Cours sociologie du travail

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Cours sociologie des
organisations et du travail
CAFERUIS, 2010-2011
PHILIPPE HIRLET (IRTSL, chercheur
associé au Grée/LLSS, Univ Nancy2)
Plan de l’intervention
• Introduction à la sociologie des organisations (la gouvernance associative,
les métiers de service, la relation de service)
• 1. Un détour par Le taylorisme (Taylor),
• 2. Le fordisme (Ford), qu’est-ce que le compromis fordiste, les enjeux liés
au salaire,
• 3. La sociologie industrielle : les relations humaines,
• 4. La place des cadres dans l’action sociale,
• 5. Tensions sur le métier de cadre,
• 6. H. Mintzberg : un modèle théorique pouvant répondre à la complexité
des organisations sociales,
• 7. La sociologie de l’acteur : l’analyse stratégique (Crozier),
• 8. Management et/ou hégémonie managériale dans l’action sociale
• 9. Les différentes logiques qui s’entrechoquent.
Introduction : une hypothèse de lecture de
l’action sociale
Qu’est-ce que la sociologie ?
Etude (ou science) des sociétés ou des groupes sociaux qui
composent la société. Etude des phénomènes sociaux (ou des
faits sociaux) qui se déroulent au sein de la société
(l’exclusion, le chômage, l’emploi, la famille, la vieillesse).
Qu’est-ce que la sociologie des organisations
Etude des organisations, des structures et des acteurs qui les
composent. Analyse des relations internes et externes
(environnement), de la finalité de l’organisation (missions et
usagers) de son fonctionnement : services, organigramme,
fiches de poste, délégations, statuts des personnels, type
d’emplois, fonctions…
Introduction suite…
Qu’est-ce qu’une organisation ?
C’est un ensemble humain structuré
qui est composé en vue d’atteindre un
but, un objectif. On parle de la finalité
de l’organisation (ex: Renault
constructeur automobile).
C’est aussi le rassemblement de
plusieurs personnes qui s’organisent
pour atteindre un but et pas
seulement dans une organisation de
type marchand ou non marchand
(exemple un club d’alpinisme, dont la
finalité et de gravir un sommet).
Introduction suite…
Selon Mintzberg : c’est un ensemble de personnes
entreprenant une action collective à la poursuite de
la réalisation d’une action commune. Les éléments de
base sont pour lui : la division du travail et les
moyens de trouver une forme de coordination
(mécanismes) entre les différentes tâches.
Synthèse : en sociologie l’organisation est un terme
générique qui regroupe plusieurs entités:
l’entreprise,
l’administration,
l’association,
l’institution, l’établissement, un groupe d’acteurs
déterminé (action collective organisée).
Introduction suite…
L’environnement de l’organisation
Un territoire particulier (avec une histoire),
Des publics,
Des lois,
Un système d ’emploi (conventions collectives),
Des rapports de force en présence et des régulations
croisées (Elus, travailleurs sociaux, Dirigeants), des
régimes de gouvernance (décentralisation,
territorialisation)
De l’importance d’anticiper les fluctuations
de l’environnement
• Evolution constante des politiques publiques
nationales et européennes (SSIG).
• Les logiques territoriales, des régimes de
« gouvernance » (décentralisation, RGPP, LOAF,
CPOM, GCSMS, ANESMS, ANAP, concentration
associative),
• Des injonctions externes (parfois paradoxales) et
complexes (projet, qualité, évaluation, contrat
d’objectifs, appels d’offres).
La gouvernance de l’action sociale
• On parle désormais de la « gouvernance » des
établissements sociaux, de santé (plan hôpital 20072013), de la sécurité sociale, de l’école, de
l’université…
Des définitions multiples : « issues des modèles
managériaux et administratifs, la notion recouvre un
vaste ensemble de pratiques de gestion, de direction,
de coopération et de régulation entre acteurs privés
et publics ». Sciences Humaines, La Gouvernance,
N°44, mars-avril 2004.
