Défis actuels à relever afin de couvrir les besoins en iode à l’échelle mondiale Creswell J. Eastman et Pieter Jooste L’iode est un élément simple, largement répandu dans la nature. Son importance en tant que micronutriment repose sur son rôle essentiel dans la synthèse des hormones thyroïdiennes. L’iode fait partie intégrante de la molécule de l’hormone thyroïdienne. L’hormone thyroïdienne exerce de nombreuses actions dans le développement du fœtus, la croissance de l’enfant et chez l’adulte, et elle est le plus puissant stimulus hormonal de la croissance et de la maturation à la fois du cerveau et du squelette [1]. Carence en iode La carence en iode est un problème d’une immense ampleur à l’échelle mondiale; elle touche en effet 2 milliards de personnes dans le monde. Les effets néfastes de la carence iodée chez l’Homme résultent d’une diminution de la production et de l’action de l’hormone thyroïdienne et varient en termes de gravité, allant d’une augmentation du volume de la thyroïde (goitre) à des dommages graves et irréversibles conduisant au crétinisme endémique [2]. L’hormone thyroïdienne est essentielle tout au long de la vie, mais elle est cruciale pour le développement normal du cerveau du fœtus et tout au long de l’enfance. Pendant la grossesse, la production maternelle d’hormone thyroïdienne doit augmenter de 25–50% pour répondre aux besoins de la mère et du fœtus. Sources d’iode alimentaire Les principales sources d’iode alimentaire sont le lait et les produits laitiers, les fruits de mer et les aliments additionnés de sel iodé. Les légumes, fruits et céréales sont dans l’ensemble pauvres en iode, nos terres et réserves en eau manquant d’iode. La solution admise pour ce problème consiste en l’Iodation Universelle du Sel (IUS), préconisant une iodation de tout le sel destiné à la consommation humaine à hauteur de 20–40 μg/g [3]. 35 Tableau 1. Recommandations pour la complémentation en iode pendant la grossesse et la petite enfance lorsque l’IUS n’est pas en vigueur [3] Femmes en âge de procréer Femmes enceintes ou allaitantes Nourrissons âgés de 0 à 24 mois Complément quotidien avec du KI pour couvrir les besoins nutritionnels estimés à 150 μg/jour (selon les AJR) ou avec une dose orale annuelle de 400 mg d’huile iodée Complément quotidien avec du KI pour couvrir les besoins nutritionnels estimés à 250 μg/jour (selon les AJR) ou avec une dose orale annuelle de 400 mg d’huile iodée Complément quotidien pour couvrir les besoins nutritionnels estimés à 90 μg/jour (selon les AJR) ou avec une dose orale annuelle d’huile iodée de 100 mg pour nourrissons de 0 à 6 mois ou de 200 mg pour les nourrissons de 7 à 24 mois En principe, au regard des besoins en ce nutriment de la population, l’enrichissement obligatoire représente la stratégie la mieux adaptée en matière de santé publique, assurant la sécurité et l’efficacité. En effet, l’enrichissement volontaire du sel et d’autres aliments a de nombreuses limites et peu de bénéfices. La tendance mondiale actuelle consistant à diminuer les rations de sel de façon à prévenir des maladies cardiovasculaires graves présente un nouveau défi dans la manière de prendre en charge la carence en iode à la fois dans les pays développés et ceux en voie de développement [4]. Complémentation iodée La complémentation en iode est un moyen de prévention de la carence iodée, mais c’est une stratégie à la fois coûteuse, inefficace et non durable. Cependant, une complémentation iodée devrait être proposée aux populations où l’IUS n’a pas été instaurée ou bien là où elle n’a pas fonctionné [3]. Lorsqu’elle est destinée aux femmes en âge de procréer, spécialement celles qui sont enceintes et allaitantes, ainsi qu’à leurs nourrissons, la complémentation en iode est une stratégie à court et moyen termes pour prévenir les troubles dus à la carence iodée. Une complémentation à base d’huile iodée à effetretard peut s’avérer la seule manière de lutter contre la carence en iode, en particulier dans les régions éloignées connaissant une fréquence importante de crétinisme neurologique. C’est effectivement grâce à cette approche, mise en place depuis une dizaine d’années, que de bons résultats ont été obtenus dans les régions montagneuses du Tibet [5]. A la fois dans les pays développés et ceux en voie de développement, en l’absence d’IUS, une complémentation iodée quotidienne peut être 36 administrée sous la forme de KI ou KIO3 en gouttes ou en comprimés [1]. Les recommandations pour la complémentation en iode sont résumées dans le tableau 1. Pour couvrir les besoins nutritionnels en iode de toute la population, nous devons nous adapter en appliquant le principe suivant: «pense à l’échelle mondiale mais agis au plan local». Bibliographie 1 2 3 4 5 Zimmermann MB: Iodine deficiency. Endocr Rev 2009;30:376–408. Hetzel BS: Iodine deficiency disorders (IDD) and their eradication. Lancet 1983; ii:1126–1129. Andersson M, de Benoist B, Delange F, Zupan J: Prevention and control of iodine deficiency in pregnant and lactating women and in children less than 2 years old: conclusions and recommendations of the technical consultation. Public Health Nutr 2007;10:1606–1611. Bibbins-Domingo K, Chertow GM, Coxson PG: Projected effect of dietary salt reductions on future cardiovascular disease. N Engl J Med 2010;362:590–599. Eastman CJ, Li M, Cavalli-Sforza LT: Iodine nutritional status in Tibet. Lancet 2008; 372:887–888. 37