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L’intervention repose sur 2 techniques très différentes :
•le transfert du deltoïde scapularis (deltoïde postérieur)
sur l’insertion tendineuse du triceps brachii ou sur l’olé-
crane avec interposition d’un tendon prothétique ou
d’un tendon endogène. La technique d’origine a été
décrite en 1975 par Möberg qui a utilisécomme tendon
intermédiaire les tendons extenseurs des orteils. Le del-
toïde scapularis est considérécomme synergique du
triceps [86]. Cette technique sera utilisée par de nom-
breux chirurgiens [8,14,19,22,96]. Elle sera, par la suite,
modifiée par d’autres auteurs [32,63,90,93,100]. Ils in-
terposeront un tendon du tibialis antérieur. Hentz et
McDowell privilégieront la bandelette de fascia lata
[43,77]. Lamb citépar Möberg a rapportéde très bons
résultats avec l’utilisation de l’extensor carpi ulnaris
comme muscle et tendon intermédiaire [88]. C. Sierra
n’utilise aucune greffe d’interposition mais prélève une
bandelette tendineuse au centre du tendon tricipital qu’il
retourne pour l’attacher au tendon du deltoïde scapula-
ris [17]. De ce fait, l’épaule reste libre en période posto-
pératoire. Cette technique a étéutilisée avec succès par
VanDen-Berghe [107] pour quelques patients et par
Ejeskär [22] qui l’a, par la suite, abandonnée en raison
d’une succession d’échecs. Mennen s’en est inspiréen
utilisant une partie du tendon distal du triceps prélevé
avec de l’os olécranien, retournée vers le haut pour être
raccordéeaudeltoïde scapularis [80]. Il rapporte des
résultats analytiques satisfaisants. En 1988, Hentz dé-
cide aussi de ne plus utiliser de tendon intermédiaire et
raccorde directement le deltoïde postérieur àl’aponé-
vrose tricipitale. Aucun résultat n’est rapporté[44].
La multitude des variantes s’explique par le fait qu’aucun
matériau intermédiaire idéal n’aététrouvépour limiter le
risque de détente et réduire en même temps les durées d’im-
mobilisation postopératoire. En France, Allieu a réaliséun
compromis en interposant une seule tresse de Dacron dou-
bléedefascia lata [5,6]. Le dacron est considérécomme une
matière biocompatible, inextensible, susceptible de limiter
lesproblèmes de détente [48].D’autres équipes —Filipettiet
Teissier d’une part [24], Bottero et Revol d’autre part [9] —
utilisent un tendon intercalaire prothétique, synthétique en
polyester. Ils ont pu, grâce àce matériau, réduire nettement le
temps d’immobilisation stricte à3 semaines. Si le deltoïde
scapularis est jugétrop faible, un contingent du deltoïde
moyen est parfois associéau transfert [25].
Si le pectoralis major clavicularis (faisceau claviculaire
du grand pectoral) est aussi jugétrop faible, l’intervention
dite de Buntine est préconisée [54,55]. Elle consiste en une
médialisation du deltoïde antérieur prélevéavec la baguette
osseuse claviculaire en fixant le tout sur le tiers moyen-
interne de la clavicule. En pratique, l’intervention de Buntine
ne semble être véritablement utilisée que par les Français. La
littérature anglo-saxonne, en dehors de Johnstone, n’accorde
pas d’attention particulière àl’absence de faisceau clavicu-
laire du grand pectoral.
•la deuxième technique fait appel au transfert du biceps
brachii sur le tendon du triceps brachii. Cette technique
décrite par Friedenberg [38] a la préférence de Zancolli
qui préconise l’économie d’un tendon intermédiaire
pour limiter le risque de détente [114]. En effet, une
seule suture est, dans ce cas, réalisée. La procédure
repose sur la section de l’insertion distale du biceps et la
suture au tendon du triceps après un passage sous-
cutané.Lavoied’abord initialement décrite est latérale.
Zancolli n’utilise la technique de Möberg que s’il ne
peut utiliser le biceps brachii. Ejeskär en fait la procé-
dure de choix en cas de flexum du coude et lorsque le
patient n’a pas besoin d’une forte flexion du coude dans
ses activités journalières [22]. Pour peu que le patient
présente une attitude en supinatus associéeauflexum,
cette intervention résout les deux problèmes dans un
même temps opératoire. C’est, en effet, en raison du
risque de compromettre la flexion active du coude (perte
de 25 à50 % suivant les séries) que cette procédure a été
décriée par Freehafer [27]. Teissier l’a abandonnéeen
raison des difficultés«d’intégration corticale »du trans-
plant [106]. D’autres l’ont ignorée sans raison après une
trèsbrève expérience [65]. La flexion est, en effet, déter-
minante pour le tétraplégique dans son effort de stabili-
sation de fauteuil ou de soulèvement du lit en passant
l’avant-bras àtravers la poignée suspendue. En outre,
l’intégration du neotriceps et la dissociation avec les
autres muscles fléchisseurs qui conservent leur rôle sont
difficiles, ce d’autant plus qu’il existe souvent des co-
contractions brachial antérieur/biceps brachii. La réali-
sation de ce geste suppose la conservation du brachial
antérieur et surtout du court supinateur [83]. Pour Mö-
berg, c’est une condition indispensable au transfert du
biceps sur le triceps. Pour Zancolli, la supination de
l’avant-bras est toujours conservéesilaflexion dorsale
du poignet est présente [114]. Comme, de toute façon, le
testing du court supinateur est difficile, il est souvent
nécessaire de réaliser un bloc anesthésique du musculo-
cutané, qui permettra de révéler si, àlui seul, le court
supinateurestcapable d’assurer la supination de l’avant-
bras [114].
Allieu [2], Revol [98] et Kuz [62] réservent son indication
aux seuls cas oùil existe une attitude en supination de
l’avant-bras et surtout oùle faisceau claviculaire du grand
pectoral (major pectoralis) est absent. En effet, dans ce
dernier cas, le transfert du deltoïde scapularis est contre-
indiquécar, il serait peu efficace en absence de stabilisation
antérieure de l’épaule.
Ejeskär [22], Möberg [88], Revol [98] et Kuz [62] recom-
mandent vivement la voie médiale pour éviter le risque d’une
lésion du nerf radial qui serait fonctionnellement trèspréju-
diciable.
La voie médiale est plus directe et le risque d’adhérences
serait moins important [62]. Les 2 derniers auteurs ont décrit
en détail la procédure et sont les seuls àavoir fourni des
résultats tangibles, àl’appui de leur choix, la casuistique de
147C. Fattal et al. / Annales de réadaptation et de médecine physique 46 (2003) 144–155