Impact de la chimiothérapie sur la fonction ovarienne

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Impact de la chimiothérapie sur
la fonction ovarienne:
que faire?
Anne Sophie Hamy- Marc Espié
Centre des maladies du sein
Hôpital Saint Louis APHP
Aménorrhée chimio-induite
• Pas de définition universelle
• À quel moment l’aménorrhée est-elle évaluée?
Pendant la chimiothérapie, à la fin de la
chimiothérapie, 6 mois après , un an après, 18
mois après…
• Nombre de patientes réellement évaluées?
• Y-a-t-il eu une prescription d’hormonothérapie?
• Les patientes ayant eu une aménorrhée chimioinduite sont elles ménopausées plus tôt?
Chimiothérapie et aménorrhée (1)
• La chimiothérapie induit une diminution des
follicules, leur disparition ou une fibrose
ovarienne
• On observe une hypo-œstradiolémie et une
élévation de FSH et de LH
• Mais ces dosages hormonaux sont de peu
d’intérêt dans l’année qui suit la
chimiothérapie car ils ne sont qu’un reflet
ponctuel
Chimiothérapie et aménorrhée (2)
• Le pourcentage d’aménorrhée induite va être
variable en fonction des définitions, des produits
utilisés, de leur association et de leur dose
• Une chimiothérapie de type CMF induirait environ
68% (IC: 66-70%) d’aménorrhée mais avec des
extrêmes variant entre 0 et 100% (Bines J. 1996)
• Les chimiothérapies de type FAC ou FEC à dose
conventionnelle seraient moins toxiques (34% vs
69%)
• Moins de données sur les Taxanes ou la Vinorelbine
Chimiothérapie et cycles menstruels
• 595 patientes dont 523 ont reçu une chimiothérapie:
(durée moyenne de la chimio 190 j.)
–
–
–
–
–
AC: 120
ACP: 168
CMF: 83
ACD: 19
FAC: 38, FACP: 34
• À 6 mois de la fin de la chimio: 85% de reprise de
cycles avant 35 ans, 61% entre 35-40 ans, mais
seulement 45% à 5 ans
Petrek J, JCO 2006; 24: 1045-1051
Aménorrhée
et âge
Règles et
chimiothérapie
595 patientes
55% de femmes
réglées 15 mois
après l’arrêt de
la chimio
35% de règles
persistantes
après 5 ans
Petrek J, JCO 2006; 24:
1045-1051
Chimiothérapie et règles
• La probabilité de garder des règles diminue de 24%
pour chaque année d’âge supplémentaire (p<0,01)
• La probabilité de garder des règles diminue de 11%
par ganglion envahi (p<0,01)
• Dans le premier mois suivant la chimiothérapie, les
patientes traitées par CMF ont plus de chance de
garder leurs règles que les patientes -traitée avec une
anthracycline: OR = 2,9 (1,7-5,0) à un an c’est
l’inverse: OR = 0,27 (0,16-0,47)
• En cas de traitement par tamoxifène après
chimiothérapie moins de reprise de règles: OR = 0,50
(0,37-0,67)
Petrek J, JCO 2006; 24: 1045-1051
Évolution des
règles dans le
temps en
fonction de
différentes
chimiothérapies
Petrek J, JCO 2006; 24:
1045-1051
Fonction ovarienne et chimiothérapie
• Impact sur la fonction de reproduction
– Baisse fertilité
• Impact sur la fonction endocrine
– Symptômes : Bouffées vasomotrices, syndrome dépressif, difficultés vie
sexuelle
– Majoration de ces troubles avec traitements anti cancéreux
(Tamoxifène, agonistes LHRH)
– Altération de la qualité de vie +++
• Prise en charge variable selon les équipes
– Besoin des patientes +++
– Place des spécialistes de la ménopause
=>Gynécologues : pas toujours à l’aise après cancer du sein, réfèrent à
l’oncologue
=>Oncologue non habitué à prise en charge de la fertilité / ménopause
Chimiothérapie et fertilité
• Stratégies prévention
–Agonistes GnRH
• Stratégie préservation fertilité
– Conservation d’ovocytes
– Conservations d’embryon
– Cryoconservation de cortex ovarien
– Maturation in vitro?
