© Edouard, collège Aumeunier – Michot Vocabulaire : expliquer un mot (« crédit ») pour argumenter (3ème) Quelques remarques sur l’évolution historique du « crédit » permettront de développer une argumentation dans le domaine économique. En dehors de toute considération morale, le crédit ne pouvait pas se développer dans le monde médiéval car la monnaie circulait peu en Europe. La monnaie n’existait que sous forme métallique (cuivre, argent, or) ; les pièces frappées portaient une effigie qui assurait la garantie d’un souverain ou d’une communauté. La valeur correspondait souvent au poids du métal. Mais dans le cadre de la société féodale, les impôts étaient payées en nature ou sous forme de corvée. Au XIVème siècle, la monnaie de papier fait son apparition avec la lettre de change. Dans ce document, l’acheteur s’engage à payer son fournisseur par un banquier ou une autre personne. Cette technique financière suppose un certain délai entre la livraison et le paiement et correspond donc à un crédit. Elle repose sur la confiance entre les deux parties. Par ailleurs, ce crédit n’est pas gratuit. Le prêteur fixe un taux d’intérêt selon des règles précises, rédigées dans un contrat. Au XIXème siècle, le système financier accorde une place de plus en plus grande au crédit qui prend une ampleur sans précédent. En effet, dans un système de monnaie reposant sur les métaux précieux, la quantité de monnaie dépendait de la quantité de métal existant. Avec le développement du crédit, celui-ci devient l’unique support de la création monétaire, qui n’est plus dépendante des possibilités d’extraction des métaux précieux. Le crédit est un outil qui permet la croissance économique, c’est à dire un développement important de la richesse produite, dans une logique d’accumulation de biens pour les particuliers, les entreprises, les institutions publiques et privées… Toutefois, le système présente des limites. Le crédit est une forme d’épargne, c’est à dire qu’un ménage riche pourra augmenter son capital en plaçant son argent de façon à ce que celui-ci lui rapporte des intérêts. Mais il faut pour cela disposer d’un capital initial. Pour la majorité des particuliers, le crédit n’est pas une source de revenus complémentaires ; au contraire, il permet, sans capital initial, d’emprunter de l’argent que l’on ne possède pas, c’est à dire de s’endetter pour acheter des biens de consommation, pour se loger… Ce système repose sur la confiance : le prêteur doit s’assurer que l’emprunteur pourra rembourser le capital et les intérêts du crédit. C’est pourquoi il existe un taux d’endettement variable selon les revenus (environ 30 %) qu’il convient de ne pas dépasser si l’on veut que le système du crédit reste viable. Le crédit peut même bénéficier aux plus pauvres : le micro-crédit a valu à son inventeur le prix Nobel d’économie. Mais l’actualité récente a montré que l’utilisation du crédit peut aussi devenir dangereuse. Il est vrai que certains particuliers ne parviennent pas à gérer correctement leur budget et se laissent aller à la facilité de crédits multiples : ils plongent alors dans le surendettement. Cependant, les prêteurs sont aussi responsables. La crise financière des « subprimes » aux Etats-Unis résulte de ce besoin de créer de nouvelles dettes en prêtant de l’argent à des ménages trop pauvres qui ne pourront rembourser leurs prêts. Par ailleurs, à la fin du XXème siècle, le capitalisme a évolué vers une dématérialisation de la monnaie. La carte de crédit à débit différé est une forme de crédit qui ne repose plus sur une manipulation concrète de la monnaie. Le paiement en ligne, par Internet fait disparaître pièces et billets. La transaction économique devient « virtuelle ». On parle aujourd’hui de « capitalisme financier », c’est à dire que la création de richesse n’est pas seulement le résultat de la production concrète de biens et de services. Les placements en bourse, par exemple, sont des espaces virtuels : la monnaie s’y loue, s’y échange contre des titres négociables appelés actifs financiers ou actions, dont les cours varient selon les circonstances du « marché ». L’économie réelle passe parfois au second plan au profit d’une économie virtuelle qui n’est pas sans risque, comme le montrent les sommes perdues par certains traders… En conclusion, nous pouvons dire que le mot « crédit » est révélateur de l’évolution du système économique de la planète. Le fait de prêter contre intérêt relève de conventions sociales qui ont changé au cours des siècles. Cette pratique a été interdite en France pendant un millénaire car elle n’était pas indispensable au développement économique, dans un système où la monnaie ne jouait qu’un rôle secondaire. C’est la naissance du capitalisme occidental au XIVème siècle et son essor dans la deuxième moitié du XIXème siècle qui a favorisé le crédit. Puis, la production de richesses s’est peu à peu dissociée du travail pour aboutir, à la fin du XXème siècle, dans le contexte de la mondialisation de l’économie, à un capitalisme financier en partie virtuel. Le crédit joue donc un rôle utile lorsqu’il permet la création de richesses pour ceux qui en ont besoin . Mais il peut aussi être particulièrement néfaste quand il est soumis à la cupidité, à l’appât du gain au bénéfice de quelques-uns. De nombreux dirigeants politiques parlent aujourd’hui de « moraliser le capitalisme ». Cette expression est intéressante car elle met en relation les deux principaux sens du mot « crédit » : d’une part, une qualité morale, la confiance, qui suppose honnêteté, respect d’autrui ; d’autre part, un système économique qui ne peut pas fonctionner sans contrôle. Tout le débat est de savoir sous quelles formes ce contrôle devra être instauré… Pour développer une argumentation pertinente en 3ème, il est indispensable d’enrichir son vocabulaire, de bien définir ce dont on parle. Pour cela, la réflexion doit reposer sur de solides connaissances historiques et un intérêt pour l’actualité. Vocabulaire et argumentation sont étroitement liés.