Cours 6 - Alain Lecomte

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Logique et raisonnement
scientifique
cours transversal
Collège Doctoral
Pr. Alain Lecomte
6- Faut-il brûler la logique
classique?
6-1. Les logiques
modales
C. I. Lewis, 1918 : les « paradoxes » de
l’implication matérielle




(1)
(2)
p  (q  p)
p  ( p  q)
ad impossibile sequitur quodlibet
Ex: si « l’eau bout à 100° » est vraie, alors il
est vrai que « si Charlemagne fut empereur,
alors l’eau bout à 100° »
Distinguer une « implication stricte » d’une
implication matérielle?
Implication stricte


P implique strictement Q si et seulement
s’il est impossible que P soit vrai sans que
Q le soit
Fait intervenir la notion de modalité
… une idée pas neuve


Aristote, Premiers Analytiques
cf. discussion sur l’aporie de Diodore Kronos
(J. Vuillemin, 1984)
Aporie de Diodore - 1





A – le passé est irrévocable,
B – si q suit nécessairement de p, alors s’il n’est pas
possible que q, il n’est pas possible que p
C – il y a des possibles qui ne se réaliseront jamais,
D – de ce qui se réalise il n’a jamais été vrai qu’il ne
se réalisera pas,
E – de ce qui ne se réalise pas et ne se réalisera
jamais, il a été vrai (à quelque moment) qu’il ne se
réalisera jamais
Aporie de Diodore - 1





A – le passé est irrévocable,
B – si q suit nécessairement de
p, alors s’il n’est pas possible
que q, il n’est pas possible que
p
C – il y a des possibles qui ne
se réaliseront jamais,
D – de ce qui se réalise il n’a
jamais été vrai qu’il ne se
réalisera pas,
E – de ce qui ne se réalise pas
et ne se réalisera jamais, il a
été vrai (à quelque moment)
qu’il ne se réalisera jamais
Pp  MPp
L(p  q)(Mq  Mp)
(Mp  p  Fp)
p  PFp
p  Fp  PFp
Aporie de Diodore - 2








toute thèse étant nécessaire (axiome de nécessitation), on a :
L(p  PFp)
(par D)
p  Fp  PFp (par E)
PFp  MPFp
(par A)
p  Fp  MPFp
par transitivité (syllogisme)
L(p  PFp)  (MPFp  Mp)
(par B)
MPFp  Mp (par modus ponens appliqué à 1 et 5)
p  Fp  Mp (par 4, 6 et transitivité)
Mp  p  Fp
(contraposition de 7), autrement dit : C.
Intérêt des logiques modales
Introduire :
 le temps dans la logique (logique temporelle) sous
l’aspect d’opérateurs tels que P et F (passé et futur),
 les considérations de contingence et de nécessité
(logique aléthique),
 celles de permission et d’obligation (logique
déontique)
 les notions de savoir et de croyance (logiques
épistémiques et doxastiques).
opérateurs



logique aléthique : le nécessaire est le dual
du possible
logique déontique : l’obligatoire est le dual du
permis
logique de la prouvabilité : le prouvable est le
dual du « consistant avec »
◊p  □p
Premières approches : Lewis et
Langford, 1932

Présentation à la Hilbert
L’approche syntaxique (2)


