Questions éthiques en réanimation Dr Ali MOFREDJ Me Bélinda MAIOLI CH Salon de Provence 23/04/2009 RECUEIL D 'INFORMATIONS 1. Présentation de Madame B. 70 ans, Madame B, veuve, 3enfants Vit seule à son domicile dans une ferme et fait de l’élevage ; elle est autonome. Pas désigné de personne de confiance , elle a donne le numéro d’une amie comme personne de confiance , il y a un conflit familial entre ses enfants. 2. Antécédents BPCO Tabagisme actif depuis l’âge de14 ans Tentative de sevrage durant 1 an et demi et reprise Asthme allergique intriqué Allergie pénicillines et produit de contraste iodé Syndrome dépressif Dénutrition Taille 1.55; Poids Pneumopathie pneumocoque avec hospitalisation en réanimation et trachéotomie en 2005 (AIX) Pneumopathie à haemophilus influenzae et choc septique ayant nécessité un sejour en réanimation et une trachéotomie en mars 2009( Marseille ) Hospitalisation poursuivie en pneumologie au CH salon en avril 2009 SYNTHESE D'HOSPITALISATION 3 Admission Urgences du CH Salon le 15/10/2009 pour décompensation respiratoire grave avec une intubation oraotrachéale et une VM mise en route aux urgences où elle est venue avec les pompiers seule à 2h30. Admission en réanimation à 4h Diagnostic: Pneumopathie à légionelle La fille signale au téléphone le 15/10 que sa mère ne veut pas de traitement, en a assez des hôpitaux dans le dossier on retrouve une notion de non observance du trt Antibiotique adapté mais le 16/10 choc septique Des le 16/10 des lésions buccales et labiales sont présentes et liées au tube Me B mord la sonde et a du se mordre les lèvres aussi . Les lésions sont très douloureuses et saignent +++ des dispositifs sont utilises mais peu efficaces Le 18/10 détérioration de l’hémodynamique nécessitant l’augmentation des amines Le 21/10 le choc septique et l’évolution sont favorables avec un sevrage d’amine Le 25/10 le sevrage ventilatoire est envisagé ainsi que l’arrêt de la sédation Le sevrage ventilatoire se fait difficilement avec des phases de fatigue importante et une aide inspiratoire à 20 Le 28/10 l’aide inspiratoire est baissée mais la patiente le tolère mal Le sevrage sur tube en T se fait le 29/10 échec trop d’efforts hypercapnie patiente consciente communique le s lésions labiales sont très douloureuses et saignent+++ Le 30/10 Proposition à la patiente qui est consciente de faire une trachéotomie La patiente refuse en présence de sa fille La gazométrie montre un PCO à 90mmmde Hg Attitude envisagée: des que capnie redescend à 50mm hg extubation + relai VNI Sécrétion sales et encombrement bronchique ++ Lésions labiales +++ douleurs aux soins malgré antalgiques donnes Neurologiquement Me B alterne phase de calme et d’agitation qui nécessite des contentions Le 2/11 IDE note perte de l’élan vital, Me B ne veut pus rien Rediscutions avec la famille et Me B pour la trachéotomie, Me Boyer se donne jusqu’au soir pour réfléchir puis donne son accord. Est Anxieuse cependant +++ La tracheotomie est réalisée le 3/11 Réhabilitation très rapide: lever fauteuil ,sevrage sur tube en T alterné avec respi et aide sur 15 jours, Valve phonatoire le 16/11 Me B a pu parler Sevrage final le 18/11 Me B respire sans machine,marche dans le couloir avec kiné le 20/10 Décanulation le 22/11/2009 En quoi cette situation a-t-elle posé un questionnement éthique? Il peut faire appel à un autre membre du corps médical. Dans tous les cas, le malade doit réitérer sa décision après un délai raisonnable. Celle-ci est inscrite dans son dossier médical. Le médecin sauvegarde la dignité du mourant et assure la qualité de sa fin de vie en dispensant les soins visés à l’article L. 1110-10. