IES. Miguel de Molinos 2º Bachillerato SECTION BILINGUE PHILOSOPHIE. ©
I - LE MYTHE COMME PREMIÈRE EXPLICATION DU MONDE
(IX°-VIII° S. AV. J.-C.)
C'est oralement et sous forme de
mythes que se transmettent, dès le IXº
siècle av. J.-C., les savoirs et les
coutumes de la culture hellène. Ainsi,
au VIIIº siècle, le poète Hésiode, dans
la Théogonie, nous raconte sous une
forme encore mythique l'engendrement
d'un monde d'abord désordonné, puis
progressivement unifié par la puissance
souveraine de Zeus. Pour Hésiode et ses
auditeurs, le mythe est une manière de
penser le monde, de mettre en place les
différentes réalités du cosmos sur le modèle des unions amoureuses et des relations de
parenté du monde humain. Par l'évocation des temps immémoriaux de l'origine, le poète
éclaire aussi le sens profondément divin de notre univers.
Pourtant, avec l'apparition de l'écriture, le mythe et la fable poétique sont peu à
peu discrédités et remplacés par l'enquête de l'historien ou le raisonnement du
philosophe. Ces nouveaux genres de discours ne peuvent se fonder sur la tradition orale,
ou encore sur l'autorité des Muses dont se réclame Hésiode. Par ailleurs, dans son effort
de rationalisation de l'expérience, la pensée ne peut plus se satisfaire des multiples;
engendrements de Gaia (la Terre) ou des manifestation. autoritaires de Zeus. Elle exige
à présent un principe qui puisse rendre compte de la multiplicité des phénomènes
observés. Ainsi, pour Thalès au début du VIº siècle av. J.-C., il se pourrait bien que ce
premier principe fût l'eau.
LA NAISSANCE DES CITÉS-ÉTAT: (VIIIº s. av. J.-C.)
Vers le VIIIº, siècle av. J.-C., les Grecs empruntent aux Phéniciens leur alphabet
consonantique de vingt-deux signes auquel ils ajoutent quelques voyelles. Cet emprunt
explique la construction de cités État et l'apparition d'une pensé autonome et rationnelle.
Celle ci deviendra philosophie au IVº siècle av. J.-C. pour ne plus jamais s'éteindre et
pour se développer jusqu'à nous. C'est en Grèce, par conséquent, que se dessinent les
premiers cadres de la pensée scientifique et philosophique, sans que l'on puisse parler
pour autant d'un « miracle». Deux changements décisifs se produisent en effet au VIIIº
siècle, qui permettent d'éclairer cette apparition d'une pensée rationnelle. D'une part,
l'écriture devient un instrument social. D'autre part, la parole se fait le vecteur majeur de
la vie politique et des rapports sociaux.
Dans les royaumes du Proche Orient ou de l'Orient, l'écriture est le privilège de
quelques lettrés, les scribes. Elle permet à un roi-dieu de contrôler la vie économique et
sociale de ses sujets puisque toutes les archives restent secrètes à l'intérieur du palais.
Avec l'invention de l'écriture phonétique, l'écrit ne peut plus être le monopole d'une
caste. Il devient progressivement la «chose commune » de tous les citoyens. Sa fonction
n'est plus de garder des décisions confidentielles, mais de les divulguer, de dévoiler en
quelque sorte aux yeux de tous ce qui intéresse la communauté, c'est-à-dire les lois.
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Par ailleurs, la parole se fait publique: toutes les questions d'intérêt général font
désormais l'objet d'un débat. Insensiblement, la loi perd le caractère arbitraire qu'elle
possédait quand elle était confisquée par quelques-uns. Elle devient une norme
rationnelle, une règle commune, un ordre auquel on se soumet parce qu'il est visible,
écrit et discuté par tous. La parole acquiert alors un double sens: politique d'abord, dans
la mesure où elle est le support de toutes les décisions judiciaires, militaires ou
politiques; rationnelle, enfin, puisqu'elle devient le bien commun de tous les esprits
lorsqu'elle prend la forme du discours argumenté et rigoureux.
