Archives de pédiatrie 12 (2005) 1068–1074 http://france.elsevier.com/direct/ARCPED/ Mémoire original Quelle place pour l’enfant dans la prise de décision en pédiatrie ? How paediatric residents involve children during medical decision-making? N. André a,*, J. Gaudart b, J.-L. Bernard a, B. Chabrol c a b Département d’oncologie pédiatrique, hôpital pour enfants de « La Timone », boulevard Jean-Moulin, 13885 Marseille cedex 05, France Équipe biomathématiques et informatique médicale, LIF -UMR 6166 - CNRS, faculté de médecine de Marseille, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille, France c Département de pédiatrie générale, hôpital pour enfants de « La Timone », boulevard Jean-Moulin, 13885 Marseille cedex 05, France Reçu le 6 septembre 2004 ; accepté le 5 février 2005 Disponible sur internet le 01 avril 2005 Ce travail a été présenté en communication orale lors du congrès national de la Société française de pédiatrie à Lille le 4 juin 2004 Résumé Objectif. – Décrire les pratiques des internes en pédiatrie concernant l’implication de l’enfant dans la décision médicale et évaluer les relations entre ces pratiques et les caractéristiques des internes (âge, sexe, expérience...). Patients et méthodes. – Étude multicentrique transversale anonyme réalisée auprès de 45 internes en pédiatrie. L’autoévaluation de leur pratique par les internes a été recueillie par l’intermédiaire d’un questionnaire écrit. Résultats. – Quatre-vingt-deux pour cent des internes en pédiatrie informaient l’enfant, mais le partenariat avec l’enfant diminuait lorsqu’il s’agissait de lui demander son avis, de lui présenter d’autres choix ou de respecter son refus. Les obstacles principaux au partenariat avec l’enfant étaient : le manque de compétence de l’enfant et la situation médicale présente. Aucune relation statistiquement significative n’a pu être mise en évidence entre les pratiques des internes et leurs caractéristiques. Conclusion. – Le partenariat avec l’enfant lors de prise de décision médicale en pédiatrie varie selon les internes et en fonction du degré d’implication demandé. L’éducation pourrait permettre d’augmenter la participation de l’enfant. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Objective. – To describe how paediatric residents involve children during medical decision-making and evaluate the relationship between practice patterns and residents characteristics. Population and methods. – We conducted a prospective multicentric anonymous written survey. Self-reported involvement of children by 45 french paediatric residents in practice pattern was collected and analysed. Results. – Most residents reported they informed patients in more than 50% of the cases (82%). Only a minority of the residents asked for consent, respected children refusal or presented other choices to the treatment. The main reasons that explain the lack of partnership are children incompetence and the medical situation. No statistically significant relationship between practice patterns and residents characteristics was found. Conclusions. – Partnership with children varies across residents and according to the level of involvement considered. No statistical differences were obtained to explain variations between residents’attitude toward involvement of children. Nevertheless medical education in ethics or decision-making could increase partnership with children. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. André). 0929-693X/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2005.02.009 N. André et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1068–1074 1069 Mots clés : Consentement éclairé ; Internes Keywords: Ethics; Informed consent; Child; Decision-making Tu as des projets que j’ignore... Antoine de Saint-Exupéry (Le petit prince) La prise de décision en médecine est un problème difficile et quotidien. Il concerne les phases de choix diagnostiques et thérapeutiques [1–4]. En pédiatrie, ce problème est rendu encore plus complexe : d’une part en raison d’une rencontre médicale où se retrouve non plus le couple médecin–patient mais un trio pédiatre–enfant–parents et d’autre part à cause du caractère immature et évolutif de l’enfant. La pratique de la médecine est historiquement paternaliste [5,6]. En effet, de par leur nature, les connaissances médicales sont longtemps restées inaccessibles aux non-spécialistes. Les patients étaient alors obligés d’accepter ce monopole de l’information et des soins, et de subir passivement les