Évolution de la prise en charge chirurgicale du membre supérieur

Analyse de la littérature
Évolution de la prise en charge chirurgicale du membre supérieur
tétraplégique depuis 50 ans
Functional surgery of upper limb in tetraplegics since 50 years
C. Fattal
a,
*, J. Teissier
b
, C. Leclercq
c
,M.Revol
d
, M. Enjalbert
a
a
Centre Dr Bouffard-Vercelli, Cap Peyrefite, 66290 Cerbère, France
b
Institut de la main et du membre supérieur, 15, avenue du Professeur-Grasset, 34000 Montpellier, France
c
Institut de la main, clinique Jouvenet, 6, square Jouvenet, 75016 Paris, France
d
Hôpital Saint-Louis, service de chirurgie plastique, 75475 Paris cedex 10, France
Reçu le 3 octobre 2002 ; accepté le 11 décembre 2002
Résumé
Objectifs.– Étude de l’évolution de la chirurgie fonctionnelle du membre supérieur tétraplégique depuis 1950.
Méthode.– La revue de la littérature a porté sur les publications en langue française et anglaise colligées dans 3 banques de données :
Medline, Pascal et Embase. Elle a aussi consisté en une lecture exhaustive des bibliographies de chacune des publications de telle sorte que des
publications non indexées ont aussi été consultées.
Résultats.– Les procédures chirurgicales sont codifiées et dans l’ensemble bien documentées. Elles sont dominées par 2 priorités : assurer
la sécurité du geste chirurgical et raccourcir les délais d’immobilisation. Par ailleurs, un intérêt croissant a été porté, ces dernières années, aux
tétraplégies hautes au travers de la neurostimulation électrique fonctionnelle.
Conclusion.– Les procédures chirurgicales sont suffisamment diversifiées pour que l’on puisse affirmer que peu de tétraplégiques sont
exclus de cette chirurgie certes exigeante mais toujours aussi utile. Une prise en charge en rééducation de qualité passe par la connaissance des
procédures chirurgicales.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Objective.– Development of upper limb functional surgery in tetraplegics in the last 50 years.
Methods.– The literature review relating to the years 1950–2002 was carried out with 3 data bases: Medline, Pascal, Embase. This review
also involved a thorough study of non-indexed references.
Results.– A large number of surgical procedures are described. Two priorities are stressed by the authors: safety of these procedures and
duration of postoperative immobilization.
Conclusion.– This review of literature shows that the prospects for restoring upper limb function in tetraplegics are greater than ever,
offering a larger number of patients the possibility to increase their independence in daily life. Functional surgery remains, nevertheless,
demanding in terms of length of immobilization and presupposes requiring a multidisciplinary approach requiring rehabilitation teams to be
up to date with surgical procedures.
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS.All rights reserved.
Mots clés : Tétraplégie ; Chirurgie fonctionnelle ; Neurostimulation électrique ; Main ; Membre supérieur
Keywords: Tetraplegia; Functional surgery; Functional neuromuscular stimulation; Hand; Upper limb
*Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Fattal).
Annales de réadaptation et de médecine physique 46 (2003) 144–155
www.elsevier.com/locate/annrmp
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
DOI:10.1016/S0168-6054(03)00014-X
1. Les principes
Il aura fallu attendre la 2
e
moitiédu XX
e
siècle pour que
laugmentation de lespérance de vie du tétraplégique, le
développementdes techniqueschirurgicalesetlouverturede
structures de rééducation spécialisée permettent denvisager
des programmes de restauration chirurgicale des fonctions
motrices àvisée fonctionnelle.