LES PREMIERS SAVOIRS RATIONNELS (VIIº s. av. J.-C.)
C'est dans ce contexte que les premiers savoirs rationnels apparaissent chez les
physiciens et chez ceux qu'on appelle « physiologues », car ils étudient la nature ou
phusis. Ils affirment que l'univers est gouverné par un principe. Chaque élément naturel
ne doit pas être saisi comme une pièce isolée et détachée du reste ; il doit s'intégrer dans
un vaste ensemble explicatif qui lui donne sens et fonction. Ces synthèses se répondent
et se dépassent dans une sorte de dialogue entre penseurs.
Ainsi, Anaximandre, dès le VIº siècle av. J.-C., écrit le résultat de ses réflexions
et renonce au caractère privé de la pensée pour la soumettre au jugement d'autrui et de
l'humanité entière. Un peu plus tard, Pythagore transforme cette enquête sur la nature en
la désignant du nom de mathèmata. Sans doute ne conçoit-il pas le monde sous forme
de relations quantitatives mesurables, mais il a l'intuition que les nombres forment
l'essence qualitative des choses. Enfin, au Vº siècle av. J.-C., Parménide introduit une
troisième discipline fondamentale, expression de la pensée humaine dans son
universalité : il s'agit de la logique et de son discours rigoureux; le penseur est
désormais assuré de la vérité de sa parole grâce à l'enchaînement nécessaire des
arguments, alors que l'opinion (doxa) est le domaine du faux.
LA RÉVOLUTION DE LA SOPHISTIQUE (Vº s. av. J.-C.)
Pourtant, la révolution intellectuelle la plus importante est réalisée par les
sophistes, professeurs qui, voyageant de cités en cités, monnayent leur savoir. Se
détournant des questions physiques de leurs prédécesseurs, ils s'intéressent aux
questions humaines et politiques. Enseignant l'art du discours ou rhétorique, dans un
univers où la parole est le centre de toute la vie sociale, ils considèrent la loi comme une
convention et détruisent ainsi les assises transcendantes ou traditionnelles que les cités
s'étaient données. C'est le triomphe d'une nouvelle mesure: l'homme, qui, armé de sa
seule raison et de subtiles argumentations, fait éclater le cadre traditionnel de la culture.
Le rôle et l'influence des sophistes sont considérables dans la vie intellectuelle et
politique de la cité grecque. Non seulement ils font prendre conscience d'une pratique
(technè) nouvelle du citoyen, qui s'appelle art politique, mais on découvre aussi par
leurs discours que la culture et l'éducation peuvent s'ouvrir sur la totalité des choses
humaines et naturelles. Ils sont ainsi des professeurs de culture générale ou des
encyclopédistes qui peuvent parler de tout.
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LES PRÉSOCRATIQUES
La philosophie est née dans le monde hellénique, sur la
côte de l'Asie Mineure, à la fin du VIIe siècle avant notre ère. À la
suite de l'invasion de l'Ionie par les Perses, l'école de Milet, dont
Thalès fut le fondateur, est remplacée par de nouveaux centres
intellectuels situés en Italie du Sud et en Sicile.
Les philosophes dits " présocratiques " sont ceux qui
posèrent pour la première fois la question de l'origine des choses,
question qui porte en germe ce qu'il conviendra d'appeler, après Aristote, la
métaphysique. Il ne nous reste d'eux que des fragments ou des œuvres incomplètes, et
l'essentiel de ce que nous en connaissons provient de leurs commentateurs.
La période présocratique s'étend du VIe au Ve siècle av. J.-C. Elle voit naître
trois grands courants d'idées: le courant ionien, le pythagorisme et l'éléatisme. Par-delà
les oppositions de leurs doctrines, les philosophes qui sont à l'origine de ces courants
ont en commun le même souci de poser les problèmes de façon rationnelle. Dans leur
manière d'interroger le monde, ils cherchent avant tout à connaître la nature (phusis) de
la substance première afin de tout expliquer. Pour Thalès, par exemple, il s'agissait de
l'eau; pour Anaximandre, d'une substance infinie; pour Anaximène, de l'air; pour
Empédocle, de la combinaison des quatre éléments. Démocrite, quant à lui, proposait un
modèle d'explication à partir des " atomes ".