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. Lorsque la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté, aucune intervention…..sauf urgence …, sans que la personne de confiance prévue à l’article L. 1111-6, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches ait été consulté » Code de déontologie médicale Art 2: le médecin, au service de l’individu et de la collectivité, exerce…respect de la personne et de sa dignité Art 8: ..limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité du trt.. Art 32: …soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science.. Art 35: …. doit à la personne qu’il soigne une information loyale, claire et appropriée à son état Art 37: ..en toutes circonstances…doit s’efforcer de soulager.. Et éviter toute obstination déraisonnable.. Art 38: ..doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments Analyser le refus Quelle est la capacité cognitive du patient au moment du refus? Qu’est ce qui est refusé et pourquoi? Le refus de traitement n’est que rarement un refus de soins Que s’est–il passé dans la relation médecinmalade? CCNE Avril 2005 Ecouter le refus et analyser ses motifs et sa signification ; Apprécier les circonstances et le contexte général dans lequel le refus est prononcé ; Apprécier la capacité de jugement et les contraintes psychologiques pesant sur le malade et sa décision ; Ne pas céder à l’obsession du médico-légal ni au piège de la compassion qui sont sources d’abus d’autorité ; En cas de conflit, chercher un deuxième avis, une médiation Faire réitérer le refus après un délai raisonnable ; Savoir, dans des cas d’extrême urgence et selon le contexte, notamment celui de la femme enceinte ou venant d’accoucher, passer outre à un refus. CCNE Avril 2005 Venir en aide à une personne n’est pas nécessairement lui imposer un traitement Respecter la liberté individuelle tant qu’elle ne s’approprie pas la liberté d’autrui Communication avec le patient ou la famille information concrète, compréhensible, claire, loyale et appropriée en présence de l’infirmière et du cadre : meilleure circulation de l’information, concordance des nouvelles, la perception d’un travail d’équipe et témoigne de l’attention apportée à la famille Elle doit porter, au-delà de ce que chacun veut savoir, sur ce que chacun doit savoir Modèles Relationnels en Médecine Critères Paternaliste Autonomiste Collectiviste Délibératif Fondement moral Altruisme Autodétermination Solidarité Respect et solidarité Centrage Médecin Malade Société Réalité partagée Référence Savoir Préférences Utilité Accord mutuel Principe Bienfaisance Autonomie Justice Responsabilité Maxime « Ne fais aux autres que ce que tu souhaiterais qu’ils te fassent » « Ne fais aux autres que ce qu’ils souhaitent qu’on leur fasse » « Ne fais aux autres que ce qui est bon pour tous » Ne fais aux autres que ce que tu t’es engagé à faire pour eux, avec leur accord » Règles d’action Serment d’Hippocrate Droits de l’homme Droit positif Réalisme, Cohérence, Rationalité, Autonomie, Parité Llorca, Médecine 2006; 330 LATA? Limitation: renoncer à l’acharnement, à l’obstination déraisonnable, refus de l’escalade thérapeutique ( amines, dialyse, MCE, chirurgie…) Arrêt: refus de poursuivre un traitement actif qui relève de l’obstination déraisonnable (FiO2 à 21% ou arrêt, amines…) « Provoquer un dommage est pire que s’abstenir de l’empêcher » Vous avez dit Réanimation? Assistance technique temporaire sophistiquée qui suppose fondamentalement que l’affection grave dont est atteint le patient est REVERSIBLE ou CURABLE Elle est destinée à faire passer un cap en présence d’une défaillance aiguë de l’une des grandes fonctions physiologiques (c’est un sursis!) EVOLUTION DES IDEES ET DES LOIS H.PONTOPPIDAN : NEJM 1976 échelle d’engagement TT M.RAPIN et JR.LE GALL : 1979 bull acad nat med LOI du 9 juin 1999 : garantie d’accès aux soins palliatifs FERRAND : LANCET 2001 BOULARD : SFAR 2001 , TT devenus vains en réanimation SRLF 2002 LOI DU 4 MARS 2002 relative aux droits des malades LOI DU 22 AVRIL 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie LATA REA I-II DECES ASSOCIES A LATA N°1 : 53% - 11% des entrées DECES ASSOCIES A LATA N°2 : 54,4 % - 12% des entrées DECES ASSOCIES A LATA USA : 75 % ETUDE EUROPEENE ETHICUS COMMENT SE PRENNENT LES DECISIONS DE FIN DE VIE EN REANIMATION AILLEURS QU’EN FRANCE 17 PAYS ( nord-centre-sud ) 37 CENTRES DE REA 13 MOIS de janvier 1999 à juin 2000 3086 patients inclus sur 31417 patients admis en réanimation