagnostic clinique devant : épisodes répétés
d’accès boulimiques avec sentiment de perte de
contrôle de soi-même et préoccupations
constantes autour de l’aspect corporel
-
Examen clinique : recherche de signes cliniques
liés aux vomissements répétés, surpoids (BMI)
-
Examen psychiatrique : pas d’autre trouble
psychiatrique avéré (accès maniaque,
schizoprénie, syndrome dépressif,…)
Boulimie. Diagnostic différentiel
-
Hyperphagies d’origine organique : tumeur cérébrale,
épilepsie partielle, syndrome démentiel,
endocrinopathie
-
Hyperphagies secondaires à troubles psychiatriques :
accès maniaque, schizophrénie, syndrome
dépressif,…
-
Autres troubles alimentaires : grignotage (ingestions
répétées de faibles quantités de nourriture en dehors
des repas réguliers), hyperphagie (surconsommation
alimentaire pendant les repas sans caractère
irrépressible)
Boulimie. Evolution
-
Disparition spontanée des symptômes ou chronicisation
(30 % des cas)
-
Complications psychiatriques : tentatives de suicide,
épisodes dépressifs, troubles anxieux, conduites
addictives, kleptomanie,…
-
Complications somatiques : complications liées aux
vomissements (hypertrophie parotides, ulcérations buccales et
pharynx, érosion émail dentaire, gingivite, pancréatite, hématémèse,
lésions œsophage,..), douleurs abdominales, dysménorrhée
ou aménorrhée, troubles hydroélectriques, rupture
gastrique et décès
Boulimie. Facteurs étiopathogéniques


Facteurs socio-culturels
Approche cognitivo-comportementale :
Image du corps insatisfaite → perte de poids → appétit sélectif,
impulsif : boulimie → vomissements, jeune : diminution de
l’anxiété → renforcement de la conduite boulimique

Approche psychodynamique :
Dimension d’auto-sabotage : effet dénarcissisant lié en partie à
une position masochique
Court-circuitage de la pensée : écarter toute représentation
mentale du conflit psychique sous-jacent
Valeur « agi » du symptôme est un moyen de maîtriser toute
émotion au profit de sensations physiques
Grande vulnérabilité narcissique

Facteurs biologiques
Boulimie. Indications d’hospitalisation
-
Rares, essentiellement traitement ambulatoire
-
Hospitalisation en cas de :
Episode dépressif majeur avec risque suicidaire élevé
Désordre hydro-électrique majeur
Recrudescence majeure des accès boulimiques et
résistance au traitement ambulatoire
TCA : DEVENIR
(Herzog, 1999)
Téléchargement