La première publication sur le sujet émane dun chirur-
gien de la Mayo Clinic, du nom de Lipscomb [73]. Mais, la
chirurgie fonctionnelle du membre supérieur, toutes patholo-
gies confondues, a puisédès 1948 chez Sterling Bunnel [16],
les premiers principes de ténodèse. Il sagira longtemps
dune chirurgie de reconstruction dune pince et non dune
chirurgie de la fonction fondée sur lassociation de ténodèses
et de transferts tendineux. Les successeurs de Bunnel tels que
Lipscomb [73], Nickel [92] et Dolphin [20] ont eu le mérite
dentretenir lintérêt portéàcette chirurgie jusqu’à ce que
quatre grands chirurgiens, Lamb [66], Freehafer [33], Zan-
colli [115] et Möberg [87] décident, dans les années 1970, de
concentrer leurs efforts sur le sujet tétraplégique. Si des
différences dapproche chirurgicale se dessinent entre cha-
cun des quatre, il est demblée possible, au cours de la 1
re
conférence internationale sur la chirurgie fonctionnelle du
membre supérieur tétraplégique, àEdimbourg, en 1978, de
dégager quelques points consensuels :
limportance de la restauration de lextension active du
coude et de la pince clépouceindex, dite key-grip,
bénéficiant dun contact plus large, même si moins pré-
cis ;
limportance de la main comme instrument de préhen-
sion mais aussi de relation justiant que la main reste
souple ;
limportance de la sensibilitédu revêtement cutanédes
doigts pour contrôler la position, la motricitéet la force
de la main.
En fait, 2 écoles se distinguent, lune ambitieuse (Zan-
colli), lautre pragmatique (Möberg). De leurs conceptions
parfois divergentes, parfois simplement différentes, naîtront
des compromis. Les grandes lignes sont résumées dans le
Tableau 1.
L’école française, autour dAllieu [4], fera la synthèse en
rejoignant :
Zancolli [114] pour réaliser une main intrinsèque asso-
ciéeàune stabilisation des articulations métacarpo-
phalangiennes. Il sagit daller plus loin dans la restau-
ration dune mobilitédes doigts chaque fois que cela est
possible pour obtenir des prises fortes ;
Möberg [87] pour privilégier la pince termino-latérale
(key-grip) et imposer comme préalable la restauration
de lextension active du coude et pour proposer de façon
générale, un programme simple ;
Freehafer et House pour envisager la réanimation de
louverture des doigts par transfert actif chaque fois que
cela est possible [51,114,115] sinon par ténodèse dor-
sale [32,46].
En 1978, une première version dune classication du
membre supérieur est adoptéeàla 1
re
conférence internatio-
nale organiséeàla demande de Möberg, sous l’égide de
Lamb àEdimbourg [78,89]. Cette réunion avait une tonalité
condentielle puisquelle a rassemblé18 participants. Le
consensus sur la classication sera définitivement trouvéàla
2
e
conférence internationale organisée en 1984, par E. Bé-
rard, àGiens (France), àlinitiative de Möberg [77]. Qua-
rante participants étaient au rendez-vous. Il sagit de la clas-
sication dite de Giens qui répertorie les muscles présents
au-dessous du coude et restés actifs àune cotation dau
moins 4 MRC (Medical Research Council). Ces muscles dits
«muscles-clés»sont susceptibles soit d’être transférés, soit
de stabiliser une articulation. Des informations sur les affé-
rences sensitives (cutaneous Cu+ou) et visuelles (Ocular
O+ou) sont associées.
Cette classication prétend permettre àtous les chirur-
giens de partir dune même description du membre supérieur
pour envisager la stratégie chirurgicale. Il sagit de 9 groupes
Tableau 1
Deux écoles de la chirurgie fonctionnelle du membre supérieur tétraplégique
ZANCOLLI 75,79 MOBERG 75,78
Restaurer dautant plus de fonctions que le niveau est haut. La chirurgie se
veut dautant plus complexe (arthrodèse + transferts tendineux) que le niveau
est haut, donc que les fonctions restantes sont pauvres.
Restaurer des fonctions simples lorsque le ni- veau est haut. Éviter au
maximum les arthrodèses. Favoriser les ténodèses. Conserver une main
souple, une main de «contact »et une main «sensitive »
Privilégier un transfert musculaire chaque fois que cela est possible. Privilégier une bonne ténodèse souvent plus forte et plus utile quun transfert
tendineux.
