6. COMPLEXES CUBIQUES CAT(0) : DÉFINITION ET PREMI`ERES

6. COMPLEXES CUBIQUES CAT(0) : D´
EFINITION ET PREMI`
ERES
PROPRI´
ET´
ES
Les complexes cubiques CAT(0) sont d´efinis par M. Gromov dans [Gro]. Ils g´en´eralisent
la notion d’arbre simplicial en dimension sup´erieure. Le rˆole des arˆetes est jou´e par les
hyperplans.
6.1. Espaces CAT()
La plupart des r´esultats de ce paragraphe sont issus de [BH].
Soit (X, d) un espace m´etrique. Une courbe est une application continue c:I!Xo`u I
est un intervalle de R. La longueur `(c)delacourbec(avec Icompact) est par d´efinition
`(c)=sup X
0j<n
d(c(tj),c(tj+1))
o`u le supremum est pris sur toutes les subdivisions (tj)0jnde I=[t0,t
n]. Lorsque I
n’est pas compact, alors on d´efinit `(c)=sup`(c|J), o`u le supremum est pris sur tous les
sous-intervalles compacts JI.
Enfin, une courbe est eoesique si c:I!Xpr´eserve les distances : d(c(s),c(t)) = |ts|
pour tous s, t 2I. Un espace est g´eoesique si toute paire de points est li´ee par une
g´eod´esique.
6.1.1. Espaces mod`eles. Soit 2R. On note Mla vari´et´e riemannienne simplement
connexe et compl`ete de dimension 2 de courbure constante ´egale `a , bien d´efinie `a
isom´etries pr`es.
–Si= 0, alors M0s’identifie au plan euclidien E2.
–Si=1,alorsM1s’identifie `a la sph`ere unit´e S2E3.Sip, q 2S2, alors d(p, q)
est l’unique nombre de [0,] tel que cos d(p, q)=hp, qi. Plus g´en´eralement, si >0,
alors Ms’identifie `a la sph`ere de rayon 1/pde E3.
–Si=1, alors M1s’identifie au plan de Poincar´e H2. Plus g´en´eralement, si <0,
alors Ms’identifie au plan de Poincar´e auquel on a multipli´e la distance par le facteur
1/p.
Donnons quelques propri´et´es.
Proposition 6.1.— L’espace Mest un espace m´etrique g´eod´esique. Son diam`etre D
vaut /psi >0et est infini sinon. Si 0, alors Mest uniquement g´eod´esique
et ses boules sont convexes. Si >0, alors deux points p, q sont li´es par un unique
segment g´eod´esique si et seulement si d(p, q)</p; de plus ses boules ferm´ees de
rayon strictement inf´erieur `a /2psont convexes.
Pour la suite, nous aurons besoin de construire des triangles. Nous nous appuierons sur
le lemme suivant dont la d´emonstration est laiss´ee en exercice.
Quelques aspects de th´
eorie g´
eom´
etrique des groupes, notes de cours-02
Lemme 6.2 (existence de triangles).— Soient 2Ret d1,d
2,d
30 des distances telles
que didj+dkpour {i, j, k}={1,2,3}et d1+d2+d3<2D. Alors il existe trois points
a, b, c efinissant un triangle dans Mtels que d(a, b)=d1,d(a, c)=d2et d(b, c)=d3.
6.1.2. Triangles de comparaison. Soit 2Ret soit Xun espace m´etrique g´eoesique. Un
triangle est donn´e par trois points et trois segments g´eod´esiques qui les relient (souvent
sous-entendus). Soient a, b, c les sommets d’un triangle de Xde p´erim`etre strictement
inf´erieur `a 2D. Un triangle de comparaison de T={a, b, c}est un triangle ¯
T={¯a, ¯
b, ¯c}
de Mtel que d(a, b)=da, ¯
b), d(a, c)=da, ¯c)etd(b, c)=d(¯
b, ¯c). Si Test donn´e par des
segments g´eoesiques, alors on peut construire une application de comparaison :T!¯
T
qui, restreinte `a chaque cˆot´e, est une isom´etrie.
On dit qu’un espace m´etrique g´eod´esique Xest CAT(), 0, si, pour chaque triangle
Tde Xet chaque triangle de comparaison ¯
Tde Massoci´e, l’application de comparaison
:T!¯
Tdilate les distances : d((p),(q)) d(p, q). Si >0, alors Xest CAT()
si Xest D-uniquement g´eoesique, c’est-`a-dire que deux points `a distance strictement
inf´erieure `a Dsont li´es par un unique segment g´eod´esique et si toute application de
comparaison entre des triangles de p´erim`etre strictement inf´erieur `a 2Dest dilatante.
En particulier, Xest CAT(1) si Xest -uniquement g´eod´esique (deux points x, y 2X
eriant d(x, y)<sont reli´es par un unique segment g´eoesique) et si tout triangle de
p´erim`etre <2est plus pinc´e qu’un triangle de comparaison sur la sph`ere. On dit que
Xest CAT(0) si Xest g´eod´esique et si tout triangle est plus pinc´e qu’un triangle de
comparaison du plan euclidien.
