Introduction à la Neuropsychologie

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Introduction à la Neuropsychologie
2006 - 2007
Lectures conseillées:
Jamie Ward, The Student’s Guide to Cognitive
Neuroscience, Hove: Psychology Press, 2006
Laurent Cohen, L’Homme Thermomètre,
Paris: Odile Jacob, 2004
Distinctions entre disciplines ou approches:
Neuropsychologie
Neuropsychologie cognitive
Neuropsychologie clinique
Neuroscience cognitive
Neuroimagerie cérébrale et fonctionnelle
Science cognitive
Neuroscience cognitive: explique (ou décrit?) la cognition
en termes de mécanismes cérébraux
un pont entre la science cognitive et la psychologie
cognitive, d’un côté, et la biologie et la neuroscience, de
l’autre
Cognitive Neuroscience
Biology
and
Neuroscience
Cognitive science
and
Cognitive psychology
La neuroscience cognitive s’est construite sur la base de
progrès méthodologiques qui permettent l’étude du
cerveau de manière sûre (déontologiquement
acceptable) en laboratoire
Evolution intéressante: EEG - ERP - MEG
Neuropsychologie cognitive: approche consistant à utiliser
des patients présentant des lésions cérébrales pour
élaborer et distinguer entre des théories de la
cognition normale
Dans les années 1970 et 1990: partie de la psychologie
cognitive
Aujourd’hui: partie de la neuroscience cognitive
Fondements historiques de la psychologie cognitive
moderne: l’approche du traitement de l’information
(à partir des années 1950) et le métaphore
“ordinateur” du psychisme (“mind”) —> biais
fonctionnaliste et computationnaliste
Débat entre autonomie et modularité versus traitement en
parallèle et interactivité
Implémentation de modèles computationnels au moyen de
réseaux neuraux (“neural networks”)
connexionnistes ou de traitement distribué en
parallèles (traitement ou représentation?) : approche
PDP (nœuds et connexions)
—> Science cognitive: sens large et sens restreint
Les connexions bidirectionnelles sont la règle plutôt que l’exception
dans les connexions entre les différentes aires du cerveau
I’inactivation d’une aire centrale sensible au mouvement (MT)
réduit la sensibilité au mouvement dans les aires visuelles V1
et V2 —> MT renvoie de l’information vers des aires de
niveau plus bas
Les contours illusoires dans les figures de Kanizsa activent des
neurones sensibles aux bords dans V1 et V2 - cet effet est plus
tardif que l’activation directe « bottom-up » de ces neurones
qui a lieu pour des bords réels, comme si elle résultait de
processus interactifs distribués sur plusieurs aires visuelles
(Lee et al., PNAS, 2001, 98, 1907-1977)
Synesthésie: un extrême d’une spectre de connectivité sensorielle—>
variabilité dans la modularité et l’interconnexion entre les
systèmes sensoriels
Est-ce que la neuroscience cognitive est en train de se
substituer à la psychologie cognitive? Est-ce que le cerveau
peut expliquer le psychisme?
Est-ce que le rôle de la psychologie est tout simplement de
proposer des théories et des expériences à la neuroscience
cognitive?
Coltheart, Harley : les modèles de traitement de
l’information ne font pas des assertions sur le cerveau
La localisation ne nous informe pas sur la nature et les
mécanismes du traitement cognitif
La neuro-imagerie ne doit-elle tester que des théories déjà
formalisées dans des modèles computationnels?
Coltheart (2006): « What has functional neuroimaging told
us about the mind (so far)? », Cortex, 42, 323-331
« I’ll claim that no functional neuroimaging research to
date has yielded data that can be used to distinguish
between competing psychological theories »
Réponses par:
Henson, Caplan & Chen, Cappa, Umiltà, Vallar, Seron &
Fias, Schutter et al., Jonides et al., Jack et al. (opposés)
Favorable: Page
+ Harley (2004)
« If only (it were so) that penetrating the skull brings into
view not the brain but the mind » (Ian McEwa, Saturday)
La psychologie cognitive est nécessaire pour permettre à la
neuroscience cognitive de formuler les questions de
recherche appropriées
Par exemple, est-ce que la reconnaissance visuelle des mots
implique le calcul d’une représentation indépendante de la
casse?