Privilégier une pince pouceindex termino- terminale pour les niveaux les
plus bas. Privilégier une pince pouceindex termino- latérale.
Améliorer louverture de la main par des transferts tendineux sur les
extenseurs ou àdéfaut par une ténodèse dorsale. Restauration dune ouverture de la main seulement sur des niveaux moyens.
Restaurer une exion active des doigts tout en stabilisant lhyperextension des
MP lorsquon réanime les muscles extrinsèques de la main. Restaurer une exion active des doigts tout en évitant de générer des crochets
digitaux.
Garantir la réversibilitéde tous les procédés techniques en cas daggravation
fonctionnelle.
Une discrimination sensitive nest pas indispensable àlutilisation dune
pince car le contrôle visuel permet une bonne suppléance. La discrimination sensitive est un paramètre incontournable.
La spasticitédoit faire adapter le programme chirurgical mais constitue
rarement une contre-indication. La spasticitédemeure une contre-indication relative. Seule une spasticité
légère, voire utile est tolérable.
145C. Fattal et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 46 (2003) 144155
numérotésde1à9etprésentés dans le Tableau 2. Le groupe
10 rassemble les exceptions et les cas atypiques.
Par la suite, les conférences internationales successives
qui se tiendront tous les 3 à4 ans, préciseront les limites et les
contre-indications de cette chirurgie, verront se multiplier les
techniques et les variantes et se développer la stimulation
électrique implantéeàvisée fonctionnelle. Pour rappel, il
sagit de :
la 3
e
conférence : animée par Möberg lui-même àGöte-
borg (Suède) en 1988, elle réunira 78 participants [88].
Cette conférence a révéléla multitude des procédures, a
rendu compte des premiers résultats, notamment de
ceux de Möberg dont lexpérience fait déjàautoritéavec
une série de 100 transferts de réanimation du coude et
environ 200 interventions sur la main tétraplégique ;
la 4
e
conférence, tenue àPalo-Alto (États-Unis) en 1991
[45]. Elle a regroupépour la première fois plus de 100
inscrits. Le souci de réduire les durées dimmobilisation
postopératoire est au cœur des discussions. Les procé-
dures dorigine font lobjet de variantes destinées à
assurer la sécuritédes transplants. La première grande
série de sujets, pour lesquels un neurostimulateur élec-
trique fonctionnel est implanté, est présentée. L’évalua-
tion reste encore sous-développée et peu consensuelle ;
la 5
e
conférence animée par Sormann àMelbourne
(Australie) en 1995 évolue dans le même état desprit
que la précédente ;
la 6
e
conférence de Cleveland (États-Unis) organisée
sous l’égide de Keith a consacrélintégration de la
stimulation électrique fonctionnelle dans la stratégie
chirurgicale générale du membre supérieur tétraplégi-
que [56] ;
la 7
e
conférence de Bologne (Italie) organisée par Landi
aétéloccasion dune remise en cause de la classica-
tion de Giens, eu égard aux nombreuses atypies et aux
muscles non pris en compte par la classication [68].
Les procédures chirurgicales demeurent globalement
inchangées. Peu de bouleversements sont relevésenla
matière. Aucun consensus naététrouvépour l’évalua-
tion des résultats. Deux tests ont étéretenus pour inté-
grer une étude de validation probablement connée aux
États-Unis.
Au l des conférences, lapproche sera de plus en plus
multidisciplinaire, associant le souci des chirurgiens de ren-
dre encore plus sûrlacte chirurgical et celui des équipes de
rééducation de réduire les durées dimmobilisation postopé-
ratoire.