Un espace m´etrique Xest de courbure (born´ee par) si Xest localement CAT(),
c’est-`a-dire que tout point xest le centre d’une boule convexe et non triviale qui est
CAT()pourlam´etriqueinduite.
6.1.3. Espaces de courbure n´egative. Un espace m´etrique est de courbure n´egative s’il est
localement CAT(0).
Proposition 6.3.— Soit Xun espace CAT(0). On a les propri´et´es suivantes.
(1) Deux points sont li´es par un unique segment g´eod´esique.
(2) L’espace Xest contractile.
On ´enonce un th´eor`eme fondamental permettant de passer du local au global.
Th´
eor`
eme 6.4 (Cartan-Hadamard).— Un espace complet de courbure n´egative est CAT(0)
si et seulement s’il est simplement connexe.
On peut se reporter `a [BH, §II.4].
Exercice 6.5.— Montrer la compl´etion d’un espace CAT(0) est toujours CAT(0).
Quelques aspects de th´
eorie g´
eom´
etrique des groupes, notes de cours-03
Angles.— Soit Xun espace CAT(0) ; on consid`ere un triangle {a, b, c}et un triangle de
comparaison {¯a, ¯
b, ¯c}. Notons =(a, b, c)2[0,] l’angle au sommet ¯a. On consid`ere
maintenant b02[a, b] et c02[a, c], ainsi qu’un triangle de comparaison {¯a, ¯
b0,¯c0}et on
note 0le nouvel angle au point ¯a. La condition CAT(0) montre que 0. Du coup, si
on a deux germes de g´eoesiques et 0issus de a, on d´efinit l’angle (d’Alexandro)du
secteur au point acomme le plus grand minorant des angles de comparaison au point a
des triangles {a, b, b0}avec b2et b020i.e.,
(a, ,0)= lim
s,t!0(a, (s),(t)) .
Proposition 6.6.— Dans un espace CAT(0), la somme des angles d’un triangle est
inf´erieure `a .
D´
emonstration. Soit Tun triangle. L’angle `a un sommet est par construction inf´erieur
`a celui de n’importe quel triangle de comparaison. Or, dans un espace euclidien, la somme
des angles vaut , donc la somme des angles d’un triangle dans un espace CAT(0) est
inf´erieure.
Exercice 6.7.— Montrer que la somme des angles d’un triangle dans un espace CAT(0)
vaut si, et seulement si ce triangle est isom´etrique `a un triangle euclidien.
Isom´etries locales.— On ´etablit quelques propri´et´es des espaces localement isom´etriques
`a des sous-espaces CAT(0).
Proposition 6.8.— Soient Xet Ydeux espaces complets avec Yg´eoesique et Xde
courbure n´egative. Si f:Y!Xest une isom´etrie locale, alors Yest de courbure n´egative
et, pour tout y2Y, l’application f:1(Y,y)!1(X, f(y)) est injective. En particulier,
si Xest CAT(0) alors f:Y!Xest une isom´etrie donc Yest CAT(0) aussi.
On ´etablit un premier lemme.
Lemme 6.9.— Une g´eod´esique locale dans un espace CAT(0) est une g´eod´esique globale.
D´
emonstration. Soit :I!Xune g´eoesique locale. Prenons t02I; il sutde
montrer que d((t),(t0)) = |tt0|pour tout t2I. Notons
J={t2I, d((t),(t0)) = |tt0|}.
C’est un ferm´e non vide. Montrons qu’il est aussi ouvert ; soit t2J, et supposons t>t
0.
Du coup, |[t0,t]est g´eoesique.
Soit ">0 tel que |]t2",t+2"[soit g´eod´esique. Soit s2]t, t +2"[. On consid`ere le triangle
T={(t0),(t),(s)}et un triangle de comparaison f:T!T0. D’une part, on a
d(f((s)),f((t"))) |st|+|t(t")|st+";
Quelques aspects de th´
eorie g´
eom´
etrique des groupes, notes de cours-04
d’autre part, la propri´et´e CAT(0) nous apprend
d(f((s)),f((t"))) d((s),(t")) = st+"
donc
d(f((s)),f((t"))) = st+"=d(f((s)),f((t))) + d(f((t)),f((t")))
ce qui signifie que ces points sont align´es donc s2J.
D´
emonstration. (prop. 6.8) L’espace Yest de courbure n´egative puisqu’il est localement
isom´etrique `a un espace de courbure de n´egative (si fest isom´etrique sur B(y, 2r) alors
tout triangle g´eodesique dont les sommets sont contenus dans B(y, r)seracontenudans
B(y, 2r)) ; par cons´equent, il est localement simplement connexe et on peut consid´erer son
revˆetement universel ˜
Yque l’on munit de la distance de longueur induite. Le th´eor`eme
de Cartan-Hadamard implique que ˜
Yest un espace CAT(0). De mˆeme, le revˆetement
universel ˜
Xde Xest un espace CAT(0).