Sprung : ICM 2008 ETHICUS LIMITATION OU ARRET TT : 74% LATAREA : 53% PARTICIPATION IDE : 78 % LATAREA : 54% INSCRIPTION DS LE DOSSIER MED : 77% LATAREA : 42% GRADIENT NORD/SUD : 80%/30% Raisons des limitations et arrêts Futility (inutilité du traitement) 69% Qualité de vie future 56% Age 34% Qualité de vie antérieure 27% Économie 8% 42% des décisions sont écrites dans le dossier médical Réanimation futile Injustifiée par l’état du patient État avancé de la maladie sous jacente Prolonge une mauvaise qualité de vie Disperse des moyens qui pourraient être utilisés pour d’autres patients. « Il ne peut être question d’instaurer un droit à la santé qui signifierait un droit à engager sans limites les finances publiques » Conseil d’état 1998 Contraire aux souhaits du patient « Futility has no utility in resuscitation medicine » Ardagh J Med Ethics 2000 Les dangers ACHARNEMENT THERAPEUTIQUE Souffrances pendant la réanimation Souffrance après la réanimation Gaspillage de ressources Survie avec bonne qualité de vie « ressentie par le patient » Renoncement à un traitement futile ABANDON THERAPEUTIQUE Renoncement à un traitement qui aurait pu faire survivre un patient dans des bonnes conditions Agéisme Discrimination des patients en fonction de leur âge IDENTIFIER LE TRAITEMENT FUTILE Analyse des données Aspects médicaux et techniques Les différentes hypothèses TRT ont-elles été explorées? Balance avantages/risques ou bienfaits/souffrances a-t-elle été faite? Aspects juridiques Repères personnels et aspects moraux Valeurs morales, religieuses du malade et de ses proches? Dans quel état d’esprit est le malade? Accord avec les valeurs éthiques de l’équipe Aspects déontologiques Existe-t-il des textes, des recommandations, une jurisprudence? Que disent-ils? Peut-on se référer aux différentes déontologies professionnelles? Que disent-elles? Morale, Ethique et Déontologie Morale: ensemble de règles pratiques et de valeurs qui doivent diriger l’action de l’homme (Littré). La morale commence avec la polarité du bien et du mal. Elle répond à la question: Que dois-je faire? Ethique: ensemble de principe moraux qui sont à la base du comportement de quelqu’un. C’est la recherche de la sagesse de l’action. Elle répond à la question: Comment dois-je mener ma vie? Déontologie: Ensemble des règles et devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l'exercent, les rapports entre ceux-ci et leurs clients ou le public. Arrêt des soins actifs = refus de l’acharnement thérapeutique ou de l’obstination déraisonnable Catéchisme de l’Eglise Catholique (édition définitive, 1998) “La cessation des procédures médicales onéreuses, périlleuses, extraordinaires ou disproportionnées avec les résultats attendus est légitime ... On ne veut pas ainsi donner la mort, on accepte de ne pas pouvoir l’empêcher” - Pie XII (1957), Jean-Paul II (1992) - la théorie du double effet Code de déontologie médicale Art 2: le médecin, au service de l’individu et de la collectivité, exerce…respect de la personne et de sa dignité Art 8: ..limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité du trt.. Art 32: …soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science.. Art 35: …. doit à la personne qu’il soigne une information loyale, claire et appropriée à son état Art 37: ..en toutes circonstances…doit s’efforcer de soulager.. Et éviter toute obstination déraisonnable.. Art 38: ..doit accompagner le mourant jusqu’à ses derniers moments Charte éthique Respect de l’individu, quelque soit son état, mort ou vivant, et de ses souhaits Autonomie: le patient doit participer aux décisions le concernant (lui expliquer maladie, risques de la maladie et des traitements, la recherche…) Compassion: soulager le patient de tout ce qui est souffrance injustifiée (anxiété, angoisse, douleur..), écouter ses désirs et souhaits Équité = pas de discrimination Collaboration: avec le patient, l’équipe, intervenants extérieurs (pas d’examens doubles ou inutile) Responsabilité: dans l’acte médical, dans les coûts.. Recherche et enseignement avec comme corollaire