Dehaene et al. (2001): TRs et IRMf - tâche: décider si le
deuxième mot désigne un objet animé ou inanimé
(le premier n’est pas identifié consciemment, car il est
masqué - néanmoins, les TRs sont plus rapides pour le
deuxième mot lorsqu’il est le même que le premier, et ceci
indépendamment de la casse)
Ceci est aussi montré par l’activation observée dans le
gyrus fusiforme gauche
Contributions de la neuro-imagerie fonctionnelle
en psychologie cognitive
— Résoudre d’éventuelles ambiguïtés des mesures
comportementales
— Aider à décomposer les tâches cognitives en souscomposantes
(si, lors de l’exécution de deux tâches, on observe deux
activations cérébrales distinctes, on peut en conclure
qu’elles impliquent des mécanismes différents
- mais l’inférence inverse ne peut pas être faite: si on
observe la même activation on ne peut conclure que le
mécanisme est le même)
Comment un objet mental (par exemple, un mot écrit)
est-il codé? - comme une suite de lettres, de bigrammes,
une structure linguistique?
Même questionnement pour des visages, des objets, des
gestes, des intentions, le sens des mots, etc.
Autrement dit: Comment deux objets mentaux se
ressemblent ou se distinguent? Sont-ils codés à des niveaux
d’abstraction différents?
On peut y répondre, par exemple, via la méthode
d’adaptation
Il semble que l’immense majorité des régions corticales
montrent des effets d’adaptation
L’adaptation serait un phénomène synaptique, reflétant les
entrées du neurone, qui peuvent provenir du niveau
précédent ou de sa population de neurones
L’adaptation en IRMf (moyennée sur une population de
neurones) montre un bon degré de sélectivité
Problème: possibilité de facteurs attentionnels
(moindre attention au fur et à mesure de la répétition) ou
stratégiques
—> S. Dehaene propose d’utiliser l’amorçage inconscient
Neuropsychologie cognitive
et neuropsychologie clinique
Objet de la neuropsychologie clinique:
identifier, comprendre et traiter les déficits psychologiques
présentés par les patients qui souffrent de désordres
neurologiques (en particulier les déficits provoqués par
lésion cérébrale).
Deux volets: (1) diagnostic; (2) intervention thérapeutique
et rééducation.
Objet de la neuropsychologie cognitive:
la compréhension des processus cognitifs normaux en
relation avec la structure cérébrale (à partir de l’étude
de patients présentant un dommage cérébral)
La pathologie est une source d'information riche et
importante:
l'une des meilleures manières d'étudier la structure et le
fonctionnement normal du système cognitif est
d'analyser ce qui se passe quand certaines de ses
composantes sont perturbées ou détruites
La neuropsychologie cognitive fait partie des neurosciences
cognitives qui étudient comment le cerveau (système
physique dont l’activité résulte de réactions
électrochimiques) est organisé,
comment cette organisation permet le traitement de
l’information, de manière plus générale comment elle
permet l’activité mentale,
et comment ce traitement d’information conduit au
comportement
Relations entre le cerveau et le système mental
(« mind-body problem »)
Dualisme psychophysique: parallèles ou synchrones; l’un
influence l’autre; interactionnisme (Descartes, Eccles et
Popper)
Monisme psychophysique
— tout est mental (Berkeley, Hegel)
— le mental n’existe pas ou ne peut pas être étudié
(Watson, Quine)
— manifestations d’une entité unique (Spinoza, W. James,
B. Russell)
— le psychisme est un produit du cerveau:
a. Matérialisme réductionniste
b. Matérialisme émergentiste
Relations de causalité entre les niveaux d’organisation
et les formes d’activité du cerveau / psychisme
• Niveaux d’organisation
Formes d’activité
du cerveau/psychisme
• Organisation fonctionnelle
(cognitive)
• Organisation cérébrale
Traitement de
l’information
Activité éléctrochimique
Flèche en pointillé: relation de causalité qui concerne la phylogénèse
Histoire des connaissances sur le cerveau :
2.500 ans avant Jésus Christ - Imhotep, médecin égyptien,
aurait observé 48 cas de pertes fonctionnelles en rapport
avec des lésions du cerveau ou de la moelle épinière
430-350 avant Jésus Christ - Hippocrate, médecin grec,
affirme que le cerveau est responsable pour les
comportements, et remarque la relation entre certaines
lésions du cerveau et les troubles du langage ainsi qu’avec
l’hémiplégie
2ème siècle après Jésus Christ - Galène, médecin grec écrit
que les nerfs sont responsables du mouvement et qu’ils ont
leur origine dans le cerveau et la moelle épinière ; il pense
aussi que les nerfs distillent des « esprits animaux »,
stockés dans des ventricules (des espaces vides) à
l’intérieur du cerveau ; c’est ainsi qu’ils provoquent le
mouvement.