Interprétation « naturelle »:
□p = « il est nécessaire que p »
La logique modale (propositionnelle)
extension du calcul propositionnel :
–
–
est
une
Toute logique modale doit contenir comme théorèmes au
minimum toutes les tautologies du CP,
Comme il existe une procédure pour les déterminer
(décidabilité), on peut admettre que chaque tautologie du
CP est prise comme axiome
L’approche syntaxique (3)
+ axiomes « propres », permettant de manipuler « □ »
Axiomes CP : toute formule ayant la forme d’une
tautologie
Axiome K : □()  (□ □)
Règles : modus ponens :
|—  |— 
|— 
nécessitation : |— 
|— □
L’approche syntaxique (4)
Règles dérivées :
Théorème : □()  □
Preuve:
()  
- axiome CP □(()  )
- nécessitation □(()  )  (□()  □) - axiome K □()  □
- modus ponens
L’approche syntaxique (5)
Règles dérivées :
Théorème : □()  (□ □)
Preuve: :
□()  □
- th1□()  □
- th1□()  (□□)
- règle du CP :
  (  ())
- axiome CP □  □(  ())
- <vérifier!> □(  ())  (□  □()) - axiome K □  (□  □())
□  □  □()
L’approche syntaxique (6)
Théorème de la déduction :
Théorème : si 1,2… n,|—  alors 1,2… n|— 
Preuve:
Supposons 1,2… n,|— , alors  dérivable à partir de 1,2… n,
et de théorèmes 1, … m en utilisant seulement la règle de modus
ponens (cf. restriction sur nécessitation), donc 1, … m,1,2…
n,|—  dans le CP, d’où par le théorème de la déduction dans CP:
|— 1( … (m  (1  (2  … (n  (  ))…)))…). Cette
formule est une tautologie de CP, donc un axiome 1 de K. Puisque 1,
… m sont des théorèmes dans K, on obtient par MP: |— 1  (2  …
(n  (  ))…). En utilisant encore MP: 1,2… n|— 
L’approche syntaxique (7)
Problèmes avec l’approche syntaxique
il est « facile » d’imaginer toutes sortes de systèmes
d’axiomes… du genre:
□, □ □□ , ◊□  , etc.
mais… quel sens cela a-t-il véritablement?
(insuffisance de notre intuition)
 Besoin d’une approche sémantique
Sémantique de la logique modale


Sémantique dite « de Kripke »
Deux notions-clés :
–
–
Monde possible
Relation d’accessibilité
La théorie des mondes possibles
Semantic frame

Un « frame » F est un couple (W, ) où:
–
–

W : un ensemble non vide (de « mondes possibles »)
 une relation binaire sur W
Un modèle (de Kripke) sur F est un couple (F, V)
où:
–
–
F est un « frame »
V est une application de {p1, p2, …, pn}  W dans {0,1} (à
chaque lettre propositionnelle et chaque monde possible:
une valeur de vérité)
Sémantique (3)
Si dans le modèle M, V(p, w) = 1
(p: une lettre propositionnelle, w: un monde), on écrit:

VM,w(p) = 1 ou:
|=M,w p ou encore w |=M p

On étend V à toute formule au moyen de:
–
–
–
–
VM,w() = 1 ssi VM,w() = VM,w() = 1
VM,w() = 0 ssi VM,w() = VM,w() = 0
VM,w() = 1 ssi VM,w() = 0
VM,w(•) = 1 ssi pour tout w’ tel que ww’, VM,w’() = 1
Sémantique (4)
 |=  ?
( découle sémantiquement de l’ensemble de prémisses )

On définira  |=  par:
« pour tout M et tout w, si w |=  pour tout  dans , alors w |=
»
ie: si, quel que soit le modèle M, tout monde possible pour M qui
admet toutes les formules de  vraies, admet aussi  pour
vraie,
alors on dit que  est une conséquence de 
Correction de la sémantique par
rapport à K




Si |—K, alors |= 
Dém: par récurrence sur la longueur de la dérivation. Cas de base: 
est un axiome, alors on vérifie que  est bien vraie quel que soit le
modèle M.
Hyp de récurrence: vrai pour une dérivation de longueur  n.
Soit une dérivation de longueur n+1, supposons que son dernier pas
soit une application de la règle de nécessitation, alors cela signifie que
 est obtenue par cette règle au moyen d’une formule p de longueur
de dérivation  n et que  = �p. Supposons que |≠ �p. alors il
existerait un monde w tel que w |≠ �p. Donc il existerait un monde w’
tel que ww’ et w’ |≠ p et on aurait |≠ p, ce qui est contradictoire avec
l’hypothèse de récurrence.
Liens entre propriétés de  et formules vraies dans
une logique modale

Supposons que nous prenions comme
axiome supplémentaire, la formule :
□  

Quelle est sa signification en termes de
« frame » ou de « relation d’accessibilité »?




