et l`iode - Action Contre La Faim

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Action contre la Faim
Paris, 10 mai 2012
L’élimination de la carence iodée,
un défi de santé publique
réaliste et nécessaire
par
Bruno de Benoist
Consultant
Pourquoi la carence iodée ?
• Présente dans 148 pays et affecte près de 2 milliards
de personnes
• Première cause d’handicap psychomoteur de la
première enfance qui puissent être prévenue
• L’approche préventive est :
– bien codifiée
– reconnue par la communauté internationale
• Un des rares succès parmi les programmes
nutritionnels
La carence iodée est une priorité
de santé publique
L’iode
• L’iode est un oligo-élément
– utilisé par la thyroïde pour la synthèse des
hormones thyroïdiennes
– doit être apporté par l’alimentation
• Les hormones thyroïdiennes – et l’iode –
– sont essentielles pour la vie des mammifères, en
l’occurrence l’homme
– ont pour rôle principal :
• le fonctionnement des métabolismes
• la croissance
Les causes de la carence en iode
• Le cycle de l’iode
– L’iode se trouve essentiellement dans les océans (50μg/L)
– Par évaporation, l’iode entre dans l’atmosphère puis tombe sous forme de
pluie et enrichit en iode le sol
– La teneur des sols en iode est de ± 400ppm, soit 20 fois plus que celles des
roches et des minéraux
• Dans plusieurs régions, les sols ont été lessivés par la glaciation, l’érosion
et les inondations ce qui a réduit leur teneur en iode, p.ex. :
– les régions montagneuses (Alpes, Andes, Himalaya)
– les régions d’inondation fréquente (Asie du sud est)
– de nombreuses régions d’Afrique, d’Amérique et d’Europe
• Là où le sol est pauvre en iode :
– les produits végétaux et animaux sont pauvres en iode
– les populations dont l’alimentation dépend des produits locaux ont des
apports d’iode insuffisants et sont exposés au risque de carence iodée
Apport en iode recommandés
Groupes d’âge
France
Union
Européenne
USA/Canada
OMS/FAO
ANC
(AFSSA, 2001)
PRI
(SCF, 1993)
RDA
(IOM, 2001)
RNI
(WHO, 2006)
Microgrammes/jour
0-6 mois
100
-
110
100
6-12 mois
100
50
130
100
2-10 ans
90
70-100
150
150
11-14 ans
120
120
150
150
Adulte
150
130
150
150
Femmes enceintes
-
130
220
250
Femmes allaitantes
-
160
290
250
Principales sources alimentaires en iode
Produits alimentaires
Algues marines séchées
Sel iodé
Farine de poisson
Teneur en iode (μg/100 g)
10 000-20 000
1 500
100
Poissons frais (thon et hareng)
40-90
Ail frais
80-90
Ananas frais
Lait
Céréales
30
10-15
5
Les conséquences de la carence iodée
• La thyroïde est le seul organe connu où l’iode soit mis en
réserve
• La carence iodée entraîne une déplétion iodée de la
thyroïde d’où :
– hypothyroïdie et troubles dus à la carence iodée (TDCI)
• La femme enceinte et le jeune enfant sont à la fois les
plus à risque et les plus sensibles à la carence iodée :
– les hormones thyroïdiennes sont nécessaires à la croissance et
à l’activation des métabolismes
– la thyroïde fœtale n’est fonctionnelles qu’au 3ème mois
– l’hypothyroïdie maternelle entraîne des troubles de la
croissance fœtale, notamment du cerveau
• d’où un retard cognitif et staturo-pondéral ± marqué du jeune enfant
Troubles du à la carence iodée (TDCI)
Groupes d’âge
Manifestations cliniques
Tous les âges
Hypothyroïdie
Goitre
Susceptibilité accrue aux radiations
Hyperthyroïdie due à l’iode
Foetus
Avortement spontané
Anomalies congénitales
Mortalité périnatale
Nouveau-né
Crétinisme
Enfant et adolescent
Altération des fonctions cognitives
Retard du développement staturo-pondéral
Adulte
Altération des fonctions cognitives