Gouvernance suite…
• « La gouvernance s’inscrit dans cette quête
permanente de meilleurs systèmes de gestion des
hommes et des ressources. Pour la gouvernance, la
décision, au lieu d’être la propriété et le pouvoir de
quelqu’un (individu ou groupe), doit résulter d’une
négociation permanente entre les acteurs sociaux,
constitués en partenaires, l’Etat, une entreprise,
l’organisation ». Ph. Moreau Defarges, « La
Gouvernance », Que sais-je, 2003, p.7.
Quelles définitions du concept faut-il
retenir ?
• Avant toute chose, il faut employer ce terme
au pluriel. Il faut parler des différentes
échelles : territoriales, nationales,
européennes, mondiales
• C’est une théorie de la régulation sociale
(régulation des Etats ou des collectivités
territoriales).
Définitions (suite…)
• La gouvernance, c’est une relation de pouvoir;
le gouvernement c’est l’exercice opérationnel
de ce pouvoir; la gouvernabilité, c’est la
mesure de l’efficacité de ce pouvoir sur les
systèmes concernés
Définitions (suite…)
• Il y a néanmoins une logique commune dans
l’usage de ce terme.
• En effet, chez la plupart de ceux qui, au sein
du secteur public comme au sein du secteur
privé, emploient le terme, celui-ci désigne
avant tout « un mouvement de décentrement
de la prise de décision, avec une multiplication
des lieux et des acteurs impliqués dans cette
décision ».
Définitions (suite)…
• La gouvernance se distingue du management, elle
peut être caractérisée comme le « gouvernement du
gouvernement ».
• Elle se place en surplomb du management des
entreprises, elle tente d’imposer des règles.
• On parle de gouvernance d’entreprise pour le
secteur privé (corporate governance).
Emergence des métiers de service
• On assiste, depuis une trentaine d’années, à
une large tertiarisation de l’économie
française; le nombre d’emplois occupés par
des ouvriers a baissé, ceux occupés par des
employés ou des cadres ont beaucoup
augmenté.
• Déclin des emplois du secteur industriel au
profit du secteur tertiaire : les services
(lucratifs et non lucratifs).
La composante centrale de ces métiers
du service
• La relation de service (rationalité externe du
bénéficiaire du service), nécessite de la part des
professionnels et des cadres de mobiliser des
compétences relationnelles fortes qui s’expriment en
général en face à face avec des publics (fragilisés,
exclus, handicapés), ce qui impose une sorte
d’obligation de « réparation ».
La qualité est donc a priori plus difficile à mettre en
œuvre… que dans le secteur industriel !
Vers une rationalisation des métiers du
social ?
• La montée en force des notions de compétences,
d’efficacité, de mobilité, contribue à passer au crible
chaque geste professionnel qui se voit soumis à des
évaluations quantifiables (unités de temps
susceptibles de rémunération).
• Que devient un métier historiquement inscrit dans le
registre du don, de la charité, de la gratuité, quand
tout est « compté » ?
Suite…
• Y a-t-il un glissement vers une logique marchande,
dans la formation et l’exercice professionnel ?
• Ces évolutions se dessinent dans l’établissement de
nomenclatures, de référentiels, de découpages en
unités, évolution assortie d’un coût, de contrats de
prestations.
• Mélange de caractéristiques empruntées au
taylorisme (décomposition en tâches séparables,
nouvelles formes d’organisation des institutions et du
travail).
Comment définir la rationalisation des
métiers de l’humain?
• La rationalisation affecte l’exercice de la profession
en ce qu’elle implique notamment une attention
centrée sur son « efficience » propre (mesure du
temps, rationalité des gestes) plutôt que sur la
demande de l’usager; un manque d’entièreté
personnelle dans l’interaction en raison du
morcellement de la fonction, une exclusion de
certaines formes de communication du domaine des
gestes et compétences utiles.
1.) Taylor
• Frédéric Winslow Taylor (1856-1915)
Inventeur de L’OST (Organisation scientifique du
travail) et de la rationalisation du travail.
Ingénieur.
Auteur de la Direction des ateliers (Shop
Management, 1902, traduit en 1907) ou
Principes d’organisation scientifique des
usines, 1929, (Principles Off Scientific
Management, 1911, traduit en 1912)
Taylor (suite)
Une vision de l’homme au travail : l’homme est une machine, vision
mécaniste. Une vision déterministe du travail. Il est mû par l’appât du gain
exclusivement.