Si  est vraie dans tout monde accessible au
monde actuel w0, alors  est vraie dans ce
monde actuel
Autrement dit: w0 fait partie de ces mondes
accessibles à partir de lui-même
w0  w0
Autrement dit:  est réflexive
□  
w0
□
□  
w2
w3
w4


w1 
w0
 w7

w5

w6

□  
w2
w3
w4


w1 
w0
 w7

w5

w6

?
□  
w2
w3
w4


w1 
w0
 w7

w5

w6

?
Propriétés de  et formules vraies

Idem pour:
□  □□



Si  est vraie dans tout monde accessible au monde actuel w0,
alors c’est le cas également de □
Pour que □ soit vraie dans tout monde w accessible à w0, il
faut que  soit vraie dans tout monde accessible à tout monde
w accessible à w0.
Donc la formule exprime le fait que si  est vraie dans tout
monde accessible à w0, alors elle est encore vraie dans tout
monde accessible à tout monde accessible à w0.

ceci est assuré si:
 est transitive
□  □□
w0
□
□  □□
w2
w3
w4


w1 
w0
 w7

w5

w6

□  □□
□□ 
w0
w5

w6

?
□  □□
□□
w0
w5
□
w6
□
?
□  □□
□□
w0


w5


w6


?
□  □□
□□
w0


w5


w6



?

Qu’en est-il de:
◊□  
?




S’il existe un monde possible accessible au monde actuel où
□ est vraie, alors  est vraie dans le monde actuel
Soit w1 ce monde, dire que □ est vraie dans w1, c’est dire
que  est vraie dans tout monde possible accessible à w1
Si on veut que toujours en ce cas,  soit vraie dans w0, il suffit
que w0 soit toujours accessible à w1
Et ce, quel que soit le monde w1 accessible à w0
Donc que  soit symétrique
Caractérisation d’un frame


 caractérise une propriété de  si et
seulement si tout frame <W, > ayant cette
propriété admet  comme formule vraie
une relation  est dite euclidienne si et
seulement si :
xyz x  y  x  z  y  z
Caractérisation (2)

□  (axiome T) caractérise les frames
réflexifs
 □  □□ (axiome 4) caractérise les frames
transitifs
 ◊□   (axiome B) caractérise les frames
symétriques
 ◊  □◊ (axiome 5) caractérise les frames
euclidiens
Différentes logiques

On a vu K (pas de propriété particulière de
) (logique modale minimale)

K + □  
: logique T

T + □  □□
: logique S4

S4 + ◊  □◊
: logique S5

si on ajoute   □ : collapsus (retour à CP)
complétude


Chacune de ces logiques est complète par rapport
à son cadre
Propriété du modèle fini :
–

Un système S possède cette propriété si et seulement s’il
existe une sémantique pour S telle que, pour toute formule
qui peut être rendue fausse sur un certain modèle, elle peut
nécessairement l’être aussi sur un modèle fini.
Les systèmes modaux possèdent la propriété du
modèle fini
Une conséquence : décidabilité






K, T, S4, S5 :
Axiomatisables  on peut énumérer les déductions
possibles D1, D2, …Dn, ….
Complètes  si  non démontrable, alors  a un
contre-modèle
Pté modèle fini  se contenter de contre-modèles
finis  on peut énumérer les modèles finis M1, M2,
…, Mk, …
faire : suite alternée D1, M1, D2, M2, …. Dn, Mn, ….
tôt ou tard: soit une preuve de , soit un contremodèle de 
discussion (1)


�  :
modalités ontiques :
–

s’il est nécessaire que , alors 
modalités épistémiques :
s’il est su que , alors 
mais :
– s’il est cru que , alors 
–

modalités déontiques :
–
s’il est obligatoire que , alors 
discussion (2)
•
•


�  ��
modalités ontiques :
– la nécessité de la nécessité =la nécessité (clôture)
modalités épistémiques :
– s’il est su que , alors il est su qu’il est su que  ? (conscience du
savoir)
– si je crois que , alors je crois que je le crois?
– plutôt: je sais que je le crois
modalités déontiques :
– s’il est obligatoire que , alors il est obligatoire que cela soit
obligatoire
discussion (3)
◊  �◊
•

modalités ontiques :
– la possibilité est toujours nécessaire
modalités épistémiques :
si j’ignore que non- ,alors je sais que je l’ignore
modalités déontiques :
– s’il est permis que , alors il est obligatoire que cela soit permis
–

