A. Harfouche, De la naissance du capitalisation à la crise

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De la naissance du capitalisme à la crise économique de 2009 : La
chute de l’empire et la fin du "Novus Ordo Seclorum"1 ?
Antoine HARFOUCHE - Chargé d’enseignement à la FGM
Entre le 1er Janvier et le 20 décembre 2008, l’indice CAC 40 a perdu plus de 42 % de
sa valeur et passe de 5614 points à 3226 avec un plus bas à 2839 atteint le 21
octobre 20082. Sur cette même période, le Nasdaq a perdu également 41% de sa
valeur et passe à 1564. Le Dow Jones quant à lui perd 35% et clôture à 8579. Même
les actions dites ‘Blue Chips’3 se sont effondrées. En moins de six mois, le prix du
baril de pétrole chute de 149 dollars US à 40 dollars US. Ces chiffres ne laissent
aucun doute quant à l’importance de la crise de 2008. Elle est aussi grave que la
crise de 19294. Elle touche tous les actifs risqués, tous les agents économiques
(ménages, entreprises, banques…) et toutes les régions (Etats-Unis, Europe,
Asie…). On assiste en même temps à un Krach boursier, à une crise bancaire, à une
crise de liquidité (‘credit crunch’5), ainsi qu’à une récession économique classique en
Europe Occidentale et aux Etats-Unis d’Amérique. Les symptômes sont donc, à la
fois financiers, monétaires, économiques, alimentaires, énergétiques et écologiques.
Tout ceci nous laisse croire que les prochaines années seront des ‘Anni horribiles’6.
Si le proverbe ‘Errare humanum est, perseverare diabilicum’ 7est vrai, alors, pourquoi
répétons-nous les mêmes erreurs? Pourquoi sommes-nous incapables de tirer des
leçons du passé ?
Plusieurs causes directes et indirectes ont été citées par les spécialistes et les
économistes du monde entier comme étant la source de cette crise (Jorion 2008,
Doise 2008, Artus et al. 2008). Selon ces derniers, les subprimes 8, la titrisation9, les
bonus en centaine de millions de dollars US accordés aux PDG des grandes
multinationales, l’abolition du Glass Steagall Act10 et le manque de contrôle des
1
‘Novus Ordo Seclorum’ ou ‘le Nouvel Ordre mondial’ est le symbole du dollar US.
L’ensemble des chiffres de cet article peuvent être trouvés sur le site français http://www.boursier.com
3 Blue chips est le terme qui désigne les valeurs à forte capitalisation et réputées comme étant les plus sûres.
4
En 1929, il y a une crise économique et une crise financière. Les indices ont chuté comme jamais cela n’était
arrivé. Selon les spécialistes, à l’origine de cette crise, on trouve une spéculation forte et une recherche d’un
rendement maximal basé sur les crédits. Depuis, il n’y a pas eu de crise financière de cette ampleur. Pour nous,
la crise actuelle est aussi grave que la crise de 1929. Tout ceci sera détaillé dans la partie 2 de cet article.
5
Un ‘credit crunch’ est un resserrement du crédit ou une pénurie de crédit. Il s’agit donc d’un étranglement du
crédit, d’une limitation ou d’une raréfaction du crédit offert aux entreprises et aux particuliers. Ca peut
également correspondre à une forte hausse des coûts liés à l’endettement (hausse des taux d'emprunt, besoin de
fortes garanties pour obtenir un prêt, etc.).
6
‘Anni horribiles’, ou années horribles, est une expression créée par Jean-Pierre Robin, inspiré de la Reine
Elisabeth d’Angleterre, dans son article apparu au Figaro le Lundi 15 décembre 2008 (page 25).
7
L’erreur est humaine, mais sa répétition est diabolique.
8
Les subprimes sont des crédits hypothécaires accordés aux États-Unis à des clients peu solvables, sur la base
d'une majoration du taux d'intérêt censée compenser les risques pris par les prêteurs.
9
La titrisation est une technique financière qui consiste à transférer à des investisseurs des actifs financiers tels
que des créances en les transformant par le passage à une société ad hoc en titres financiers émis sur le marché
des capitaux.
10
‘Glass-Steagall Act’ est le ‘Banking Act’ des Etats-Unis de l’année 1933. A l’origine, il a été fait pour
distinguer entre banque de dépôts et banque d’investissement. L’objectif était de créer un système fédéral
d’assurance des dépôts bancaires et de plafonner les taux d’intérêts sur les dépôts bancaires par le moyen de la
2
2
‘hedge funds’11 en sont les causes directes. Selon d’autres chercheurs, l’existence
de liquidité trop importante, investie dans des opérations à fort effet de levier est la
source lointaine de cette crise (CAE 2008, Sapir 2008).
Mais quoiqu’il en soit, les économistes chevronnés savent que les arbres ne
grimpent pas jusqu’au ciel. La crise actuelle ne les a pas vraiment surpris.
Kondratieff l’a bien présenté en 1926 dans son livre ‘cycle de longue durée’. Selon
lui, après chaque phase de croissance (phase A), il y a une crise (phase B). En
1942, dans son livre ‘Capitalisme, socialisme et démocratie’, Schumpeter (1983)
explique les raisons de l’existence des phases A et B. Selon lui, la diffusion d’une
innovation majeure assure la croissance économique. Ainsi, dans la phase A, les
entreprises investissent pour augmenter la production afin de satisfaire la demande
qui est en hausse. Peu à peu cette innovation atteint la maturité. La concurrence
devient de plus en plus rude. Ainsi, la phase B correspond à la période de déclin de
cette innovation qui se matérialise par la faillite et la fermeture d’usines. A ce
moment, le terrain se prépare pour une nouvelle innovation. Dans ce même
contexte, un premier courant s’est développé autour de l’idée que les crises
économiques sont inhérentes à la logique interne du capitalisme. Pour ce courant,
cette crise de 2008 ressemble donc à celles qui l’ont précédée. Elle annonce les
prémices d’une nouvelle innovation technologique.
Un autre courant voit dans cette crise de 2008 le début de la chute. Selon ces néomalthusiens, le système a depuis longtemps perdu toute forme de bon sens. Pour
eux, il s’agit d’un dysfonctionnement général du capitalisme lui-même, et la crise de
2008 n’est que la phase émergée de l’iceberg. Ils considèrent que la réalité est plus
profonde. L’empire est entrain de s’effondrer sous son propre poids. Ils annoncent
même la fin du dollar US, qui comme un trou noir, emportera tout ce qui l’entoure.
L’économiste Drancourt (2008), par exemple, n’hésite pas à annoncer le déclin et le
passage à un nouveau cycle dominé par les pays émergents et les contraintes
environnementales.