choix médicaux faits pour eux et à leur place. Le paternalisme médical s’applique naturellement et avec davantage de force à l’enfant. Pourtant ces choix déterminent des événements les concernant, impliquant leur être et peuvent avoir de lourdes conséquences sur leur vie à court, voire à long terme. À l’inverse, certaines décisions médicales sont futiles et sans réelle importance sur leur devenir et, dans ces conditions, imposer une décision à l’enfant n’est pas une nécessité. Récemment de nouveaux modèles de décision médicale ont été proposés [1,6], essayant de faire une plus grande place aux désirs et préférences des patients et notamment des enfants [7–18]. La reconnaissance des droits de l’enfant en médecine résulte de la convergence de deux tendances. Selon la première, la place et les droits de l’individu sont de plus en plus grands dans nos sociétés occidentales. En effet, il existe un déplacement de la notion d’intérêt de groupe vers celui de l’intérêt individuel [1]. Ce phénomène touche également nos enfants. La volonté grandissante des enfants de contrôler leur destin et les décisions les concernant se traduit par exemple par la survenue de procès médiatisés confirmant la nouveauté, l’intérêt et la surprise de la communauté adulte pour ces changements d’attitudes [17]. L’autre tendance repose sur la démocratisation de la reconnaissance de leur entité et de leurs compétences avec notamment les travaux de Dolto [19] et de Brazelton [20]. Découlant de ces deux phénomènes, de nombreuses chartes et propositions témoignant de leurs droits dans un contexte médical sont apparues : charte des droits de l’enfant, droits de l’enfant hospitalisé, droits de l’enfant mineur, convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant du 20 octobre 1989 et plus récemment la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et la qualité du système de santé. Le deuxième colloque d’éthique en pédiatrie, organisé par la Société française de pédiatrie, qui s’est déroulé en novembre 2003 sur l’information des enfants et de leur famille, a per- mis de faire le point sur les cadres juridiques, philosophiques et pratiques de ce problème [21–23]. Ainsi, dans notre société tous les éléments semblent rassemblés pour la reconnaissance de la place de l’enfant dans les décisions médicales le concernant : émergence des droits de l’enfant et mise en place de nouveaux modèles de décision médicale. Mais l’enfant doit-il être systématiquement informé, écouté, suivi devant une décision médicale à prendre ? Selon quels critères ? Existe-il des dangers à écouter et suivre l’enfant ? Comment promouvoir ce partenariat tout en continuant à remplir notre rôle de protecteur de l’enfant ? En d’autres termes, quelles sont les limites du partenariat avec l’enfant [24–29] ? La situation devient encore plus complexe quand parents, médecins et enfants ne sont pas d’accord et quand les perceptions de l’intérêt supérieur de l’enfant par les différents protagonistes divergent. En pédiatrie, l’information et le recueil de l’avis des enfants sont essentiellement assurés par les médecins seniors, clé de voûte dans l’interface enfants/parents et médecins, en particulier dans les décisions aux enjeux importants. Les internes en pédiatrie, médecins en formation, sont également largement impliqués dans l’information, le recueil du consentement des enfants. Le problème de la place de l’enfant dans la décision médicale a fait l’objet de nombreuses publications, en particulier sur la place de l’avis de l’enfant dans la recherche médicale. Néanmoins, la littérature médicale est plus restreinte sur la place de l’enfant concernant les décisions médicales quotidiennes et, à ce jour, aucune étude, à notre connaissance, n’a été réalisée sur l’opinion des pédiatres sur ce sujet. Soucieux de mesurer le chemin qu’il reste à faire dans ce domaine, nous nous sommes attachés à aborder la question en nous intéressant à l’étude de l’évaluation par les internes en pédiatrie de leur pratique, de leur niveau de formation et de sensibilisation sur ce problème selon différents degrés d’implication de l’enfant. 