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1 – En France
De nombreuses études, très documentées (1) ont bien fait ressortir l’évolution des logiques sous-
jacentes aux différentes politiques destinées à la “ prise en charge ” des personnes que l’on
désigne aujourd’hui dans notre pays comme Personnes Handicapées. Le bref et superficiel
résumé qui en est donné ici ne peut être qu’incitatif à la lecture des textes originaux…
Dans notre haut Moyen-Age, la doctrine chrétienne édifia en vertu charitable l’attitude de
bienveillance et de miséricorde vis à vis des infirmes, confondus alors avec tous les pauvres, les
miséreux de la société, et conduisit en particulier à l’édification des premiers “ Hôtel-Dieu ”
destinés à les accueillir. La survenue de graves épidémies, l’émergence d’une bourgeoisie
citadine, la montée des contraintes sociales et économiques devaient conduire, à partir du
XIVème siècle, à la peur de prendre le dessus sur cette attitude charitable et conduire à la mise à
l’écart, puis au renfermement de cette population composite de gueux et pauvres gens au milieu
de laquelle se retrouvaient infirmes et pauvres d’esprit : la création à Paris de l’Hôpital Général –
La Salpetrière à la fin du XVIIème siècle, est l’illustration même de cette période. Le renouveau
de l’anatomie humaine, l’émergence avec Ambroise Paré des premières approches chirurgicales
devait introduire le raisonnement dans l’analyse des monstruosités et difformités physiques. Au
siècle des Lumières, l’influence de nouvelles théories philosophiques, les avancées de la
connaissance scientifique contribuèrent à placer sur le devant de la scène les problèmes posés
par l’éducation des enfants ou des adultes frappés de déficiences sensorielles, qui aboutiront aux
œuvres fondatrices de l’Abbé de l’Epée et de Valentin Haüy, et à la création d’établissements
spécialisés pour l’éducation des enfants sourds-muets et aveugles. Après que le principe du
devoir d’assistance par la Nation ait été pour la première fois affirmé devant l’Assemblée
constituante, en 1790, par le Comité de mendicité présidé par La Rochefoucault-Liancourt, dans
la même ligne philanthropique, le début du XIXème siècle devait voir l’émergence d’un nouvel
intérêt pour les maladies de l’esprit et pour les enfants considérés comme idiots, avec toute une
lignée de médecins et d’éducateurs, qui d’Esquirol à Seguin et jusqu’à Bourneville, cherchèrent à
mettre au point de nouvelles méthodes médico-éducatives.
Coexistaient ainsi, au début du XXème siècle, des établissements hospitaliers recevant adultes
et enfants atteints de toutes sortes d’infirmités motrices et mentales, et des institutions
spécialisées pour l’éducation des enfants atteints d’infirmités sensorielles. Un nombre inconnu,
certainement important, de ces personnes restaient encore hébergées, sinon cachées, dans
leurs familles. L’essor d’une société industrielle génératrice de nombreux et graves accidents du
travail, puis la survenue des grandes guerres du XXème siècle devaient bousculer tout cet
édifice. A une logique d’assistance charitable, quelles qu’en aient été les modalités, devait en
effet venir se superposer une logique de droit à la réparation, de la part des employeurs dans un
premier temps, puis de la Nation conduisant à la rééducation des victimes de la guerre et des
accidentés du travail. Le remplacement de terme “ défectifs ”, infirmes, invalides, idiots, etc… ”
pour la désignation des personnes touchées par celui, plus neutre et plus général de personnes
“ handicapées ” date de ce premier après-guerre, et H.J. Stiker a montré que cela n’était pas
fortuit (2). On assistera à la naissance, dans l’entre-deux guerres, des premières grandes
Associations de personnes handicapées. La création de la Sécurité Sociale, au lendemain de la
seconde guerre mondiale, étendra le bénéfice d’un système assurantiel aux personnes atteintes
d’affections invalidantes, liées ou non à des pathologies professionnelles.
La loi de 1957 devait donner un premier cadre législatif aux problèmes de reconnaissance des
travailleurs handicapés, d’obligation d’emploi et de statut des établissements de travail protégé. A
partir des années soixante, une nouvelle logique de solidarité nationale devait progressivement
s’imposer pour des personnes vues d’abord à travers leur situation d’exclus sociaux (3) et
conduire à l’extension des dispositions législatives à toutes les personnes reconnues comme
handicapées par les commissions compétentes, en particulier pour celles dont les pathologies
sous-jacentes, d’origine congénitale par exemple, étaient restées jusque-là en dehors des
systèmes de prise en charge. Cette nouvelle logique a présidé à l’élaboration de la loi