Le conséquentialisme • Une clarification par rapport au cours de la semaine dernière • Le Conséquentialisme – définition & analyse • La théorie conséquentialiste la plus connue: l’utilitiarisme - les origines chez Bentham et Mill - comment définir l’utilité? - des problèmes de l’approche et solutions possibles - le texte de Peter Singer - l’utilitarisme en application (en bioéthique) Descriptif vs normatif Dans le contexte de l’analyse des prémisses d’un argument moral, nous avons fait la distinction entre des prémisses empiriques et morales. • un énoncé descriptif: un énoncé qui vise à représenter le monde tel qu’il est • un énoncé empiriques: un énoncé qui vise à représenter le monde tel qu’il se nous présente à travers de nos sens ( = une sous-catégorie du descriptif) • un énoncé normatif: un énonce qui se prononce sur la question de comment le monde devrait être • un énoncé moral: un énonce qui se prononce sur la question de comment nous devrions agir dans le monde Le conséquentialisme… • « Actions, politiques et institutions ne sont pas jugées en fonction de leur nature intrinsèque, en fonction des intentions qui les inspirent, des vertus qu’elles manifestent ou des devoirs auxquels elles se conforment; elles ont à être jugées en fonction des conséquences que l’on peut, avec plus ou moins de certitude, leur attribuer. » (C. Arnsperger et P. van Parijs, Éthique économique et sociale, La Découverte, 2003) • Si on accepte que du ‘bien’ est préférable à du ‘mal,’ le principe de maximiser le bien dans le monde se présente comme un élément de notre rationalité pratique …en contraste avec? • Problème: des conflits avec nos valeurs morales fondamentales • Alternative: des théories morales qui contiennent des éléments relatif à l’agent => ces éléments relatifs à l’agent peuvent prendre la forme de permissions ainsi que de contraintes. • Mais: nous sommes toujours à la recherche d’une théorie morale qui incorpore des considérations relatives à l’agent d’une manière satisfaisante. Quel type de conséquentialisme va nous préoccuper ici? • Diversité: il existe beaucoup de versions différentes du conséquentialisme • La version la plus connue: l’utilitarisme • Question importante: Même si on décide d’être conséquentialiste, pourquoi choisir la version utilitariste? Jeremy Bentham & John Stuart Mill • À l’époque, la thèse utilitariste avait un caractère révolutionnaire (Bentham: « chacun compte pour une unité, et personne pour plus d’une unité ») • Chez Bentham, les notions de plaisir et peine qui constituent l’utilité étaient conçues de manière exclusivement physique (« il vaut mieux d’être un porc satisfait que Socrate insatisfait ») • Chez Mill, la notion d’utilité est élargie pour inclure des plaisirs ou peines non-physiques, p.ex. esthétiques • L’argument classique pour l’utilitarisme est le ‘preuve’ du concept par Mill. Il procède en trois étapes: 1) Happiness is desirable. 2) The general happiness is desirable. 3) Nothing other than happiness is desirable. => à chaque étape, des critiques pertinentes ont été avancées • Pourquoi l’utilitarisme est-il attractif? 1) absence de bagage métaphysique 2) conforme à nos intuitions conséquentialistes Définir le bien-être • L’utilité comme hédonisme • L’utilité comme état mental non hédoniste => Critique de Robert Nozick: la machine d’expérience • L’utilité comme satisfaction des préférences => problème: des croyances erronées sur nos préférences • L’utilité comme satisfaction des préférences informées => problème: mesurer le bien-être / Quelles sont nos préférences informées? Même devant ces problèmes, l’utilitarisme n’est pas pire placé que d’autres théories morales. Des problèmes épistémologiques ne suffiront pas pour disqualifier la position normative. => Mais cette position normative, est-ce qu’elle tient la route? Quelques objections • L’utilitarisme classique ne respecte pas les obligations spécifiques que nous avons => exemple: un prêt => le fait que les actions des gens n’ont aucune influence sur ce qui est recommandé comme l’action morale ne correspond pas à nos intuitions • L’utilitarisme classique inclut des préférences qui devraient être exclues => exemple: discrimination raciale • L’utilitarisme ne tient pas compte de questions distributives => la réponse standard des utilitaristes à cette objection est l’observation que dans certaines conditions, la maximisation d’utilité en effet exige une distribution égale Quelques objections II • La maximisation d’utilité peut exiger des actes considérés « immoraux » => p.ex. le choix entre l’exécution de dix personnes ou de tuer une personne soi-même • L’utilitarisme est une théorie trop exigeante, comme elle nous demande de subordonner nos propres objectifs à la maximisation d’utilité => en réponse à ces objections, les utilitaristes ont développé une variante plus sophistiquée de leur théorie: l’utilitarisme de règle L’utilitarisme de l’acte versus l’utilitarisme de règle Les définitions de John Harsanyi: “Act utilitarianism is the view that each individual act must be judged directly in terms of the utilitarian criterion. Thus a morally right act is one that, in the situation the actor is in, will maximise social utility. In contrast, rule utilitarianism is the view that the utilitarian criterion must be applied, in the first instance, not to individual acts but rather to the basic general rules governing these acts. Thus a morally right act is one that conforms to the correct moral rule applicable to