• Autres
– Dons d’ovocytes/d’embryon
Protection par les agonistes du LHRH?
• Rationnel :
– Limiter le nombre de follicules en croissance en bloquant
sécrétion FSH et LH
• Mais
– Recrutement folliculaire et croissance des stades précoces:
indépendant des gonadotrophines
– Gonadotoxicité chez patients non pubères où axe gonadotrope
non fonctionnel
– Interactions avec le cycle des cellules tumorales? =>Innocuité
non démontrée
• Manque études de bonne qualité +++
Agonistes du GnRH
• Revue de la littérature ; 12 études
Beck Fruchter et al, Hum Reprod Update. 2008 Nov-Dec;14(6):553-61
– Maintien fonction ovarienne :
• 91% avec GNRHa vs 41%
– Ménopause précoce :
• 9% avec GnRHa vs 59%
– MAIS très nombreuses critiques
• Seules 2 études randomisées
• 2 études incluant patientes avec cancer du sein
– Del Maestro et al 2006, Recchia et al 2006
– Les deux sans groupe contrôle !!
=>Conclusion des auteurs : données insuffisantes pour affirmer
l’efficacité des analogues du GnRH
Agonistes GnRH dans cancer du sein
• Un essai randomisé (n=80), Badawy et al, Fertil Steril.
2009 Mar;91(3):694-7.
– Méthodologie floue, schéma chimiothérapies aberrants, suivi 8 mois..
• 3 études prospectives randomisées en cours
– Abstract ZORO 2009 ASCO
• Goserelin versus pas de goserelin chez patientes ayant
chimiothérapie pour cancer du sein
• 1 grossesse dans chaque groupe …
– 1 essais du SWOG en cours chez les patientes RH-
=>Utilisation non recommandée en pratique courante
La congélation d’ovocytes
• Avantage : préservation fertilité de la femme et
non du couple
• Mais …
– Technique jusqu’ici décevante
• Taux de grossesse par ovocyte décongelé <2%
– L’ovocyte résiste mal au cycle congélationdécongélation
– Ovocytes matures (métaphase II) fragiles , riche en eau
(risque de formation de cristaux et rupture), mauvaise
pénétration des cryoprotecteurs.
• Technique de vitrification prometteuse +++ non
autorisée en France en novembre 2010
La congélation d’embryons
• Nécessite un partenaire (ou un donneur)
• Pour être efficace, doit être effectuée avant le
traitement
• Longueur de la procédure ++(en moyenne 38j) :
– Débute avec les premières règles
– Puis 11 j de stimulation en moyenne avant le recueil
• Stimulation et hyperestradiolémie
– Risque de récidive?
– Malformations enfants?
• Taux de grossesse 20 à 30% par transfert
La stimulation
• Cycle naturel : faible rentabilité
• Cycle naturel modifié
• Stimulation avec tamoxifène
– Avec ou sans gonadotrophines
– Mais risque tératogène théorique.
– Demi-vie du tamoxifène: 12
semaines
• Stimulation avec létrozole
– Attention : hors AMM !!
– Risque médico légal réel en cas de
malformations/récidives
Oktay, JCEM 2006
La cryoconservation de
cortex ovarien
• Le principe :
– prélèvement de tissu ovarien
– par coelioscopie ou laparotomie (même
temps que chirurgie carcinologique)
– acheminement rapide au laboratoire, retrait
de la médullaire, le cortex est isolé et
•
fragmenté, puis congelé.
• Réimplantation à distance, en position
orthotopique ou hétérotopique.
– Retour à une fonction endocrine 80%.
– Médiane 9 mois
MAIS ….Perte de la moitié de la
réserve ovarienne
– Or : Chimiothérapie
partiellement gonadotoxique
– Toxicité parfois réversible?
• Nécessité de cibler les
• 25 grossesses avec enfants vivants issues de
patientes qui en
cette technique en 2010
bénéficieraient
Maturation In Vitro
• Ponction d’ovocytes immatures sous AG de 2 -6 mm
–
–
–
–
Pas de nécessité de stimulation
Réalisable quel que soit le moment du cycle
Peut être combinée avec cryopréservation de cortex ovarien
Environ 5 à 6 ovocytes récupérés pour 15 visibles en échographie.