Selon Taylor, il faut combattre la flânerie dans les ateliers et redonner le
pouvoir aux directions et aux chefs (agents de maîtrise). La direction se
rend maître des modes opératoires (L’individualisme).
Des postulats : on rationalise le travail des ouvriers en leur confiant un geste
simple, répétitif et calculé depuis un bureau des méthodes. L’ouvrier est
placé derrière une machine adaptée (le rationalisme).
On réunit en une seule séquence les mouvements optimaux et on sélectionne
les meilleurs outils et matériels. C’est la fameuse « one best way ».
Analyse scientifique des temps du travail, des gestes et des mouvements
pour augmenter la productivité (le productivisme).
Taylor (suite)
- La division horizontale (ou division sociale pour Adam Smith) du travail
revêt deux aspects : la parcellisation des tâches (répartition des tâches
entre unités de production) et la spécialisation des tâches (ou division
technique du travail, chez Smith); on attribue à chaque travailleur une
séquence de tâches simples qui requiert un apprentissage court pour des
personnes peu qualifiées, à l’intérieur d’unités de production;
- La division verticale du travail, séparation de l’entreprise en deux groupes
(exécution et conception), ingénieurs/ouvriers.
- La question du salaire: dans la philosophie taylorienne, il s’agit d’abord d’un
salaire aux pièces et ensuite d’un salaire différentiel. Taylor fait
correspondre un niveau de salaire à une tâche estimée juste (par des
calculs scientifiques) : la norme. Si les ouvriers dépassent cette norme ils
auront des « boni » proportionnels à l’écart entre la norme et le travail
abattu.
Taylor (suite)
• Au niveau microsociologique, on caractérise le
taylorisme par sa double division du travail
• Au niveau macro, on le considère comme « une
matrice d’un ensemble de pratiques économiques,
sociales et politiques et pas seulement un effet de la
science à la technique ». R. Boyer, Le taylorisme hier,
in M. Montmollin, O. Pastré, « le taylorisme », la
découverte, 1984.
2.) Le Fordisme (1863-1947)
• Production en grandes quantité de produits
standards (la Ford T),
• Travail à la chaîne,
• Pour faire passer la pilule de la rationalisation
du travail et faire accepter aux ouvriers le
processus de dépossession de leur savoirfaire, le fordisme misait sur les salaires (« Five
Dollars Day »)
Le fordisme (suite)
• Le compromis Fordiste
Les théoriciens de la régulation. La « norme d’emploi
fordiste » peut se résumer ainsi : un emploi stable,
dans la même entreprise ou la même administration
(unicité de l’employeur), à temps plein, avec des
horaires eux aussi normés et prévisibles, des congés
payés et une retraite à partir de 65 ans (60 ans en
1982), de la formation continue.
C’est aussi un régime d’accumulation de la richesse
produite (PIB) et un système de répartition.
3.) Le courant des relations humaines
• Sur les expériences d’Elton Mayo (1880-1949), né en
Australie, considéré comme le fondateur de la
sociologie industrielle, Professeur à l’université
d’Harvard.
• On peut consulter sur cette école : B. Mottez, « La
sociologie industrielle », Paris, PUF, Que sais-je?,
1991.
• P. Desmarez, « La sociologie industrielle aux EtatsUnis », Paris, Armand Colin, 1986.
Les relations humaines suite
• Le courant des relations humaines se préoccupent
des aspects individuels et relationnels au sein de
l’organisation.
• E. Mayo conduit avec d’autres chercheurs entre 1927
et 1932 dans un atelier de la Western Electric. Cette
expérience va mettre en évidence l’effet
« Hawthorne ». Ce n’est pas tant l’amélioration des
conditions objectives de travail que l’intention
portée aux relations humaines qui permet
l’accroissement de la productivité.
Les relations humaines (suite)
- La prise en compte du facteur humain dans le
management des organisations
- L’individu n’a pas que des motivations
économiques. Il a des motivations affectives.
