Mots clés : Consentement éclairé ; Internes
Keywords: Ethics; Informed consent; Child; Decision-making
Tu as des projets que j’ignore...
Antoine de Saint-Exupéry (Le petit prince)
La prise de décision en médecine est un problème difficile
et quotidien. Il concerne les phases de choix diagnostiques et
thérapeutiques [1–4]. En pédiatrie, ce problème est rendu
encore plus complexe : d’une part en raison d’une rencontre
médicale où se retrouve non plus le couple médecin–patient
mais un trio pédiatre–enfant–parents et d’autre part à cause
du caractère immature et évolutif de l’enfant.
La pratique de la médecine est historiquement paternaliste
[5,6]. En effet, de par leur nature, les connaissances médica-
les sont longtemps restées inaccessibles aux non-spécialistes.
Les patients étaient alors obligés d’accepter ce monopole de
l’information et des soins, et de subir passivement les choix
médicaux faits pour eux et à leur place. Le paternalisme médi-
cal s’applique naturellement et avec davantage de force à
l’enfant. Pourtant ces choix déterminent des événements les
concernant, impliquant leur être et peuvent avoir de lourdes
conséquences sur leur vie à court, voire à long terme. À
l’inverse, certaines décisions médicales sont futiles et sans
réelle importance sur leur devenir et, dans ces conditions,
imposer une décision à l’enfant n’est pas une nécessité.
Récemment de nouveaux modèles de décision médicale ont
été proposés [1,6], essayant de faire une plus grande place
aux désirs et préférences des patients et notamment des enfants
[7–18].
La reconnaissance des droits de l’enfant en médecine
résulte de la convergence de deux tendances. Selon la pre-
mière, la place et les droits de l’individu sont de plus en plus
grands dans nos sociétés occidentales. En effet, il existe un
déplacement de la notion d’intérêt de groupe vers celui de
l’intérêt individuel [1]. Ce phénomène touche également nos
enfants. La volonté grandissante des enfants de contrôler leur
destin et les décisions les concernant se traduit par exemple
par la survenue de procès médiatisés confirmant la nou-
veauté, l’intérêt et la surprise de la communauté adulte pour
ces changements d’attitudes [17]. L’autre tendance repose sur
la démocratisation de la reconnaissance de leur entité et de
leurs compétences avec notamment les travaux de Dolto [19]
et de Brazelton [20].
Découlant de ces deux phénomènes, de nombreuses char-
tes et propositions témoignant de leurs droits dans un contexte
médical sont apparues : charte des droits de l’enfant, droits
de l’enfant hospitalisé, droits de l’enfant mineur, convention
des Nations Unies relative aux droits de l’enfant du 20 octo-
bre 1989 et plus récemment la loi du 4 mars 2002 relative aux
droits des malades et la qualité du système de santé. Le
deuxième colloque d’éthique en pédiatrie, organisé par la
Société française de pédiatrie, qui s’est déroulé en novembre
2003 sur l’information des enfants et de leur famille, a per-
mis de faire le point sur les cadres juridiques, philosophiques
et pratiques de ce problème [21–23].
Ainsi, dans notre société tous les éléments semblent ras-
semblés pour la reconnaissance de la place de l’enfant dans
les décisions médicales le concernant : émergence des droits
de l’enfant et mise en place de nouveaux modèles de déci-
sion médicale.
Mais l’enfant doit-il être systématiquement informé,
écouté, suivi devant une décision médicale à prendre ? Selon
quels critères ? Existe-il des dangers à écouter et suivre
l’enfant ? Comment promouvoir ce partenariat tout en conti-
nuant à remplir notre rôle de protecteur de l’enfant ? En
d’autres termes, quelles sont les limites du partenariat avec
l’enfant [24–29] ? La situation devient encore plus complexe
quand parents, médecins et enfants ne sont pas d’accord et
quand les perceptions de l’intérêt supérieur de l’enfant par
les différents protagonistes divergent.
En pédiatrie, l’information et le recueil de l’avis des enfants
sont essentiellement assurés par les médecins seniors, clé de
voûte dans l’interface enfants/parents et médecins, en parti-
culier dans les décisions aux enjeux importants. Les internes
en pédiatrie, médecins en formation, sont également large-
ment impliqués dans l’information, le recueil du consente-
ment des enfants. Le problème de la place de l’enfant dans la
décision médicale a fait l’objet de nombreuses publications,
en particulier sur la place de l’avis de l’enfant dans la recher-
che médicale. Néanmoins, la littérature médicale est plus res-
treinte sur la place de l’enfant concernant les décisions médi-
cales quotidiennes et, à ce jour, aucune étude, à notre
connaissance, n’a été réalisée sur l’opinion des pédiatres sur
ce sujet.
Soucieux de mesurer le chemin qu’il reste à faire dans ce
domaine, nous nous sommes attachés à aborder la question
en nous intéressant à l’étude de l’évaluation par les internes
en pédiatrie de leur pratique, de leur niveau de formation et
de sensibilisation sur ce problème selon différents degrés
d’implication de l’enfant.
1. Patients et méthodes
Cette enquête a été menée du mois de mars au mois d’août
2003 auprès des internes en pédiatrie des trois facultés de
médecine de Marseille, Nice et Montpellier. Le question-
naire comprenait quatre questions. Les trois premières cor-
respondaient aux trois degrés d’implications croissantes de
l’enfant dans la décision médicale [13] : l’information, le
recueil de l’avis de l’enfant, le respect de sa décision et donc
de son refus éventuel. Nous y avons ajouté une quatrième
question dans laquelle nous demandions aux internes s’ils
présentaient d’autres choix à l’enfant. Cette question nous
1069N. André et al. / Archives de pédiatrie 12 (2005) 1068–1074