Tout ceci nous conduit à poser les questions suivantes : la crise de 2008, est-elle
une crise cyclique de type phase B de Kondratieff ou sommes-nous entrain de vivre
la fin du capitalisme lui-même ? Sommes-nous entrain de vivre la chute de l’empire
et la fin du ‘Novus Ordo Seclorum’ ?
Un grand nombre de chercheurs ont étudié les origines de la crise de 2008. Mais
elles restent rares les recherches qui comparent cette crise avec les cinq qui l’ont
précédée. Notre objectif est donc, d’essayer de comparer l’ensemble des crises du
capitalisme pour essayer de dégager des tendances générales. Toutefois, pour bien
Régulation Q. Mais comme il a été largement contourné par l'ensemble de la profession bancaire depuis le milieu
des années 70, il a finalement été abrogé le 12 novembre 1999 par le Financial Services Modernization Act, dit
Gramm-Leach-Bliley Act, juste à temps pour permettre la fusion constitutive de Citigroup.
11
Les ‘hedge funds’ ou les ‘fonds de couverture’ sont des fonds d’investissement se livrant à des placements de
protection contre les fluctuations des marchés. Ce sont de fonds particulièrement risqués car ils sont peu
réglementés. Ils utilisent massivement les techniques permettant de spéculer sur l’évolution des marchés, à la
baisse comme à la hausse. Ils sont peu transparents et souvent implantés dans les paradis fiscaux. Leurs gérants y
investissent une part de leur patrimoine et prélèvent des commissions très importantes en fonction de la
surperformance du fonds. Cela les incite à prendre des risques de marché importants. En général, les
investisseurs ayant déposé de l’argent sur ces fonds, ne peuvent pas réduire leur participation à n’importe quel
moment mais seulement à une certaine période prédéterminée.
3
réussir cet objectif, il convient d’appréhender correctement la nature de ces crises et
leurs causes réelles et lointaines. Ainsi, dans une première partie, nous exposerons
la naissance du capitalisme. Nous résumerons par la suite, en quelques pages,
l’évolution de la monnaie, des services financiers, des banques et des économies.
Dans une deuxième partie, nous présenterons la période de croissance du
capitalisme représentée par le passage de la proto-industrie à l’industrie. Cette
période est caractérisée par des cycles longs de Kondratieff. Dans la troisième
partie, nous évoquerons la période de maturité du capitalisme représentée par le
passage de l’industrie à la post-industrie. La quatrième et dernière partie, présentera
le passage de la société post-industrielle à la société de l’information et des
connaissances. Influencée par l’hyper-compétition (Aveni 1994) et la chronocompétition12 (Stalk et Hout, 1990), cette période a connu, suite aux interventions
fréquentes des Etats, un passage de cycles longs de Kondratieff à des cycles plus
courts.
Ainsi, en quatre parties, nous avons essayerons de retracer le chemin du capitalisme
avec ses six phases A et six crises majeures, leurs causes et leurs conséquences.
Nous terminerons cet article par une conclusion qui répond aux deux questions
principales et qui confortent bien la raison d’être de cet article.
1. La naissance du capitalisme13
1.1. D’une économie de prédation à une économie de la production
A l’époque de la Préhistoire14, les Hommes nomades15 vivaient en clans et en tribus
de la cueillette, de la pêche et de la chasse. Ils exploitaient les ressources naturelles
disponibles sans pouvoir les maîtriser. Ils se contentaient d’assurer leur survie,
comme les animaux, en arrachant leur subsistance à la nature. Ainsi, il n’y a pas eu
lieu d’échanges importants durant cette longue période.
Avec le temps, le progrès de l’armement des chasseurs provoqua une raréfaction du
gibier. La nécessité poussa alors les Hommes chasseurs à découvrir l’agriculture et
la domestication des plantes et des animaux. Cette révolution qualifiée par les
historiens de révolution néolithique16 (vers 9000 ans avant J.C) a permis le passage
12
Deux auteurs ont poussé à l’extrême cette logique de chrono-compétition : Stalk et Hout en 1990. L’un des facteurs de réussite est la
vitesse de mise en place sur le marché (time to market) d’un nouveau produit.
13
Le capitalisme a beaucoup de définition. Ces définitions se distinguent en général par le poids qu’elles
accordent aux cinq caractéristiques suivantes :
1. des moyens de productions privés,
2. la recherche de profit,
3. la concurrence économique basée sur la liberté des échanges,
4. l’importance du capital,
5. la possibilité d’échanger une quantité de travail par une quantité de capital.
14 La préhistoire se divise en trois périodes : la Paléolithique, l’Épipaléolithique et le Mésolithique. Elle s’étale
de 3,000,000 d’années et s’achève à 36,000 avant JC.
15
A l’époque, le monde était peuplé de petits groupes d’humain (150,000 individus) qui poursuivaient le gibier
et ramassaient des fruits.
16
Le Néolithique est une époque préhistorique marquée par de profondes mutations techniques et sociales, liées
à l’adoption par les groupes humains d’une économie de production basée sur l’agriculture et l’élevage, et
impliquant le plus souvent une sédentarisation. Les principales innovations techniques sont la généralisation de
l'outillage en pierre polie et de la poterie en céramique.
4
d’une économie de prédation à une économie de production 17. L’Homme s’installa¸
alors¸ de façon permanente auprès des zones qu’il cultivait. Il devient un paysan
attaché à ses terres. Il commença à s’enrichir en modifiant de manière consciente
son environnement. L’explosion démographique qui s’en suivit a fait que les
Hommes se sont regroupés, au bord des fleuves et des lacs, dans de gros villages,
puis dans des bourgs. Ainsi sont nées les premiers Etats Primitifs, Proto-Etats ou
cités-Etats, qui ont par la suite formé le premier empire de l’histoire : Sumer.
Lors de cette période féconde, le progrès s’accélère grâce à la fabrication des objets
qui bouleversent les conditions de vie comme la poterie, les cordes, les filets de
pêche, les habits et les couvertures, la roue, la métallurgie du cuivre, l’alcool, la
fabrication des meubles et des ponts… Durant cette période, les hommes
échangeaient leurs surplus sur la base de troc. Cette technique d’échange supposait
l’instauration d’un compromis entre deux parties. Pour qu’il y ait échange, il fallait
évidemment que chacun des deux échangistes possédât une chose ou une
marchandise qui soit l’objet de désir de l’autre. Il fallait également qu’il y ait accord
sur la valeur perspective des lots échangés18.
Deux nouvelles classes d’individus ont prospéré durant cette période : les
commerçants et les guerriers chargés de protéger les champs de la communauté ou
de s’emparer de ceux des villages voisins.
1.2. L’apparition des premières monnaies et banques de l’Antiquité
Suite à l’invention de l’alphabet19 par les Phéniciens apparaissent les premiers codes
de lois ainsi qu’une fondation de l’Etat. A ce moment surgit sur les terres d’Irak
d’aujourd’hui le premier grand empire de l’époque20. Cet empire était libéral et
décentralisé. Son économie était qualifiée de capitalisme précoce. C’est ainsi que les
premières banques de l’histoire sont apparues dans les temples de Babylone vers
2000 ans avant J.C. Ces banques ne prêtaient que des grains et des marchandises.
