Attention aux intoxications iatrogènes

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Pédiatrie
Attention aux intoxications iatrogènes
La fréquence des erreurs d’utilisation des médicaments en
pédiatrie est élevée. A cela, trois causes principales : la forme
galénique mal adaptée, une explication trop sommaire et
l’automédication parentale.
L
es intoxications iatrogènes en
pédiatrie sont fréquentes mais
heureusement, dans leur grande
majorité, elles ne sont pas trop
graves. Elles sont souvent sousestimées car les erreurs sans gravité, notamment les sous-dosages,
ne sont pas prises en compte. Les
Centres antipoisons connaissent
relativement bien la fréquence et
les caractéristiques des intoxications, mais ils cernent mal les
caractéristiques d’utilisation des
médicaments. Cependant, dans
l’immense majorité des cas, l’erreur se signale en dehors de l’hôpital où le rôle des soignants est de
bien s’assurer qu’un traitement qui
doit être suivi après une hospitalisation a bien été compris par les
parents. Il faut aussi informer que
le médicament ne doit pas être utilisé pour des symptômes qui ressemblent à ceux d’une maladie qui
a nécessité l’hospitalisation.
Particularités pédiatriques
Comment se définit l’erreur ?
C’est « toute erreur qui empêche
le patient de recevoir le médicament adéquat, à la posologie correcte, à l’horaire préconisé et par
la bonne voie d’administration ».
L’enfant y est plus volontiers exposé parce que, souvent, les parents sont les intermédiaires dans
la prise des médicaments, et, surtout, parce que peu de formes galéniques propres à l’enfant sont
disponibles.
Le gouvernement a donc décidé,
en 2000, d’entreprendre une réforme et, en 2002, la Commission européenne a proposé de
régulariser les actions à l’échelle
européenne.
De nombreux médicaments donnés aux enfants n’ont pas l’autori-
sation “médicaments orphelins” ou
sont autorisés dans une autre indication, une autre posologie, une
autre forme galénique ou un autre
âge. Selon l’étude duPr E. AutretLeca et du Dr A.-P. Jonville-Béra*
(Service de pharmacologie clinique
et Centre régional de pharmacovigilance et de renseignement sur le
médicament, CHRU de Tours), le
nombre d’enfants exposés à des
médicaments dépourvus d’autorisation spécifique pédiatrique est
estimé à 90 % en soins intensifs,
à 67 % à l’hôpital et à 22 % en
pratique de ville. Le marché étroit
et les lois sur la protection dans
l’évaluation des médicaments et
sur la protection des personnes
dans la réalisation des essais thérapeutiques exposent au retard thérapeutique et à des risques accrus.
En pédiatrie, il existe aussi des
particularités pharmacocinétiques.
Ainsi, chez le jeune enfant, la résorption des médicaments est diminuée par voie orale, peu modifiée par voie rectale, réduite et
aléatoire par voie intramusculaire
et augmentée par voie cutanée. Le
volume de distribution (rapporté
au poids) est plus grand chez l’enfant et le nourrisson, ce qui explique des doses utilitaires (rapportées au poids) plus élevées par
rapport à l’adulte. De même, la
liaison aux protéines est réduite
et se normalise au cours de la première année de vie pour les
quelques médicaments étudiés.
Difficultés pratiques
A l’hôpital, les erreurs de posologie sont à l’origine des erreurs
de calcul des facteurs âge/poids.
Elles sont modestes quant à la gravité mais fréquentes dans la sousévaluation des doses. Comme il
n’existe pas de forme galénique
adaptée, les médicaments sont déconditionnés et ensuite reconditionnés. Les très petits volumes à
injecter exposent, d’une part, aux
erreurs de dilution et, d’autre part,
sont peu adaptés au calibre des
seringues et des tubulures et aux
formes galéniques destinées à
l’adulte. En pratique, l’espace mort
de tubulures non adaptées à la pédiatrie (1 ml/m de tubulure de
1 mm de diamètre) ainsi que le site
d’injection trop éloigné de l’enfant
font que le médicament n’est souvent pas administré en totalité et
nécessite des volumes de purge
élevés par rapport aux besoins
hydriques. Parmi les erreurs, sont
soulignées : les erreurs de prescriptions parce que celles-ci sont
illisibles ou transmises oralement,
les connaissances insuffisantes des
médicaments car ceux-ci sont mal
évalués, la confusion de médicaments, voire de patients. Enfin, les
erreurs liées aux infirmières sont,
toujours d’après l’étude, fréquentes, puisque, dans un service
d’oncologie pédiatrique, 6 % des
unités préparées par les infirmières
comportaient une erreur. L’erreur
de dilution, en particulier en néonatologie, est favorisée du fait de
la nécessité de conditionnements
faits pour l’adulte. Une recherche
systématique en néonatologie a
ainsi montré une erreur de dilution de la nétilmicine dans 50 %
des cas !
La situation actuelle démontre
que les médicaments pour l’enfant, faute d’études, ne sont pas
suffisamment évalués. D’où l’urgence d’une révision de la législation, base d’un développement
approprié de ces médicaments.
A.-L.P.
* Autret-Leca E, Jonville-Béra AP. Gestion des
risques des médicaments en pédiatrie. In : Pédiatrie hospitalière, F. Douchain. Paris : Doin
Éditeurs, 2001.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 43 - janvier-février 2003
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