2. Les stratégies chirurgicales
2.1. Restauration de lextension active du coude
Toutprogramme de chirurgiefonctionnelle débutepar une
restauration de lextension active du coude chaque fois
quelle est nécessaire [14,15,19,21,43,86,87,96]. Il sagit de
«lintervention de base »[77]. Paul préconise dassocier,
dans un même temps chirurgical, la restauration de lexten-
sion du coude et celle dune key-grip [93]. Brys recommande
dassocier dans le même temps, tout transfert du brachio-
radialis àla restauration de lextension du coude [15]. Il nen
demeure pas moins que la gestion de la période postopéra-
toire est, dans ce cas, plus difcile. Freehafer [30] continue
de penser que la restauration de lextension du coude est un
geste qui doit compléter la chirurgie de la main et estime
quaucune preuve na jamais étéfaite sur lintérêtdedébuter
le programme par la chirurgie du coude [35,63]. Lo se place
aussi en faux par rapport àce choix, estimant que, dun point
de vue fonctionnel, rien nempêche que des patients se satis-
fassent dune main opérée alors que le triceps est nul [74].
Pourtant, son intérêt est dabord fonctionnel dans une
logique damélioration de lapproche proximo-distale de
lobjet et doptimisation des préhensions. Il a étédémontré
que le triceps brachii est le déterminant principal qui sépare
deux groupes de tétraplégiques dun point de vue fonctionnel
[111]. Lintérêt est aussi psychologique. Cette intervention
permet dobtenir une indépendance rapidement et grande-
ment appréciée dans certains domaines tels que la propulsion
du fauteuil roulant [85,97]. Lintérêt est enn physiologique.
De ce point de vue, il a étéclairement démontré,quune fois
le coude stabilisé,ilétait plus facile de transplanter sur le
poignet ou sur la main, le brachio-radialis mieux équilibré
par son antagoniste le triceps brachii puisque son
action est polyarticulaire [10,15,36,108]. Labsence dexten-
sion du coude pourrait engendrer une rétraction du brachio-
radialis et par ce fait, une inefcacitépartielle ou totale du
transfert tendineux.
De façon plutôt anecdotique, une seule équipe, néo-
zélandaise, sest risquée, pour 15 patients en ce qui
concerne le coude et pour 26 patients en ce qui
concerne la main —àproposer une chirurgie bilatérale
simultanée [90]. Le taux de satisfaction est important.
La restauration de lextension du coude concerne surtout
les groupes 1 à4 voire 5. Le noyau moteur du triceps étant
trèsétendu de C6 àD1, son atteinte est variable pour un
même niveau lésionnel. Le triceps brachii est cependant, en
règle, présent àpartir du groupe 5. Sa réanimation est envi-
sagée lorsquil est cotéàmoins de 3 [7].
Tableau 2
Classication internationale dite de Giens
Groupes Muscles actifs au dessous du coude (cotation dau moins 4 MRC)
0 Aucun muscle au-dessous du coude
1 + BR (Brachio-radialis)
2 Groupe 1 + ERCL (extensor radialis carpi longus)
3 Groupe 2 + ECRB (extensor radialis carpi brevis)
4 Groupe 3 + PT (pronator teres)
5 Groupe 4 + FCR (exor carpi radialis)
6 Groupe5+Extension des 4 derniers doigts
7 Groupe6+Extension du pouce
8 Groupe7+Flexion partielle des 4 derniers doigts
9 Groupe8+Flexion complète des 4 derniers doigts
10 Exceptions ouAtypies
146 C. Fattal et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 46 (2003) 144155
Lintervention repose sur 2 techniques très différentes :
le transfert du deltoïde scapularis (deltoïde postérieur)
sur linsertion tendineuse du triceps brachii ou sur lolé-
crane avec interposition dun tendon prothétique ou
dun tendon endogène. La technique dorigine a été
décrite en 1975 par Möberg qui a utilisécomme tendon
intermédiaire les tendons extenseurs des orteils. Le del-
toïde scapularis est considérécomme synergique du
triceps [86]. Cette technique sera utilisée par de nom-
breux chirurgiens [8,14,19,22,96]. Elle sera, par la suite,
modifiée par dautres auteurs [32,63,90,93,100]. Ils in-
terposeront un tendon du tibialis antérieur. Hentz et
McDowell privilégieront la bandelette de fascia lata
[43,77]. Lamb citépar Möberg a rapportéde très bons
résultats avec lutilisation de lextensor carpi ulnaris
comme muscle et tendon intermédiaire [88]. C. Sierra
nutilise aucune greffe dinterposition mais prélève une
bandelette tendineuse au centre du tendon tricipital quil
retourne pour lattacher au tendon du deltoïde scapula-
ris [17]. De ce fait, l’épaule reste libre en période posto-
pératoire. Cette technique a étéutilisée avec succès par
VanDen-Berghe [107] pour quelques patients et par
Ejeskär [22] qui la, par la suite, abandonnée en raison
dune succession d’échecs. Mennen sen est inspiréen
utilisant une partie du tendon distal du triceps prélevé
avec de los olécranien, retournée vers le haut pour être
raccordéeaudeltoïde scapularis [80]. Il rapporte des
résultats analytiques satisfaisants. En 1988, Hentz dé-
cide aussi de ne plus utiliser de tendon intermédiaire et
raccorde directement le deltoïde postérieur àlaponé-
vrose tricipitale. Aucun résultat nest rapporté[44].