Réf. : d’après B. Hetzel, Lancet, 1983 ; WHO et al. , 2006
La mesure de la carence iodée
dans une population
• Population cible
– les enfants de 6 à 14 ans
– les groupes à risques : femmes enceintes, nouveau-nés
• Indicateurs
– Taux total de goitre
• mesure la présence de TDCI
– Iode urinaire ≤ 100 μg/mL (médiane de référence)
• mesure le risque de TDCI
– TSH chez le nouveau-né
• détecte l’hypothyroïdie et le risque d’atteinte cérébrale
• Faisabilité
– Ces indicateurs sont :
• fiables
• faciles à collecter
• le coût de l’analyse de l’iode urinaire et la TSH est faible
Critères pour évaluer le statut iodé d’une population
Concentration médiane de l’iode urinaire
(μg/L)
Apports iodé
alimentaires
Statut iodé
<20
Insuffisants
Carence sévère
20-49
Insuffisants
Carence modérée
Enfants > 6 ans
et adultes
Femmes enceintes et
allaitantes
50-99
<150
Insuffisants
Carence légère
100-199
150-249
Adéquats
Statut iodé adéquat
200-299
250-499
Supérieurs aux
besoins
Léger risque
d’hyperthyroidie
>300
>500
Excessif
Risque
d’hyperthyroïdie
Réf. : WHO, UNICEF, ICCIDD, 2007
Statut iodé de la population mondiale (2011)
Régions de l’OMS
Carence iodée
Proportion (%)
Nombre total (million)
Afrique
40,0
321,1
Amérique
13,7
125,7
Asie du sud est
31,6
541,3
Europe
44,2
393,3
Méditerranée orientale
37,4
199,2
Pacifique occidental
17,3
300,8
TOTAL
28,5
1 881,2
Réf. : Andersson et al, 2011
Méthodes de prévention
de la carence iodée
Le but ultime de la prévention est de
maintenir normale la fonction thyroïdienne
• En pratique, la prévention consiste à apporter
une quantité d’iode additionnelle pour
couvrir les besoins :
– c.-à-d. maintenir l’iode urinaire ≥ 100 μg/L
• Théoriquement, l’apport additionnel d’iode
devrait être calculé sur la base du déficit, en
pratique, il est fixé à 150 μg/j
• Deux approches sont proposées :
– la supplémentation
– la fortification alimentaire
La supplémentation en iode
par voie orale
– Consiste :
• dans la prise quotidienne d’iodure de potassium
• ou la prise annuelle ou biannuelle d’une large dose
d’iode (250 à 500 mg) sous forme d’acide gras iodés à
diffusion lente (Lipiodol)
– Réservée :
• aux situations de carence sévère
• aux populations qui n’ont pas accès à des produits
fortifiés en iode (sel iodé)
• aux femmes enceintes
– Contraintes :
• requiert un support logistique pour la distribution
La fortification des aliments
• De plus en plus utilisée en santé publique dans la
prévention des carences nutritionnelles
• A plusieurs avantages :
– assure des apports adéquats de nutriments
• s’ils répondent aux besoins réels de la population carencée
– n’entraîne pas d’effet secondaire
• si le contrôle de qualité est efficace (pas de surdosage)
– atteint toute la population
• notamment les groupes à risque et/ou démunis
– est bien acceptée car n’affecte pas les habitudes alimentaires
– a largement montré son efficacité
– la technologie de fortification est raisonnablement bien
maîtrisée
Le sel iodé
• Le sel est considéré comme le véhicule de choix pour la
fortification iodée depuis les années 80s (OMS, 1986)
• Plusieurs raisons :
– il est consommé par toute la population de façon continue et
en quantité constante
– l’addition d’iode ne modifie pas ses qualités organoleptiques
(goût, odeur, couleur)
– la technologie d’iodation du sel est simple, peu coûteuse
– le contrôle de qualité peut se faire facilement à tous les
niveaux de la chaîne alimentaire (producteur, grossiste,
ménage)
– il est utilisé depuis les années 20s et a largement montré son