Ce foisonnement de réponses parfois étonnantes va de pair avec des
préoccupations beaucoup plus techniques et pratiques. En effet, ces premiers " savants "
(sophoï) ignoraient la distinction que nous établissons aujourd'hui entre les différents
domaines d'application du savoir. Thalès, par exemple, fut célèbre en son temps pour
avoir prévu une éclipse solaire, énoncé plusieurs propositions géométriques simples, ou
encore mesuré la hauteur des grandes pyramides égyptiennes.
Ainsi l'astronomie, la physique, les mathématiques, la géométrie et la
métaphysique cohabitent dans les philosophies présocratiques. Cette curiosité sans
limite donne lieu à un foisonnement d'explications du cosmos auxquelles les
philosophes ultérieurs auront souvent recours.
Cette période préliminaire de l'histoire de la pensée occidentale s'achève avec
l'apparition des sophistes qui, comme Protagoras ou Gorgias par exemple, enseignent
l'art de défendre n'importe quelle thèse en fonction des attentes de l'auditoire. Ils
incarnent une réaction contre les philosophes antérieurs. Ils sont contemporains d'un
nouveau déplacement du centre intellectuel: c'est désormais à Athènes que la
philosophie va prendre son essor autour de la figure mythique de Socrate.
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¾ L'école de Milet
Au VII° et VI° siècle av. J. C.,
Milet, cette ville de la côte d'Asie
Mineure, est la plus importante de
l'Ionie. Ville où le commerce est
intense, elle accueille les navires
chargés de biens précieux. Comme
souvent lorsque les affaires sont
prospères, on s'éloigne de la religion
pour s'intéresser à des activités plus
pratiques et plus rationnelles.
Les philosophes de Milet ont pour point
commun la recherche du principe dont
sortent toutes choses. Ce sont donc
avant tout des physiciens (c'est à dire
qu'ils veulent comprendre la nature) à la
recherche de l'élément primordial
(l'archè) dont serait issue toute réalité.
1) Thalès de Milet.
a) Éléments biographiques.
Il naît dans la seconde moitié du VII° siècle av. J.C. Ses parents
sont phéniciens. Il voyagera très tôt entre l'Égypte et le Moyen-
Orient. Il apprend, par l'intermédiaire des prêtres égyptiens et
chaldéens tout ce qu'on sait à l'époque en matière d'astronomie, de
mathématique, de science de la navigation. Une anecdote raconte
que quand sa mère lui demandait pourquoi il ne se mariait pas, il
répondait "Il n'est pas encore temps", jusqu'au jour où il changea
ainsi sa réponse : "Il n'est plus temps".
La tradition présente Thalès comme un homme étrange, la
tête dans les nuages, dénué de sens pratique. On raconte qu'un jour, occupé à regarder
les étoiles, il ne regarda pas où il mettait les pieds et tomba dans un puit, ce qui fit
beaucoup rire. Pourtant Aristote dément cette absence de sens pratique. Thalès, grâce à
la connaissance des astres, sut prévoir une abondante récolte d'olives. Il loua à bas prix
tous les pressoirs disponibles qu'il sous-loua ensuite à un prix plus élevé, montrant ainsi
qu'un philosophe, s'il le veut, peut s'enrichir et que s'il restait pauvre ce n'était pas par
maladresse mais par volonté.