- Les travailleurs membres d’un groupe sont plus
sensibles aux relations humaines internes au
groupe qu’aux conditions matérielles de
travail.
Les relations humaines (suite)
• « En d’autres termes, l’individu ne réagit pas aux
conditions physiques de l’environnement telles
qu’elles sont, mais telles qu’il les ressent; or, il les
ressent en fonction de sentiments et d’attitudes qu’il
apporte de son expérience personnelle, acquise
antérieurement et hors de l’entreprise, et aussi dans
les relations et interactions qu’il développe dans
l’entreprise » (B; Mottez, 1991).
4.) Les cadres de l’action sociale
• Le marché du travail des cadres de l’action sociale est interne,
voire relativement fermé (promotion sociale interne, salariés
issus du « sérail »).
• Cependant, les choses sont en train de bouger du point de
vue de la formation et de l’emploi. Décret de qualification des
directeurs (fév.2007).
• 50 000 cadres dans 32 000 associations (D. Guaquère, 2007).
• Avant des dénominations multiples, aujourd’hui une
professionnalisation récente (caferuis, 2004).
Où se situent-ils ?
• Il y a des cadres qui « encadrent » des équipes
(les managers),
• Il y a des cadres qui n’encadrent pas d’équipes
(les experts/professionnels),
• Ils sont positionnés dans la ligne hiérarchique,
le support logistique ou la technostructure,
dans le sommet stratégique pour la direction.
5.) Le management
• D’abord une définition du « management ».
• Le terme de management évoque l’idée d’aménager
et de ménager. L’aménagement consiste à organiser
en vue d’une production collective, d’une tâche à
accomplir. Le ménagement consiste à prêter
attention à l’ensemble de ceux qui contribuent à
cette mission pour mieux les mobiliser en vue d’un
but commun, au profit de tous. Parfois dans
certaines entreprises le terme évoque plutôt l’idée
de « faire le ménage »
management
• Aujourd’hui, dans beaucoup d’entreprises, le
terme évoque plutôt l’idée de « faire le
ménage » et aussi dans la tête des salariés
(Plans sociaux, délocalisations).
• Etymologiquement, le terme vient du manège
(lieu où on dresse les chevaux).
• Biblio : Vincent De Gaulejac « La société
malade de la gestion », 2005, page 32.
Management suite…
• Le management c’est l’art et la manière de gérer,
piloter, administrer, gouverner des organisations
modernes et complexes; afin de mobiliser les
ressources humaines, en fonction d’un but commun
assigné par la Direction et à l’égard d’objectifs à
atteindre dans le but d’accroître la productivité.
• Le management et ses différents styles (participatifs,
dirigistes, négociés, concertés) doit faire en sorte,
autant que faire se peut, que les salariés trouvent
une satisfaction et une motivation dans leur travail.
6.) Les tensions sur les cadres
• En lien avec les nouvelles modalités du néomanagement et de la gouvernance associative des
tensions sont récurrentes sur les CSE.
• Ce métier est complexe à exercer : les responsabilités
exercées par l’encadrement intermédiaire sont
importantes (gestion des risques) et les contraintes
environnementales et organisationnelles pèsent sur
la fonction.
