34 CHIRURGIE THORACIQUE ET CARDIO-VASCULAIRE - 2014 ; 18(1) : 33-42
la maladie coronaire d u greffon
90 jours suivant une greffe d’artère carotide chez le chien [3].
La MCG a ensuite été rapportée pour la première fois sur un
modèle canin de TC à la fin des années 1960, puis confirmée
chez l’homme au début des années 1970 par l’équipe de Nor-
man Shumway. L’étude autopsique des 12 premières greffes
de l’expérience de Stanford a mis en évidence un épaissis-
sement intimal oblitérant la lumière des artères coronaires
sur la majorité de ces greffons. Cette maladie coronaire était
alors décrite comme la principale manifestation histologique
du rejet cardiaque chronique après TC [4].
Les connaissances actuelles de la physiopathologie ainsi que
les moyens diagnostiques et l’approche thérapeutique de la
MCG seront successivement exposés dans cette revue. Les
perspectives de la recherche fondamentale et leurs poten-
tielles applications cliniques seront évoquées.
2. PHYSIOPATHOLOGIE DE LA MALADIE
CORONAIRE DU GREFFON
2.1. Caractéristiques histologiques
Les lésions coronaires observées dans la MCG correspondent
à l’association en proportions variables de plusieurs entités.
Aux lésions coronaires natives transmises par le donneur
s’ajoutent à la fois des lésions athéromateuses développées par
le receveur et de la MCG à proprement parler, forme la plus
rapidement progressive de coronaropathie chez les transplan-
tés cardiaques.
Les lésions endothéliales coronaires semblent être l’événe-
ment initial dans le développement de la MCG. Deux types
de lésions peuvent être observés dans cette coronaropathie du
greffon [5]. Les lésions dénudées sont d’une part provoquées
par la séquence ischémie-reperfusion du greffon lors de la
transplantation. La perte de larges bandes endothéliales ex-
pose la média, entraînant un remodelage vasculaire caracté-
risé par la prolifération des cellules musculaires lisses (CML)
et l’accumulation locale de cellules circulantes. Les lésions
endothéliales non dénudées surviennent plus tardivement et
aboutissent au remplacement des cellules intimales par un
néo-endothélium non fonctionnel qui serait composé de pro-
géniteurs circulants [6].
Le remodelage intimal circonférentiel observé dans la MCG
concerne à la fois les vaisseaux épicardiques (> 50 μm) et la
microcirculation coronaire intramyocardique (10 à 50 μm).
Les lésions débutent au niveau des petites artères distales, dès
6 mois après la TC. La prolifération et la migration des CML
de la média, associées à l’accumulation de macrophages, de
fibroblastes et surtout de lymphocytes T dans l’intima, défi-
nissent l’hyperplasie fibreuse intimale et aboutissent à l’obs-
truction luminale progressive [7]. Seuls les capillaires sont
indemnes de MCG car ils sont dépourvus de cellules mus-
culaires lisses dans leur paroi. En présentant les alloantigènes
via les molécules de classe I du système Human Leukocyte
Antigen (HLA) présentes à leur surface, les cellules endothé-
liales vont concentrer la réponse immunitaire adaptative au
niveau de la circulation coronaire. Le recrutement de cellules
inflammatoires conduit à l’accumulation d’une matrice de
tissu conjonctif dans la paroi des vaisseaux coronaires soute-
nant la prolifération et la migration des CML. Des études ré-
centes ont décrit la composition in vivo des lésions intimales à
l’aide d’explorations endocoronaires couplées à une sonde de
radiofréquence [8,9]. Après la phase précoce d’épaississement
fibro-inflammatoire, des agrégats lipidiques vont s’accumuler
dans l’intima à un stade avancé de la MCG. De véritables
lésions athéromateuses chargées de dépôts de cholestérol
peuvent alors se former dans les vaisseaux coronaires des gref-
fons cardiaques [10]. Elles sont favorisées par la rupture de la
membrane basale entraînant l’accumulation de lipides dans
le sous-endothélium [11]. Ces dépôts lipidiques sont cepen-
dant nettement moins abondants que ceux observés dans la
coronaropathie athéromateuse native. Les principales carac-
téristiques histologiques de la MCG et de l’athérosclérose
coronaires sont résumées dans le tableau 1.
2.2. Facteurs lésionnels à l’origine de la maladie
coronaire du greffon
La physiopathologie de la MCG est complexe, impliquant
une grande hétérogénéité de facteurs lésionnels, à la fois im-
munologiques et non immunologiques.
2.2.1. La théorie immunologique
La vasculopathie de l’allogreffe épargne les artères natives
du receveur tandis que les cellules endothéliales du greffon
constituent la première interface entre l’organe transplanté
et les cellules immunocompétantes du receveur. Les artères
coronaires vont donc être le siège d’une réponse allo-immune
progressive, innée puis adaptative, aboutissant à une dysfonc-
tion endothéliale, puis secondairement à des altérations mor-
phologiques sténosantes [12]. De nombreux arguments sont
en faveur du déterminisme immunologique de la MCG. Les
incompatibilités concernant le système HLA, en particulier
HLA-DR, ainsi que la fréquence, la durée et la sévérité des
rejets cardiaques aigus sont reconnues comme des facteurs
de risque de développement accéléré de la MCG [13]. Près
de 40 % des transplantés cardiaques développant une MCG
ont fait au moins 2 rejets aigus dans leur histoire [5]. Peu
d’études font cependant la distinction entre rejets cellulaires
et humoraux. En l’absence de spécificités histologiques et
morphologiques, le rejet humoral du greffon a longtemps été
méconnu et sous-estimé. Il survient pourtant chez 10 à 20 %
des transplantés cardiaques et doit être suspecté devant toute
dysfonction du greffon sans argument histologique pour un
rejet cellulaire [14]. La détection d’anticorps circulants anti-
donneur en présence d’une dysfonction du greffon est ainsi
fortement évocatrice de rejet humoral. Récemment la mise
en évidence sur les biopsies myocardiques des fragments acti-
vés du complément C3d et C4d a été reconnue comme fac-
teur de gravité du rejet humoral. Poelzl et al. ont démontré
que les patients présentant au moins 2 biopsies endomyocar-
diques positives pour le marquage du C4d durant la première
année post-greffe étaient à plus haut risque de développer
une MCG à 1 an [15]. Les dépôts de C3d et C4d peuvent
cependant être observés au cours des 2 premières années post-
transplantation, même en l’absence de signes histologiques
de rejet à médiation humorale. Le rôle exact des fragments
activés du complément dans la progression de la MCG et leur