Université Paris–Dauphine Année 2014/2015
DEMI2E
Probabilités
Partie I
Joseph Lehec
Table des matières
1 Théorie de la mesure 2
1.1 Dénitions......................................... 2
1.2 LamesuredeLebesgue.................................. 3
1.3 Convergencemonotone.................................. 4
1.4 Exercices ......................................... 5
2 Espaces de probabilité 7
2.1 Dénition ......................................... 7
2.2 Conditionnement..................................... 8
2.3 Indépendance....................................... 9
2.4 Exercices ......................................... 10
3 Variables aléatoires 12
3.1 Dénitions......................................... 12
3.2 Variables aléatoires, fonctions de répartition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
3.3 Loi d’une variable aléatoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
3.4 Variables aléatoires discrètes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
3.5 Variables aléatoires continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
3.6 Exercices ......................................... 17
4 Marche aléatoire simple 18
4.1 Dénombrement de trajectoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
4.2 Temps de retour en 0................................... 19
4.3 Temps du dernier passage en 0. ............................ 21
4.4 Exercices ......................................... 21
1 Théorie de la mesure
1.1 Définitions
Définition 1.1. Soit Eun ensemble. On appelle tribu sur Eun sous–ensemble Ades parties de
Evérifiant
(i) ∅∈A
(ii) si A∈ A alors Ac∈ A
(iii) si (An)nNest une suite d’éléments de A, alors SnNAn∈ A
Exemple 1.2. Soit Eun ensemble
{∅, E}est une tribu.
Soit AE, alors {∅, A, Ac, E}est une tribu.
P(E)est une tribu.
Lemme 1.3. Soit Eun ensemble et Aune tribu sur E. Alors
E∈ A
Aest stable par union finie
Aest stable par intersection dénombrable (ou finie).
Démonstration. Comme ∅ ∈ A et comme Aest stable par passage au complémentaire E=c∈ A.
Pour le deuxième point il suffit de remarquer que
AB=AB∪ ∅ ∪ ∅··· .
Pour le troisième on écrit
\
n
An= [
n
Ac
n!c
.
Définition 1.4. Étant donné un ensemble Eet une tribu Asur E, on appelle mesure sur (E, A)
une application
µ:A → [0,+]
vérifiant
µ() = 0
et telle que pour toute suite (An)nNd’éléments de Adeux à deux disjoints (AnAm=pour
tous n6=m) on ait
µ [
nN
An!=
+
X
n=0
µ(An).
Cette propriété est appelée σ–additivité ou additivité dénombrable.
Remarque. Le membre de gauche dans l’égalité précédente reste inchangé si l’on permute les An
(l’union ne dépend pas de l’ordre). Pour que la définition précédente ait un sens il faut donc que
le membre de droite soit invariant par permutation des An. C’est le cas puisque la somme d’une
série à termes positifs ne dépend pas de l’ordre des termes.
Définition 1.5. On appelle espace mesuré tout triplet (E, A, µ), où Eest un ensemble, Aune
tribu sur E, et µune mesure de probabilité sur (E, A).
Lemme 1.6. Un espace mesuré (E, A, µ)vérifie les propriétés suivantes :
si AB=alors µ(AB) = µ(A) + µ(B)(additivité),
si ABalors µ(A)µ(B).
Démonstration. On écrit
µ(AB) = µ(AB∪ ∅ ∪ ∅ ∪ ···)
=µ(A) + µ(B) + µ() + µ() + ··· =µ(A) + µ(B).
Si ABon a B=A(B\A)et l’union est disjointe. Donc µ(B) = µ(A) + µ(B\A)et donc
µ(B)µ(A).
2
Un peu de terminologie : si µ(E)<+on dit que µest une mesure finie. Si µ(E) = 1 on dit que
µest une mesure de probabilité. Les éléments de la tribu Asont appelés ensembles mesurables. Un
ensemble Avérifiant µ(A) = 0 est dit gligeable. Si une propriété a lieu en dehors d’un ensemble
négligeable, on dit qu’elle est vraie presque partout.
Exemple 1.7. Soit aE, on définit une mesure de probabilité sur (E, P(E)) en posant δa(A)=1
si aAet δa(A) = 0 sinon. Cette mesure est appelée masse de Dirac en a.
