États Septiques Graves Dr. Julien Bohé Réanimation Médicale CH Lyon-Sud Quelques définitions (revues en 2003) • • • • SIRS Sepsis Sepsis sévère Choc septique 2001 SCCM/ESICM/ACCP/ATS/SIS International Sepsis Definitions Conference. Crit Care Med 2003;31 SIRS (Systemic Inflammatory Response Syndrome) • Peut être causé par une infection ou une autre pathologie en dehors de toute infection (brûlure, pancréatite, …) • Deux au moins parmi les signes suivants : – Température >38,5°C ou <35°C – Fréquence cardiaque >90 /min – Fréquence respiratoire > 20 /min ou PaCO2 < 32 mmHg ou nécessité de ventilation mécanique – Globules blancs > 12000/mL ou < 4000/mL, ou formes immatures > 10% Sepsis • SIRS + • Infection Infection : processus pathologique causé par l’invasion d’un liquide ou d’un tissu normalement stérile par un microorganisme pathogène ou potentiellement pathogène Souvent l’infection est fortement suspectée mais pas démontrée au niveau microbiologique Sepsis sévère • Sepsis + • Au moins un signe d’hypoperfusion ou de dysfonction d’organe – Marbrures cutanées – Temps de recoloration cutanée > 3 s – Diurèse < 0,5 mL/kg pendant 1 heure ou nécessité d’épuration extrarénale – Lactate > 2 mM – Détérioration brutale de l’état de conscience – Plaquettes < 100 000 /µL ou CIVD – ARDS ou ALI – Dysfonction myocardique (échographique) Choc septique • Sepsis + • Hypotension artérielle persistante – Non expliquée par une cause autre que le sepsis – PAS < 90 mmHg ou PAM < 60 mmHg ou chute de la PAS de plus de 40 mmHg – Résistant à un remplissage vasculaire adéquat Épidémiologie • Sepsis – Incidence 50-95 cas par 100 000 habitants et par an – 2% des admissions à l’hôpital • 9% des sepsis sepsis sévère • 3% des sepsis sévères choc septique • 10% des entrées en réanimation sont des chocs septiques Choc septique • Mortalité moyenne 45% • Incidence maximale entre 50 et 60 ans • Facteurs prédisposant : – – – – Cancer Déficit immunitaire Défaillances viscérales chroniques Facteurs génétiques (polymorphismes de gènes régulant l’immunité) Microorganismes en cause en Cultures négatives dans 30% des cas Annane, Lancet 2005;365 Point de départ • Poumon (45%), abdomen (20%), arbre urinaire (10%), septicémie primitive représentent sont à l’origine du sepsis dans 80% des cas Conséquences viscérales du choc septique • Très rapidement après le début de la décharge bactérienne, de la mise en jeu de la cascade inflammatoire et de l’insuffisance circulatoire qui en résulte Clinique du choc septique • Signes précoces d’insuffisance circulatoire aiguë (PAS < 90 mmHg malgré un remplissage adéquat ( hypoperfusion tissulaire)) – Altération de la conscience – Signes cutanés (marbrures, du temps de recoloration, de la température cutanée) – Oligurie ( < 0,5 mL/kg/h) • Tachycardie – par libération de catécholamines • Hyperthermie (parfois hypothermie) – par libération de médiateurs Il-1, Il-6 et de la dépense énergétique • Polypnée – par atteinte pulmonaire lésionnelle responsable d’un shunt intrapulmonaire et d’anomalie du rapport ventilation/perfusion ; SDRA – Par l’acidose métabolique • Élévation de la lactatémie – Témoin du métabolisme anaérobie tissulaire Deux mécanismes expliquent les défaillances viscérales • Activation de la réponse inflammatoire • Altérations neuroendocriniennes Défaillance circulatoire • Hypovolémie • Vasoplégie, hyporéactivité vasculaire aux agents vasoconstricteurs, anomalies de distribution locorégionale du débit sanguin • Dépression myocardique – Fonction ventriculaire gauche et droite (effondrement de l’index cardiaque) • Intérêt de l’échographie cardiaque L’examen clinique s’acharnera à mettre