Réductionnisme : orages, ouragans et smog : Parties 1 et 2
Nous avons dit au début du cours que la science cherche à découvrir les
«règles du jeu» du monde matériel. Pour y arriver, les scientifiques supposent
de façon presque universelle qu’on peut comprendre un système par l’étude de
ses parties.
Le projet du génome humain, « terminé » en 2003, est un exemple de cette
attitude. L’idée qui sous-tend ce projet est qu’on peut réduire l’être humain à
ses gènes. La complexité de l’être humain n’est donc pas fondamentale; elle
n’est que le résultat de l’expression d’un nombre considérable de gènes (entre
20 000 et 25 000). Ce sont les gènes qui sont fondamentaux; si on réussit à
identifier l’ensemble des gènes de l’espèce homo sapiens (le génome humain)
et à comprendre comment ils fonctionnent, alors on saura tout sur le cancer, sur
l’alcoolisme, sur les criminels, sur le système immunitaire, etc.
« …s’il fallait nommer l’hypothèse la plus puissante de toutes,
celle qui nous guide perpétuellement dans notre tentative
pour comprendre la vie, nous dirions que tous les objets sont
formés d’atomes, et que tout ce que les objets vivants
peuvent faire peut être compris à partir des mouvements
d’agitation et de vibration des atomes. »
Richard Feynman, Prix Nobel de physique 1965
Le réductionnisme a eu beaucoup de succès. Il permet notamment une grande
économie dans l’étude du monde naturel parce que les mêmes règles servent à
décrire des phénomènes en apparence très différents.
Ainsi, en réduisant la circulation de l’air à l’étude d’un vaste ensemble de
parcelles d’air, en réduisant la circulation océanique à l’étude d’un vaste
ensemble de parcelles d’eau, etc., l’explication de tous ces phénomènes
complexes tiendra dans les quelques règles qui gouvernent le mouvement des
parcelles d’un fluide. Le principe d’Archimède est une de ces règles.
En pratique, le réductionnisme conduit à considérer la vie humaine comme vide
de sens puisqu’on doit tenter de la réduire à des réactions chimiques entre des
molécules. On doit de même tenter de réduire l’existence de cet ensemble
complexe de réactions chimiques à l’accumulation aléatoire, sur une très longue
période, de petits changements dans des molécules très simples et à la sélection
des réactions les mieux adaptées. Tout cela ayant lieu dans un vaste univers
qu’on doit tenter de réduire à un terrain de jeu pour des forces physiques qui
obéissent à des règles impersonnelles.
Steven Weinberg, Prix Nobel de physique 1979
Beaucoup de scientifiques (Jacques Monod, Richard Dawkins, Steven Weinberg, etc.)
croient que cet ambitieux programme va se réaliser. Il est très important de dire que leurs
souhaits devancent largement ce qu’on sait actuellement de toutes ces choses.
D’autres scientifiques croient plutôt que le réductionnisme a son utilité, mais que celle-ci est
limitée. P.W. Anderson, un physicien qui étudie les matériaux, pense que des propriétés
totalement neuves et inattendues émergent quand on combine ensemble un grand nombre
de pièces simples. Il a intitulé un article célèbre « Plus est différent ».
On peut aussi adopter le point de vue que découvrir les règles du jeu ne nous dit rien sur le
sens de ces règles. Au biochimiste Jacques Monod, qui expliquait comment nos gènes
déterminent tout ce que nous sommes, mère Teresa a simplement répondu « Je crois en
l’amour et en la compassion ».
Jacques Monod, Prix Nobel de physiologie et médecine 1965
Philip Anderson, Prix Nobel
de physique 1977
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