Problèmes de la logique déontique

O  O(  )
Est-ce que, si je dois payer mes impôts avant le 15 mars, je
dois payer mes impôts ou regarder passer l’Isère ?

Pb avec K :O()  (O O):

S’il est obligatoire d’acheter son billet pour aller à Nantes, si je
dois aller à Nantes, je dois acheter mon billet
mais… si je n’y vais pas?


Logique épistémique (1)
|— 



|— K
toute vérité (logique) est connue…!
(omniscience)
Axiome K : si x sait que A  B alors s’il sait A, il sait
B (« distribution »)
Connaissance : x sait que   
Modus ponens
Logique épistémique (2)





4 : Ki  Ki Ki 
Axiome de l’introspection positive
5 : Ki  Ki Ki
Axiome de l’introspection négative
B : KiKi  
???
Logique épistémique (3)
Mondes possibles :
 un agent i sait une chose dans un monde actuel w0
si et seulement si cette chose est vraie dans tous les
mondes que i peut se représenter à partir de ce
monde actuel, autrement dit les mondes alternatifs
qu’il peut concevoir en laissant fixes par ailleurs
toutes les autres connaissances qu’il possède, y
compris bien sûr celle des lois de la logique.
Problèmes de la logique épistémique
Le paradoxe de la connaissabilité (Fitch, 1963)

S’il existe une vérité inconnue, alors le fait
que ce soit une vérité inconnue est luimême… inconnaissable!

donc : si on admet que toute vérité peut-être
connue,… il n’existe pas de vérité inconnue!
ou : si toutes les vérités sont connaissables… elles
sont toutes connues!

La preuve
1) admettons (KP) : p (p  Kp)
(toute vérité peut être connue)
supposons que nous soyons non omniscient :
(NonO) : p (p Kp)
(il y a une vérité non connue)
donc, soit p telle que p Kp
(KP) (p Kp)  K(p Kp)
(MP) K(p Kp)
La preuve
mais…
2) on a prouvé :
(A) K(p  q)  Kp  Kq
on a l’axiome K : (B) Kp  p
supposons : K(p Kp), (hyp. abs.) alors :
par (A) : Kp KKp
par (B) : Kp  Kp – contradiction –
donc K(p Kp)
donc �K(p Kp) – nécessitation –
donc K(p Kp)
La preuve


donc une contradiction découle de (KP) +
(NonO)
Si on veut que toute vérité soit connaissable,
il faut nier que l’on soit non omniscient :
p (p Kp) d’où il découle : p (p Kp) c’est-àdire : p (p Kp) d’où : p (p  Kp)
(toute vérité est connue)
Solution « intuitionniste »

en logique intuitionniste, l’élimination de
la double-négation n’est pas valide,

(p Kp) =/=> (p  Kp)
nous avons : p (p Kp)
nous n’avons pas de moyen de trouver une
vérité p que nous ne connaissons pas ! (car
alors, on la connaîtrait !)


Deux conceptions du savoir

Une conception « réaliste » :
–
–

Les « vérités » sont dans le monde et elles sont à connaître.
A un certain moment, certaines sont connues et d’autres
non (paradigme de la « découverte »)
Le réaliste est classique
Une conception « anti-réaliste » ou
« constructiviste » :
–
–
Il n’y a pas de vérité en dehors du sujet connaissant. Toute
vérité est une construction, donc par définition, on les
connaît toutes !
L’anti-réaliste est intuitionniste
Les problèmes de la connaissance partagée:
paradoxe de Conway