en évidence la porte d’entrée et la nature microbiologique de l’infection responsable du sepsis Prélèvement à visée microbiologique • Certains prélèvements permettent une orientation microbiologique immédiate (examen direct) – – – – Lavage broncho-alvéolaire LCR Urines Liquides d’ascite et d’autres épanchements traitements Prévention des états septiques graves • Antibioprophylaxie • Maintien de la glycémie entre 4 et 6 mmol/L Van den Berghe, N Engl J Med 2001;345 • Décontamination digestive • Vaccins Prise en charge en réanimation Traitement du choc septique • Traitement de l’infection – Médical – Chirurgical • Traitement de l’insuffisance circulatoire aiguë – Expansion volémique – Amines pressives • Mesures symptomatiques de maintien des fonctions vitales face aux dysfonctions d’organes • Contrôle de la cascade inflammatoire Annane, Lancet 2005;365 Traitement anti-infectieux • En urgence • Empirique (mais pas aveugle) • Guidé par une évaluation précise : – du contexte clinique et biologique de l’infection • Contexte nosocomial • Antibiothérapie préalable – De la localisation de l’infection • Oriente sur le germe et sur des traitements dont la pharmacocinétique est adaptée – Des pathologies sous-jacentes • • • • Terrain immunodéprimé, corticothérapie Cancer Diabète Age > 60 ans Repose sur un diagnostic microbiologique clinique Traitement de l’insuffisance circulatoire aiguë • Objectifs – PVC 8-12 mmHg – PAM 65-90 mmHg – SvO2 > 70% • Surveillance – Clinique (diurèse horaire) – Échographie cardiaque – Pulsatilité de l’onde de pouls • Remplissage vasculaire – Même efficacité entre cristalloïde et colloïde – A débuter précocement • Traitement vasopresseur – Si persistance de l’hypotension artérielle après optimisation du remplissage vasculaire 1 2 1 2 dobutamine ++ +++ ++ adrénaline +++ +++ ++ +++ noradrénaline +++ +++ ++ + – Adrénaline ou noradrénaline + dobutamine Intérêt d’une prise en charge précoce du choc septique • 263 patients en choc septique randomisés aux urgences – Traitement Classique de l’état de choc – Traitement Agressif pendant au moins 6 heures de l’état de choc (adapté aux données de la saturation veineuse en O2) Mortalité hospitalière Traitement Classique 46% Traitement Agressif 30% Significatif Rivers E, New Engl J Med, 2001; 345: 1368 L’insuffisance surrénalienne relative L’axe corticosurrénalien. État normal • Rôles du cortisol – glycémie (antagoniste de l’insuline) – catabolisme protéique – anti-inflammatoire • Sécrétion surrénalienne variable au cours de la journée sous la dépendance de l’ACTH L’axe corticosurrénalien lors d’une agression • Stimulation de l’axe corticosurrénalien par l’agression • sécrétion du cortisol adaptée au niveau de l’agression L’axe corticosurrénalien lors d’une agression sévère De nombreux facteurs peuvent perturber la réponse de l’axe corticosurrénalien lors d’une agression sévère – Traumatisme crânien – Certains traitements • Corticostéroïdes • Hypnomidate – … Insuffisance surrénalienne relative Les corticoïdes à forte dose (dose anti-inflammatoire) 244 patients en choc septique Solumédrol 30 mg/kg 4 injections en 24 h Placébo Disparition du choc 65% non significatif 73% Mortalité (214ème j) 39% non significatif 28% Bone RC, New Engl J Med, 1987; 2178: 653 299 patients en choc septique Test à l’ACTH 70 « Répondeurs » 229 « Non-Répondeurs » Pendant 7 jours Hydrocortisone 50 mg/6 h + Fludrocortisone 50 µg/j Mortalité (28ème j) 61% Placébo Hydrocortisone 50 mg/6 h + Fludrocortisone 50 µg/j Placébo 53% 53% 63% non significatif P=0,04 Indication de traitement substitutif par Hydrocortisone chez les non-répondeurs Annane D, JAMA, 