La multitude des variantes sexplique par le fait quaucun
matériau intermédiaire idéal naététrouvépour limiter le
risque de détente et réduire en même temps les durées dim-
mobilisation postopératoire. En France, Allieu a réaliséun
compromis en interposant une seule tresse de Dacron dou-
bléedefascia lata [5,6]. Le dacron est considérécomme une
matière biocompatible, inextensible, susceptible de limiter
lesproblèmes de détente [48].Dautres équipes Filipettiet
Teissier dune part [24], Bottero et Revol dautre part [9]
utilisent un tendon intercalaire prothétique, synthétique en
polyester. Ils ont pu, grâce àce matériau, réduire nettement le
temps dimmobilisation stricte à3 semaines. Si le deltoïde
scapularis est jugétrop faible, un contingent du deltoïde
moyen est parfois associéau transfert [25].
Si le pectoralis major clavicularis (faisceau claviculaire
du grand pectoral) est aussi jugétrop faible, lintervention
dite de Buntine est préconisée [54,55]. Elle consiste en une
médialisation du deltoïde antérieur prélevéavec la baguette
osseuse claviculaire en xant le tout sur le tiers moyen-
interne de la clavicule. En pratique, lintervention de Buntine
ne semble être véritablement utilisée que par les Français. La
littérature anglo-saxonne, en dehors de Johnstone, naccorde
pas dattention particulière àlabsence de faisceau clavicu-
laire du grand pectoral.
la deuxième technique fait appel au transfert du biceps
brachii sur le tendon du triceps brachii. Cette technique
décrite par Friedenberg [38] a la préférence de Zancolli
qui préconise l’économie dun tendon intermédiaire
pour limiter le risque de détente [114]. En effet, une
seule suture est, dans ce cas, réalisée. La procédure
repose sur la section de linsertion distale du biceps et la
suture au tendon du triceps après un passage sous-
cutané.Lavoiedabord initialement décrite est latérale.
Zancolli nutilise la technique de Möberg que sil ne
peut utiliser le biceps brachii. Ejeskär en fait la procé-
dure de choix en cas de exum du coude et lorsque le
patient na pas besoin dune forte exion du coude dans
ses activités journalières [22]. Pour peu que le patient
présente une attitude en supinatus associéeauexum,
cette intervention résout les deux problèmes dans un
même temps opératoire. Cest, en effet, en raison du
risque de compromettre la exion active du coude (perte
de 25 à50 % suivant les séries) que cette procédure a été
décriée par Freehafer [27]. Teissier la abandonnéeen
raison des difcultés«dintégration corticale »du trans-
plant [106]. Dautres lont ignorée sans raison après une
trèsbrève expérience [65]. La exion est, en effet, déter-
minante pour le tétraplégique dans son effort de stabili-
sation de fauteuil ou de soulèvement du lit en passant
lavant-bras àtravers la poignée suspendue. En outre,
lintégration du neotriceps et la dissociation avec les
autres muscles fléchisseurs qui conservent leur rôle sont
difciles, ce dautant plus quil existe souvent des co-
contractions brachial antérieur/biceps brachii. La réali-
sation de ce geste suppose la conservation du brachial
antérieur et surtout du court supinateur [83]. Pour Mö-
berg, cest une condition indispensable au transfert du
biceps sur le triceps. Pour Zancolli, la supination de
lavant-bras est toujours conservéesilaexion dorsale
du poignet est présente [114]. Comme, de toute façon, le
testing du court supinateur est difcile, il est souvent
nécessaire de réaliser un bloc anesthésique du musculo-
cutané, qui permettra de révéler si, àlui seul, le court
supinateurestcapable dassurer la supination de lavant-
bras [114].
