À un moment, le grand-père plongea sa main tout entière sous un amas de
cartes postales, fouilla le fond de la boîte, puis en ressortit son poing serré. Il
tourna sa paume au ciel et rouvrit doucement ses doigts, laissant apparaître une
sorte de pépite jaune brillant très fort. « Ma petite Sophie, ceci est la graine d’un
arbre magique. Il te suffit de la planter sous quelques centimètres de terre, dans
un endroit du jardin que tu aimes, pourvu qu’elle soit au soleil et à l’abri du vent.
- Oh ! s’émerveilla Sophie. Un arbre magique ? Mais de quelle magie parles-tu
grand-père ?
- Tu le sauras si tu chéris et protèges cette graine, puis l’arbre qu’elle fera
naître, tout comme le secret que je te confie aujourd’hui. Maintenant va, ma
petite. »
Sophie ne demanda pas son reste et fila à toute allure. Elle
savait déjà où elle planterait cette pépite magique : tout au
fond du jardin, près de la mystérieuse forêt à deux pas de la
cabane où elle se cachait souvent pour raconter des secrets
à sa poupée et où personne ne venait la déranger. Elle
creusa un trou avec application, y déposa la graine, en se
répétant les mots de grand-père : « quelques centimètres…
au soleil… et à l’abri du vent. »
Une fois cela terminé, elle alla remplir son arrosoir d’eau fraîche et arrosa la
terre. Elle traça aussi un cercle autour de la pépite enfouie et le décora de
pierres empruntés à l’allée centrale du jardin. Puis elle recula de quelques
mètres et admira fièrement son ouvrage. Elle attendit, quelques instants,
espérant voir surgir une petite pousse verte du sol. Mais rien ne se passa.
Elle se rappela que les plantes, les fleurs et les arbres ont besoin de temps pour
grandir et regagna donc la maison, résignée à patienter jusqu’au lendemain.
Sitôt réveillée, Sophie bondit de son lit, dévala les escaliers, traversa la cuisine
comme une fusée, laissant à peine échapper un furtif « B’jour » à son grand-père
qui préparait le petit déjeuner. Elle se précipita vers la vieille porte à carreaux
donnant sur la cour et galopa en direction du fond du jardin. Arrivée près de sa
cabane et de son pommier fétiches, elle demeura bouche-bée. Se dressait
devant elle le plus joli des arbres que ses yeux eussent jamais vus : il mesurait
quelques mètres de haut, n’étant ni démesurément grand, ni trop petit. Son
contour figurait une courbe arrondie dans le ciel et ses feuilles, en forme de
larges cœurs et d’un vert vif et tendre, le décoraient à merveille.
Sophie s’approcha avec hésitation, comme si elle ne pouvait pas croire au
spectacle qui s’offrait à elle. Elle frôla le tronc de la main pour s’assurer qu’il était
bien réel. « Shhhhhh…. » L’arbre agita son feuillage qui fit siffler l’air. Sophie fit
un bond en arrière. Puis elle se ravisa, s’approcha à nouveau et vint cette fois le
tâter avec plus d’assurance. « Shhhhh… Shhhhhh », il remua ses branches de
plus belle.
La forêt… un trésor !
fascicule 04 : page 15