Peu après, l’or et l’argent sont devenus très attrayants. Comme ils étaient malléables
et faciles à travailler, certaines personnes sont devenues expertes dans ces métaux.
Ces orfèvres rendirent le commerce plus facile en fabriquant des pièces d’une unité
standard avec un poids et une pureté certifiés21. Ainsi sont apparues les premières
pièces de monnaies d'or frappées22 de l’histoire. Par la suite les banquiers ont
17
Le réchauffement du climat et le progrès de l’armement des chasseurs ont provoqué une raréfaction du gibier.
La nécessité pousse les habitants du Moyen Orient à découvrir l’agriculture. Pour améliorer leurs ordinaires, les
quelques milliers de chasseurs qui peuplaient le Liban, la Palestine, la Syrie et l’Irak actuels commencent à se
nourrir de blé sauvage. Vers 8500 avant J-C, l’homme commença à planter lui même son blé.
18
Au Ve siècle avant J-C, raconte Hérodote, les phéniciens débarquaient leurs marchandises sur les côtes de
l’Afrique ou de l’Europe, les rangeaient en ordre sur le rivage, puis remontaient en bateau et faisaient de la
fumée. A sa vue, les indigènes arrivaient, puis apportaient de l’or et s’éloignaient des marchandises. Les
phéniciens revenaient sur le rivage, et si l’or leur paraît à la même valeur des marchandises, ils l’emportaient et
repartaient.
19
La première révolution culturelle commença avec l’invention de l’alphabet par les phéniciens vers 2200 avant
J.C.
20
Cet empire a été unifié par Sargon-d’Akkad en 2234 avant J-C.
21
La bonne renommée de l’orfèvre garantissait la qualité de son estampille.
22
Cette monnaie est appelée « la monnaie frappée », c’est-à-dire la monnaie garantie par une autorité politique
ou religieuse qui lui attribue une valeur fixe.
5
commencé à avancer de l’or aux commerçants à la place de la marchandise. Ainsi la
petite propriété agricole, le commerce et l’artisanat sont devenus accessibles à tous.
Afin de substituer la garantie privée des orfèvres et des commerçants, les
gouverneurs de l’époque qui étaient des ‘Dieu Roi’, ou des fils du ciel ou du soleil, et
qui détenaient entre leurs mains toutes les autorités ont commencé à imposer leur
propres monnaies comme la seule garantie publique (Gex 2001).
La diffusion de la monnaie s’est rapidement propagée vers des cités Etats de la
Grèce antique: Egine et l’Ionie en adoptent le principe vers 625 avant notre ère
(Picard 1978) ; Corinthe suit à partir de 610 puis Athènes vers 594 (Gerin et al.
2001).
Mais la monnaie a connu sa plus forte expansion avec la République Romaine (Bolin
1958). D’ailleurs, l’origine du terme ‘monnaie’ vient du nom de la déesse romaine
Juno Moneta, car c’est dans les dépendances de son temple que les Romains
avaient installé un atelier pour frapper leurs monnaies. Avec le temps, la république
se transforma en empire et César, omniscient, seul Dieu de l'empire, éclipsa le Sénat
et adopta une monnaie frappée à son effigie et en commémoration de ses victoires.
Le lancement de monnaies en cuivre et en bronze et l’ouverture de nouveaux ateliers
monétaires au troisième siècle conduisent à une hausse brutale des prix
accompagnée d’un effondrement monétaire. Ceci a été suivi, sous l’empereur
Dioclétien, d’une stabilisation sur les monnaies en or (l’aureus en 294) amorçant
ainsi l’évolution vers le monométallisme que parachèvera le solidus d’or de
l’empereur Constantin 1er en 312 (Christol & Nony 1974).
Avec la chute de Rome et la naissance de la Sainte église romaine catholique, le
monde connaîtra la fin de l’esclavagisme de l'Antiquité23 et le début du féodalisme 24
du Moyen Âge qui dura jusqu’au XVe siècle. Durant toute cette époque, le pouvoir
reposait sur la monarchie25 absolue du droit divin : le roi qui tenait son pouvoir
directement de Dieu.
1.3. L’apparition des billets et de la monnaie fiduciaire
Les opérations de prêts et de dépôts ont pris un nouvel essor avec l’apparition de la
monnaie en or frappée. L’apparition des trapézites et des argentarii a changé
également la nature de ces opérations qui se font de plus en plus dans un cadre laïc.
Tout ceci a commencé quand les commerçants et les orfèvres prêtèrent de l’or à des
particuliers en les faisant payer des intérêts. Pour protéger leurs ors qui
s’accumulaient, ils fabriquèrent des coffres forts bien protégés. Leurs concitoyens
23
Période qui s’étale de 400 avant J.C. jusqu’à 500 après J.C.
On nomme ainsi par féodalité un système légal, basé sur des contrats interpersonnels, né de l'envahissement et
de la conquête de l'empire romain par les Barbares, et qui consistait dans une sorte de confédération de seigneurs
investis chacun d'un pouvoir souverain dans leurs propres domaines, mais inégaux en puissance, subordonnés
entre eux, et ayant des devoirs et des droits réciproques. Ce système trouve son origine avec le capitulaire de
Quierzy-sur-Oise de 877 qui établit l'hérédité dans les domaines et les titres.
25
La monarchie (du grec mono « seul », archein « pouvoir » : « pouvoir non d'un seul, mais en un seul ») est un
système politique où l'unité du pouvoir est symbolisée en une seule personne, par un monarque héréditaire ou
élu, chef de l'État. Selon la définition de Montesquieu, une monarchie se définit par le gouvernement absolu d'un
seul. Mais selon ce dernier, ce pouvoir est limité par les lois.
24
6
commencèrent alors à louer chez eux des espaces pour entreposer en sécurité leurs
propres ors et leurs propres valeurs. Les orfèvres livrèrent aux dépositaires des
reçus en échange de leurs ors. Ces reçus étaient la preuve pour celui qui le détient
qu’il a de l’or chez l’orfèvre.
Plusieurs années plus tard, les reçus que les orfèvres et les commerçants avaient
donnés en échange de l’or s'étaient échangés sur le marché comme l’or lui-même.
Ces reçus servaient ainsi de monnaie d’échange. Cette monnaie papier était bien
plus pratique que les lourdes pièces en or et les montants pouvaient être simplement
écrits au lieu d’être laborieusement comptés un par un pour chaque transaction.
Comme leurs reçus étaient unanimement acceptés sur le marché, les emprunteurs
acceptaient également pour les prêts des reçus au lieu de l’or véritable.