1. Patients et méthodes Cette enquête a été menée du mois de mars au mois d’août 2003 auprès des internes en pédiatrie des trois facultés de médecine de Marseille, Nice et Montpellier. Le questionnaire comprenait quatre questions. Les trois premières correspondaient aux trois degrés d’implications croissantes de l’enfant dans la décision médicale [13] : l’information, le recueil de l’avis de l’enfant, le respect de sa décision et donc de son refus éventuel. Nous y avons ajouté une quatrième question dans laquelle nous demandions aux internes s’ils présentaient d’autres choix à l’enfant. Cette question nous 1070 N. André et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1068–1074 Tableau 1 Caractéristiques de la population étudiée Sexe Âge (moyenne et écart type) Nombre d’années de pratique de la pédiatrie (moyenne et écart type) Nombre d’internes ayant un ou plusieurs enfants Formation en éthique médicale Formation en décision médicale permettait de mieux comprendre à quel niveau du processus décisionnel les internes incluaient l’avis de l’enfant. Dans un deuxième temps, les principaux obstacles à l’application de l’enfant pour chacun de ces niveaux d’implication devaient être choisis dans une liste proposée d’items. Soixante questionnaires ont été distribués. Quarante-cinq ont été recueillis (75 %). Sur les 45 questionnaires, 43 (95 %) étaient analysables. Les caractéristiques de la population sont rapportées dans le Tableau 1. Les données ont été saisies à l’aide du logiciel Excel 5.0 (Microsoft©). L’analyse statistique a été réalisée dans le service de biostatistique de la faculté de médecine de Marseille à l’aide du logiciel SPSS10,0.5 (SPSS Inc.). Une analyse descriptive a été réalisée dans un premier temps. Une recherche de lien entre les réponses obtenues et les caractéristiques des internes a secondairement été réalisée à l’aide d’un test de Kruskal-Whallis pour les données non qualitatives et par un test exact de Fisher après regroupement des données, en raison des effectifs trop faibles, selon les différents degrés de l’implication de l’enfant. 2. Résultats 2.1. Information du patient Quatre-vingt-six pour cent des internes ont indiqué qu’ils informaient l’enfant dont ils avaient la charge dans plus de la moitié des cas. Pour 53 % d’entre eux, l’information était presque toujours dispensée. À l’inverse, 14 % avouaient n’informer l’enfant que dans moins de la moitié des cas. Les deux obstacles à l’information de l’enfant les plus fréquemment cités étaient les compétences insuffisantes de l’enfant et les caractères d’urgence ou de dangerosité du pro- 11 hommes/32 femmes 27,5 ± 2,3 2,6 ± 1,9 9 17 5 blème médical. Le troisième obstacle était le fait que l’information soit donnée aux parents. Pour deux internes, ce sont les parents qui s’opposaient à ce que l’enfant reçoive l’information afin de le protéger. Comme l’indique la Fig. 1, le manque de temps et le manque de savoir-faire ont été plus rarement évoqués. Néanmoins, parmi les internes qui citaient le manque de savoir comme obstacle à l’information des enfants, certains rapportaient le manque d’aide notamment l’absence de brochures ou de documentation vidéo qui leur aurait permis d’expliquer plus facilement et dans un langage adapté des situations parfois complexes. 2.2. Demande de consentement (Fig. 2) Le consentement éclairé est actuellement admis comme la base de la décision et de la pratique médicale. Le consentement éclairé passe nécessairement par l’information du patient et par la demande de l’avis du patient. Pourtant, 74 % des internes ont indiqué qu’ils ne sollicitaient l’avis de l’enfant que dans moins de la moitié des cas. Parmi eux, 35 % ne demandaient presque jamais l’avis de l’enfant. De façon logique, 100 % des internes qui n’informaient les enfants que dans moins de la moitié des cas, ne leur demandaient pas leur avis non plus. Les obstacles au recueil de l’avis de l’enfant étaient ici aussi le manque de compétence de l’enfant et la situation médicale. Les autres raisons invoquées étaient moins fréquentes (temps, parents). 2.3. Refus de l’enfant (Fig. 3) Lorsque l’enfant exprimait un désaccord avec la conduite à tenir choisie, la grande majorité des internes (82 %) ne modifiait pas leur décision. Les raisons invoquées étaient alors Fig. 1. Obstacles à l’information du patient. N. André et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1068–1074 1071 Fig. 2. Obstacles à la demande du consentement. Fig. 3. Obstacles au suivi du refus de l’enfant. l’absence d’autres choix possibles et le refus des parents de modifier la décision initiale selon les désirs de l’enfant. De façon intéressante, les compétences de l’enfant ne semblaient pas être ici un obstacle. Par ailleurs, deux internes ont exprimé le besoin du recours à un médecin plus expérimenté pour résoudre le problème et/ou reprendre les explications afin de mieux faire comprendre à l’enfant leur choix. 