354-430 après Jésus Christ : Saint Augustin, (philosophe et
théologien chrétien) place l'esprit au sein du cerveau, dans
les ventricules.
16ème siècle - André Vésale (médecin flamand) écrit un
important traité d’anatomie du cerveau, beaucoup plus
correct que les anciennes descriptions
1ère moitié du 17ème siècle - Descartes maintient l’idée des
esprits animaux stockés dans les ventricules cérébraux;
attribue le contrôle des actions à la glande pinéale
1667 - F. Glisson (médecin et anatomiste britannique) : la
contraction d’un muscle n’entraîne pas d’augmentation de
son volume —> les nerfs ne sont pas parcourus par des
fluides
milieu du 18ème - Alexander Monro (anatomiste et
chirurgien) : un nerf ligaturé ne gonfle pas en amont de la
constriction —> les nerfs sont des cordons pleins
Depuis Descartes (3 siècles et demi):
Différenciation des fonctions périphériques:
L’activité électrique dans le système nerveux
progresse dans un seul sens —> distinction anatomique et
fonctionnelle entre nerfs sensoriels et nerfs moteurs
Différenciation des fonctions mentales ou cognitives:
La philosophie des facultés (Th. Reid) et la
phrénologie de F.J. Gall —> le débat entre
« localisationnistes » et holistiques (l’équipotentialité)
début du 19ème siècle - Franz Joseph Gall propose l’idée
d’une relation entre fonctions cognitives et régions du
cerveau, et que les différentes « facultés » ont des sièges
bien localisés dans le cerveau, plus précisément dans le
cortex cérébral; naît l’idée d’une spécialisation de
certaines aires cérébrales pour certaines fonctions
1826 - Johannes Müller (physiologiste) montre que les
nerfs transmettent une impulsion nerveuse, électrique
à peu près à la même époque - Charles Bell (anatomiste
écossais) et François Magendie (physiologiste français)
associent les nerfs sensoriels et les nerfs moteurs,
respectivement, aux racines dorsales et ventrales de la
moelle épinière
1838 - Müller affirme que le fait que le cerveau distingue
entre un son et une lumière est lié à la localisation dans le
cerveau où arrivent les impulsions
1854 - Louis Gratiolet propose la division du cerveau en 4
lobes
1861 - Broca (chirurgien et anthropologue français)
examine le cerveau de monsieur Leborgne, qui avait une
perte quasi complète du langage et constate que ce patient
aphasique avait une lésion dans la partie postérieure du
lobe temporal de l’hémisphère gauche
1870 - Gustav Fritsch et Eduard Hitzig (médecins
allemands) développent la même idée que Müller ci-dessus
en ce qui concerne l’origine cérébrale des mouvements
1871 - Julius Bernstein (électrophysiologiste allemand)
montre que ce qui est propagé dans le système nerveux est
une charge électrique négative
1874 - Wernicke (neurologue allemand) observe qu’une
lésion dans la zone supérieure du lobe temporal de
l’hémisphère gauche est associée à des difficultés dans la
compréhension du langage
1875 - Richard Caton (médecin britannique) démontre
pour la première fois, sur des animaux, l’existence d’une
activité électrique dans le cerveau liée à l’activité mentale
1879 - Sir Mac Ewen, chirurgien, opère avec succès une
tumeur cérébrale dont il avait établi lui-même la
localisation : c’est le début de la neurochirurgie
entre 1888 et 1895 - Santiago Ramon y Cajal
(neurophysiologiste espagnol) propose la théorie des