Avec le temps, la demande de prêts s’était fortement accrue. Pour satisfaire cette
demande croissante de crédit, les orfèvres ont commencé à prêter également l’or
des dépositaires. Ces derniers exigèrent que l’orfèvre, dorénavant leur banquier,
partage ses profits avec eux en leur payant une partie de ses intérêts. Ainsi, l’orfèvre
devenu banquier rémunérait d’un faible taux d’intérêt les dépôts d’argent des clients
qu’il prêtait ensuite à un taux plus élevé. La différence couvrait les coûts des
opérations ainsi que les profits.
Ce système a favorisé de plus en plus le développement de la proto-industrie fondée
sur les petites propriétés agricoles, sur le commerce et sur l’artisanat. Ainsi, des
formes de travail industriel, à domicile appelées «putting out» sont apparues.
Comme le montre bien Mendels (1972), des marchands riches fournissaient de la
matière première à des paysans-ouvriers dispersés (d’où le nom de manufacture
dispersée) et exigeaient d’être payé en contrepartie par une certaine quantité de
produits finis. En cas de retard de livraison, les paysans-ouvriers devaient payer des
pénalités aux commanditaires. Les deux secteurs types de l’industrie à domicile
étaient celui du textile et la petite métallurgie (la quincaillerie, la saboterie, etc.).
Durant cette époque, le courant « mercantiliste » de J. Bodin (1530-1596) et de JB
Colbert (1619-1683) dominait l’économie. Il considérait qu’un pays s’enrichissait si sa
balance commerciale est excédentaire. Par conséquent, les Etats accordaient des
privilèges à des compagnies commerciales afin de bénéficier des entrées d’or et
d’argent en provenance de l’étranger. Ceci favorisa le développement du commerce
international et des échanges entre les pays. L’Etat intervenait dans l’économie en
adoptant des politiques protectionnistes établissant, quand il le faut, des barrières
tarifaires. Ce courant marque la fin de la prééminence des conceptions économiques
de la Sainte église romaine catholique qui condamnait l’accumulation de la richesse
et les prêts (Etner 2005) et le début du capitalisme.
2. De la proto-industrie à l’industrie
A partir de la seconde moitié du XV e siècle, l’invention de l’imprimerie contribua
efficacement à la diffusion des idées de liberté et d’égalité. Peu à peu, elle favorisa
l’accès direct d’un grand nombre d’individus à la philosophie des Lumières. Il se
constitue, donc, un clergé laïc d'érudits qui proclamaient l'égalité des citoyens devant
la loi et la souveraineté de la Nation26, apte à gouverner au travers de représentants
26
L’Etat est une entité gouvernant l’organisation d’un pays.
7
élus. Ceci conduit à plusieurs révolutions27 qui ont détruit peu à peu le féodalisme et
l’ont remplacé par des Etats-Nations (Furet 1978). Ainsi se prépare lentement la
première révolution industrielle de l’histoire du capitalisme qui succède à ses
premiers Krach (1637 et 1720). Cette révolution qui a commencé en 1780 avec la
machine à vapeur va durer jusqu’en 1812. Elle fut suivie d’une crise qui durera
jusqu’à 1840. Ces deux périodes forment un cycle complet de Kondratieff divisé en
deux phases : une phase de croissance de type A et une phase de déclin de type B.
Ensuite, avec l’arrivée du chemin de fer une deuxième vague de croissance est
relancée. Elle prit fin avec la crise de 1873. Ces deux cycles économiques longs de
Kondratieff constitués de deux révolutions et de deux crises font le sujet de cette
deuxième partie.
2.1. L’expansion vers le Nouveau Monde
Au début du XVIIIème, l’expansion géographique, le développement économique et
l’émigration des Européens partout dans le monde augmentaient les demandes de
crédits. Mais les prêts étaient limités par le montant d’or que les clients avaient
déposé dans les coffres des banquiers. Tout au long des années, les banquiers
avaient remarqué que les dépositaires ne venaient que très rarement pour retirer leur
or. Comme personne d’autre ne savait ce que contenaient leurs coffres, ils ont
commencé à prêter des reçus sur de l’or qui n’existait pas réellement dans leurs
coffres. Ce phénomène a ruiné quelques banques et a fortement détérioré la
confiance publique envers les banquiers. Par conséquent, certains pays ont déclaré
illégale la pratique de la création d’argent ex nihilo surtout après le krach de 1720.
2.2. Le premier Krach de l’histoire du capitalisme
Le premier Krach de l’histoire du capitalisme s’est déroulé en 1637 en Hollande. La
spéculation fondée sur le commerce de tulipes a entrainé une hausse des prix qui
ont rapidement atteint des pics pour s’effondrer en 1637. Ce même scénario s’est
répété en Grande-Bretagne en 1720, suite à la bulle28 des mers du Sud et de la
banque Law (Reed 1999). Après avoir obtenu le monopole sur le commerce avec le
Nouveau Monde (les colonies espagnoles de l’Amérique), cette entreprise a vu les
prix de ses actions augmenter rapidement en quelques mois ce qui a déclenché la
spéculation. En six mois, le prix est multiplié par 10. La tendance se renverse
brutalement vers la fin du mois d’août 1720.
2.3. La première révolution industrielle de 1780 et la naissance de l’école
libérale
Cette crise prépare lentement le terrain à la première révolution industrielle de
l’histoire qui commence en 1765, avec l’invention de la machine à vapeur par James
Watt (Braudel 1985). En effet, cette machine, qui s’appuie sur la vapeur pour
permettre de faire fonctionner des bateaux29 (1783), des locomotives30 (1804), ou
27
Comme les révolutions françaises de 1789, de 1830 et de 1848.
La bulle correspond à un niveau de prix d’échanges sur un marché excessif par rapport à la valeur intrinsèque
des biens ou des actifs échangés. Alors que le krach fait référence à une baisse soudaine des prix.
29
En 1783, le ‘Pyroscaphe’ construit par le marquis Claude François Dorothée de Jouffroy d’Abbans, est le
premier bateau à vapeur de l’histoire.
30
En 1804, Richard Trevithick adapta la machine à vapeur à la traction sur rails.
28
8
des machines pour tisser le coton et le textile 31, a bouleversé l’économie et a créée
une vraie rupture avec le passé. Son large développement et adoption en Angleterre
fut l’une des raisons de la précocité britannique. Sa diffusion à une large échelle a
conduit à une très forte concentration de la production dans des manufactures
utilisant une importante main-d’œuvre tout autour des villages. Les ouvriers voulant
ainsi habiter à proximité de leur lieu de travail contribuent à l’urbanisation en
nourrissant la croissance urbaine et en provoquant ainsi l’apparition des grandes
villes. On passe, ainsi, de la proto-industrie ou du ‘Putting out’ à l’industrie dans
laquelle l’entreprise capitaliste se construit sur trois principes : l’unité de lieu, l’unité
de temps et l’anonymat.