L’appropriation du travail
par les cadres de proximité
• La construction de l’appropriation (de la
compétence du cadre)
- les savoirs (théoriques, techniques)
- l’histoire personnelle (dispositions, idéaux)
- l’expérience
- la confrontation à l’organisation et aux collectifs
de travail
- la « conversion » à la position institutionnelle de
cadre
• La variété des profils de cadres
L’appropriation du travail
par les cadres
• L’appropriation appliquée aux cadres
- se situer dans la tension entre :
* la position institutionnelle (définie par le statut,
la qualification, la capacité d’expertise, la délégation
d’un pouvoir de décision, la distance)
* la posture professionnelle (définie par la
compréhension, l’attitude d’autorité, la compétence,
la proximité)
L’appropriation de la fonction cadre
Position institutionnelle
Qualification-Expertise
Pouvoir de décision
Distance-subjectivité
Codes de pratiques
Gestion
des hommes et
des matériels
Traduction
Codes éthiques
Proximité-Compréhension
Attitude d’autorité
Compétence-Expérience
Posture professionnelle
Animation
des équipes et
des projets
Schéma des tensions à gérer dans l'exercice des fonctions de cadre
Fonction 2 : gestion
des ressources
humaines
Conformité vis-à-vis de
la commande sociale
Distance
Prescription
Contrôle
Hétéronomie
professionnelle
MANAGEMENT
DIRIGISTE
Transformation
des personnes
Fonction 4 : définition du
positionnement
stratégique de l’équipe de
direction
Orientations des
acteurs de la
« gouvernance »
Fonction 3 :
organisation,
administration,
gestion
Missions
TRADUCTION
MEDIATION
Moyens
Orientations des
salariés
Transformation
des conditions de
vie
MANAGEMENT
PARTICIPATIF
Fonction 1 : prise
en charge des
usagers
Proximité
Animation
Autonomie
professionnelle
Défense des cultures
institutionnelles et
professionnelles
Fonction 5 :
gestion des
rapports à
l’environnement
Ligne de séparation entre
management dirigiste et
management participatif
Habitus de management dirigiste
• Nous caractérisons trois zones distinctes.
La première, en haut et à droite, caractérise cette manière
d’exercer les fonctions d’encadrement plutôt dans l’habitus du
management dirigiste:
Distance avec les usagers, avec les salariés, marquée par
l’orientation vers la transformation des personnalités des
usagers, par la prescription et le contrôle des personnels, par
la prise en compte des injonctions de la gouvernance.
Dans cette logique le cadre est souvent vu comme « conforme »
aux attentes des directions.
Habitus de management participatif
• La seconde, en bas et à gauche, caractérise cette manière
d’exercer plutôt dans le management participatif:
• proximité avec les usagers et avec les personnels, marquée
par l’orientation vers la transformation des conditions de vie
des usagers, par l’animation des équipes et le respect de leur
relative autonomie professionnelle, par la prise en compte
des orientations de travail des personnels;
• le cadre est plus souvent en adéquation avec les attentes des
personnels à son égard, et est plus en décalage avec les
orientations de son employeur, posture qu’il doit bien
entendu assumer dans ces conséquences.
Habitus de management par la
traduction
• La troisième, au milieu, caractérise cette manière (assez
fréquente aujourd’hui) d’exercer les fonctions d’encadrement
plutôt dans l’habitus de la
traduction/médiation/interprétation:
• verticale et horizontale, ascendante et descendante,
• médiation entre le haut et le bas de la hiérarchie, c’est-à-dire
prise en compte de la pertinence des différentes polarités qui
dans les positions précédentes étaient pensées comme
inconciliables.
L’hétéronomie du travail
•
renforcement du caractère hétéronome du travail (travail
pensé dans des nomenclatures ou des protocoles, par des
technostructures externes à l’organisation).
• Autonomie et hétéronomie du travail: nous avons là les deux
dimensions en tension du métier de cadre. (voir préface B.
Friot dans Bertaux/Hirlet et alii, 2006).
• Comment les cadres vont-ils « faire société » et traduire à leurs
subordonnés les injonctions de l’environnement et des
directions pour résister à la part croissante des dimensions
hétéronomisantes du travail et de consignation des tâches ?
7.) Henry Mintzberg
Henri Mintzberg sociologue Canadien (professeur de management à
l’université Mc Gill de Montréal).
Auteur entre autre de « structure et dynamique des organisations », 1982; de
« management : voyage au cœur des organisations », 1990; « Le pouvoir
dans les organisations », 2004.
La thèse de l’auteur :
- l’objectif est d’éclairer le lien entre la structure d’une organisation et son
fonctionnement interne,
- La structure est liée à l’environnement,
- Il insiste sur le concept d’ajustement pour expliquer le rapport des
organisations à leur environnement et sur celui de cohérence pour
expliquer leur fonctionnement interne.