neurones : il montre que le tissu cérébral est constitué de
cellules (les «neurones») qui, contrairement à celles des
autres tissus vivants, sont libres et séparées par de fins
espaces, et il émet l'hypothèse d'un mode de
communication chimique entre ces cellules. Il a reçu pour
cela le Prix Nobel en 1906
1909 - Korbinian Brodmann (neurologue allemand) établit
une carte des aires du cerveau, en donnant un numéro
différent à chaque aire. Cette numérotation est encore une
référence aujourd’hui
1922 - Ralph Lillie (neurophysiologiste américain) met en
évidence le mécanisme de la conduction de l’impulsion
nerveuse le long du nerf
1929 - Hans Berger (psychiatre allemand) fait les premiers
enregistrements d’électroencéphalogrammes
1930 - Découverte des isotopes (éléments radioactifs,
instables, qui émettent des positons), sans cette découverte
il n’aurait pas été possible, plus tard, d’inventer la TEP
1932 - Ch. Sherrington (neurophysiologiste) reçoit le prix
Nobel de médecine (avec E. D. Adrian) pour leur travail
sur les neurones. Sherrington donna le nom de « synapse »
à l’espace de communication entre les neurones
1935 - Stroop (psychologue américain) rapporte un effet
qui démontré le caractère irrépressible de la lecture
1936 - découverte des propriétés magnétiques de
l’hémoglobine, dans le sang ; sans cette découverte, il
n’aurait pas été possible, plus tard, d’inventer l’IRM
1936 - Egas Moniz, neuropsychiatre, reçoit le Prix Nobel
pour avoir développé la psychochirurgie : il a fait opérer
des patients psychiatriques (lobotomies frontales) afin
d’améliorer leur état mental ; les résultats ont eu des
conséquences indésirables (apathie, forte diminution de la
réactivité et de l’intelligence).
Il faut distinguer la psychochirurgie de la neurochirurgie,
qui peut être nécessaire, par exemple, en cas de tumeur ou
de crainte de rupture d’anévrisme
1937 - Le neuroanatomiste Papez met en évidence un
ensemble de structures que sera appelé « circuit de Papez »
et dont on montrera plus tard qu’il intervient dans la
consolidation des souvenirs
1947 - démonstration de l’existence des synapses, grâce à
la microscopie électronique inventée par Ernst Ruska (prix
Nobel de physique en 1986) et Max Knoll, physiciens
allemands. Le travail sur les synapses fut récompensé par
un prix Nobel donné à Eccles, Huxley et Hodgkin en 1963
1950 - Penfield et Rasmussen (neurologues à l’Institut
Neurologique de Montréal) établissent la carte
fonctionnelle du cortex moteur et dessinent l’homunculus
moteur
1960 - Hubel et Wiesel, psychophysiologistes américains,
reçoivent le Prix Nobel de Médecine pour avoir mis en
évidence les propriétés fonctionnelles des neurones du
cortex visuel
1960 - Première technique de cartographie du débit
sanguin cérébral chez l’animal vivant par l’équipe de Lou
Sokollof aux EUA (en injectant un traceur radioactif).
L’animal est euthanasié dans les minutes qui suivent
l’expérience, son cerveau découpé en tranches fines qui
sont déposées sur des plaques photographiques afin de
mesurer la quantité locale de radioactivité
1960 - Début des études sur les sujets humains
commissurotomisés, aussi appelés sujets à cerveau divisé
On découvre que les deux hémisphères travaillent
ensemble. Leurs interactions sont assurées par des
connexions inter-hémisphériques, dont la plus importante
est le corps calleux.