2.4. Présentations d’autres choix La présentation d’autres choix à l’enfant est une des caractéristiques du niveau d’implication maximum de l’enfant [13]. Près d’un tiers des internes ne présentait jamais d’autres choix et 72 % d’entre eux présentaient d’autres choix dans moins de la moitié des cas. Les obstacles principaux étaient, comme le montre la Fig. 4, l’absence d’autres choix et les caractéristiques de la situation médicale. cale (58,1 % d’absence d’enseignement), enfant (79 % sans enfants), durée de la formation pédiatrique en cours (moyenne 2,6 ans ; écart-type 1,9 ans) n’a influencé de façon statistiquement significative les réponses obtenues, même en regroupant les réponses en deux catégories : implication de l’enfant dans plus de la moitié ou moins de la moitié de cas. Il faut remarquer ici la faible taille de l’échantillon, qui, dans les méthodes statistiques non paramétriques, n’assure probablement pas une puissance suffisante. Néanmoins, certaines tendances se dessinent, comme par exemple l’influence du sexe des internes (pour chacun des trois niveaux de fréquence de recueil de l’avis de l’enfant — moins de la moitié des cas, plus de la moitié, presque toujours — les femmes représentent respectivement 66,7, 71,4 et 78,3 %) ou d’une formation antérieure en éthique médicale ou en décision médicale (les internes ayant suivis une formation représentent respectivement 16,7 50 et 43,5 %) sur l’information des enfants ou le recueil et le suivi de leur avis. 2.5. Recherche de facteurs influençant l’importance de la place de l’avis de l’enfant 3. Discussion Dans notre étude, aucun des facteurs retenus (sexe 74,4 % de femmes), âge (moyenne 27,5 ; écart-type 2,5 ans), enseignement antérieur en éthique médicale ou en décision médi- Notre étude montre que les internes en pédiatrie impliquent l’enfant dans la décision médicale (plus de 80 % des 1072 N. André et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1068–1074 Fig. 4. Obstacles à la présentation de choix. internes informent l’enfant dans plus de la moitié des cas) et que le partenariat avec l’enfant diminue de façon nette lorsqu’il s’agit de lui demander son avis et le prendre en compte ou lui présenter d’autres choix. Cette dissociation a déjà été observée lors d’une étude examinant l’implication d’une vingtaine d’enfants hospitalisés et de leurs parents lors de soins [30] et de nombreuses explications ont été proposées telles que : le refus de l’enfant de participer à la décision, la capacité de l’enfant à comprendre une situation et des explications, l’urgence de la situation, le devoir de protection des parents ou de l’équipe médicale, le manque de données sur les conséquences de l’implication des enfants, le manque de temps... [17,24,30–34]. Selon notre étude, les obstacles majeurs sont d’une part la gravité, l’urgence ou la spécificité de la situation médicale et, d’autre part, le manque de compétences de l’enfant. Ces deux critères sont des obstacles souvent mentionnés dans la littérature [17,24,33,34]. Néanmoins, s’il est effectivement difficile d’impliquer l’enfant en situation de détresse vitale, la grande majorité des situations se prête à l’implication adaptée de l’enfant [26,35,36]. Par ailleurs, cette dissociation traduit peutêtre le fait que l’enfant ne ressent pas les mêmes besoins lorsque la situation est menaçante [37]. Les compétences insuffisantes de l’enfant sont un obstacle fréquemment cité dans notre étude et dans la littérature [14–18,30–34,]. Sans doute existe-t-il un amalgame entre compétences et âge de l’enfant et il vaudrait mieux parler de niveau de développement. En effet, ce raccourci s’accompagne d’un paternalisme « par défaut » qui facilite nos décisions [17]. Pourtant, les difficultés d’évaluation des compétences de l’enfant ainsi que l’absence de détermination des compétences nécessaires et suffisantes au partage d’une décision médicale doivent nous amener à nuancer cet obstacle. Il semble donc indispensable qu’à la notion légale de majorité reposant sur l’âge et ouvrant la porte à la participation dans la décision médicale, se substitue le concept de compétence ou de niveau de développement. Néanmoins, des outils permettant d’évaluer les compétences de l’enfant doivent être développés. En accord avec d’autres études [9,25,34,37], les parents représentent aux yeux des internes un des principaux obsta- cles au partenariat avec l’enfant. Apporter l’information aux parents pourrait ainsi