Allieu [2], Revol [98] et Kuz [62] réservent son indication
aux seuls cas oùil existe une attitude en supination de
lavant-bras et surtout oùle faisceau claviculaire du grand
pectoral (major pectoralis) est absent. En effet, dans ce
dernier cas, le transfert du deltoïde scapularis est contre-
indiquécar, il serait peu efcace en absence de stabilisation
antérieure de l’épaule.
Ejeskär [22], Möberg [88], Revol [98] et Kuz [62] recom-
mandent vivement la voie médiale pour éviter le risque dune
lésion du nerf radial qui serait fonctionnellement trèspréju-
diciable.
La voie médiale est plus directe et le risque dadhérences
serait moins important [62]. Les 2 derniers auteurs ont décrit
en détail la procédure et sont les seuls àavoir fourni des
résultats tangibles, àlappui de leur choix, la casuistique de
147C. Fattal et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 46 (2003) 144155
Revol (8 patients, 13 coudes) étant supérieure àcelle de Kuz
et House (3 patients, 4 coudes).
2.2. Restauration de lextension active du poignet
Le poignet est la cléde voûte de leffet ténodèse douver-
ture et de fermeture de la main, indispensable chez le tétra-
plégique. Larthrodèse du poignet est, pour cette raison,
formellement contre-indiquée [83,89]. Cest une donnée qui
aététrèsprécocement consensuelle [26,78]. Les mains de
groupe 1 sont privées de prise ténodèse efcace en raison de
muscles radiaux faibles ou absents (groupe 1). La restaura-
tion dune extension active du poignet simpose de fait.
Lintervention de choix a étédécrite par Freehafer en
1966 [34], reprise par de nombreux chirurgiens
[14,44,48,52,61,69,91,97,99]. Le muscle donneur est le
brachio-radialis (BR) ou long supinateur àcondition que sa
cotation soit supérieure ou égale à4. Le transfert est réalisé
sur linsertion terminale de lextensor carpi radialis brevis
(ECRB) ou 2
e
radial, fournissant ainsi le trajet le plus direct
au transfert. Le réglage est réaliséen tension maximale,
poignet en exion dorsale et coude à70 à90°de exion
[36,53]. Dans une de ses dernières publications, Freehafer
proposait même dassocier lextensor carpi radialis longus
(ECRL) ou 1
er
radial au BR lors du transfert de ce dernier sur
lECRB an de renforcer lextension du poignet et de réduire
la tendance àlinclinaison radiale du poignet [36]. Waters
préconise de ne jamais associer dans le même temps la
restauration de lextension du poignet et celle dune key-grip
an de concentrer toute la rééducation sur lobtention dune
exion dorsale du poignet forte [108,109]. Lefcacitédu
transplant est directement liéeàla réanimation préalable de
lextensionactiveducoude. Fautede quoi, lebrachio-radialis
a tendance àse rétracter et entraîner une raideur en exion du
coude et en extension du poignet [10,51].
2.3. Restauration de louverture et de la fermeture
des doigts
Il sagit du corollaire ou de la nalitéde la chirurgie de
réhabilitation de lextension active du coude et du poignet.