On raconte aussi que Thalès sut prévoir l'éclipse de 585 av. J. C. mais, en réalité,
il s'agit sans doute d'un hasard. Sa science sur ce point ne dépassait pas celle des
chaldéens qui prévoyaient que les éclipses solaires se présentent à peu près tous les 90
ans (la prévision astronomique des éclipses est, en réalité, plus complexe). En revanche,
il est probable qu'il sut calculer la hauteur des pyramides en établissant une proportion
entre l'ombre projetée par une pyramide et celle d'un autre objet dont la hauteur lui était
connue. Par la géométrie aussi, il sut mesurer d'un point de la côte la distance d'un
vaisseau en mer. À vrai dire, tout ceci est sujet à caution puisqu'il ne nous laissa aucun
ouvrage. Il mourut de chaleur dans un stade, alors qu'il était très âgé, lors d'une
compétition d'athlétisme.
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b) La philosophie de Thalès.
Il remplace l'explication mythique de l'univers par une explication physique et est,
en mathématiques, un des précurseurs de la science grecque. Thalès explique l'univers
par un principe unique : l'eau. C'est l'eau qui engendre les autres éléments que sont la
terre, l'air et le feu. Tout ce qui est vivant est humide. L'eau est l'âme des choses,
l'élément primordial, l'archè. L'air et le feu ne sont que des exhalaisons de l'eau et la
terre en est un dépôt résiduel.
La terre est un radeau flottant sur une énorme étendue d'eau dont les tangages
peuvent provoquer des tremblements de terre. Les astres flottent sur les eaux d'en haut.
Ainsi Thalès pose un principe unique d'explication de la nature. Même si celui-ci peut
nous sembler naïf, le simple fait de ne plus voir l'explication du monde dans les dieux
constitue un premier pas important qui conduit à la naissance de la philosophie.
2) Anaximandre.
a) Éléments biographiques.
Il naît vraisemblablement en 610 av. J. C. et semble avoir été
l'élève de Thalès. Il est connu pour avoir dessiné le premier une
carte de géographie. On dit aussi qu'il aurait inventé le gnomon
(c'est à dire le cadran solaire) et qu'il aurait prévu un
tremblement de terre dans la région de Sparte. En réalité nous
ne savons rien de précis sur sa vie et nous ne possédons pas ses
œuvres, à l'exception d'un fragment reproduit par Aristote.
Nous savons qu'il avait composé un traité intitulé De la Nature
alors qu'il avait 64 ans.
b) La philosophie d'Anaximandre.
Comme Thalès il cherche l'élément primitif expliquant toute chose. Mais pour lui il
ne s'agit plus de l'eau mais de l'infini ou l'illimité, l'apeiron, terme grec difficile à
traduire et qui signifie aussi l'indéterminé. Toute réalité en serait issue et toute réalité
s'achèverait en lui. Il ne s'agit pas d'une vue métaphysique et nous sommes ici encore
proches des mythes. Selon Anaximandre, il n'est pas possible qu'un des quatre éléments
(eau, air, terre, feu) soit l'essence primordiale de l'univers car alors la suprématie de cet
élément aurait entraîné la disparition des autres. Eau, air, terre et feu sont des entités
limitées gouvernées par l'apeiron et chaque fois qu'un des quatre éléments l'emporte,
l'apeiron le repousse. En somme, les éléments assaillent leur contraire mais la nécessité
les domine et impose des proportions inaltérées.
Quant à son système du monde, Anaximandre pense qu'au commencement était
l'apeiron. Puis le chaud et le froid se séparèrent, le premier se plaçant à l'extérieur (une
sphère de feu s'étendit autour de l'air qui enveloppait la terre), le second s'installant au
centre du monde. La terre est un disque plat dont la hauteur est le tiers du diamètre et
qui est suspendu dans l'air au centre de l'univers. Elle n'a pas besoin de support parce
que, parfaitement au centre, elle n'a aucune raison d'aller dans un sens ou un autre.
Autour de la terre, tournent des roues sur le bord intérieur desquelles se trouvent des
trous à travers lesquels nous voyons le feu extérieur. C'est ce qui expliquerait notre
vision des astres. Quand les ouvertures se bouchent, il se produit des éclipses et les
phases de la lune ont la même cause.
Le mérite d'Anaximandre est de proposer une première ébauche de cosmologie,
si naïve nous semble-t-elle.
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