this sort of situation, whereas a correct moral rule is that particular behavioural rule that would maximise social utility if it were followed by everybody in all social situations of this particular type.” (John C. Harsanyi, “Morality and the theory of rational behaviour”, in Sen and Williams (eds.), Utilitarianism and Beyond, 1982, p.41) => deux avantages de l’utilitarisme de règle => Est-ce qu’il existe vraiment une différence catégorique? => Même si un utilitarisme de règle fournit la bonne réponse – à savoir, s’il réussit à identifier l’action morale – il le fait pour des mauvaises raisons => exemple: respecter des promesses Deux justifications de l’utilitarisme en conflit 1) L’utilitarisme comme forme d’égalité de traitement => les intérêts de chaque individu reçoivent le même poids => selon cette interprétation, la maximisation de l’utilité est un principe secondaire, qui découle du traitement égal des individus => problème: dés que nous essayons de rendre cette notion de traitement égal plus concrète, on s’aperçoit de tensions entre l’égalité et la maximisation de l’utilité (voir prochaine diapositive) 2) L’utilitarisme téléologique => ici, la maximisation de l’utilité avance au rang de principe fondamental => question: Justification? Pourquoi est-ce que nous avons une obligation morale de maximiser l’utilité? => problème: les individus sont dégradés à un rôle de moyens de la maximisation de l’utilité Problème additionnel pour l’utilitarisme: les deux justifications ne sont pas compatible Utilité totale versus utilité moyenne • Le critère de maximisation peut être appliqué soit à la somme d’utilité, soit à son niveau moyen • Problème: les deux versions peuvent engendrer des recommandations inacceptables en ce qui concerne la ‘gestion’ de la taille de la population • Ce problème se pose d’autant plus dans un contexte comme la bioéthique L’éthique comme une partie de la théorie du comportement rationnel “The concept of rational behaviour arises from the empirical fact that human behaviour is to a large extent goal-directed behaviour. Basically, rational behaviour is simply behaviour consistently pursuing some well defined goals, and pursuing them according to some well defined set of preferences or priorities.” (Harsanyi, 42) Les éléments d’une théorie du comportement rationnel selon Harsanyi: 1) La théorie de comportement rationnel individuel a) sous certitude b) sous risque Théorie d’utilité Théorie de décision c) sous incertitude 2) La théorie des jeux – interactions entre individus avec des intérêts divergents 3) L’éthique – théorie de comportement rationnel au service des intérêts communs dans la société Peter Singer – utilitariste contemporain • Qu’est-ce que c’est un comportement éthique? => un comportement qui essaie de se justifier en faisant appel à des raisons • Le point de vue universel: « un principe éthique ne peut pas être justifié par sa relation à un groupe partial ou partisan » (Questions d’éthique pratique, 22) • Singer présente l’utilitarisme comme une position minimale => il interprète l’évaluation des conséquences comme une partie intégrale de l’adoption du point de vue universel, sans essayer de défendre des principes éthiques plus substantiels L’utilitarisme comme instrument politique • On peut critiquer l’utilitarisme pour l’ambiguïté des recommandations politiques qu’on en tire => exemple: redistribution versus affirmation du capitalisme et des résultats distributifs du marché • 2 réponses: => l’utilitarisme n’est pas la seule théorie morale qui peut être interprétée dans plusieurs façons => il existe des positions utilitaristes qui sont assez précises dans leurs recommandations • Peter Singer, “Famine, Affluence, and Morality”, Philosophy and Public Affairs 1 (1972), 229-243. => Singer suggère qu’une position utilitariste exige une redistribution énorme vers les pauvres du monde L’utilitarisme en bioéthique • Considérations à deux niveaux: décisions particulières et législation (voire utilitarisme de l’acte versus utilitarisme de règle) => p.ex. euthanasie => p.ex. des expériences avec des sujets humains • Les défis: la réflexivité des sciences sociales; ignorance des conséquences sociales (voir la semaine dernière); Conclusions • Le conséquentialisme exclut des considérations relatives à l’agent • Il y a plusieurs manières de définir la notion de l’utilité ou du bien-être • L’utilitarisme peut s’adresser et à des actes particuliers et à des règles de comportement; le premier réussit à résoudre quelques uns des problèmes de l’utilitarisme de l’acte, mais pas tous • Il semble que la valeur de l’utilitarisme en bioéthique dépend en partie du contexte Travail de groupe Discussion de l’argument de Peter Singer dans son article « Famine, Affluence, and Morality », Philosophy and Public Affairs 1/3 (1972), 229-43. Point de départ: observation et pauvreté et souffrance dans le monde; nous considérons des contributions d’aide vis-à-vis les régions et individus en questions comme actes de charité Argument: cette division entre charité et obligation morale est mal conçue; ces contributions d’aide sont en fait exigées par nos principes moraux Conclusion: une redistribution énorme de ressources Questions: 1) Est-ce que vous êtes d’accord avec l’argumentation de Singer? Si sa position est plausible, qu’est-ce qui nous arrête de mettre en place ses recommandation? 2) Analysez si l’application de l’utilitarisme en bioéthique fait face à des défis similaires ou différentes.