2002; 288: 862 Diagnostic de l’insuffisance surrénalienne relative • Mesure de la concentration de cortisol dans le sang ([cortisol]Sang) – Interprétation difficile : • Variations normales au cours de la journée • En relation avec l’importance de l’agression • Test à l’ACTH (Synactène®) – Mesure si les glandes surrénales peuvent être stimulées – Étude de la sécrétion de cortisol après l’injection de Synactène® (0,25 mg). Mesures du [cortisol]Sang avant, et 30 et 60 min après l’injection – Deux types de réponses : • [cortisol]Sang Répondeur • Pas d’ [cortisol]Sang Non Répondeur Traitement de l’insuffisance surrénalienne relative • Si répondeur au test à l’ACTH ( max < 9µg/dL) : – pas de traitement • Si non-répondeur au test à l’ACTH ( max 9µg/dL): – hemisuccinate d’hydrocortisone 50 mg/6 h – Fludrocortisone 50 µg /24 h – Pendant 7 jours Annane D, JAMA, 2002; 288: 862 La réponse inflammatoire au cours du choc septique • Réponse pro-inflammatoire – Production locale et systémique de médiateurs de l’inflammation (cytokines pro-inflammatoires) en réponse à un agent infectieux – Entraîne une inflammation du compartiment où se produit l’infection au site de l’infection Jours INFECTION La réponse inflammatoire au cours du choc septique • Réponse pro-inflammatoire – Production locale et systémique de médiateurs de l’inflammation (cytokines pro-inflammatoires) en réponse à un agent infectieux – Entraîne une inflammation du compartiment où se produit l’infection et des signes d’inflammation systémique (fièvre, tachycardie, tachypnée, des globules blancs) au site de l’infection dans le sang Jours Jours INFECTION La réponse inflammatoire au cours du choc septique au site de l’infection dans le sang • Réponse pro-inflammatoire • Réponse anti-inflammatoire – Production par les leucocytes circulants de cytokines anti-inflammatoires et par les surrénales de corticoïdes – Réponse compensatrice qui vise à contrecarrer les effets des médiateurs pro-inflammatoires Jours Jours INFECTION La réponse inflammatoire au cours du choc septique au site de l’infection dans le sang • Réponse pro-inflammatoire • Réponse anti-inflammatoire • Immunoparalysie Jours – État d’incompétence immunitaire avec incapacité des cellules immunitaires à répondre à un stimulus infectieux (plus de capacité pour produire des cytokines proinflammatoires) – Situation propice aux infections nosocomiales Jours INFECTION Pugin J, Réanim Urgences, 2000; 9: 613 La réponse inflammatoire au cours du choc septique. Les traitements modulant la réponse immunitaire • Des traitements agissant sur la réponse immunitaire du patient (anti-inflammatoires ou stimulant l’immunité) ont été essayés avec des résultats souvent décevants • Ces échecs reposent certainement en partie sur une administration des traitements trop tôt ou trop tard au cours du sepsis La réponse inflammatoire au cours du choc septique. Les traitements modulant la réponse immunitaire • Des traitements agissant sur la réponse immunitaire du patient (anti-inflammatoires ou stimulant l’immunité) ont été essayés avec des résultats souvent décevants • Ces échecs reposent certainement en partie sur une administration des traitements trop tôt ou trop tard au cours du sepsis TRAITEMENT Réponse pro-inflammatoire Réponse anti-inflammatoire Immunoparalysie Jours INFECTION La réponse inflammatoire au cours du choc septique. Les traitements modulant la réponse immunitaire • Des traitements agissant sur la réponse immunitaire du patient (anti-inflammatoires ou stimulant l’immunité) ont été essayés avec des résultats souvent décevants • Ces échecs reposent certainement en partie sur une administration