• Maturation 24 à 48h
• Technique de congélation lente
• Résultats (série de Clamart) ?
– 60 patientes par an (OPK), taux grossesse 27%
– Cohorte de 50 enfants très suivis : pas d’augmentation du taux de malformations
• Technique semblant prometteuse…. Données à long terme
nécessaires
Remerciements à M. Grynberg, Hôpital Clamart
Ménopause chimio induite :
que faire?
• Symptômes les plus gênants
– Bouffées de chaleur et sueurs nocturnes
– Sécheresse vaginale
– Dysfonctions sexuelles
• Un remède idéal : le THS ?
• 2 grands essais randomisés débutés en parallèle en Suède en
1997
– Essai HABITS = Hormonal Replacement After Breast Cancer
—Is it Safe?
– Essai Stockholm
• But: comparer HT versus pas d’HT après cancer du
sein
Essai Stockholm
• Arrêté en décembre 2003, n=378
• Traitements utilisés
• Moins de 55 ans
– 2mg estradiol 21j, 10mg MPA 10j/21, 7j
sans traitement
• Plus de 55 ans
– 2mg estradiol 84j, 20 mg MPA 14j/84, 7 j
sans traitement
• Hystérectomie
– 2mg valérate estradiol /j en continu
• Suivi médian 4,1 ans:
– 11 récidives /188 (HT)
– 13 récidives/190 (pas HT)
– Pas d’augmentation du risque de récidive
HR = 0.82, 95% CI = 0.35 to 1.9
Essai HABITS
•Essai randomisé de non infériorité
•n=1300 (prévues initialement)
•But: HT 2 ans n’augmente pas le RR
récidive de plus de 1,36
•Choix HT selon pratiques locales, arrêt
à 2 ans
•Stoppé prématurément, n=442 suivi
médian 4 ans
• Décision analyse de sécurité en 2002
• Récidives
– 39/221 récidives (HT)
– 17/221 récidives bras contrôle
Augmentation du risque de récidive
• HR = 2.4, 95% CI = 1.3 to 4.2
• Incidence à 5 ans 22,8% vs 8%
• Décès ; 6 (HT) vs 5 (pas HT), NS
• => Arrêt de l’essai HABITS
THS après cancer du sein
• Analyse combinée des deux essais
– Augmentation du risque avec HT
– RH = 1.8, 95% CI = 1.03 to 3.10
=> Arrêt également de l’essai Stockholm en décembre 2003
• Différences d’hormonothérapies
– HABITS : Traitement séquentiel ou continu hémihydrate estradiol E2 +
acétate Noréthisthérone (NETA) dans majorité centres
– Stockholm: recommandations d’éviter ttt combinés ,et minimiser
progestatifs.
• Hétérogénéité entre les études ( P = .02)
 le hasard n’est pas la seule explication
• Différences dans design étude, et caractéristiques cliniques
– 26% N+ (HABITS)/ 16% (Stockholm)
– 21% Tamoxifene/52%
THS après
cancer du sein?
LIBERATE: livial intervention following
Breast cancer :efficacity, reccurence and
tolerability endpoint
• International, multicentrique, randomisé, en double
aveugle, contre placebo
• Essai de non infériorité, n=3148 ptes randomisées
• Récidive :
• Tibololone= 51 récurrences/1000 femmes-an
• Placebo= 36 récurrences/1000 femmes-an
• 15,2 % vs 10,7%
• Essai arrêté 6 mois avant car augmentation du nombre
de cancer du sein dans le groupe tibolone / placebo
Bouffées de chaleurs
• 10 essais contrôlés randomisés évaluant médicaments
– Clonidine (n=2)
• Antihypertenseur stimulant récepteur de norépinéphrine impliqué dans
l’initiation des bouffées vasomotrices
– Gabapentine (n=1)
• Anticonvulsivant, mécanisme dans BVM inconnu
– SSRI (n=6)
• Venlaflaxine, paroxetine, sertraline, fluoxetine
• Augmentent taux sérotonine et norépinéphrine
– Vitamine E (n=1)
• Mécanisme inconnu
– =>Efficacité de tous les médicaments, sauf vitamine E
Mais effet modeste !