dispenser de la donner aux enfants. De même, les parents constitueraient le deuxième obstacle au respect du refus de l’enfant face à une décision médicale en s’y opposant. Ceci est en accord avec les conclusions de Aubert-Fourmy concernant la participation à la recherche biomédicale dans laquelle les enfants expriment que l’information est l’affaire du médecin, mais où le consentement et la décision finale restent une affaire de famille [9]. Comme le suggère Ross, les parents peuvent intégrer leurs enfants dans une perspective familiale [24] et il peut alors exister des intérêts divergents entre ceux de la famille et de l’enfant [13,25,26]. Les parents jouent alors aussi leur rôle de protecteurs face à des décisions de leur enfant qu’ils jugeraient non adaptées. Néanmoins, une éducation des parents sur les différents enjeux et par conséquent la justification de l’implication de l’enfant dans la décision médicale contribuerait sans doute à la promotion des droits de l’enfant dans ce contexte [38]. De façon surprenante, et contrairement à certaines études [2], le manque de temps et le manque de savoir-faire sont rarement cités comme des obstacles par les internes. Dans notre étude, deux internes ont mentionné le manque de support pour les aider dans l’information de l’enfant. Deux autres nous ont indiqué avoir recours aux médecins seniors pour proposer d’autres choix ou faire face au refus de l’enfant. Pourtant, le manque de temps est un argument classique pour expliquer la non-implication de l’enfant [2], et la façon de dispenser l’information à l’enfant de façon adaptée à ses capacités est un problème reconnu [39,40]. Comme déjà mentionné dans la littérature [33], notre étude montre que des choix sont rarement proposés aux enfants. Pourtant, plusieurs types de choix peuvent être présentés. Certains peuvent être sans implications sur les résultats attendus comme le choix de la voie d’administration de certains médicaments ou le choix du site d’injection d’un vaccin. Par ailleurs, le manque de présentation de choix confirme la place de l’avis de l’enfant dans la prise de décision chez les internes pour lesquels le partenariat avec l’enfant ne sert pas à construire la décision mais se réduit à donner une informa- N. André et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1068–1074 tion. Pourtant, la présentation de choix est une attitude très constructive. Par exemple, concernant les traitements (voie d’administration du médicament, présence ou non des parents pour un geste...), elle donne à l’enfant le sentiment d’avoir une certaine maîtrise sur la situation et induit une meilleure adhésion au traitement. Certaines limites concernant ce travail doivent être apportées. Notre étude repose sur l’autoévaluation par les internes de leur pratique concernant la mise en place d’un partenariat avec l’enfant dans les décisions médicales le concernant. Cette autoévaluation est difficile et une étude reposant sur l’évaluation des pratiques des internes par un observateur externe apporterait une information plus fiable. Ensuite, certaines réponses sont sans doute influencées par les stages réalisés par les internes. Ainsi, un interne n’ayant pratiqué que de la réanimation et de la néonatalogie impliquera moins l’enfant qu’un interne ayant réalisé des stages dans des services d’urgences ou de pédiatrie générale. Dans notre étude, quatre internes ont ainsi précisé que leurs pratiques actuelles ne reflétaient pas leurs convictions sur ce sujet. Nous avons volontairement choisi de demander une évaluation de leur pratique et ceci de façon globale et non pas en fonction du type d’activité. Ce choix rend l’autoévaluation plus difficile, mais un fractionnement des réponses selon le type d’activité aurait rendu l’analyse des données difficile. Enfin, le nombre de participants est restreint. Ainsi, dans notre étude, aucun des facteurs retenus (sexe, âge, enseignement antérieur en éthique médicale ou en décision médicale, le fait d’être parent, durée de la formation pédiatrique en cours) n’influence de façon statistiquement significative les réponses obtenues. Néanmoins, quelques tendances se dégagent, et comme le suggérait Davis [40], l’existence d’une formation antérieure en éthique médicale ou en décision médicale semble favoriser le partenariat avec l’enfant et ceci aussi bien pour ce qui concerne la présentation de choix que pour le recueil de son avis. La plus grande implication des enfants par les internes ayant bénéficié d’une formation