«Les Américains ne pourront pas éviter de nouveaux impôts»

états-Unis Jeudi17 septembre 2009
«Les Américains ne pourront pas éviter de
nouveaux impôts»
Par Propos recueillis par Frédéric Koller
Le célèbre conseiller économique Jeffrey D. Sachs évalue la réponse de
Barack Obama à la crise économique et financière. Les citoyens vont devoir
passer à la caisse
Directeur de l’Institut de la terre (Earth Institute), Jeffrey D. Sachs s’est forgé une réputation
internationale en tant que conseiller économique auprès de nombreux gouvernements dont ceux de la
Russie et la Pologne lors de leur transition vers l’économie de marché. Il a dirigé le projet Objectifs du
millénaire des Nations unies lorsquil était conseiller spécial du secrétaire général de l’ONU Kofi
Annan. De passage à Genève dans le cadre dune réunion de la Conférence des Nations unies sur le
commerce et le développement (Cnuced), il évoque la situation de son propre pays, les Etats-Unis.
Le Temps: Comment évaluez-vous l’action de Barack Obama pour endiguer la crise financière et
économique?
Jeffrey D. Sachs
: Les principales mesures quil a prises s’inscrivent dans le court terme pour contrer la
panique financière en injectant d’énormes liquidités vers le secteur privé afin de stimuler l
économie à
travers le budget. Dans l’ensemble, ces mesures ont réussi à rassurer et à stabiliser léconomie. Mais
je ne vois pas vraiment à moyen terme les recettes de croissance ou de changement.
– Quelles seraient ces recettes?
– Il faut une stratégie d’investissements dans l’énergie, l’environnement, les transports et les
infrastructures. Mais il n’y a aucun accord à ce propos au Congrès. Il faut encore décider d
un agenda.
Il y a de vagues intentions, mais aucune mesure spécifique. Le problème fondamental aux Etats-Unis
est le manque de consensus sur le budget et la façon de réduire son déficit abyssal. On vit en marge
de la réalité. On ne pourra pas éviter de nouveaux impôts. Or le problème d’Obama est qu’il s’est fait
élire avec la promesse de ne pas augmenter les impôts fédéraux pour les personnes ayant un revenu
annuel inférieur à 250 000 dollars. Cette politique anti-impôts est intenable. Elle empêche toute
politique d’investissements. La plus grande différence entre les Etats-Unis et l’Europe est qu’il n’y a
pas de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) chez nous. Si elle est modeste j’y suis favorable. Mais l’
idée est
très impopulaire.
– En matière d’environnement, Obama en fait-il assez?
– Nous avons besoin d’un cadre pour augmenter les investissements dans les énergies propres. Il
faudrait investir 100 milliards de dollars par an ou 0,5 à 1% du PIB pour relever le défi. Les systèmes
de distribution et du traitement de l’eau, le système d’égouts, tout cela est délabré. Les besoins sont
énormes. Le public doit comprendre qu’il faudra investir de façon massive.
– Les républicains vont freiner toute velléité de nouvelle dépense.
– Nous sommes coincés avec cette promesse de ne pas augmenter les impôts. Voyez le débat sur la
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santé, il est faussé. La santé, l’environnement, les infrastructures, l’éducation, tout est en crise.
– Vous voulez plus d’Etat?
– Une meilleure gestion publique. Il faut rompre avec la politique des trente dernières années. Il est
évident que Barack Obama veut plus d’Etat, mais la manière dont il va le financer n’est pas claire.
– L’Europe sert-elle de modèle?
Pas tous les pays européens. Mais la Suisse ou les pays nordiques ont montré des recettes de succès
pour une vie plus décente, plus juste, plus sûre et plus consciente de son environnement. Bien sûr
qu’il y a aussi des échecs. Mais en comparaison, la situation des Etats-Unis est bien plus sérieuse.
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