A cette époque, les sciences économiques se développent avec l’apparition de
l’école classique32. Cette école préconisait le retrait de l’Etat et une liberté maximale
pour les acteurs privés. Elle considérait que l’intervention de l’Etat ne fait que
perturber l’ordre naturel du marché. Adam Smith, le fondateur de cette école, n’était
pas très favorable à une intervention de l’Etat. Dans son livre, publié en 1776,
« Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations », il proclama
une intervention limitée juste aux fonctions régaliennes (police, justice, défense et
diplomatie ; d’où la nomination de l’ ‘Etat gendarme’). Ce père du libéralisme
classique disait que la prospérité d’une économie suppose la paix, des taxes
modérées et une administration tolérable de la justice. Pour lui, l’Etat33 doit intervenir
là où le marché se révèle inefficient : construire des équipements publics et produire
les services (comme l’éducation des pauvres). Il attribuait uniquement cinq devoirs
au souverain et à l’Etat : la défense, la police, la justice, les travaux publics qui
facilitent le commerce général et l'éducation. Les autres membres de l’école
classique, David Ricardo (1772-1823), Thomas Malthus (1766-1834), John Stuart
Mill (1806-1873), Jean-Baptiste Say (1767-1832) et Frédéric Bastiat (1801-1850)
étaient eux aussi contre une intervention de l’Etat. C’est le britannique Malthus qui
fut le premier à réfléchir sur les crises de production. Il a présenté en 1798 son
premier livre ‘essai sur le principe de population’ dans lequel il prédit que la
population augmente d’une façon exponentielle alors que les ressources naturelles
croissent d’une façon arithmétique. D’après lui, la progression démographique est
plus rapide que l’augmentation des ressources et par conséquent la catastrophe est
inévitable. Mais, l’augmentation de ressources qui a résulté de la révolution
industrielle a mis à mal cette théorie.
La révolution qui s’est manifestée dans le domaine économique s’est transformée
rapidement en une révolution sociale. Ainsi la société industrielle succède à la
société féodale et donne naissance à l’Homo oeconomicus34.
31
Comme la ‘navette volante’ de John Kay qui permettait de tisser quatre fois plus vite des tissus plus larges.
L’école classique en économie regroupe des économistes du XVIIIe siècle et du XIXe siècle. Ses membres les
plus importants sont, en Grande-Bretagne, Adam Smith (1723-1790), David Ricardo (1772-1823), Thomas
Malthus (1766-1834), John Stuart Mill (1806-1873), et en France, Jean-Baptiste Say (1767-1832) et Frédéric
Bastiat (1801-1850). Il a été employé pour la première fois par Marx dans « Le capital ».
33
L’Etat est une entité gouvernant l’organisation d’un pays.
34
Selon Pareto (1906), l’Homo oeconomicus est rationnel. Il est capable de maximiser sa satisfaction en utilisant
au mieux ses ressources.
32
9
2.4. Période crise de 1812 à 1840
Vers la fin du XVIIIème siècle, la bourgeoisie capitaliste, propriétaire des grandes
usines contrôle rapidement les Etats et réclame la liberté économique. Ceci conduit à
l’apparition de l’Etat-gendarme avec un système financier basé sur un réseau intégré
de banques soutenues par une banque centrale. Avant l’implantation de ce système,
les crédits octroyés par les banques privées n’existaient que sous forme de
document bancaire privé que les gens avaient le droit de refuser. Après l’implantation
de ce système, les crédits bancaires privés sont devenus légalement convertibles en
monnaie fiduciaire issue du gouvernement (les dollars, les francs, les livres, etc.) et
convertible en or ou argent35. Avec le temps, ce système est devenu le système
monétaire dominant dans le monde. Pour soutenir la croissance économique les
pratiques de création d’argent ex nihilo ont été légalisées et régularisées. En
contrepartie, les banquiers ont accepté de limiter la quantité d’argent fictif de prêts
pouvant être mis à disposition. Mais la limite est restée bien supérieure à la valeur
totale de l’or et de l’argent entreposés dans les coffres. Dans certains pays, ce
rapport était de neuf unités fictives pour une unité d’or réelle. Ces régulations étaient
soutenues par des inspections surprises de la part des banques centrales. Il était
également convenu que dans le cas d’un assaut contre une banque, les banques
centrales aideraient cette banque avec des transfusions d’urgence d’or. C’est
seulement en cas d’assaut simultané sur plusieurs banques que la bulle de crédit
imploserait et que le système serait anéanti.
Face à cette montée en force des capitalistes, entre 1811-1812, les ouvriers ont
commencé à se révolter à cause de dégradation de leurs conditions de vie. Peu à
peu l’économie mondiale est entrée dans une phase de crise qui a duré jusqu’à
1840.
2.5. Deuxième cycle de Kondratieff : de la révolution industrielle de 1842 à la
crise de 1873.
Entre 1842 et 1870, suite à l’apparition du chemin de fer, le secteur des bâtiments
explose à Paris, Berlin et Vienne. Les banques multiplient alors les prêts
hypothécaires. L’arrivée, en 1871 et 1872, des produits américains moins chers sur
le marché européen conduit à une surproduction côté continental. Les prix baissent
fragilisant ainsi les économies locales. En 1873, plusieurs banques de Vienne
arrêtent de payer et ainsi les mauvais prêts hypothécaires coulent les banques
continentales. Les prêts entre banques deviennent prohibitifs et la crise frappe à leur
tour les banques américaines. Rapidement, cette crise du capitalisme se propage sur
l’ensemble de l’économie internationale. Elle dure quatre ans aux Etats-Unis et six
ans en Europe.
Ceci conduit les différents Etats à intervenir, en développant des activités nécessitant
de lourds investissements. Il se développe alors un courant qui préconise une
intervention limitée de la part de l’Etat comme la théorie néo-classique. Selon cette
école, l’Etat doit intervenir pour trois raisons : empêcher la formation des monopoles
35
La monnaie papier était un reçu qui pouvait être échangé contre un montant fixe d’or ou d’argent.
10
naturels, limiter les externalités négatives et produire des biens collectifs qui sont
consommés collectivement.
3. De l’électricité à l’informatique : un vingtième siècle rapide et mouvementé
Vers 1895, la diffusion de l’électricité et du moteur à explosion relance l’économie
mondiale. Un nouveau cycle commence alors à cette période et se termine avec le
début de la crise de 1929. La Grande Dépression qui suivit mena à une importante
déflation et à un accroissement du chômage. Ceci rendît fertile le terrain à la
désespérance qui, peu à peu, a conduit à l’extrémisme, au nationalisme, au
protectionnisme économique, au fascisme et à la Guerre. Ainsi, la deuxième guerre
mondiale éclata et engendra des pertes matérielles et humaines considérables. Mais
à la fin de ce conflit mondial, les projets de reconstruction relancèrent l’économie et
un quatrième cycle se déclenche. La phase A de ce cycle débuta en 1945 et durera
un peu moins de trente ans. Ces trente années qualifiées de glorieuses, furent
suivies par le premier choc pétrolier qui commença en 1973 et se termina en 1978.