en éthique médicale ou en décision médicale suggère qu’une meilleure connaissance du problème et des enjeux sous-jacents améliorerait la participation de l’enfant. En effet, les concepts de niveaux d’implication croissants de l’enfant selon ses compétences [9–11,13,16,41] ou les différents modèles de partenariat dans la décision médicale [6] sont des notions dont l’apprentissage permet de cerner avec une plus grande justesse les fondements et les limites de l’implication de l’enfant dans la décision médicale. Par exemple, impliquer l’enfant via la demande de son avis ne veut pas systématiquement dire que l’on va suivre cet avis et l’implication maximale de l’enfant dans la décision médicale n’est pas toujours indiquée. 4. Conclusion Notre étude montre qu’une grande majorité des pédiatres en formation informe l’enfant sur les choix médicaux le 1073 concernant. Néanmoins, quand il s’agit d’associer d’avantage l’enfant dans la décision, la part des internes qui impliquent l’enfant diminue de façon spectaculaire : s’il a droit à l’information, l’enfant n’est donc pas encore considéré comme un réel partenaire avec lequel la décision peut être partagée. Ce phénomène est lié principalement à la complexité de l’évaluation des compétences de l’enfant et à l’impossibilité de faire partager la décision en raison de la gravité ou de l’urgence de la situation. Ainsi, le partenariat avec l’enfant dans la décision médicale requiert, non pas un seul modèle, mais plusieurs modèles qui se superposent partiellement [10,13,16,41] selon l’absence de compétences, des compétences croissantes et des compétences des enfants comparables à celles des adultes. Les particularités de l’enfant liées, entre autres, à son acquisition progressive de compétences ne doivent donc pas nous entraîner de principe vers le paternalisme médical. Nous ne devons pas réduire la décision médicale à l’instant de la décision proprement dite, ni à l’analyse experte médicale, mais la reconnaître comme l’ensemble du processus qui conduit à décider de mettre en œuvre une action, processus durant lequel le médecin doit être le pivot de la synthèse des données médicales et extra-médicales. C’est ainsi que l’enfant considéré par le pédiatre comme un partenaire naturel potentiel de la décision médicale devient un être à part entière. Comme le suggère nos résultats, certains des obstacles évoqués semblent contournables par l’éducation des médecins. Néanmoins l’objectif n’est pas de suivre systématiquement l’avis de l’enfant. Il s’agit d’un écueil à éviter : les enfants doivent être impliqués dans la décision médicale non seulement dans la mesure de leurs capacités, mais également en fonction de leurs désirs et besoins. L’objectif d’inclure l’enfant de façon adaptée à la décision médicale ne doit en aucun cas être ou être perçue comme une déresponsabilisation du pédiatre et des parents. Nous défendons ici une conception de la pédiatrie qui semblera idéale, théorique à certains, éloignée de la pratique quotidienne de chacun. La transposition de ces idées dans « le vrai monde », le monde clinique, n’est pas une utopie si on s’oblige à faire participer les enfants dans la mesure de leurs capacités et de leurs souhaits. Les enjeux sont réels, multiples et en accord avec les changements profonds de la place de l’individu et de l’enfant dans la société et les modifications des pratiques de la médecine. Donner une place à l’avis de l’enfant en pédiatrie contribue au respect de l’enfant en tant qu’individu à part entière. Il permet à l’enfant, en lui donnant une certaine possibilité de contrôle de la situation, une meilleure adaptation à sa maladie et une meilleure adhésion au traitement notamment s’il s’agit de maladie chronique. Il lui permet d’exercer ses capacités grandissantes d’autonomie, de rationalité, indispensables à son développement. Références [1] Lorca G. Du raisonnement médical à la décision partagée. Paris: Med-Line; 2003. 1074 [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] N. André et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1068–1074 Mahaffey PJ. Making decisions with children. Asking children to participate in decisions about their core undermines parents’ position. BMJ 1996;313:49. Melmon KL, Blaschke TF. The undereducated physician’s therapeutic decisions. N Engl J Med 1983;308:1473–4. Naylor CD. Clinical decisions: from art to science and back again. Lancet 2001;358:523–4. André N, Bernard JL. 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