•  Rôle CYP2D6 (Tam->4OH tam, endoxifene)
– Rôle des polymorphismes génétiques
– Rôle des co-prescriptions
•Étude canadienne n=24 430
patientes, 30% coprescriptions
anti dépresseur
•Risque de décès par cancer du
sein avec paroxetine
Augmentation de relative de 24%,
54%, et 91%
Quand prescrit pendant 25%, 50%,
75% de la durée du tamoxifène.
Bouffées de chaleurs (suite)
• 6 études interventionnelles sur thérapies
non médicamenteuses
– Homéopathie (n=2)
– Relaxation (n=2)
• Techniques de gestion du stress, sophrologie,
– Acupuncture (n=1)
• 8 sessions de traitement, 19 points acupuncture
– Magnétisme (n=1)
• Aimants sur points acupuncture
• => Seule intervention réduisant Bouffées de chaleur:
relaxation
• Limites: pas de comparaison entre les études
Sécheresse vaginale
• 30% des femmes
• Symptôme qui empire souvent avec le temps (#
bouffées de chaleur)
• Efficacité des gels non hormonaux (Replens*)
– Etude randomisée cross over placebo/replens
J Clin Oncol. 1997 Mar;15(3):969-73
• Efficacité identique
• Diminution sécheresse vaginale de 62% et 64% dans
groupe placebo et groupe Replens, (P = .3)
• Diminution score dyspareunie de 41% et 60%,
respectivement (P = .05)
Etudes sur estrogènes locaux
• Etude cohorte, Climacteric, 2003;6:45-52
• 1472 femmes avec cancer du sein, 23,2% utilisant estrogènes vaginaux
• Pas d’augmentation du risque de récidive à 5,5 ans suivi médian
• Etude pharmacologique chez 7 patientes
sous IA, Annals of Oncology 17: 584–587, 2006
– Vagifem, 25µg de 17ß-estradiol, 1*jj, 15j puis
2*/semaine (1 patiente sous premarin)
– Augmentation du taux d’estradiol circulant,
transitoire
– Conclusion des auteurs :
Recommandations
• RPC
Annals of Oncology 19: 1669–1680, 2008
– Replens* en 1ère intention
– Estrogènes vaginaux si inefficacité
– Préférer estriol à estradiol (estrogène moins puissant)
ex: physiogine ovules*
• Recommandations International Menopause
Society
– Traitements non hormonaux
– Si inefficaces, estrogènes vaginaux peuvent être
utilisés, à la dose minimal efficace, après délivrance
d’une information adaptée
Dysfonctions sexuelles
• Hypoactive sexuale desire disorder (HSDD)
– À aborder lors de l’ interrogatoire (avec tact)
– Traitement atrophie vaginale++
– Discuter arrêt traitement antidépresseur
(peut avoir impact)
• Un essai non contrôlé de bupropion 8
semaines (zyban*,(ATD) aide au sevrage
tabagique)
Mathias et al, Ann Oncol. 2006 Dec;17(12):1792-6.
– Amélioration durable de fonction sexuelle
(score ASEX)
• Testostérone?
J Natl Cancer Inst 2007;99:
672 – 9
– Essai randomisé
– Patientes survivantes de
cancer (type non
précisé)
– 4 semaines testostérone
crème ou placebo, puis
cross over 4 semaines
– Augmentation du taux
de testostérone
biodisponible
– Pas de modification
libido à 4 et 8 semaines
Conclusion
• Problématiques centrales après cancer du sein
• Infertilité :
– Beaucoup d’inconnues : qui cibler pour préservation?
• Quelles patientes? Quelles tranches d’âge?
• Quelles techniques proposer?
– Encourager les patientes à participer à des essais cliniques
– Avenir : développer les techniques des préservation fertilité
MIV? apport vitrification?
• Ménopause :
– Dépister et prendre en charge
– Nécessité de données pour ne pas priver inutilement de
traitements améliorant leur qualité de vie
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