l’excellence Communication au sein de l’équipe L’infirmière détient une mine d’informations Le médecin détient un savoir à partager « Une véritable équipe se constitue généralement devant les situations délicates » Ethique de la discussion Respect de l’intégrité de ses partenaires dans la discussion (ne pas mentir, ne pas manipuler) Il ne faut pas être incohérent, ni en contradiction avec soi-même Pas de rapport de pouvoir Pas d’instrumentalisation volontaire d’autrui Recherche du consensus ou se mettre d’accord sur les points de désaccord Puis rechercher un compromis Il faut construire une rationalité partagée Bénéfices ou avantages ou bienfaits Risques ou souffrances Le TRT sera-t-il efficace? Quels sont les effets nocifs physiques, psychologiques et sociaux? Sur quel aspect, quantité et/ou Quelle douleur, quel qualité de vie? inconfort? Quelle qualité Quelle circonstance prévisible d’accompagnement permettra de la mort? le traitement? Quelles valeurs et/ou principes sont respectés? Quelles valeurs et/ou principes risquent de pas être respectés? Délibération collective Dans cette situation, pense-t-on que tout le monde ferait ce que l’on décide faire? Peut-on vouloir que tout le monde fasse ce que l’on décide de faire Si oui, alors la décision est moralement bonne Limitation et arrêt Clarifier l’intention Dans le cadre d’une obligation de moyens, l’action et l’omission sont identiques d’un point de vue éthique Soigner (faire le bien), ne pas faire de mal (s’abstenir de ce qui serait obstination déraisonnable) et empêcher le mal (arrêter ce qui est devenu obstination) sont donc identiques Double effet Un acte, malgré une conséquence mauvaise, est moralement acceptable si celui qui agit ne vise que le bien, si son intention est bonne Théorie valable si: - L’acte n’est pas mauvais en lui-même - L’acte indirect mauvais est non voulu même s’il peut être prévu - L’effet mauvais n’est pas le moyen d’atteindre l’effet bon - Le bienfait de l’effet bon l’emporte sur la nocivité de l’effet mauvais - Il n’existe aucun moyen pour obtenir l’effet bon « Arrêter un acharnement est plus bénéfique pour le patient que n’est maléfique sa mort, fin naturelle d’une vie à son terme » Les soins Le soin est une attention particulière portée à une personne qui vit une situation particulière et ce, dans la perspective de lui en venir en aide, de contribuer à son bien-être, à sa santé. W. Hesbeen 1998 Prendre soin, c’est en même temps exprimer sa compassion et ne pas fusionner, être attentif, vigilant et non juge, dépositaire des bonnes pratiques médicales ou chirurgicales, tout en respectant le sujet. Pr D. Sicard 2002 Je ne te demande pas quelle est ton opinion ou quelle est ta religion mais quelle est ta souffrance. Pasteur Les soins dispensés en réanimation Les soins de base: hygiène, soins cutanés, décubitus, surveillance Les soins de confort: évitent la souffrance, l’asphyxie, la douleur (aujourd’hui la sédation, avec un état proche de l’anesthésie suffit) Les traitements curatifs ou actifs (étiologique et réanimation) LATA ne concernent que ces derniers Critères d’admission en Réanimation La réanimation se trouve dans un champ de tension entre le faisable et le souhaitable, où le faisable est en partie plus facile à définir que le souhaitable Stocker Forum 2003 Les acteurs de la décision L ’éthique Le droit Le malade Relation tripartite L’équipe soignante La société Les proches L ’institution Comment décider? Situations médicales complexes, pas de vérité universelle mais des probabilités Se souvenir que le faisable n’est toujours souhaitable Penser à donner de la vie aux années et pas seulement des années de vie Le médecin est responsable de l’espoir qu’il suscite par ses actes en entreprenant un traitement, et de la souffrance qui résulte de l’échec de la tentative Mais dans nos rangs, on fait encore, trop souvent, dépendre le sentiment de sa valeur personnelle de la survie du patient, sans considération du pronostic ou de la qualité de vie à court et moyen terme… Stocker Forum 2003 Conclusion Le Juste Soin Humaniser la mort