PHYS-F-477
Cours de MA1 ou MA2 en physique
ULB - ann´
ee 2013-2014
Physique aupr`
es des collisionneurs
L. Favart
I.I.H.E., CP-230
Universit´
e Libre de Bruxelles,
1050 Brussels
lfavart@ulb.ac.be
Ce cours traite des aspects de la physique des particules li´es aux quarks, aux gluons et aux interactions
fortes ´etudi´es `a haute ´energie aupr`es des collisionneurs de particules. Il adopte une approche principale-
ment ph´enom´enologique et tente de faire le lien entre les mesures exp´erimentales et les pr´edictions de la
chromodynamique quantique. On y discute les notions de jets, de libert´e asymptotique, de confinement, de
densit´es partoniques et de violation d’invariance d’´echelle notamment. Il permettra de se familiariser `a la
structure hadronique et `a la dynamique entre quarks et gluons `a haute ´energie comme dans les interactions
proton-proton du LHC.
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Chapitre 1
Introduction
Le premier objet hadronique fut d´ecouvert il y a tout juste un si`ecle lors de la mise en ´evidence du noyau
atomique ou mˆeme encore un peu avant si l’on consid`ere le rayonnement α(noyau d’helium). A partir des
ann´ees 1960, la chromodynamique quantique (QCD) accumule les succ`es en permettant `a la fois de d´ecrire
de fac¸on simple la diversit´e des objects hadroniques (plus de 150 m´esons et 120 baryons sont aujourd’hui
r´epertori´es) et de pr´edire leurs interactions `a partir de leurs constituants de base : les quarks et les gluons. Il
est unique dans l’histoire des sciences, qu’une vari´et´e aussi grande de ph´enom`enes puisse ˆetre expliqu´ee et
pr´edite avec pr´ecision `a partir d’un nombre de param`etres si restreint.
Si la th´eorie QCD est aujourd’hui bien ´etablie, elle n’en demeure pas moins complexe conceptuelle-
ment et calculatoirement. Cette complexit´e r´esulte de trois di´erences majeures par rapport `a la th´eorie,
plus simple et plus intuitive, qu’est l’´electrodynamique quantique (QED).
La premi`ere dicult´e provient de la constante de couplage, αS, associ´ee `a QCD qui peut atteindre des
valeurs sup´erieures `a l’unit´e, lors des interactions se d´eroulant sur un temps relativement long, rendant un
d´eveloppement perturbatif impossible. En revanche lors d’interactions de courtes dur´ees la constante de
couplage devient petite face `a l’unit´e et permet des pr´edictions th´eoriques pr´ecises (aujourd’hui, typique-
ment de l’ordre du pourcent voire le dixi`eme de pourcent dans certains cas). Les grandes valeurs de αSont
pour cons´equence le confinement des quarks au sein des hadrons sur des ´echelles de temps relativement
longues, c’est-`a-dire directement observables par exemple dans un d´etecteur de particules. Sur une ´echelle
de temps tr`es courte, atteignable en laboratoire `a l’aide de collisonneurs de particules de haute energie (plus
de quelques GeV), un comportement oppos´e apparaˆıt dans lequel les quarks sont libres (on parle de la libert´e
asymptotique).Dans les interactions faisant intervenir des hadrons soit dans l’´etat initial soit dans l’´etat final
(temps longs) les ph´enom`enes non perturbatifs seront toujours pr´esents. Une question centrale dans ce do-
maine est donc de savoir comment factoriser les ph´enom`enes perturbatifs des non perturbatifs c’est-`a-dire
comment s´eparer ce qui est calculable de ce qui ne l’est pas et qui doit ˆetre mesur´e (ou mod´elis´e).
La seconde dicult´e se place au niveau calculatoire et provient du caract`ere non ab´elien de QCD. Il
correspond au fait que le gluon (champ de jauge de QCD) se couple `a lui mˆeme (les gluons portent une
charge de couleur). Des diagrammes suppl´ementaires apparaissent donc d`es l’ordre 1 en αS, compliquant
rapidement les calculs. Or, la constante de couplage αSreste en g´en´eral relativement grande mˆeme dans le
domaine perturbatif (αSvaut environ 0.12 pour une ´echelle d’´energie correspondant `a la masse du Zce qui
reste grand par rapport par exemple au 1/137 typique de QED). On peut donc s’attendre `a ce que les termes
de correction des ordres sup´erieurs soient relativement importants.
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CHAPITRE 1. INTRODUCTION
La trois`eme dicult´e r´eside dans l’´etablissement du lien entre la th´eorie et ce qui est observable
exp´erimentalement. Le Lagrangien de la th´eorie QCD est ´ecrit pour les champs quantiques que sont les
quarks et les gluons, soit des particules qui ne sont pas directement observables. Les observables sont
bas´ees sur la mesure de combinaisons multiples et complexes de quarks et de gluons : les hadrons (voire
mˆeme de gerbes constitu´ees d’un m´elange de hadrons, de leptons et de photons). La confrontation des me-
sures exp´erimentales avec les pr´edictions th´eoriques n´ecessite donc une approche di´erente.