efficacité et son innocuité pour réduire la carence iodée
L’utilisation du sel iodé présente
aussi des inconvénients
• Dans de nombreux pays, le sel est produit dans
de petites unités qui :
– n’ont pas les moyens ou la motivation d’ioder le sel ;
– ne peuvent pas garantir un contrôle de qualité
interne du sel iodée
• d’où le risque :
– d’iodation insuffisante ;
– de surdosage iodé (hyperthyroïdie)
Autre problème du sel iodé :
l’hypertension
• La consommation de sel est associée au risque d’HTA
:
– l’HTA est la cause principale des maladies
cardiovasculaires, une des premières causes de mortalité
dans le monde ;
• Le niveau d’iodation du sel (20-40 ppm) est basée sur
une consommation de 10 g/j de sel
– l’OMS recommande de réduire la consommation de sel audessous de 5g/j
• On ne peut sous-estimer la difficulté de concilier :
– la réduction de la consommation du sel
– et la promotion de l’utilisation du sel iodé
Quelles sont les options pour réduire la
consommation de sel
sans diminuer les apports d’iode ?
• Deux options sont possibles :
– augmenter la teneur du sel en iode
– associer au sel iodé un autre véhicule iodé
• Quelle que soit l’option choisie, il existe un risque de
surdosage iodé et, donc, d’hyperthyroïdie
• Pour éviter ce risque, il est essentiel :
– de garantir un contrôle de qualité interne/externe
efficace et fiable des produits iodés
Autres véhicules potentiels pour l’iodation
• Eau de boisson
– Eau de puits (Afrique de l’Ouest, Indonésie)
• diffuseur d’iode (support polymère) placé dans le puits
 l’eau de puits doit être la seule source d’eau de boisson
 le support doit être changé régulièrement
– Eau d’irrigation des rizières (Chine)
• Lait (Royaume Uni, Europe du Nord)
– Consommation variable
• Pain (Australie, Pays Bas)
– Consommation variable
• Huile végétale (Ukraine, Roumanie)
– Consommation constante
– Apport d’acides gras insaturés
– Pas d’effet secondaire
Sel iodé
Consommation
Production (Contrôle)
Stable, continue, large couverture
Production de sel moins centralisée que la production
d’huile
Mise en œuvre
Coût
facile
0.4-0.5 cts/kg sel
Propriétés
Effets secondaires
Indication
0.4 cts/kg huile
Inchangées
HTA si apports
excessifs (>5g/d)
Fortification multiple
Bénéfices nutritionnels
Huile végétale iodée
 Énergie si apports excessifs
oui
Essentiel
AG insaturés
Conseillé par l’OMS et
l’UNICEF
Complément du sel iodé
Stratégie de lutte contre
la carence iodée
Au niveau international
• Mobilisation de la communauté internationale
– à l’initiative et sous l’égide de l’OMS
• Depuis 1985, l’OMS a adopté régulièrement des résolutions sur la carence iodée
• Adoption de l’objectif de l’élimination de la carence iodée
– avec l’appui de l’UNICEF
•
soutien financier (iodation du sel, système de surveillance)
• Appui financier
– UNICEF : soutien des programmes d’iodation
– Agences de Coopération bilatérale (Canada, USA)
• Appui technique
– Institutions publiques et universitaires (CDC, Emory University)
– ONG (ICCIDD)
• Mobilisation des associations de producteurs de sel
– USA/Canada, Europe, Chine
Partenariat : création d’une Commission internationale
sous l’égide de l’OMS et de l’UNICEF
• Membres
– ICCIDD
– Institutions universitaires (Emory University)
– Fondations
– Associations de producteurs de sel
• Mandat
– Appui technique aux pays
 Technologie de l’iodation
 Surveillance des programmes
 Qualité de l’iodation
 Surveillance épidémiologique des TDCIs
– Suivre les progrès par rapport aux objectifs fixés par l’OMS
– Mobilisation et communication
– Identifier des financements