5 enfants jouent, à qui on a demandé de surtout ne pas se salir, mais
3 d’entre eux ont reçu sans s’en rendre compte de la boue sur le front.
On suppose qu’ils sont très intelligents (!) et ne répondent que quand
on leur pose une question.
Le père arrive et dit une première fois : « au moins l’un de vous a de la
boue sur le front, est-ce que chacun de vous peut me dire s’il a de la
boue sur le front? »
Ils répondent tous « non », évidemment…
Le père redit exactement la même chose… même réponse
Puis le père redit encore une fois la même chose… et là, chaque
enfant sali est capable de donner la bonne réponse
Pourquoi?
paradoxe de Conway (solution)




Par récurrence sur le nombre k d’enfants ayant de la boue sur le front
k = 1 : l’enfant qui a de la boue voit bien que les autres n’en ont pas, il
en déduit que c’est lui qui s’est sali
Hypothèse de récurrence : s’il y a k enfants salis, alors chaque
enfant sali donne la bonne réponse à la kème formulation de la
question
Induction: imaginons qu’il y ait k+1 enfants avec de la boue sur le
front, si à la kème formulation de la question, tout le monde répond
toujours « non », c’est, d’après l’hypothèse de récurrence que le
nombre d’enfants ayant de la boue sur le front est supérieur à k.
Comme chaque enfant sale voit bien qu’il y en a exactement k autres
que lui qui ont également de la boue sur le front, il en déduit que lui
aussi a de la boue sur le front.
Pourquoi ce paradoxe a-t-il un lien avec la
circularité?

Ce qui est bizarre :
–
–
–
Le fait que répéter plusieurs fois de suite la même
information… change la situation!
Imaginons k>1 : en ce cas, chaque enfant sait qu’au moins
un enfant a de la boue sur le front, on pourrait dire : « inutile
donc de le leur dire », or le fait de dire cette information
change les choses…
Quel est donc le statut de cette information qui est dite ?
Information partagée



En la disant, l’information est rendue publique, elle devient
partagée…
Autre exemple : jouer aux cartes avec jeu à découvert et jouer aux
cartes avec jeu caché mais en trichant et en regardant le jeu de son
voisin…
Premier cas: le joueur A connaît le jeu du joueur B mais le joueur B le
sait et le joueur A sait que le joueur B sait qu’il le connaît, et ainsi de
suite!
–

L’information est publique, ou partagée
(le joueur A sait que le joueur B sait que le joueur A connaît son jeu
etc.)
Deuxième cas: le joueur B ne sait pas que le joueur A connaît son jeu
et le joueur A sait que le joueur B ne sait pas qu’il connaît son jeu
–
L’information est privée
Formaliser la connaissance partagée

-
-
Que signifie le fait qu’un groupe d’agents connaît  ?
DG : le groupe G a la connaissance « distribuée »
de . Si quelqu’un connaissait tout ce que les
membres de G connaissent, alors il connaîtrait .
SG : quelqu’un dans G connaît  .
EG : tout le monde dans G connaît  .
EGk :
EG1 = EG ;
EGk+1 = EGEGk.
CG :  est « connaissance partagée » dans G :
CG = EG  EG2  …  EGk  …
Alice et Bob



Considérons par exemple le cas où k = 2,
Considérons l’état de connaissance d’un enfant. Prouvons que,
avant que le père parle,
EGk-1 est le cas, mais pas EGk.
Alice et Bob sont les deux seuls enfants qui ont de la boue sur
le front.
–
–
–
–
Chaque enfant voit au moins un enfant qui a de la boue sur le
front, donc : EG.
Toutefois, Alice voit un seul enfant ayant de la boue sur le front.
Elle peut très bien supposer qu’il est le seul à avoir de la boue sur
le front, auquel cas, elle pense que Bob ne sait pas qu’un enfant a
de la boue sur le front.
Autrement dit, elle ne sait pas que Bob sait qu’au moins un enfant
a de la boue sur le front,
ce qui signifie qu’on n’a pas EG2.
suite





