Association pour la recherche interculturelle
Bulletin No 45 /décembre 2007 55
individu, et que chaque personne possède son propre sens de ce qu’est la culture. La culture ici est
tout ce que l’individu désire qu’elle soit, un espace où l’on peut choisir de se définir soi-même, que
ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur d’un discours culturel dominant. Il est intéressant de noter que
cette façon de voir les choses est souvent suivie ou précédée d’un démenti affirmant qu’il existe
aussi une autre forme de culture, dans le cas de cette interlocutrice, elle fait référence à une
« macro-culture » où la culture est considérée comme un assemblage de traditions, de croyances, de
valeurs, d’histoire, d’expériences, la couleur de la peau, la structure familiale, les systèmes, le
gouvernement, etc. Cette forme « macro » de la culture diffère fortement de la forme
« micro »individuelle parce qu’elle implique quelque part que la culture est universelle. Cela
suggère que tout le monde appartient à une telle culture et que toutes ces cultures sont quelque part
semblables et comparables en ce qu’elles ont toutes des valeurs, une histoire, un système, etc. Cette
description de la macro et de la micro culture construit donc la culture comme étant quelque chose
à la fois d’universel pour tous, bien défini individuellement, quelque chose à la fois de comparable
et d’incomparable. Les mouvements d’attraction et de répulsion qui sont à l’origine de la définition
de « culture » ouvrent un espace où la culture devient quelque chose de plus que ce qui a été
construit dans la littérature en suicidologie. La culture ici ne représente pas seulement la couleur de
la peau, les traditions, les valeurs, mais constitue quelque chose que l’individu peut choisir d’être –
lui permettant de la sorte une liberté dans le choix de son identité, au-delà des limites imposées par
le discours de la culture dominante. Le rôle du praticien tel que construit dans l’entrevue tendait à
s’éloigner du concept traditionnel de thérapeute. En fait, le praticien devient quelqu’un qui peut
s’instruire auprès de son client et qui a de la difficulté à se conformer à son rôle traditionnel. Cela
sera démontré dans un autre patron assez commun, dans lequel le thérapeute doit lutter avec les
rôles conflictuels de la personne et du professionnel.
Peut-être nulle part ailleurs dans le discours des praticiens peut-on voir de manière aussi évidente le
conflit entre l’approche traditionnelle, professionnelle en suicidologie et les modes alternatifs de
compréhension du suicide que dans les discussions présentant le thérapeute à la fois comme
professionnel et comme personne.
M. My professional hat says to me, that I would, we will do whatever we need to do to
prevent that (suicide) from happening. That there aren’t circumstances that would warrant
that. So you have to subscribe to that. Now in the other realm, the other world in which we
live, I can understand why some people would want to kill themselves….Given what
they’ve experienced and I’m amazed at their survival…. I know we try to step in and
impose our view on the culture that is saying, well we don’t want that view, that’s not our
view. And try and work with that. Saying well, you got to see it this way…
Dans ce patron, la praticienne explique comment sa vision du suicide change, dépendamment du
« chapeau » qu’elle porte. En étant capable de porter et d’enlever ces différents « chapeaux », les
praticiens peuvent compartimenter, un peu comme dans une approche multiculturelle, les visions
conflictuelles sur l’approche du phénomène suicide. Le discours de cette interlocutrice la représente
comme n’ayant aucun choix malgré la conscience et le déplaisir qu’elle éprouve de travailler avec
ses clients d’une certaine façon. Elle indique que, bien qu’elle sache que les autres cultures ne
perçoivent pas le suicide de la même façon qu’elle et peuvent ne pas vouloir discuter du suicide de
la façon dont elle le fait, le « chapeau » de professionnelle qu’elle doit porter guide sa pratique dans
la compréhension et l’approche auprès de ses clients. Son discours la construit comme étant dotée
d’un point de vue personnel, selon lequel elle peut voir que la vision du suicide comme étant
constamment un choix illogique n’est peut-être pas la meilleure façon d’aider un client d’une
culture différente ou qui a un autre point de vue que le sien. En même temps, son « chapeau « de
professionnelle lui dicte qu’il n’y a pas de circonstances qui justifient le suicide et qu’elle doit se
dire « c’est comme ça qu’il faut voir les choses ». Donc, bien que cette approche puisse s’avérer
inefficace avec certains de ses clients, elle se disculpe en suivant les consignes dictées par sa
pratique professionnelle. Donc, elle va aisément d’un point où « être suicidaire n’est jamais