Il y a donc deux tˆaches qui s’orent aux physiciens : comprendre et r´esoudre la QCD. R´esoudre la QCD
est un travail ardu qui demande une grande maˆıtrise calculatoire. Ces aspects sont abord´es dans d’autres
cours et seront seulement ´evoqu´es ici. Ce cours tente d’apporter des ´el´ements de compr´ehension de la struc-
ture hadronique et des interactions fortes dans une approche de la QCD principalement perturbative.
1.1 Un brin d’histoire
Nous reprenons dans ce qui suit certaines ´etapes importantes dans la compr´ehension des interactions
fortes et de la structure hadronique. Des tableaux reprennent des d´ecouvertes exp´erimentales majeures et
mod`eles th´eoriques en les mettant en perspective avec d’autres faits marquants en physique des particules.
Les sujets en caract`eres gras dans les tableaux sont discut´es dans le texte.
1.1.1 1909-1937 : de l’atome au nucl´
eon
1896-1900 radioactivit´e α, β et γ(Becquerel, Curie, Rutherford)
1897 d´ecouverte de l’´electron
1901-1905 Planck, Einstein : quantum
1905 Einstein : relativit´e restreinte
1909-11 noyau atomique (Geiger, Marsden et Rutherford)
1912-1913 atome de Bohr
1915 th´eor`eme de Noether
1919 d´ecouverte du proton
1923-27 la m´ecanique quantique - eet Compton
1928 ´equation de Dirac
1929 premier acc´el´erateur : Van de Graa
1930 hypoth`ese du ν(Pauli)
premier cyclotron (Lawrence)
1932 d´ecouverte du positon (Anderson) et du neutron (Chadwick)
1933 gerbe e.m.
1934 d´esint´egration β(Fermi) - eet ˇ
Cerenkov
1935 force nucl´eaire : th´eorie de Yukawa
1936 r´esonance de Breit-Wigner
1937 d´ecouverte du muon et sa d´esint´egration (Street, Stevenson)
Table 1.1 – Quelques ´ev´enements importants de la d´ecouverte de la radio activit´e αjusqu’aux premiers
acc´el´erateurs de particules.
1.1. UN BRIN D’HISTOIRE
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D´
ecouverte du noyau atomique
Au tout d´ebut du XXesi`ecle, on savait que les atomes ´etaient ´electriquement neutres et qu’ils contenaient
des ´electrons (charg´es n´egativement) de masse bien inf´erieure `a celle de l’atome. La question d’actualit´e
´etait alors : ”Comment la mati`ere lourde et charg´ee positivement est-elle distribu´ee dans un atome?” Il ´etait
g´en´eralement consid´er´e qu’elle ´etait distribu´ee uniform´ement dans le volume atomique. Un mod`ele en ce
sens fut propos´e par J.J. Thomson en 1910.
En 1909 Geiger, Marsden et Rutherford bombardent des feuilles de m´etal (argent, or) par des rayons α
d’une ´energie de 7.7 MeV issus d’une source radioactive de polonium 214Po.
Figure 1.1 – Exp´erience dite de Rutherford
Un simple calcul probabiliste montre que la probabilit´e pour qu’une particule αsoit dius´ee `a grand
angle (ou mˆeme r´etro-dius´ee) est proche de z´ero dans le cas d’un mod`ele comme celui de Thomson (chute
exponentielle avec l’angle de diusion). Les mesures pr´esentent un nombre tr`es important de diusions `a
grand angle. Ce qui permit `a Rutherford de d´eclarer en 1911 que l’atome devait ˆetre le si`ege d’un intense
champ ´electrique. Une particule αsur 20.000 ´etait dius´ee `a plus de 90 degr´es, contre seulement une sur
103500 pour un mod`ele de r´epartition homog`ene. Le noyau atomique ´etait n´e.
Rutherford calcula alors la d´ependance angulaire attendue pour son mod`ele atomique. La section e-
cace di´erentielle en l’angle solide, pour la diusion d’une particule de spin 0 sur un noyau de spin 0, en
n´egligeant le recul du noyau, est donn´ee par :
dσR
d=Z2α2
4E2
e
1
sin4(θ/2) α=e2/4π(1.1)
pour un noyau de charge Ze. Cette expression reproduit les donn´ees recueillies ind´ependamment sur des
feuilles d’argent et d’or. Il d´eduisit que le noyau est 10.000 fois plus petit que l’atome, soit 1014m=10fm.
En 1913 Bohr propose son mod`ele atomique reproduisant les raies spectroscopiques de l’hydrog`ene.
Le proton et le neutron
Rutherford d´emontrera en 1919 que latome contient des protons, et en 1932, son ´el`eve James Chadwick
mettra en ´evidence lexistence du le “proton neutre”, c’est-`a-dire le neutron. Avec l’´electron et le photon,
le proton et le neutron sont les constituants de base de la mati`ere qui constitue presque toute la mati`ere
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