Or, dans le cas présent, il faut qu’elle sache que Bob sache aussi qu’il
y a au moins un enfant qui a de la boue sur le front pour qu’elle puisse
déduire qu’elle en a nécessairement.
Autrement dit, EG ne suffit pas, mais EG2 suffirait.
Or pour être sûr que tout le monde (même Bob, du point de vue
d’Alice) sait qu’au moins un enfant a de la boue sur le front, il suffit
qu’une personne extérieure le dise.
Autrement dit, l’énoncé du père a cette fonction.
Dès que le père a parlé, les enfants ont une connaissance partagée
de ce fait : quand le père énonce , les enfants savent que
 (autrement dit : EG) et que le père a énoncé  : donc chaque enfant
sait aussi que les enfants savent que  (EG2). Donc, quand le père
énonce , chaque enfant sait que , que EG et que EG2, donc on a
EG3. Et ainsi de suite…
Un énoncé « point fixe »
Si on identifie « le père énonce  » et EG(  « le père énonce
 »), on a :
 « le père énonce  » = EG(  « le père énonce  »)
= EG(  EG(  « le père énonce  »))
= EG(  EG(  EG(  « le père énonce
 »))) = etc.
 une solution de l’équation :  = EG()
ou encore :
 « le père énonce  » = EG()  EG2  EG3  …  EGk  ….
Or, il s’agit là exactement de l’opérateur de connaissance
partagée.
Information partagée (2)


Comment représenter l’information partagée?
Supposons que A, B et C acquièrent à partir d’un
évènement e la connaissance partagée d’un fait ,
alors on a simultanément:
–
–
–
–
e |= 
e |= A sait e
e |= B sait e
e |= C sait e
(l’évènement e est tel que  soit vrai)
(l’évènement e est tel que A sait que e)
id
id
Information partagée (3)



On peut donc caractériser un évènement
minimal e comme le plus petit supportant
tous ces faits, d’un point de vue ensembliste:
e = {, A sait e, B sait e, C sait e }
Ce qui donne une structure circulaire
Information partagée (4)
e = {, A sait e, B sait e, C sait e }
e = {, A sait {, A sait e, B sait e, C sait e }, B
sait e, C sait e }
e = {, A sait {, A sait e, B sait e, C sait e }, B
sait {, A sait e, B sait e, C sait e }, C sait {, A
sait e, B sait e, C sait e } }
etc.
e

A sait
B sait
C sait
Les tableaux

Chaque monde est représenté par un tableau à deux
colonnes
–
–

Dans l’une on met ce qui est vrai en ce monde
Dans l’autre on met ce qui est faux en ce monde
Dès qu’une proposition vient s’inscrire dans les deux
colonnes d’un même tableau : on a une contradiction
S4 : □(p  q)  □(□p  □q)





Supposons que cela soit faux
Alors il existe un monde w où elle est fausse, c’est-à-dire où
□(p  q) est vrai mais □(□p  □q) faux,
Si □(□p  □q) est faux dans w, alors il existe un monde w’
accessible à w où □p  □q est faux, c’est-à-dire où □p est vrai
mais □q faux,
Si □q est faux dans w’ alors il existe un monde w’’ accessible à
w’ où q est faux,
Comme l’accessibilité est transitive, w’’ est accessible à w,
donc p  q y est vrai, de même que p puisque w’’ est
accessible à w’, d’où q devrait y être vrai, or il est faux
S4 : □(p  q)  □(□p  □q)
w
V
F
w’
V
(1) □(p  q) 
(2) □(p  q)
□(□ p  □q)
(2) □(□p □q)
(4)
□p
w’’
V
F
(3) □p  □q
(4) □q
F
(5) q
(6) p
(7) p  q
(8) q
Logiques temporelles





A. N. Prior, 1967 Past, Tense and Future
G se traduit par : « il sera toujours le cas »
H : « il a été toujours le cas »
F : « il sera au moins une fois le cas »
P : « il a été au moins une fois le cas »
Sémantique des logiques temporelles

un couple (T, <) (au lieu de (W, )) où T est
un ensemble non vide d’instants et où « < »
est la relation d’antériorité entre instants
Axiomes courants