Cette structure neurale permet donc le passage de
l’information d’un hémisphère à l’autre : ainsi, un patient
chez qui l’on a coupé le corps calleux aura de grandes
difficultés à coordonner les mouvements précis des deux
mains
1961 - David Ingvar et ses collègues ont pu utiliser un gaz
radioactif, le Xénon 133, chez l’homme, de manière
inoffensive, et recueillir une image de l’activation moyenne
du cerveau pendant quelques minutes
à partir du milieu des années 1960 - grand développement
de la psychologie cognitive expérimentale, conduisant à
l’analyse fine des composantes de l’activité cognitive ; les
modèles théoriques élaborés ont par la suite été utilisés
dans les études sur le fonctionnement du cerveau
à partir de 1970 - reprise intensive des études de patients
individuels, qui montrent une perte ou diminution d’une
capacité bien précise. Ces études se basent sur des modèles
théoriques de la capacité en question et essayent de mettre
en évidence des « doubles dissociations ». Par exemple,
alors qu’un patient qui peut lire un mot irrégulier comme
« femme » ne peut pas lire un non-mot comme « fimme »,
un autre patient montre exactement le déficit inverse
1974 - construction de la première caméra TEP
1977 - construction de la première caméra IRM
1979 - premières mesures avec la caméra TEP de la
consommation de glucose dans le cerveau
1980 - Sperry (neurophysiologiste et neuropsychologue)
reçoit le Prix Nobel de Médecine pour avoir montré le rôle
important des commissures inter-hémisphériques et en
particulier du corps calleux dans le comportement
1981 - premières mesures avec la caméra TEP de la
consommation régionale d’oxygène dans le cerveau
1991 - premières mesures de IRMf
Progrès actuels considérés comme révolutionnaires:
Glimcher & Kanwisher, in Cognitive neuroscience,
editorial overview, Current Opinion in Neurobiology, 2006:
« Real progress is being made on one of the greatest
scientific questions of all time: the effort to understand the
nature and workings of the human mind »
Illes & Bird, in Trends in Neurosciences, 2006:
« In 1957, Sir Francis Bacon wrote « Knowledge is power »
(‘Ipsa scientia potestas est ». The potential of new
neuroscience knowledge is almost beyond
comprehension... »
Est-ce que notre compréhension du cerveau et de comment
il cause le comportement peut affecter notre idée du libre
arbitre et, par conséquent, de la responsabilité morale?
Doutes sur le libre arbitre:
— (venant d’en haut) doctrine théologique : comment un
Dieu omniscient ne pourrait-il pas savoir ce qu’on va faire,
et s’il le sait est-ce que nous sommes encore libres de faire
ce que nous voulons?)
— (venant d’en bas) théorie physique : nous sommes
soumis à des lois naturelles déterministes, et si l’univers
n’est pas déterministe alors il est aléatoire et c’est le
hasard et pas notre volonté qui détermine nos actes
Tous ces problèmes existent indépendamment des
neurosciences
L’indéterminisme à un niveau
(par exemple taux de décharge des neurones ou
interactions entre atomes et molécules)
n’est pas incompatible avec le déterminisme à un autre
niveau
(l’opération du système à un niveau plus élevé - par
exemple l’organisation des types de traitement de
l’information - peut être déterminée par des lois)
Le fait de nous voir comme des êtres biologiques n’affecte
pas notre notion d’êtres libres et responsables
Deux faits certains, documentés:
1. L’intuition du libre arbitre est très précoce au cours du
développement
2. Nos jugements sur le libre arbitre et la responsabilité
morale sont fortement affectés par nos émotions
Les neurosciences n’affecteront nos conceptions que si elles
suppriment les descriptions mentalistes de nos états
Question? Libre arbitre ou contrôle (probablement
dépendant du système en question)
Depuis 50 ans:
1. Les études de séries et de groupes de patients
(y compris les « split brain »)
2. Les études du phénomène de latéralité chez le sujet
normal
3. Les études de cas uniques
4. Les études expérimentales associées à des méthodes
« neuroscientifiques »
1.