des traitements trop tôt ou trop tard au cours du sepsis TRAITEMENT Réponse pro-inflammatoire Réponse anti-inflammatoire Immunoparalysie Jours INFECTION La réponse inflammatoire au cours du choc septique. Les traitements modulant la réponse immunitaire • Des traitements agissant sur la réponse immunitaire du patient (anti-inflammatoires ou stimulant l’immunité) ont été essayés avec des résultats souvent décevants • Ces échecs reposent certainement en partie sur une administration des traitements trop tôt ou trop tard au cours du sepsis TRAITEMENT Réponse pro-inflammatoire Réponse anti-inflammatoire Immunoparalysie Jours INFECTION Essais cliniques de traitements anti-inflammatoires n décès / Total (%) Traitements testés (n études) Groupe contrôle Groupe traité Il-1ra (3), antibradikinine (2), 9402425 1440/4004 anti-PAF (2), anti-TNF (6), (36%) TNFr (2), antiprostaglandine (3) (39%) Zeni F, Crit Care Med. 1997;25:1095 La coagulation au cours du choc septique La coagulation au cours du choc septique • La coagulation et l’inflammation sont intimement liées au cours du sepsis • Profond dérèglement de l’équilibre entre coagulation et fibrinolyse Thromboses intravasculaires, CIVD de la perfusion tissulaire et défaillance multiviscérale Purpura fulminans méningococcique avec CIVD et nécroses cutanées Conversion, activation Inhibition Réaction catalysée par facteur activé Différents effets de la thrombine Exploration de la coagulation • Bilan de coagulation classique – TP, TCA, fibrinogène, taux de plaquettes • Produit de dégradation du fibrinogène (PDF) et complexes solubles (CS) dont la présence signe la CIVD • Autres facteurs de la coagulation (protéines C et S, antithrombine III) Système régulateur anticoagulant • Protéine C activée • Antithrombine III • Inhibiteur de la voie du facteur tissulaire (TFPI) Conversion, activation Inhibition Réaction catalysée par facteur activé Différents effets de la thrombine Au cours du sepsis sévère • protéine C et inactivation de sa forme active • antithrombine III La protéine C activée • Seul traitement anticoagulant qui a démontré une efficacité clinique • Étude PROWESS – 1690 patients en sepsis sévère randomisés pour recevoir soit de la protéine C activée (Xigris®) soit un placébo pendant 4 j Mortalité à J28 Complications hémorragiques graves Xigris® 25% 3,5% Placébo 31% Significatif 2% Non significatif – Indications : sepsis sévère avec plusieurs défaillances d’organes – Problème du coût du traitement (~ 8 000 €) Bernard GR, New Engl J Med, 2001; 344: 699 En conclusion • Urgence thérapeutique • Prélèvements multiples pour documenter le sepsis • Traitement empirique raisonné • Contrôle hémodynamique et des fonctions vitales • Traitements adjuvants : corticothérapie substitutive, protéine C activée Quelques références • 1. Annane, D., et al., Effect of treatment with low doses of hydrocortisone and fludrocortisone on mortality in patients with septic shock. Jama, 2002. 288(7): p. 862-71. • 2. Annane, D., E. Bellissant, and J.M. Cavaillon, Septic shock. Lancet, 2005. 365(9453): p. 63-78. • 3. Bernard, G.R., et al., Efficacy and safety of recombinant human activated protein C for severe sepsis. N Engl J Med, 2001. 344(10): p. 699-709. • 4. Levy, M.M., et al., 2001 SCCM/ESICM/ACCP/ATS/SIS International Sepsis Definitions Conference. Crit Care Med, 2003. 31(4): p. 1250-6. • 5. Rivers, E., et al., Early goal-directed therapy in the treatment of severe sepsis and septic shock. N Engl J Med, 2001. 345(19): p. 1368-77. • 6. van den Berghe, G., et al., Intensive insulin therapy in the critically ill patients. N Engl J Med, 2001. 345(19): p. 1359-67.