CP : toutes les tautologies du CP
K1 : G() (GG)
K2 : H() (HH)
Axiome 3 : PG, FH
Sémantique - 2


T: une suite totalement ordonnée, sans
origine ni fin?
Au minimum : un « ordre linéaire strict »:
–
–
–
R est transitive
R est irréflexive
R est faiblement connexe:
xy (( xRy)  ( x  y )  ( yRx ))
Sémantique - 2

Au minimum : un « ordre linéaire strict »:
R est transitive :
G  GG, et H  HH
–
R est irréflexive :
???
–
R est faiblement connexe:
–
xy (( xRy)  ( x  y )  ( yRx ))
???
Sémantique - 3


Des propriétés plus faibles:
Une relation R est dite non branchante vers
le futur si et seulement si :
x, y, z (( xRy  xRz)  (( yRz )  ( y  z )  ( zRy ))

Une relation R est dite non branchante vers
le passé si et seulement si :
x, y, z (( zRx  yRx )  (( yRz )  ( y  z )  ( zRy ))
Sémantique - 3
Des propriétés plus faibles:
 Une relation R est dite non branchante vers le futur
si et seulement si :
–

Fp  G(p  Pp  Fp),
Une relation R est dite non branchante vers le passé
si et seulement si :
–
Pp  H(p  Pp  Fp)
Densité du temps
–
GG  G, et HH  H. :
le temps branchant







On peut combiner des modalités
Par exemple ,  et G, H (il sera toujours le cas que, il a été
toujours le cas que, avec leurs duales F - il sera au moins une
fois que - et P – il a été au moins une fois que -)
Admettons que les mondes possibles aient un axe temporel
commun
VM,w,t() = 1 ssi pour tout w’ tel que wRw’: VM,w’,t() = 1
VM,w,t(G) = 1 ssi pour tout t’ tel que t<t’: VM,w,t’() = 1
Mais l’accessibilité entre les mondes change avec le temps!
VM,w,t() = 1 ssi pour tout w’ tel que wRtw’: VM,w’,t() = 1
représentation du temps branchant
Idée: wRtw’ ssi w et w’ ont eu la même « histoire »
jusqu’à t
t0
t1
t2
t3
t4

formalisation des contrefactuels





Si Pierre était venu, il aurait rencontré Marie
p = Pierre vient
q = Pierre rencontre Marie
P(p(p  Fq)) =
Il a été une fois dans le passé un monde où p était
faux et où dans tous les mondes alternatifs possibles
à ce monde où p était vrai, il allait être le cas au
moins une fois dans le futur que q
Pas si simple…
P(p(p  Fq)) |—
P(p((p  r)  Fq))
Alors s’il est vrai que:
Si Pierre était venu il aurait rencontré Marie
est-il vrai que:
Si Pierre était venu et en venant s’était tué sur la
route, il aurait rencontré Marie ?

Pas si simple…
Si Pierre était venu, toutes choses étant égales par ailleurs,
il aurait rencontré Marie
(p  q)  « q est vrai dans tous les mondes
alternatifs où p est vrai »,
(p  q) = « q est vrai dans tous les mondes
alternatifs où p est vrai, tout autre état de choses
demeurant constant »
--> introduction d’une relation de similarité entre les
mondes
Temps branchant – suite 



Une représentation très « réaliste » du temps : les
mondes existeraient indépendamment
des histoires parallèles…
cf. Many-Worlds Interpretation of Quantum
Mechanics, Everett, 1957 :
chaque fois qu’une expérience quantique a lieu,
avec différents résultats (cf. fentes de Young), tous
les résultats sont obtenus, chacun dans un monde
différent, même si nous ne sommes avertis que du
monde comportant le résultat que nous avons vu !!!
Autres conceptions du temps


Clausewitz : « en raison de leurs
conséquences, les évènements possibles
doivent être jugés comme réels »
tout possible se réalise, soit dans le
présent, soit dans le futur
–
–
un changement dans la conception de la liberté?
l’avenir : un point fixe à déterminer?
L'irréel n'a pas d'être, le réel ne cesse
jamais d'être
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