Myopathies inflammatoires Les éléments de gravité SMPR janvier 2009 Nicolas Nemitz Cas clinique • Patiente de 26 ans connue pour un trait falciforme. • Depuis août 2008 : arthralgies inflammatoires des extrémités, trouble circulatoire de type acrocyanose (Raynaud ?). • Octobre 2008 : myalgies des cuisses et de la ceinture huméro-scapulaire. • Pas de plainte respiratoire, pas de dysphagie. • Erythème des paupières. Epaississement de la pulpe des doigts. Présence de râles aux bases pulmonaires. Faiblesse musculaire proximale. Douleur musculaire des cuisses et mollets. Papules de Gottrons Erythème en bande sur le dos des mains et des doigts, sur le pourtour unguéal (douloureux). • Rash héliotrope (les paupières sont rosées, lilacées, oedematiées, télangiectasiques). Examens complémentaires • • • • • • • • • CK 29’000 U/l !!! VS 21mm/h. Perturbation des tests hépatiques. Fonction rénale normale et sédiment propre. FAN 117 unités (n < 20), AC anti SSA et FR positifs. TSH élevée, T4 normale. HIV, hépatites B et C, syphilis négatifs. ECG normal. IRM des cuisses: atteinte musculaire inflammatoire importante. • CT thoracique: atteinte interstitielle aux deux bases. Impression clinique Faiblesse musculaire, myalgies, arthralgies inflammatoires, pneumopathie intestitielle, phénomène de Raynaud Dermatomyosite avec atteinte pulmonaire interstitielle Quels sont les risques que court cette patiente ? • CK à 29’000 U/l – La patiente doit elle être hospitalisée ? – La prise en charge doit-elle être agressive en raison du risque d’IRA ? Quels sont les risques que court cette patiente ? • Atteinte rénale liée à la rhabdomyolyse ? – Des valeurs de CK > à 5000 U/l peuvent déjà compromettre la fonction rénale. – Une myoglobinémie élevée (> 70 µg/l) est mise en évidence dans 2/3 des cas de dermatomyosite. Mais… – L’IRA est rare dans le cadre des myosites. Mauro Pirovino, Martin S.Neff, Ezra Sharon, Myoglobinuria and acute renal failure with acute polymyositis. NY State J Med 1979, 79:764-767 Lawrence J. Kagen, Myoglobinemia in inflammatory myopathies. JAMA 1977, 237:1448-1452. Type de rhabdomyolyse Boles et al. 1983 [1] Non traumatiques Ward et al. 1988 [2] Traumatiques et Non traumatiques Tiberghien et al. 1994 [3] Traumatiques et Non traumatiques Oda et al. 1997 [4] traumatiques IRA % Créatinine IRA 100 9687 +/ - 32 708 221 mmol/l 33 Taux des enzymes musculaires 157 128 < 16000 29 > 16000 221 mmol/l 16.5 CPK > 16 000 => 58% IRA Hyperkaliémie, hyperphosphorémie déshydratation, sepsis 192 5793 (500-206 000) 160 mmol/l 39 Infections ou traumatismes Hyperphosphorémie Age > 65 CIVD 221 mmol/l 52 CPK<75 000 => 35% IRA CPK > 75000 => 95% IRA Nombres de lésions traumatiques 31 Ventilation Mécanique Hémopéritoine CPK> 10 000 10 CPK< 5000 => 19% IRA CPK>5000, age>55, ISS>16 => 41%IRA n CK UI/L 190 66 464 +/- 5394 Vivino et al. 1998 [5] traumatiques 67 58 < 10 000 9 > 10 000 Brown et al. 2004 [6] traumatiques 1771 4923 (521-258 900) Prat G, L’hère R., Goetghebeur D. Boles JM . Rhabdomyolyse et insuffisance rénale aiguë . 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier 182 mmol/l 182 mg/l Facteurs pronostiques Brown, Carlos VR et al. Preventing renal failure in patients with rhabdomyolysis: do bicarbonate and mannitol make a difference?. J Trauma 2004 ; 56(6) : 1191-1196 . Survol étiologique des rhabdomyolyses Causes traumatiques : • crush syndrome • choc direct • brûlures, électrisation, coup de foudre Causes non traumatiques : • exercice musculaires intenses: marathon, delirium tremens, crise comitiale… • compressions musculaires: coma, immobilisations prolongées… • ischémie musculaire: occlusion artérielle aiguë, état de choc, … • syndromes infectieux : tous agents pathogènes • toxiques: héroïne, ecstasy, cocaïne, alcool… • médicaments: statines… • désordres métaboliques: hypokaliémie, hypophosphatémie… • hyperthermie maligne: peranesthésique, syndrome malin des neuroleptiques • enzymopathies héréditaires • polymyosites et dermatomyosites • Venins et toxines: champignons, insectes, serpent, ciguë Mécanique Métabolique Physiopathologie IRA rhabdomyolyse HYPOVOLEMIE HYPOPERFUSION INTESTINALE ENDOTOXINE INFLAMMATION VASOCONSTRICTION RENALE FILTRATION GLOMERULAIRE REABSORPTION TUBULAIRE EAU MYOGLOBINE NECROSE TUBULAIRE AIGUE AC. URIQUE PH FER HEME ISCHEMIE TUBULAIRE RADICAUX LIBRES Vanholder et al. Rhabdomyolysis. J Am Soc Nephrol 11:1553-1561, 2000 Quels sont les risques que court cette patiente ? • Atteinte musculaire : – Déficit moteur de la musculature striée. – Atteinte cardiaque (30-70 % des cas) • Troubles du rythme divers (fréquent), vascularite coronaire ou intramyocardique, myocardite, péricardite (très rare) • Symptomatique dans 10 à 15 % des cas !!! Mort subite. – Atteinte musculature striée du pharynx (25-30 % des cas) • Dysphonie, dysphagie, trouble de la déglutition, fausses routes. Patrick Cherin. Rev Prat. 2001 Fev 15; 51 (3) : 270-7 Quels sont les risques que court cette patiente ? • Atteinte pulmonaire (15-45% des cas): - Pneumonie de déglutition liée à l’atteinte pharyngée (10-20% des cas) - Hypoventilation par faiblesse des muscles respiratoires (4-8 % des cas) - Pneumopathie interstitielle diffuse (10-15% des cas) (inaugurale dans 50% des cas). Aggrave le pronostic de la myosite. Patrick Cherin. Rev Prat. 2001 Fev 15; 51 (3) : 270-7 Néoplasie … • Association entre la dermatomyosite et une pathologie tumorale (15 à 20 %). • Précède l’apparition du cancer dans 70% des cas…(délai inférieur à 1 an) – Femmes : K mammaires, utérins, ovariens. – Hommes : K pulmonaires, prostatiques, digestifs. Patrick Cherin. Rev Prat. 2001 Fev 15; 51 (3) : 270-7 Pte hospitalisée à l’UITB pour examens complémentaires suite à l’introduction de cortisone • Fonctions pulmonaires complètes (avec SNIP et MIP) • ENMG, biopsie musculaire. • Capillaroscopie • Echocardiographie • CT scan abdomino-pelvien • Examen gynécologique Néoplasies ? • Cytométrie de flux Take Home Messages • Pour les syndromes douloureux chroniques ne pas oublier de doser les CK, Ca, Phosphate, TSH et une VS. • Les douleurs musculaires de la dermatomyosite se déclarent souvent à un stade précoce de la maladie. • Si signes évocateurs d’une myosite rechercher l’atteinte d’organes (cœur/poumon) et les troubles pharyngés.