Etude de séries
(groupement par syndrome
ou par lésion anatomique):
mise en évidence de différences inter-hémisphériques et
intra-hémisphériques au moyen de la comparaison de
groupes différant par le lobe (ou une autre grande région
cérébrale) lésé
Causes possibles de lésion: lésions traumatiques,
accidents vasculaires, tumeurs, neurochirurgie,
troubles neuro-dégénératifs, infections virales, …
rôle historique des études de séries, critiques,
situation actuelle
Les « lésions virtuelles »: la TMS
(pour mémoire et présentation ultérieure)
Cas particulier (précédant de peu les études de cas
uniques):
Études sur des sujets « split-brain » ou commissurotomisés
principes sur lesquelles se fonde l’inférence d’une
asymétrie inter-hémisphérique
(projection et contrôle controlatéraux)
Principaux apports
2. Effets de latéralité:
Les effets d’hémichamp visuel (mots, visages)
Les effets de latéralité auditive:
– Intérêt actuel:
1. Illustration du rôle des facteurs neuroanatomiques et
physiologiques d’une part, et cognitifs (attention)
d’autre part
Cf. les modèles explicatifs à propos de
l’alternative « effets d’oreille » versus « effets
d’origine spatiale » (y compris le modèle de balance
inter-hémisphérique - M. Kinsbourne - dans la
distribution spatiale de l’attention)
extension de la problématique à la description et
compréhension des effets spatiaux (position frontale)
2. L’utilisation des effets de latéralité dans l’étude des
capacités perceptives et la notion de modes de
traitement:
études sur la parole,
sur la musique
et sur la prosodie (linguistique et émotionnelle)
Utilisation de la supériorité de l’oreille droite
(SOD) en écoute dichotique pour la mise en
évidence de l’inhibition de l’attention (laquelle
dépend d’aires corticales préfrontales)
Saetrivk & Hugdahl (2006)
Expérience 1: présentation binaurale d’une amorce CV,
soit différente des deux stimuli de la paire soit identique à
l’un d’eux (à gauche ou à droite). Si identique à celui de
gauche, augmentation de la SOD, si identique à celui de
droite renversement de l’effet
Expérience 2: amorce visuelle (effets de la manipulation
dans la même direction mais réduits, et avec amorce à
droite l’effet de SOD se maintient, plus petit)
L’attention à de nouveaux stimuli s’accompagne de
l’inhibition des stimuli préalablement perçus
L’inhibition de l’amorce et, donc, l’inhibition du même
côté de stimulation a pour effet de favoriser le traitement
du stimulus du côté opposé
Cette interprétation est similaire à celle de l’effet
d’amorçage négatif:un mécanisme qui rend difficile l’accès
aux stimuli ignorés
Dans l’Expérience 1 l’effet d’inhibition a lieu directement
au niveau du traitement phonétique (stade précoce), et
dans l’Expérience 2 à un niveau ultérieur (stade tardif),
sensible à l’influence des représentations orthographiques
Modèle à deux stades de Hiscock et al. (2005): 1.
Traitement automatique, les manipulations ayant un effet
sur la détection; 2. Traitement contrôlé, les manipulations
ayant un effet sur la localisation
Dans un environnement où l’écoute est dégradée par la
présence de sources multiples, il est important de cesser de
faire attention aux stimuli déjà reconnus afin de
commencer le traitement des nouveaux stimuli
3. Idées sous-jacentes à l’étude de cas uniques
Idée de modularité:
Marshall (1984): "La neuropsychologie - le nom
couramment à la mode pour la phrénologie - a adopté de
manière non ambiguë le principe de la modularité"
En effet, on peut observer par exemple:
- des aphasies isolées, simultanément avec une intelligence nonverbale, des habiletés visuo-spatiales et des fonctions
d'apprentissage non verbal bien préservées;
- des agnosies visuelles sévères chez des patients sans perte
sensorielle et sans détérioration intellectuelle, et qui peuvent faire
des copies excellentes de dessins géométriques complexes ou de
scènes présentées devant eux;
- des cas de perturbations sévères de l'orientation spatiale et de la
topologie alors que les habiletés linguistiques sont préservées, et
qu’ils gardent une bonne intelligence verbale et une perception
normale de figures;
- des patients dont les habiletés de calcul arithmétique sont très
perturbées alors que la mémoire et le langage sont normaux.