Avec ce quatrième cycle, le monde passe d’une économie de production à une
économie post-industrielle. Cette troisième partie traitera ces deux cycles et
présentera ainsi le contexte de la naissance du courant interventionniste.
3.1. La troisième révolution industrielle
Une troisième révolution se produit entre 1896 et 1928. Elle repose cette fois sur
l’électricité, le moteur à explosion, la mécanique, le pétrole et la chimie. Des
nouvelles méthodes de production et de gestion apparaissent comme le taylorisme
et le fordisme qui se basent sur les principes de l’effet d’expérience et de l’économie
d’échelle. Taylor (1856-1915) était le premier à proposer des méthodes scientifiques
pour organiser le travail (Organisation Scientifique du Travail, OST). Ces méthodes
avaient comme objectifs : (1) d’améliorer la productivité et (2) de trouver la meilleure
façon de faire. Quelques années plus tard, Ford (1863-1947) lance l’idée de la
chaine de montage ou du travail à la chaîne. Ces deux principes conduisent à une
augmentation des quantités produites pour un même nombre d’employés et à durée
égale. Ce qui réduit spectaculairement les coûts de production et augmente les
bénéfices des entreprises.
3.2. La crise de 1929
Cette phase A aura duré jusqu’en 1927, quand un nouveau système d’achat
d’actions à crédit avec une couverture de 10% amplifie une bulle spéculative à Wall
Street. Les capitaux disponibles affluent à la bourse plutôt que vers la production.
Ainsi, la production industrielle recule. Mais, la demande sur les titres pousse les prix
à la hausse. Les cours des titres augmentent ainsi plus que les profits des
entreprises. Les profits des entreprises augmentent plus que la production réelle. La
production quant à elle augmente plus que les salaires des employés. En 1929, la
hausse des taux d’intérêt pousse les prix des actions à la stagnation. Rapidement les
intérêts deviennent supérieurs aux gains et un grand nombre d’investisseurs vendent
leurs actions pour couvrir leurs dettes. Ces ventes entrainent les cours à la baisse.
Ensuite, la panique pousse les gens à vendre et les cours de s’effondrent le jeudi 24
11
octobre 1929 (le jeudi noir). Le lundi et le mardi, par effet de dominos, c’est
l’ensemble de la bourse qui s’effondre. Les pertes totales étaient de 60 milliards de
dollars US, 20 fois plus que le budget annuel des Etats-Unis de l’époque. Les
investisseurs qui avaient spéculé en empruntant ne pouvaient plus rembourser leurs
prêts. Les banques restreignent alors leurs crédits. Les entreprises tombent en faillite
l’une après l’autre. Les épargnants paniquent et se précipitent pour retirer leur
argent. Ces assauts simultanés sur toutes les banques conduisent certaines
banques à la faillite et la crise devient une crise bancaire en 1930. En 1931, la
production continue de chuter, le chômage explose et la crise bancaire devient une
crise économique.
3.3. La naissance du courant interventionniste et l’explosion du système
« étalon d’or 36»
La crise de 1929 a favorisé le développement de courants interventionnistes qui
mettent en cause les dogmes libéraux. Ces approches ajoutent des fonctions
économiques aux rôles de l’Etat. John Maynard Keynes (1883-1946), par exemple,
dans son ouvrage majeur « Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la
monnaie » publié en l936, expose une conception de l'économie très différente de la
théorie classique. Selon ce dernier, l'Etat doit intervenir en tant qu'agent régulateur
car le capitalisme livré à lui-même ne peut conduire qu’à des crises chroniques (la
crise de 1873 et la crise de 1929). Selon lui, l'Etat doit intervenir pour relancer la
demande de biens de consommation et de biens d'investissement. Cette conception
de l’état correspond à la notion de l’Etat providence qui précise trois rôles pour
l’Etat : promotion de la croissance économique, protection sociale aux citoyens, et
correction des injustices sociales résultant de l’économie de marché. Richard Abel
Musgrave (1910-2007), préconise également qu’en plus des fonctions régaliennes,
l’Etat doit aussi agir sur l’activité économique afin de rétablir les grands équilibres de
la nation (fonction de stabilisation de l’économie). Grâce aux impôts, l’Etat doit
redistribuer la richesse sous forme de services collectifs. Il doit, également, prendre
en charge certaines productions non-marchandes comme l’éducation, le transport et
la sécurité sociale (fonction de répartition et de redistribution de la richesse et
fonction d’affection).
La crise de 1929 provoque ainsi l’explosion du système d’étalon d’or36 et fait tomber
les accords de Gênes de 1922 qui permettaient aux Etats d’émettre de la monnaie
en devise convertible en or. Chaque pays commence ainsi à appliquer des mesures
de protection nationale. La Grande-Bretagne, par exemple, suspend la convertibilité
de la Livre en or et crée la zone sterling. Le Japon suspend également la
convertibilité du Yen en or et instaure un contrôle total des changes.
3.4. Les difficultés de l’après guerres et les accords de Bretton Woods
La Seconde Guerre mondiale engendre des pertes matérielles et humaines
considérables. Malgré leur participation massive, les Etats-Unis n’ont pas été
touchés directement par les ravages de cette guerre. Au contraire, ils se sont
enrichis en vendant des armes aux autres alliés et en leur prêtant des fonds. A la fin
36
L’étalon or est un système monétaire dans lequel toute émission de monnaie se fait avec une garantie
d’échange en or.
12
de la guerre, les dirigeants des 44 nations alliées réunis à Bretton Woods choisissent
la proposition de l’américain Harry Dexter White plutôt que celle de John Maynard
Keynes. La proposition de White mettait en avant le rôle pivot du dollar US et
organisait le système monétaire mondial autour du dollar US mais avec un
rattachement nominal à l’or, alors que le plan Keynes préconisait la création d’un
système monétaire mondial basé sur une unité de réserve non nationale, le ‘bancor’.
Cette conférence donne naissance à la Banque Mondiale (BIRD), au Fonds
monétaire international (FMI) et au Gold Exchange Standard fondé sur le dollar US.
Dorénavant, toutes les monnaies sont définies en dollar et seul le dollar est défini en
or. Ceci met le dollar US au centre du système monétaire international (SMI).
