Mer coMbattue, Mer acceptée : un projet de paysages et ses probléMatiques
enjeux bâtis (Blois et la déconstruction du quartier de la Bouillie notamment), font l’objet
de réexions prospectives an d’identier des formes de productions paysagères, sociales et
économiques, qui intègrent le risque d’inondation. L’expérience blésoise montre comment
passer d’une (simple) reconversion spatiale à la reconquête du territoire et comment la
mitigation paysagère est susceptible de faire émerger une nouvelle culture sociétale du
risque d’inondation. L’analyse de cet exercice prospectif a permis d’identier le projet
de paysage, processus holistique de conception et de partage de visions à long terme,
comme un outil de réduction de la vulnérabilité et d’afrmer l’importance de conduire
une prospective intégrant continuellement les mutations sociétales (et climatiques) et les
interactions nature/société/paysage. Dès lors, plutôt que d’adaptation, nous avons jugé
plus exact de parler d’ajustement. A ce titre, la thèse se focalise dans une seconde partie
sur la Camargue, territoire deltaïque emblématique éminemment représentatif, tant par
ses problématiques d’inondabilité et de submersibilité que par ses trajectoires passées,
présentes et futures contrastées.
En effet, l’inuence conjuguée des eaux douces et des eaux salées a façonné un
milieu méditerranéen contrasté et mobile auquel les hommes se sont inlassablement
ajustés par des stratégies mobilistes puis xistes. Les transformations progressives (par
poldérisation notamment) ont réduit les risques d’inondation et de submersion et ont
contribué à produire des paysages multifonctionnels, marque d’une mitigation paysagère
riche mais complexe à laquelle ont contribué l’industrie salinière et la culture rizicole. La
valeur (écologique, paysagère…) produite par cette mitigation des paysages t émerger
une société militante d’un romantisme naturaliste qui décria l’agriculture productiviste
qui en fut pourtant la matrice. Bien que fondé sur ce paradoxe, cet ajustement identitaire
permit d’inventer la culture camarguaise, la prise de conscience du paysage et, avec elle,
la garantie de leur préservation. Ce protectionnisme subsiste, relayé par les gestionnaires
de la nature en Camargue attachés à démontrer une exemplarité en matière de gestion
de milieux écologiquement riches. Mais la thèse s’attache à démontrer que cette attitude
xiste conservative apparaît illusoire face aux nombreuses mutations endogènes et
exogènes du delta du Rhône, et ce, en dépit de l’arsenal juridique détenu par l’écocomplexe
camarguais. Aussi elle démontre que l’enjeu camarguais majeur est la conservation de son
potentiel d’ajustement stratégique continu face aux changements, notamment climatique,
qui impose une remise en cause du combat engagé contre la mer. En outre, en mobilisant
certaines références culturelles et géographiques, il est devenu urgent de dénir les
nouvelles trajectoires de la Camargue de demain, au risque de perdre ce qu’on a voulu
protéger.
Certains outils de planication et documents d’orientation stratégiques traduisent
les visions à court-moyen terme d’une Camargue désirée (ou refoulée) par les acteurs
locaux. Cependant, exprimées dans le contrat de Delta et la charte du PNRC, elles illustrent,
à l’horizon 2015-2022, une Camargue moins animée par l’ajustement aux mutations
présentes et futures que par une volonté d’exemplarité de gestion et de préservation des
écosystèmes (maintenus articiellement) ; une Camargue consensuelle refusant l’audace
qui l’a amené à (ré)inventer ses paysages. D’autres visions tendancielles, construites à
partir des variables actuelles (renchérissement énergétique, périurbanisation, croissance
des ux démographiques, effets du changement climatique…), apparaissent incompatibles