Marshall conclut de la manière suivante: Gall a pu mettre
ses organes dans les mauvaises places, mais il a spécifié les
"bons" organes (langage, forme, localisation, mélodie,
nombre).
Gross (1985): il y a beaucoup d'exemples de lésions cérébrales ayant
un effet spécifique sur une faculté verticale, mais il n'y a pas
d'indication qu'une lésion cérébrale (ou drogue, ou stimulation
cérébrale) affecte sélectivement et globalement une faculté
horizontale telle que la mémoire, l'attention, la perception ou la
volonté.
Exemple: la mémoire.
Même des lésions dans la région de l'hippocampe, qui ont un effet
massif sur beaucoup de types de mémoire, laissent la mémoire des
habiletés motrices intacte. Les lésions de l'amygdale affectent
surtout la mémoire des objets mais pas la mémoire spatiale,
topologique. Les lésions temporales inférieures affectent les
mémoires visuelles, mais pas la mémoire dans d'autres modalités.
Idée de "systèmes fonctionnels" (Luria) - au sens de
processus qui impliquent la participation intégrée d'un
certain nombre de tissus et organes (comme la fonction de
la digestion, de la circulation et de la respiration)
Geschwind (1967): « Wernicke était l'un des premiers à voir
clairement l'importance des connexions entre différentes parties
du cerveau dans la construction des activités complexes.
Il a rejeté les deux approches du système nerveux qui encore
aujourd'hui sont souvent présentées comme les seules possibles.
D'une part, il s'est opposé à la théorie de l'équipotentialité du
cerveau ; de l'autre il a rejeté le point de vue phrénologique qui
considérait le cerveau comme une mosaïque d'innombrables
centres distincts.
Il a affirmé que les activités complexes sont apprises au moyen des
connections entre un petit nombre de régions fonctionnelles qui
s'occupent des activités sensorielles et motrices primaires. »
Principe de base de l’approche
neuropsychologique:
la désorganisation du système fonctionnel à la suite d'une
lésion cérébrale entretient une certaine relation avec
l'organisation normale de cette fonction
• De ce principe résultent trois postulats: de
transparence, d’universalité minimale, et de
« soustractivité »
Postulat de transparence:
les comportements du sujet cérébro-lésé vont pouvoir nous
informer, moyennant des précautions d'interprétation, à la
fois sur le fonctionnement du système lésé et sur celui du
système normal
Postulat d'universalité minimale:
il y a des organisations communes à tous les individus et
par conséquent les inférences réalisées à partir de patients
particuliers ont une portée générale
Il faut néanmoins préciser quelles organisations et quels
types de fonctionnement sont universels, car les systèmes
de croyances, notamment, mais pas seulement eux,
peuvent varier suivant l'expérience individuelle et les
facteurs socioculturels
Postulat de « soustractivité »
sa formulation peut se séparer en une version radicale et
une version nuancée
Version radicale: un comportement pathologique est le résultat
du système normal moins le composant endommagé
Cette version ne tient pas compte de la réorganisation éventuelle
du système suite à la lésion ni de l'émergence d'opérations
compensatoires (par exemple, les opérations utilisées par le
patient qui fait une lecture lettre par lettre)
Version nuancée: le cerveau adulte n'est plus capable de
développer des structures nouvelles pour pallier à la perte
des structures endommagées, mais peut développer des
stratégies nouvelles qui utilisent les structures pré-existantes
Peut-on inférer les mécanismes normaux des fonctions
cérébrales à partir des effets comportementaux d'une
lésion?
Les inférences qu'on peut faire sont loin d'être directes. Une lésion à
un endroit peut provoquer des effets qui ne sont pas spécifiques des
fonctions ou des processus normalement réalisés par le tissu neural
atteint.
1.
Le comportement anormal suite à une lésion peut refléter soit le
fonctionnement anormal du tissu atteint soit le fonctionnement du
tissu restant. Celui-ci peut réagir négativement ou au contraire
compenser la perte de la fonction, et par conséquent il peut accroître
ou au contraire minimiser le déficit comportemental.
2.