3.5. Les Trente Glorieuses et la Nouvelle Politique Economique (NPE) des
Etats-Unis
Ce système servira de cadre aux Trente Glorieuses entre 1945 et 1974. Mais suite
aux dépenses américaines considérables dans la guerre de Viêt-Nam et dans la
course à l’espace, une inflation du dollar US se produit et des signes d’essoufflement
apparaissent dans l’économie américaine. Ainsi, les demandes de remboursements
en or des dollars accumulés en réserve par les pays qui exportent le plus vers les
Etats-Unis commencent. Ce qui poussa le président américain Nixon à déclarer, en
1971, dans sa Nouvelle Politique Economique (‘New Economic policy’ NEP), la non
convertibilité du dollar US en or, rendant de fait caduques les accords de Bretton
Woods. La monnaie fiduciaire américaine devient à ce moment une devise créée par
ordonnance ou décret gouvernemental soutenue par des lois qui stipulent que les
citoyens doivent accepter cette monnaie comme paiement pour une dette sous
peine, en cas de refus, que les tribunaux annulent la dette en question.
Avant cette NEP (Nouvelle Politique Economique), la quantité totale de monnaie
existant sur le marché était limitée par les quantités physiques effectives de l’or ou
de l’argent. Ainsi, afin de créer de nouvelles quantités de monnaie, l’or ou l’argent
devait être trouvé et extrait du sol. Mais après la NEP, le mécanisme de création
d’argent change et l’argent devient littéralement créé comme dette. Ainsi, de la
monnaie est créée chaque fois que quelqu’un contracte un prêt auprès d’une
banque. Avant cette NEP, les gouvernements imposaient une limite statutaire
supplémentaire sur la création d’argent neuf en établissant des règles appelées
exigence de réserve fractionnaire. Ces règles exigeaient que les banques possèdent
au moins un dollar d’or réel dans leur coffre pour 10 dollars de monnaie-dette créés.
Après la NEP, les exigences de réserve ne s’appliquaient plus au rapport entre
l’argent neuf et l’or en dépôt, mais au rapport entre la monnaie-dette créée et la
monnaie-dette existant déjà en dépôt à la banque.
Quelques années plus tard, le monde connaîtra son premier choc pétrolier de 1973.
Les pays arabes producteurs de pétrole et membre de l’Organisation des Pays
Exportateurs de Pétrole (OPEP) annoncent un embargo sur l’exportation vers les
pays qui soutiennent Israël dans la guerre de Kippour. Les effets de ce choc se
feront sentir jusqu’en 1978 et préparent le terrain à des nouvelles innovations
technologiques comme le nucléaire et l’informatique. Le capitalisme atteint la
maturité et le monde entre dans l’ère numérique.
13
4. La maturité du capitalisme : de la société post-industrielle à l’économie
numérique
Suite à l’apparition des technologies de l’information et de communication (TIC) vers
la fin du XXème siècle, deux cycles se produisent entre 1976 et 2008 terminant ainsi
la dernière phase B des cycles précédents. Ces deux cycles ont conservé la même
logique de Kondratieff et de Schumpeter mais leur durée est devenue plus courte.
Ainsi, les cycles longs de trente à quarante ans sont devenus courts de huit à dix
ans. Ceci est du à deux phénomènes : l’hyper-compétition (Aveni 1994) et la chronocompétition (Stalk et Hout, 1990) et l’intervention fréquentes des banques centrales.
Cette troisième partie traitera ces deux cycles courts qui ont commencé en 1978 et
ont terminé en 2008.
4.1. L’ère informatique : un cycle complet en dix ans
Entre 1976 et 1978, une quatrième révolution s’est produite suite à l’apparition de
l’ordinateur, au développement du nucléaire et des télécommunications. Elle prend
son essor dans l’essoufflement du modèle fordiste de production. La mondialisation,
avec le retour de la Chine, de l’Inde, de la Russie dans le commerce internationale
accélère les changements. Peu à peu, les grandes usines disparaissent dans les
pays industrialisés consécutivement à la robotisation des chaines de montage et la
sous-traitance. L’effet positif de cette révolution commence à se faire sentir au début
des années 80. Au milieu des années 80, les ordinateurs pénètrent l’ensemble des
organisations. Même en bourse, des systèmes automatiques d’achat et de ventes
d’actions (‘computer trading’) font leur apparition sur le marché des actions.
Suite à ces progrès, le dollar US s’apprécie pendant plusieurs années et le marché
d’actions s’envole. En 1987, le taux d’intérêt commence son ascension pour
atteindre un niveau qui va freiner l’investissement et à la croissance. Ainsi, les
investisseurs ont commencé à vendre leurs actions risquées pour investir dans les
emprunts d’Etat qui ne présentent aucun risque. Mais, l’annonce d’un déficit
commercial important aux Etats-Unis cause un mouvement de panique. Devant cette
forte chute, les systèmes informatiques vendent automatiquement les positions
surveillées. Les ordres de vente générés automatiquement amplifient la chute du
marché. Le 19 octobre 1987, le Krach devient inévitable. En un jour, l’indice Dow
Jones de la Bourse de New York perd 22.6% de sa valeur et entraîne dans son sillon
l’ensemble des grands indices mondiaux. Dès le 20 octobre, la Réserve Fédérale
Américaine (Fed) injecte massivement des liquidités et évite ainsi la catastrophe.
Cette liquidité réduit le Krach et bloque l’arrivée de la crise économique.
Progressivement, les taux d’intérêt chutent et les marchés d’actions regagnent peu à
peu le terrain perdu.
4.2. La Bulle Internet de 2000
Au début des années 90, l’arrivée d’Internet lance la révolution numérique. Ainsi, les
conduites des personnes, des entreprises et des organisations se transforment
profondément (Harfouche 2008). Grâce aux Technologies de l’Information et de la
Communication (TIC), les entreprises se sont transformées en entreprises
14
numériques37 et virtuelles (Harfouche 2007). Les gains promis par ce genre
d’entreprises aiguisent l’appétit d’un grand nombre d’investisseurs. Ceci se traduit
par des émissions d’actions massives. Ainsi, leurs valeurs boursières augmentent
indépendamment de leur chiffre d’affaires et de leurs bénéfices.
Mais, sous la pression de la remontée des taux d’intérêt américains en 2000, la bulle
finit par éclater en mars provoquant une récession économique générale. Ainsi, en
deux ans (2000-2001) les entreprises et l’économie perdent près de 148 milliards de
dollars US.
Suite à ce Krach, une importante quantité de liquidités placée auparavant en bourse
fut redirigée vers le marché de l’immobilier, devenu le secteur le plus sûr et le plus
rémunérateur. Ainsi ce dernier explose sous la forte demande et les prix des
maisons flambent rapidement.
4.3. La crise financière de 2008
Le 11 septembre 2001, suite aux attentats terroristes, les deux Tours du World Trade
Center à New York s’effondrent devant les téléspectateurs du monde entier. Le choc
psychologique considérable fait entrer les Etats-Unis et le monde entier en
récession. Rapidement, pour relancer l’économie, la Réserve Fédérale Américaine
(Fed) injecte des liquidités dans le système et baisse ses taux quasiment à 0 %.
