Mission sous-cutanée à l`Institut Bergonié - chu

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Partage d'expérience
Mission
sous-cutanée
à l’Institut
Bergonié
Emmanuelle Sanchez
IDE HDJ, Institut Bergonié
[email protected]
Barbara Lortal
Pharmacien, Institut Bergonié
[email protected]
L’
institut Bergonié Centre de lutte contre le cancer de Bordeaux accueille environ 50 patients
par jour en hospitalisation de jour (HDJ) pour
une séance de chimiothérapie, dont 10-15 patientes
traitées par Herceptin.
Pour le cancer du sein HER2+, l’administration de trastuzumab permet de contrôler la maladie de nombreuses
années. La chronicisation du cancer est alors réelle.
Cependant, sa représentation sociale reste toujours liée
au décès et les RDV à l’hôpital peuvent se montrer handicapants voire stigmatisants pour la patiente et son
entourage [1].
les patientes souhaitent que l’attente soit réduite d’au
moins 30 minutes.
Forts de ce constat, il nous a paru intéressant de diminuer le temps d’attente patiente en ayant recours à la
voie sous-cutanée (SC) de l’Herceptin®, 2-5 minutes
versus 30 minutes à 1 h 30. Toujours dans l’optique
d’améliorer la qualité de vie de la patiente, nous avons
choisi de réduire les temps de préparation et de transport de cet anticorps monoclonal à son minima (en ne
réalisant pas la mise en seringue à l’unité de reconstitution des chimiothérapies de la pharmacie (URC), mais
en HDJ, le temps moyen de reconstitution d’une chimiothérapie simple à l’Institut de 30-45 minutes pour
une Herceptin IV).
En 2013, KANTAR HEALTH mène l’étude « TempoR’Elles » auprès de plusieurs hôpitaux dont l’Institut
Bergonié. Cette enquête évalue entre autres, le vécu et
le ressenti des patientes atteintes d’un cancer du sein,
traitées en HDJ. Elle met en évidence que le temps
moyen de passage des patientes est de 2 h 25 à l’hôpital, dont 1 h 15 pour la perfusion, 30 minutes pour l’attente (installation et préparation/arrivée de la poche jusqu’au pied du malade) et 40 minutes réparties entre
l’administratif, le transfert entre les structures, les consultations et le départ. Le temps d’attente est ressenti comme
une contrainte dans 27 % des cas. Dans 35 % des cas,
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Le choix actuel de réaliser les anticorps monoclonaux
en unité de reconstitution des cytotoxiques est basé sur
une recommandation des BPP (bonnes pratiques de préparation). L’arrivée de la forme SC de l’Herceptin® ne
rentre plus dans le cadre de ces recommandations. Il ne
s’agit plus d’une reconstitution mais d’une mise en
seringue d’un volume fixe de 5 mL pour 600 mg. Cet
acte entre dans le cadre du décret de compétences des
infirmier(e)s. Le risque d’erreur sur la dose est nul car
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la dose est fixe (un flacon représente une dose patient),
le risque de contamination bactérienne est quasi nul car
l’administration est réalisée immédiatement. Il n’existe
pas de reliquat de produit, donc pas de perte financière.
De plus, de nombreux anticorps, telles les immunoglobulines ne sont pas préparées sous hotte. D’où le choix
de s’orienter vers une reconstitution la plus proche que
possible de l’injection au malade, sans passer par l’URC.
Ainsi, les temps d’attente correspondant à la préparation et au transport sont annulés.
Cette démarche, a été accompagnée par l’inspection en
pharmacie de l’Agence régionale de santé (ARS) d‘Aquitaine et par notre service de médecine et santé au travail, qui nous ont donné leur accord.
À ce jour, pour l’Herceptin®, nous sommes à environ
60 % de conversion en faveur de la voie SC.
Le gain de temps est réel pour les patientes. Un axe de
réflexion est en cours autour d’un accueil court à l’admission, afin d’optimiser au maximum le parcours
patient. L’équipe infirmière est satisfaite de ce fonctionnement, car elle décide du moment de l’injection.
Elle n’attend plus la préparation en provenance de l’URC.
Cependant, il est nécessaire de travailler sur les conditions de réalisation de l’injection sous-cutanée et d’optimiser l’ergonomie du geste moins technique et moins
chronophage qu’une pose de gripper, surveillance de
perfusion, déperfusion. Le temps infirmier gagné est au
minimum de 9 minutes par patiente (perfusion/déperfusion), sans comptabiliser le temps de réglage de la perfusion et les nombreuses allées/venues nécessaires à la
surveillance. En effet, l’administration reste un geste
technique de soin auprès de patientes qui ont aussi
besoin de temps pour échanger avec le soignant, période
favorable à la mise en place d’une relation d’aide.
L’URC ne prépare plus les Herceptin SC®, du temps préparateur est donc libéré pour réaliser les contrôles des
dotations d’Herceptin SC®.
Le recours à la voie sous-cutanée permet aussi une économie financière non négligeable en matière de diminution de consommation de matériel médical (matériel
nécessaire à la préparation sous hotte, set de pose, gripper, tubulure, set de débranchement, etc.). Dans notre
centre, cette économie a été chiffrée à 13,31 € par injection.
L’Herceptin® SC ouvre la voie à d’autres molécules.
Cette libération de temps technique infirmier pourrait
permettre d’attribuer plus de temps relationnel ou d’éducation thérapeutique, cœur de métier des infirmiers.
Après 9 mois de pratique de cette organisation, le médecin prescrit l’Herceptin® SC dans le logiciel de prescription CHIMIO®. Afin d’éviter toute erreur et de sécuriser
le circuit de ce médicament, les protocoles informatiques
ont été retravaillés, voire réécrits par la pharmacie. La
voie SC est précisée, dans la voie d’administration, mais
aussi dans la DCI (dénomination commune internationale) du médicament « trastuzumab sous-cutané ». L’infirmier(e) installe la patiente à son arrivée à l’HDJ, effectue une évaluation clinique avant d’apposer son OK
infirmier sur la prescription médicale informatique, dans
le logiciel. Le pharmacien valide l’ordonnance et réalise
une fabrication fictive informatique, jusqu’à l’étape dispensation, ce qui décrémente automatiquement le stock
de la PUI (pharmacie à usage intérieur). Cette action a
pour but de tracer le numéro de lot utilisé, et de gérer
le stock de la PUI.
Une fois que l’étape dispensation est visible sur le logiciel de prescription, et uniquement à ce moment, l’infirmière se sert dans la dotation d’Herceptin® SC du service. Elle assure la mise en seringue de manière
aseptique, et étiquette la seringue, conformément aux
bonnes pratiques hospitalières. Aucune préparation à
l’avance n’est permise. L’injection est réalisée immédiatement.
Le stock d’Herceptin SC® mis à disposition dans chacun
des HDJ est renouvelé après vérification des concordances entre les quantités administrées et les quantités
utilisées.
Une procédure décrivant le circuit du médicament, les
différents acteurs et les différentes étapes a été rédigée
afin de bien définir les rôles de chacun.
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Liens d’intérêts : l'auteur déclare ne pas avoir de lien
d'intérêt en rapport avec cet article.
Bibliographie
1. Pourtau L, Dumas A, Amiel P. Les individus face à l’événement
« cancer », de la crise aiguë à la crise à répétitions d’une maladie
devenue chronique dans le cadre du travail et de la famille. Temporalités 2011 ; 13.
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