Une lésion peut produire des modifications en interrompant des
connexions et en libérant d'autres aires de la facilitation ou de
l'inhibition que l'aire atteinte exerçait sur elles.
Exemple: Si une lésion interfère avec l'écriture, cela ne signifie pas
nécessairement que l'aire atteinte constitue le "centre" de l'écriture.
L'écriture est une activité complexe qui exige beaucoup de processus
et beaucoup de fonctions: le contrôle sensoriel et moteur sur le
membre qui écrit ; la fonction linguistique ; un degré important
d'attention, etc.
Quand une personne écrit, les aires du langage et les aires motrices
doivent être coordonnées. Les lésions qui les déconnectent
produisent de l'agraphie même s'il n'y a pas de déficit linguistique
ni moteur.
Ainsi, une lésion dans le corps calleux peut déterminer une agraphie
de la main gauche, en déconnectant les aires du langage de
l'hémisphère gauche de l'aire motrice de l'hémisphère droit.
Principe de double dissociation (Teuber, 1955):
« Pour démontrer la spécificité du déficit de discrimination visuelle il
ne suffit pas de montrer que la discrimination dans une autre
modalité, par exemple la somesthésie, n'est pas affectée.
Une simple dissociation pourrait indiquer simplement que la
discrimination visuelle est plus vulnérable aux lésions temporales
que la discrimination tactile. Ce serait le cas d'une hiérarchie de
fonctions plutôt que d'une localisation séparée.
Ce qui est nécessaire pour une preuve concluante c'est la 'double
dissociation', c'est-à-dire l'observation que la discrimination
tactile peut être perturbée par une autre lésion sans perte dans
des tâches visuelles et à un degré de sévérité comparable. »
Teuber (1959):
"la double dissociation exige que le symptôme A apparaisse lors de
lésions dans une structure mais non dans une autre, et que le
symptôme B apparaisse lors de lésions dans la dernière structure
mais non dans la première. Chaque fois qu'une telle dissociation
manque, la spécificité des effets des lésions n'a pas été démontrée. »
• De manière générale la double dissociation entre tâches
exige qu'une certaine variable affecte la tâche 1 mais pas
(ou significativement moins) la 2, alors qu'une autre
variable produit les résultats inverses
Une double dissociation peut être comparée,
mathématiquement, à une interaction croisée dans une
analyse de la variance.
On ne peut donc pas la faire disparaître, mais seulement
modifier son allure, en manipulant l'échelle de l'ordonnée
(c'est-à-dire, de la performance), alors que de telles
manipulations peuvent conduire à faire disparaître une
interaction simple
En outre, l'interaction simple pourrait dans certains cas
être due à un artefact du type effet plancher ou effet
plafond
Luria a introduit le principe de la dissociation dans
l'analyse des syndromes ou constellations de symptômes:
"En présence d'une lésion locale qui cause directement la
perte d'un certain facteur, tous les systèmes fonctionnels qui
incluent ce facteur en souffrent, tandis que, en même temps,
tous les systèmes fonctionnels qui n'incluent pas le facteur
perturbé sont préservés. »
Par exemple:
Une atteinte dans la région temporale gauche provoque
une perturbation de l'analyse des phonèmes et de toute
fonction qui exige cette analyse (répéter ce qu'un autre a
dit, écrire sous dictée), mais non des fonctions qui
n'exigent pas une telle analyse, comme la perception
spatiale (de relations spatiales entre objets).
Réciproquement, une atteinte pariéto-occipitale épargne
toutes les fonctions qui dépendent de l'analyse
phonémique mais perturbe toutes celles qui dépendent
du traitement des données spatiales.
Discours / mot oral
Texte / mot écrit
Analyse
visuelle/orthographique
Analyse
auditive/phonologique
Lexique phonologique
d’entrée
Lexique orthographique d’entrée
Conversion graphophonologique
(contrôlée
et séquentielle)
Système
sémantique
Lexique phonologique
de sortie
« Buffer » des
unités phonologiques
Articulation
Lexique orthographique
de sortie
Conversion
phono-graphique
« Buffer » des
unités graphémiques
Réalisation graphique
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