L’application fse rel`eve en un plongement localement isom´etrique ˜
f:˜
Y!˜
X. Notons
˜yun relev´e de yet c:[0,1] !Yun repr´esentant d’un ´el´ement du 1(Y,y). S’il est
non trivial, on peut supposer que son relev´e ˜c:[0,1] !˜
Yissu de ˜yest g´eoesique (il
est homotope au segment [˜c(0),˜c(1)] relativement aux extr´emit´es). Mais alors, ˜
f˜cest
une g´eod´esique locale dans l’espace CAT(0) ˜
X, donc le lemme 6.9 implique que ˜
f˜c
est g´eoesique. Par cons´equent, il ne peut ˆetre trivial dans 1(X, f(y)). Ceci montre que
f:1(Y,y)!1(X, f(y)) est injective.
Si Xest simplement connexe, alors le lemme 6.9 implique que l’image de tout segment
g´eoesique est g´eoesique et de mˆeme longueur, donc fest un isom´etrie.
Exercice 6.10.— L’ensemble des points fixes d’une isom´etrie est un ensemble convexe.
6.2. Complexes cubiques
Un cube est un espace m´etrique isom´etrique `a [0,1]nEn, pour n0. Une face d’un
cube est un sous-cube de dimension k<ndont les squelettes sont dans le cube initial.
Plus pr´ecis´ement, ´etant donn´es 1 j1<...<j
knet "1,...,"k2{(1/2),1/2}on
obtient la face
Q\{xj`="`,`=1,...,k}
de Q=[(1/2),(1/2)]n.
Un complexe cubique Xest le quotient de la r´eunion disjointe Yd’une collection de
cubes {Q=[0,1]n,2}par une relation d’´equivalence sujette aux conditions
suivantes :
– pour chaque 2, la restriction p:Q(Y)!Xde la projection canonique
p:Y!X=Y/ est injective ;
deux cubes sont recoll´es (p(Q)\p(Qµ)6=;) le long de faces respectives de mˆeme
dimension par une isom´etrie.
Quelques aspects de th´
eorie g´
eom´
etrique des groupes, notes de cours-05
La topologie de chaque cube induit une topologie sur Y, donc une topologie sur X(to-
pologie quotient). La distance sur les cellules induit une distance sur chaque composante
connexe d’un complexe cubique, en d´ecr´etant que la distance entre deux points est le plus
grand minorant des sommes de la forme
d(x, y)=
n
X
j=1
d(xj1,x
j),
o`u x0=x,xn=y, et pour chaque i, il existe un cube qui contient les deux points xjet
xj1, et la distance est mesur´ee dans la m´etrique standard dans chaque cube.
On obtient ainsi une distance de longueur en associant une courbe polygonale `a chaque
chaˆıne (xj)0jnen joignant deux points cons´ecutifs contenus dans un mˆeme cube par le
segment de ce cube ayant ces points pour extr´emit´es.
Pour tout x2X, on note "(x)=inf"(x, Q), o`u Qparcourt l’ensemble des cubes
contenant xet o`u "(x, Q)estladistancedex`a la r´eunion des faces de Qne contenant
pas x.
Fa i t 6.11.— Un point dans un complexe cubique est ou bien un sommet, ou bien `a
l’int´erieur d’un unique cube Qxde (dimension minimale). De plus, on a "(x)=1si xest
un sommet, ou "(x)=dist(x, @Qx)sinon. En particulier, on a "(x)>0.
On notera Qxle cube de dimension minimale contenant x.
D´
emonstration. La premi`ere assertion d´ecoule des d´efinitions. Si xest un sommet,
alors n’importe quelle face disjointe de xest `a distance 1. Sinon, on a "(x)="(x, Qx)=
dist(x, @Qx).
Une courbe :I!Xest admissible si, pour chaque cube Q, chaque composante
connexe de l’intersection de apQ est une r´eunion de segments.
Proposition 6.12.— Toute courbe d´efinie sur un intervalle compact est homotope `a une
courbe admissible de longueur inf´erieure.
On s’appuiera sur le lemme suivant.
Lemme 6.13.— Soit xun point d’un complexe cubique X. Notons b
Qxla r´eunion des
cubes contenant x. Alors b
Qxse r´etracte sur {x}.
D´
emonstration. Sur chaque cube Qcontenant x, on d´efinit FQ:Q[0,1] !Qen
posant FQ(z, t)=x+t(zx), en identifiant Q`a un cube de l’espace euclidien par une
isom´etrie. On v´erifie que FQest une homotopie de Q(t=1)`a{x}(t=0).
On remarque que FQ=FQ0sur Q\Q0, donc obtient ainsi la r´etraction recherch´ee
F:b
Qx[0,1] !b
Qxen recollant ces homotopies.
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