H. Mintzberg (suite)
Les cinq caractéristiques principales
Sommet
stratégique
Technostructure
Support
logistique
Ligne
hiérarchique
Centre opérationnel
Mintzberg (suite)
Cinq mécanismes de coordination
DEUX MECANISMES DITS ORGANIQUES
L’ajustement mutuel
La supervision directe
TROIS MECANISMES DITS BUREAUCRATIQUES
La standardisation des procédés de travail
La standardisation des résultats et des objectifs
La standardisation des qualifications
Mintzberg (suite)
• Cinq configurations structurelles (dans un premier
temps de la pensée de l’auteur)
Structure simple ou entrepreneuriale
Structure de type bureaucratie professionnelle
Structure de type bureaucratie mécaniste
Structure en divisions
Structures de type adhocratie (innovantes)
Mintzberg (suite)
• Dans un deuxième temps
• Organisation missionnaire, mécanisme de
coordination (standardisation des normes)
• Organisation politisée (organisation en état de
crise). Aucun mécanisme de régulation, ni de
coordination.
8.) L’analyse stratégique et systémique
•
Michel CROZIER et E. FRIEDBERG auteurs de
« l’acteur et le système », 1977.
• Trois postulats de base.
1. Les hommes n’acceptent jamais d’être traités
comme des moyens au service de buts que
les organisateurs fixent à l’organisation.
2. La liberté relative des acteurs
• Dans une organisation tout acteur garde une
possibilité de jeux autonomes qu’il utilise plus
ou moins. Mettre l’accent sur l’autonomie
c’est aussi parler des régulations de ces
libertés et notamment du concept de pouvoir.
3. LES STRATEGIES : un type de
rationalité
Dans ces jeux de pouvoir, les stratégies sont
toujours rationnelles mais elles sont d’une
rationalité limitée. Aucun acteur n’a le temps
ni les moyens de trouver la solution la plus
rationnelle dans l’absolu pour atteindre ses
objectifs. L’acteur s’arrête à celle qui est la
moins insatisfaisante pour lui.
Les concepts clés : stratégies, pouvoir et système
• 1. La stratégie : cette notion permet de ne pas
dissocier les comportements ou les actions
des acteurs du contexte organisationnel, qui
est un construit, dans lequel il se déroule.
• L’acteur agit sans avoir des objectifs clairs et
projets cohérents. Il n’est pas pour autant
irrationnel.
2. Le pouvoir
• Le pouvoir n’est pas un attribut mais une relation
déséquilibré. En règle général, le supérieur a
davantage de ressources que son subordonné. Cette
relation implique cependant l’échange et la
négociation, autrement elle est rompue.
Dans une relation de pouvoir la capacité d’action de
l’un dépend du comportement de l’autre. Plus le
comportement du subordonné est imprévisible plus
son pouvoir envers son chef sera grand.
Pouvoir suite…
• L’idée de relation va au-delà de la délégation. Elle
inclut l’idée de réciprocité. La réciprocité inclut l’idée
d’une pression possible de celui qui reçoit un ordre
sur celui qui le donne.
Le subordonné à intérêt de savoir l’importance qui est
accordée par le supérieur à l’exécution de l’ordre.
Pour pouvoir négocier et marchander avec lui.
2.1. Les sources du pouvoir
• Crozier et Friedberg identifient 4 sources de
pouvoir correspondant à des zones
d’incertitude.
- celle reposant sur la compétence (la
qualification, le diplôme, le statut), ou sur une
spécialisation fonctionnelle
- celle fondée sur la maîtrise des relations avec
l’environnement;
suite
• Celle fondée sur la maîtrise de l’information et
de la communication interne;
• Celle reposant sur l’utilisation des règles
organisationnelles
Les zones d’incertitude
• Définition : il y a des zones d’incertitude qui sont
propres aux acteurs; elles s’analysent dans la façon
dont ils se rendent incertains (par rapport aux autres
acteurs), et propres aux structures elles-mêmes.
• Les structures et les règles dans les organisations
déterminent les lieux où des relations de pouvoir
pourront se développer.
3. Le système
• Définition : le concept de système implique un
raisonnement attaché à comprendre, non plus la
capacité d’action des acteurs en présence comme le
dit le concept de stratégie, mais les caractéristiques
du jeu qu’ils composent.