Exemple 1.8. Pour tout sous–ensemble Ade Nposons µ(A) = card(A)si Aest fini et µ(A)=+
si Aest infini. Alors µdéfinit une mesure sur (N,P(N)) appelée mesure de comptage.
1.2 La mesure de Lebesgue
Dans cette partie on se place sur l’ensemble Rdes nombres réels. Les principaux théorèmes de
cette partie seront admis, leur démonstration dépasse le cadre d’une introduction à la théorie de
la mesure.
Remarquons qu’une intersection de tribus est encore une tribu, ce qui justifie la définition suivante.
Définition 1.9. On appelle tribu des Boréliens ou tribu Borélienne, notée B(R), la tribu engendrée
par les intervalles de R; c’est–à–dire la tribu obtenue en prenant l’intersection de toutes les tribus
contenant les intervalles.
Il faut retenir cette définition ainsi :
B(R)est une tribu.
Tout intervalle de Rappartient B(R).
Si Aest une tribu contenant les intervalles, alors B(R)⊂ A.
On ne change rien à la définition précédente en ne considérant que les intervalles ouverts, ou que
les intervalles fermés : un intervalle ouvert peut toujours s’écrire comme une union dénombrables
d’intervalle fermés. De même, la tribu B(R)contient les singletons. En effet, soit on considère que
{x}= [x, x]est un intervalle et donc appartient à B(R)par définition, soit on écrit
{x}=\
n1
[x, x + 1/n].
Par stabilité par union dénombrable la tribu B(R)contient tous les ensembles dénombrables, en
particulier l’ensemble Qdes nombres rationnels. En fait, il est difficile de construire un sous–
ensemble de Rqui ne soit pas Borélien.
Théorème 1.10. Soient µ, ν deux mesures définies sur (R,B(R)), si µet νcoïncident sur les
intervalles alors µet νsont égales. Autrement dit si µ(I) = ν(I)pour tout intervalle Ialors
µ(B) = ν(B)pour tout Borélien B.
Théorème 1.11. Il existe une unique mesure Lsur (R,B(R)) vérifiant
L([a, b]) = ba
pour tout intervalle [a, b]. Cette mesure est appelée mesure de Lebesgue.
On admettra ces deux théorèmes. Remarquons quand même que l’unicité de la mesure de
Lebesgue est une conséquence du Théorème 1.10.
Proposition 1.12. La mesure de Lebesgue est invariante par translation : pour tout xRet pour
tout B∈ B(R)l’ensemble x+Best aussi Borélien et
L(x+B) = L(B).
Démonstration. Commençons par montrer que si B∈ B(R)alors x+B∈ B(R). On fixe xRet
on pose
A={BR, x +B∈ B(R)}.
3
On vérifie aisément que Aest une tribu qui contient les intervalles. Par conséquent B(R)⊂ A, ce
qu’il fallait démonter.
Pour B∈ B(R)on définit
M(B) = L(x+B).
Alors Mest une mesure sur (R,B(R)) (exercice) et pour tout intervalle [a, b]on a
M([a, b]) = L([x+a, x +b]) = (b+x)(a+x) = ba=L([a, b]).
Les mesures Met Lcoïncident donc sur les intervalles. D’après le Théorème 1.10 on obtient
L=M, ce qui est le résultat.
1.3 Convergence monotone
Dans toute la suite du cours, étant donnés une suite réelle (un)n0et lR∪ {+∞}, on écrit
un%llorsque la suite unest croissante et tend vers l. De même, si lR{−∞} on écrit un&l
si la suite est décroissante et tend vers l. Étant donnée une suite (An)n0d’ensembles, la notation
An%Asignifie que la suite est croissante pour l’inclusion (AnAn+1 pour tout nN) et que
[
n0
An=A.
Enfin An&Asignifie que la suite est décroissante pour l’inclusion et que nAn=A. Les résultats
de cette sous-partie très importants.
Proposition 1.13. Soit (E, A, µ)un espace mesuré et soient (An)nN, A des éléments de A. Si
An%Aalors µ(An)%µ(A).
Remarque. L’hypothèse de monotonie est fondamentale. Par exemple, considérons la mesure de
comptage µsur Net les ensembles Ansuivants : A0={0}et An={1}pour n1. On a µ(An)=1
pour tout nmais µ(nAn) = µ({0,1}) = 2.