Au niveau national :
création d’une commission nationale TDCI
• Sous l’égide du Ministère de la santé
• Composée de représentants de :
– OMS, UNICEF
– divers Ministères (Agriculture, Education, Justice)
– institutions universitaires (Faculté de Médecine)
– association nationale des producteurs de sel
• Mandat
– Développer un programme de lutte contre les TDCI
– Mobiliser des financements
– Assurer la mise en œuvre et la surveillance du programme
– Préparer une législation sur les conditions et le niveau d’iodation du
sel
– Sensibiliser :
• les producteurs de sel et
• la population (Journée (s) “sel iodée”)
Surveillance des programmes au niveau
international
• Résolution de l’OMS (2005) pour que les pays
surveillent le statut iodé de leur population
• Mise en place d’un réseau de laboratoires de référence
– sous l’égide de CDC et l’université de Bruxelles
– pour la mesure de l’iode urinaire
• Création à l’OMS d’une banque de données mondiale
sur l’état iodé de la population par pays
• Rapport à l’Assemblée mondiale tous les deux ans sur :
– la situation de la carence iodée dans le monde
– les progrès réalisés en vue de son élimination
Surveillance du programme
au niveau national
• Mise en place d’un système de surveillance
– épidémiologique
• statut iodé de la population (tous les 3 à 5 ans)
• consommation du sel iodé
– de la qualité du sel iodé
• Au niveau des ménages (kits pour mesurer l’iode)
• Au niveau des grossistes et des producteurs par un
partenariat entre :
– le ministère de l’agriculture (contrôle externe)
– et les producteurs de sel via leur Association nationale (contrôle
interne)
• Rapport à l’OMS tous les 2 ans
Progrès réalisés
La situation actuelle
• La carence iodée
– est présente dans 148 pays (données disponibles)
sur 193
• sous contrôle dans 116 pays
• reste un problème de santé publique dans 32 pays
– pas de données dans 45 pays
• 1,9 milliards de personnes
– ont un apport alimentaire en iode insuffisant
– risquent de développer des troubles dus à la
carence iodée (TDCI)
Evolution du statut iodé
en 2003, 2007 et 2011 par régions (%)
Evolution du statut iodé au niveau
mondial en 2003, 2007 et 2011
Statut iodé des pays
en 2003, 2007 et 2011 (nombre de pays)
Régions de l’OMS
Ménages (%) qui ont accès au
sel iodé
Afrique
66,6
Amérique
86,8
Asie du Sud Est
61,0
Méditerranée orientale
49,2
Europe
47,3
Pacifique occidental
89,5
TOTAL
Réf. : UNICEF, 2008
70
Nombre de pays dont le taux
Année des ménages consommant du
sel iodé ≥ 90%
2004
28
2006
33
2010
36
Réf. : UNICEF, 2010
Conclusion
• En dépit des progrès réalisés depuis les années 80s, il reste près de 2
milliards de personnes carencées en iode
• La stratégie du sel iodée est reconnue comme une des plus efficaces en
santé publique et la carence iodée, comme une priorité
• Les problèmes auxquels les autorités de santé doivent faire face sont :
– réactiver la mobilisation nationale et internationale ;
– concentrer l’effort sur les groupes à risques
• notamment, femmes enceintes et jeunes enfants ;
– ajuster la stratégie du sel iodé en l’associant avec d’autres véhicules iodés
(huile végétale, lait, pain)
• pour encourager la réduction de la consommation de sel ;
– rendre plus opérationnels et efficaces les systèmes de surveillance des
programmes ;
– renforcer la collaboration intersectorielle :
• ONG, facultés de médecine, institutions publiques
• Industrie alimentaire ;
– faire appliquer les réglementations nationales sur le sel iodé
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