• Le concept de de stratégie s’applique aux
comportements et aux jeux auxquels se livrent les
acteurs,
• le concept de système s’applique, lui, aux résultats
de ces comportements et de ces jeux.
3.1. Le système d’action concret
• La notion de « système d’action concret »
cherche à désigner, un phénomène concret
vérifiable empiriquement. Il s’agit d’un
construit social dont la régulation n’est pas
naturelle dans la mesure où elle s’opère par
l’action de jeux structurés auxquels participent
les acteurs.
suite
• Le « système d’action concret » n’est donc pas figé, il
est construit par les acteurs même s’il comporte des
éléments plus stables, construits antérieurement et
devenus hors de portée des acteurs (thèse différente
chez Mintzberg).
• « c’est ensemble humain structuré qui coordonne les
actions de ses participants par des mécanismes de
jeux relativement stables et qui maintient sa
structure par des mécanismes de régulation qui
constituent d’autres jeux » (page 246).
8.) Le Néo-management des
organisations
Une sociologie critique du management moderne
Du scientific management (Taylor) au néomanagement, l’art de gouverner les hommes a
évolué, mais le mobile n’a pas changé : faire adhérer
les ouvriers ou a défaut briser leurs résistances.
Le management moderne s’attache à coloniser un
nouvel espace, celui de la subjectivité des
travailleurs, faisant de leur âme un moyen de
fabrication au même titre que leur corps.
Le néo-management des organisations
• J.P Durand parle de néo-taylorisme. Ainsi la
production en flux tendus que la théorie
managériale définit par les 5 Zéros (0 défaut, 0
panne, 0 délai, 0 stock, 0 papier) entraîne une
nouvelle rationalisation du travail plus précise
que celle pratiquée par Taylor (contrôle des
ouvriers, course à la qualité par la
certification, outils de gestion, automatisation
et informatisation).
Néo-management (suite)
• Le concept d’implication contrainte prôné par
J.P Durand (2004) illustre la situation actuelle
du salarié, qui ayant accepté le flux tendu,
mobilise, malgré lui, toutes ses facultés
physiques et intellectuelles, s’engage,
s’implique et adhère à la culture et aux
objectifs de l’entreprise. Il permet de rendre
compte de la mise en place d’une chaîne
invisible, nouvelle forme de servitude
volontaire.
Néo-management (suite)
L’autonomie contrôlée
On valorise l’autonomie, on promet l’adhésion et la participation
du personnel aux réformes, on met en œuvre une politique
de responsabilisation. Mais, dans le même temps, on prescrit
des résultats et on fixe des objectifs, on renforce la sélection
et on licencie pour adapter l’effectif à la charge, on évalue les
compétences et on note les salariés (cadres et non cadres).
L’autonomie est sous contrôle et les innovations gestionnaires
apparaissent
comme
de
nouvelles
stratégies
organisationnelles de recherche d’obéissance à l’instar de la
logique compétence et de la logique projet (Courpasson,
L’action contrainte, PUF,2000).
Néo-management (suite)
L’autonomie contrôlée
Les organisations remplacent le taylorisme par une
logique de l’adhésion, une convocation de tous
autour des performances de l’entreprise, le
développement d’une responsabilité technicoéconomique centrée sur l’obligation de résultat. La
prescription taylorienne des opérations est
supplantée par une prescription just in time de la
subjectivité qui met à l’épreuve la disponibilité du
sujet.
La coopération forcée
L’entreprise néo-libérale marie coercition et
coopération. La coercition est rendue possible
grâce à la pression exercée (chômage,
précarité de masse). Les directions cherchent
à tendre vers un régime de mobilisation
« fusionnel » où les salariés s’identifient à
l’entreprise.
L’idéologie gestionnaire
• Vincent De Gaulejac interroge lui « la société
malade de la gestion, 2005 »,
• L’idéologie gestionnaire (à distinguer des
sciences de la gestion),
• La quantophrénie (le fait de tout mettre dans
des catégories mathématiques); voir le
« monde » par les catégories de pensée de la
gestion (indicateurs de gestion).
Le social de compétition
• Michel Chauvière (2007) « Trop de gestion tue
le social ».