Démonstration. On pose A0
0=A0et A0
n=An\An1pour tout n1. Les propriétés suivantes
sont laissées en exercice (faire un dessin) :
Les A0
nsont deux à deux disjoints.
An=A0
0A0
1∪ ··· ∪ A0
npour tout n.
n=0A0
n=
n=0An.
Par σ–additivité, on obtient
µ(An) = µ(A0
0) + ··· +µ(A0
n)%
X
k=0
µ(A0
k) = µ +
[
k=0
A0
k!=µ +
[
k=0
Ak!.
Corollaire 1.14. Soit (An)nNune suite d’éléments de A. On a
µ
[
n=0
An!
X
n=0
µ(An).
Démonstration. On commence par montrer par récurrence que pour tout kN
µ k
[
n=0
An!
k
X
n=0
µ(An).
Laissons cette partie de la preuve en exercice. Ensuite on pose Bk=k
n=0An. D’après ce qui
précède, pour tout kN
µ(Bk)
k
X
n=0
µ(An)
X
n=0
µ(An).(1)
Comme Bk% ∪nAnon a µ(Bk)%µ(nAn). On obtient donc le résultat en passant à la limite
dans l’inégalité (1).
4
Proposition 1.15. Soit (Bn)n0, B des éléments de A. Si Bn&Bet s’il existe mtel que
µ(Bm)<+(en particulier si la mesure µest finie) alors µ(Bn)&µ(B).
Démonstration. On pose An=Bm\Bnpour nmet A=Bm\B. Alors An%Aet donc
µ(An)%µ(A). Comme µ(An) = µ(Bm)µ(Bn)et comme µ(Bm)<+ceci revient à µ(Bn)&
µ(B).
Remarque. L’hypothèse “il existe mtel que µ(Bm)<+ est nécessaire. En effet, si Bnest
l’intervalle [n, +[, alors Bn& ∅, pourtant L(Bn)=+pour tout n.
1.4 Exercices
Exercice 1.1. Soit (uk)k0une suite de réels positifs, Montrer que la somme de la série Pk0uk
ne dépend pas de l’ordre des termes : si σ:NNest une fonction bijective alors
X
k0
uk=X
k0
uσ(k).
Indication : Montrer que
X
k0
uk= sup (X
kI
uk, I N, I fini).
Exercice 1.2. Montrer qu’une intersection quelconque de tribus est une tribu. Est–ce que cela
marche aussi avec l’union ?
Exercice 1.3. Montrer que la mesure de comptage sur Nest bien une mesure.
Exercice 1.4. Soit (E, A, µ)un espace mesuré et soient A1, . . . , Andes ensembles mesurables.
Montrer que
1. Montrer que µ(A1A2)µ(A1) + µ(A2).
2. Montrer par récurrence sur nque µ(A1∪ ··· ∪ An)µ(A1) + ··· +µ(An).
Exercice 1.5. Soit (E, A, µ)un espace mesuré et soient A1, . . . , Andes ensembles mesurables.
Montrer que
1. Montrer que µ(A1A2) = µ(A1) + µ(A2)µ(A1A2).
2. Montrer que
µ(A1A2A3) = µ(A1) + µ(A2) + µ(A3)
µ(A1A2)µ(A1A3)µ(A2A3) + µ(A1A2A3).
3. Donner une formule pour µ(A1∪ ··· ∪ An).
Exercice 1.6. Montrer qu’un intervalle ouvert est réunion dénombrable d’intervalles fermés. Mon-
trer qu’un intervalle fermé est intersection dénombrable d’intervalles ouverts.
Exercice 1.7. Montrer que presque tous les nombres réels sont irrationnels.
Exercice 1.8. Soit (Ω,A, µ)un espace mesuré, montrer qu’une union dénombrable d’ensembles
négligeables est négligeable.
Exercice 1.9. Soit f:RR+telle que L({x:f(x)t}) = 0 pour tout réel t > 0. Montrer que
f(x) = 0 presque partout.
Exercice 1.10. Soit Uun sous–ensemble ouvert de R. Pour xUon pose
a(x) = inf {a < x, ]a, x]U}
b(x) = sup {b > x, [x, b[U}
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