Mais, cet argent a été détourné de l’économie réelle pour être dirigé vers la
spéculation financière et immobilière surtout avec les subprimes. En effet, durant des
années, des banques américaines ont octroyé des crédits immobiliers à des
ménages aux revenus très modestes, surendettés38 et peu solvables, en calculant
leur capacité d'emprunt sur la valeur de la maison achetée et en supposant que les
prix des maisons vont augmenter (Boissieu 2008). Tant que les prix immobiliers
progressaient, ce système fonctionnait bien. Mais lorsqu’en 2007, l'immobilier
commence à se replier aux Etats-Unis, l'effet pervers de cette mécanique
s’enclenche et toute la chaîne s’écroule. Ainsi, en quelques mois, le marché
immobilier s’effondre, les ménages ne sont plus capables de rembourser leurs
emprunts, et les établissements de crédit qui avaient accordés ces prêts coulent. La
crise s'est ensuite diffusée à tout le système financier par le canal de la titrisation 39.
Ainsi, même les valeurs financières les plus sûres se font massacrer en quelques
minutes. En quelques semaines, le prix du baril de pétrole est passé d’un pic de 147
dollars UD aux environs de 40 dollars US. Le prix de la tonne de cuivre a chuté de
8500 dollars US à 3000 dollars US. L’aluminium de 3200 à 1500 dollars US. Le
mouvement s’accélère avec la faillite de la banque d’investissement Bear Stearns en
mars 2008 et Lehman Brothers le 15 septembre 2008. L’effet domino a commencé à
se faire sentir dans l’ensemble du système bancaire. Pour éviter les faillites en
chaîne, les banques ont développé une certaine méfiance. A la crise financière a
succédé une asphyxie bancaire.
37
Isaac H., « L’entreprise numérique : quelle réalité en France ? », p. 68, in Kalika M., Ledru M., Isaac H., Beyou C., Josserand E., Le emanagement : quelles transformations pour l’entreprise ?, Éditions Liaisons, Paris, 2003.
38
Aux Etats-Unis, le taux moyen d’endettement des ménages dépasse 133% de leurs revenus annuels. Ce taux est même plus élevé aux
Royaume-Uni et en Espagne.
39
Cette technique née dans les années 1970 consistait à transformer des prêts bancaires en obligations achetées par les investisseurs du
monde entier.
15
On assiste en même temps à un triple Krach immobilier, financier et bancaire. Ce
triple Krach va déboucher sur une autre crise, elle aussi à plusieurs dimensions :
sociale, économique, politique et internationale.
Conclusion
Après avoir revu les six crises majeures, nous croyons que ce sont des évènements
récurrents de l’histoire du capitalisme qui amènent souvent à une récession
économique. L’histoire nous montre qu’elles peuvent être provoquées par une crise
financière ou par une politique monétaire erronée (comme un taux d’intérêt bas qui
provoque une bulle).
Nous pouvons également croire que la croissance fluctue sous forme de cycle. Dans
la phase A d’un cycle l’économie connaît une croissance supérieure à la moyenne.
Dans la phase B, elle subit une décroissance temporaire. La crise étant le point de
retournement ou le point de passage d’une phase A à une phase B.
Ainsi la crise de 2008 ressemble à celles qui l’ont précédée. Elle vient après une
phase de croissance qui résulte de la large diffusion d’Internet. Mais cette crise a une
particularité que les autres crises n’ont pas. Cette fois-ci, ce sont presque toutes les
certitudes qui ont été remises en cause. En effet, les techniques ont tellement évolué
que le système est devenu incontrôlable. Certains ont été pris par l’ivresse du jeu et
du gain, ont perdu tout recul et ont oublié toutes les réflexions sur la responsabilité
sociale et sur l’éthique. Ainsi, en 2008, la face sombre du capitalisme s’est
pleinement exprimée. Mais, pour le moment, la paralysie totale a été évitée grâce à
des injections colossales de liquidités40 et une baisse de taux d’intérêt sans
précédent de la part des banques centrales. Cette technique a bien réussi en 1987 et
en 2000. Mais, ces injections répétées ont augmenté les dettes publiques qui ont
aujourd’hui dépassé de loin toute logique financière. Le montant de la dette publique
des Etats-Unis, par exemple, a franchi les 10 000 milliards de dollars US. Mais le
piège dans ces chiffres c’est qu’ils ne nous montrent que la face émergée de
l'iceberg. La réalité est plus profonde car pour rembourser la dette et les intérêts, les
Etas sont obligés de s’endetter. Ainsi, de plus en plus de dettes doivent être créées
pour pouvoir payer les dettes précédentes. Chaque jour, la dette globale augmente
et ses intérêts de même. Ce qui cause une escalade exponentielle de l’endettement.
Seul le temps qui sépare la création des nouveaux emprunts et leurs
remboursements empêche le système monétaire international de s’effondrer. Le
besoin de créer plus d’argent devient plus urgent. Les Etats dépensent plus vite que
jamais. Mais est-ce viable indéfiniment ? Un effondrement n’est-il pas inévitable ? Le
problème qui se pose est le suivant : quand la quantité d’argent augmente, l’argent
perd progressivement de sa valeur à cause de l’inflation. Ainsi le dollar, centre du
système monétaire international, s'effondre de jour en jour. Comme un trou noir, sa
chute prochaine va emporter tout ce qui l'entoure.
Pour le moment, afin de maintenir une certaine croissance de l’économie réelle, les
Etats consomment de plus en plus de ressources et d’énergies. Tout ceci pour éviter
l’effondrement du système. Mais les ressources naturelles sont limitées. L’alarme
écologique a déjà été déclenchée depuis longtemps et d’une manière parfois brutale
40
30000 milliards de dollar US se sont évaporés sur les marchés en quelques jours.
16
(tsunami, réchauffement climatique, effondrement des glaces). Nul n’ignore
aujourd’hui l’état catastrophique des cours d’eau, de la pollution massive des côtes,
de l’érosion des terres saccagées par des décennies de déboisement et de
développement sauvage. Tout ceci annonce la chute du ‘Novus Ordo Seclorum’ et
l’autodestruction imminente du capitalisme (Artus & Virard, 2005).
Seul un miracle du type de la nanotechnologie peut mettre à mal cette réalité en
augmentant les ressources. En effet, selon Drexler (1986), l’essor de la
nanotechnologie peut engendrer des progrès faramineux. Les produits créés
pourraient être moins onéreux, plus solides, plus efficaces grâce à la manipulation
moléculaire.
Mais, si la nanotechnologie n’est pas prête d’ici quelques années, l’élection d’Obama
à la présidence des Etats-Unis ressemblera au chant du cygne de Socrate, celui
supposé merveilleux, que l'animal entonnerait avant de mourir.
17
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