En pratique, dans la très grande majoritédes cas, inspirée des
recommandations de Lipscomb [73] et reprise par Zancolli
[114], Hentz [43] et House [52], cette partie du programme
chirurgical est fondée sur 2 temps successifs : un premier
temps douverture (ténodèses ou transferts) associéàdes
gestes de stabilisation du pouce et/ou des autres doigts et un
deuxième temps de fermeture plus ou moins associéà
dautres gestes de stabilisation.
Hentz a préconiséde pratiquer, pour les patients les plus
motivés, le temps douverture et de fermeture en un seul
temps opératoire [44]. Il rapporte 4 bons cas dans sa publica-
tion. Cest un choix contre lequel Möberg a, dès 1980 mis en
garde [84]. Ce dernier mentionne, dans son rapport de syn-
thèse sur la conférence internationale de Göteborg en 1988,
le risque de débuter par le temps douverture évoquépar
certains participants [82]. Ceux-ci ont avancéque la discré-
tion du bénéfice fonctionnel issu du temps douverture pou-
vait démotiver certains patients quant àla poursuite du pro-
gramme chirurgical. Cest un constat que lon ne retrouve
pas dans la littérature.
2.4. Louverture de la main (Tableau 3)
Pourune grande majoritéde chirurgiens,la restaurationde
louverture de la main précède le temps de fermeture dans
une logique fonctionnelle qui vise àouvrir la main pour
approcher lobjet. Par ailleurs, lactivation de louverture est
censée assurer un meilleur réglage du plancher de lindex
dans la pince pouceindex termino-latérale. Beasley [8] et
Ejeskär[22]ont préconiséle contraire andesassurer que le
temps de fermeture soit bien réglédans un premier temps et
que le réglage de louverture se fasse par la suite. Par ailleurs,
lactivation de louverture des doigts ne peut être possible
que si le poignet est bien stabilisépar un grand palmaire ou
exor carpi radialis (FCR) actif àune cotation dau moins 3.
En effet, labsence de FCR ferait basculer le poignet en
exion dorsale àchaque effort dextension des doigts [51].
Autrement dit, seuls les groupes 4 avec un grand palmaire
moyen entre 3 et 4 et les groupes 5 sont concernés. Il sagit,
ici aussi, dune autre facette de l’évolution de la stratégie
damélioration de louverture de la main tétraplégique. Au-
delàdu groupe 5, les extenseurs de doigts sont présents. La
question de louverture ne se pose plus. De façon schémati-
que :
pourlesgroupes 2, 3 et 4,enabsence de exionactivedu
poignet, des ténodèses chirurgicales damélioration de
leffet ténodèse spontanésont réalisées
[1,13,22,24,49,72]. Ces ténodèses sont pratiquées sur
lextensor digitorum communis (EDC) au niveau du
retinaculum dorsal [104] ou sous un point osseux àla
face dorsale du radius [35], sur lextensor pollicis lon-
gus (EPL) au tubercule de Lister et éventuellement sur
lextensor digitorum minimi (EDM) et labductor pol-
licis longus (APL) [44,52,115]. Cette ténodèse vise à
amarrer les tendons extenseurs sous une languette os-
seuse sur la face dorsale du radius. Louverture du pre-
mier espace et des chaînes digitales est passive, toujours
initiée par exion palmaire du poignet, cest-à-dire par
effet ténodèse.
Dautres techniques ont étéproposées. Nous retiendrons
laplusrécente décrite par Ejeskär[22,23]. Il sagit dune
retente des bandelettes médianes et latérales de lappa-
reil extenseur du 2
e
au 5
e
doigts associéeàune stabilisa-
tion des métacarpo-phalangiennes en exion (àlaide
dun ligament articiel) et des interphalangiennes proxi-
males en extension. Certains chirurgiens ont préconisé
pour les groupes 4 daméliorer la ténodèse douverture
des doigts, soit par un transfert du BR sur le FCR [104],
soit par un transfert du PT sur le FCR [55,115], soit par
une dorsalisation du exor digitorum supercialis
(FDS) pour accentuer leffet ténodèse sur louverture
distale des doigts [22] et générer un effet de «cascade
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