• Les débats autour de la chalandisation ou de
la marchandisation du travail social.
9.) Incidences sur les logiques d’action
des intervenants sociaux
• REPERAGE DE TROIS LOGIQUES DOMINANTES
DANS LA LITTÉRATURE :
• 1. Logiques professionnelles
• 2. Logiques institutionnelles
• 3. Logiques de mission(s)
Vers une nouvelle logique d’identification des
besoins et de la « demande sociale ».
1. Logiques professionnelles
L’intervention sociale est historiquement récente, le service social dans les
années 30, l’éducation spécialisée dans le secteur de l’enfance inadaptée
et handicapée dans les années 60, l’animation dans les quartiers dans les
années 70.
Les processus de qualification des travailleurs sociaux émergent à partir de
1934 (ASS), et ce, jusqu’à tout récemment (Deis, Caferuis).
Longtemps, le champ social s’est défini principalement à partir des logiques
d’intervention des professionnels du travail social, c’est-à-dire leurs
compétences (assises sur des diplômes), leurs déontologies, leurs
techniques de relation aux usagers. C’est là que l’on trouve les directeurs
« pionniers » ou « fondateurs » du social, issus du rang…
On parle du travail social « canonique » (enquête Mire, et Chopart 2000).
2. Logiques institutionnelles
Les années 70-80 ont vu le champ social s’institutionnaliser, donc
fonctionner de plus en plus à partir des logiques de
développement des institutions. Les responsables
institutionnels, administrateurs et directions, ont investi les
domaines réservés aux professionnels et défini les objectifs
opérationnels, les dispositifs, voire les pratiques
d’intervention. Plus que les logiques professionnelles,
centrées sur l’usager et ses besoins, les logiques
institutionnelles ont une composante de gestion et de
rationalisation dans une visée de compétence et d’efficience
collective de l’institution, voire de concurrence avec les
autres.
La montée de l’exclusion et
l’élargissement du champ
La crise et les mutations économiques et sociales ont entraîné une montée
des problèmes d’exclusion sociale. De nouveaux secteurs s’ouvrent :
secteurs adultes et personnes âgées, quartiers urbains sensibles, insertion
professionnelle et sociale, toxicomanie.
Le champ social met en œuvre des partenariats, des réseaux, il doit
communiquer sur son « utilité sociale ».
La sociologie prend un peu le relais des points de vue psychologisants, les
approches sont plus globales et moins spécialisées et découpées.
Directeurs et cadres doivent : - rendre des comptes et apprendre à évaluer et
valoriser la compétence et le savoir-faire de l’institution, mais aussi réviser
les profils de compétence individuels, les dispositifs et les pratiques, voire
se positionner sur de nouveaux terrains (insertion par l’activité
économique, politiques de la ville).
- justifier leurs choix auprès des élus locaux, des instances d’évaluation et de
certification.
3. Logiques de mission
Les décisions de décentralisation (1983 et 2005) font des élus des décideurs
sociaux, elles placent aux leviers de commande le « politique » et sa
volonté de voir réalisées les missions qu’il a confiées aux institutions.
L’élu du peuple s’appuie sur une légitimité démocratique dont la
reconnaissance est supérieure à la légitimité technique des institutions
gestionnaires et des professionnels.
L’intervenant social doit sans cesse naviguer entre ces trois logiques.
Il situe son action au sein d’une équipe d’intervenants sociaux, une
hiérarchie, une institution, mais il doit remplir des missions qui lui sont
confiées par des élus (c’est-à-dire mettre en œuvre, coordonner, réguler
les moyens, humains, matériels et financiers et les actions, exemple suivi
de bénéficiaires Rmistes).
4. Logique de besoins des publics
(formalisation d’une commande
sociale)
• Les usagers sont enclins à énoncer aux
professionnels de l’action sociale ce dont ils ont droit
en matière de prise en charge,
• Meilleure connaissance des politiques publiques,
accès facilité à l’information (internet), niveau de
formation en hausse,
• Logique contractuelle (contrats de séjour, de
fonction, livret d’accueil, dispositif individuel de prise
en charge), et techniciste de l’action sociale.
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