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Quanta et photons
mulé. La stimulation peut être due au rayonnement syn-
chrotron lui-même, éventuellement stocké dans une cavité
optique, ou obtenue grâce à un laser extérieur. Il est alors
possible d’obtenir une amplification très importante du
rayonnement synchrotron : de 6 à 8 ordres de grandeurs.
Grâce à ce mécanisme d’amplification par stimulation, le
LEL apparaît donc comme une source d’avenir même si sa
réalisation est délicate comparativement au rayonnement
synchrotron. Il nécessite des accélérateurs spécialement
conçus et construits à cet effet. A l’heure actuelle, le rayon-
nement synchrotron est en phase d’exploitation alors que le
LEL (sauf dans l’infrarouge) en est plutôt au stade de la
recherche et du développement.
Revenons sur le processus de stimulation. Il faut se rap-
peler que dans tout laser, « stimuler » l’émission de lumière
revient à mettre en phase les différents émetteurs (atomes ou
ici électrons) de manière à ce que les amplitudes émises
s’additionnent. Un tel rayonnement est souvent appelé
« émission cohérente ». La cohérence est obtenue en grou-
pant les électrons en petits paquets, séparés chacun par une
distance égale à la période de l’onde électromagnétique que
l’on veut amplifier. Lorsque ce « micro-groupement » est
réalisé, tous les électrons sont en phase, la différence de
phase entre 2 paquets quelconques étant alors un multiple
de 2π(voir figure 1). Une particularité du LEL réside dans
le fait que les électrons ne gardent pas une phase fixe par
rapport à la lumière : celle-ci se propage dans le vide et sa
vitesse est donc toujours supérieure à la vitesse de l’élec-
tron. Il se produit ainsi un glissement perpétuel de phase
entre les paquets d’électrons émettant le rayonnement syn-
chrotron et ce dernier. Cependant, il est possible de fixer ce
glissement à une valeur égale à un multiple de 2πlorsque
l’électron a parcouru une distance égale à un nombre entier
de périodes de l’onduleur. On peut montrer qu’il se produit
alors une auto-organisation du paquet conduisant au grou-
pement désiré (voir encadré). Ce point est un peu subtil,
mais possède le mérite de pouvoir être compris « classique-
ment ». Deux cas sont possibles suivant la valeur du gain
optique que l’on sait produire : a) Le gain n’est pas suffisant
pour obtenir la saturation de l’amplification en un seul pas-
sage dans l’onduleur : on a recours à une cavité optique,
c’est-à-dire à de l’amplification multi-passages. On réalise
un oscillateur laser (cas du LEL proprement dit). b) Le gain
est suffisant pour obtenir le meilleur groupement possible
en 1 seul passage (« SASE = Self Amplification of Sponta-
neous Emission »)
Physiquement, le LEL et le SASE sont des phénomènes
identiques. Cependant le SASE demande un faisceau
d’électrons de plus haute qualité et un onduleur plus long
afin d’obtenir la saturation de l’amplification en un seul pas-
sage. Il tend également à être beaucoup plus instable qu’un
oscillateur car la cavité optique dans un LEL permet d’al-
longer considérablement la longueur de cohérence du laser
et d’obtenir une bonne stabilité en longueur d’onde et en
intensité. En revanche, le SASE ne nécessite pas de miroirs,
ce qui est un énorme avantage dans le domaine des courtes
longueurs d’onde (domaines XUV et X), où l’on ne sait pas
réaliser de miroirs performants.
Etant donné que les longueurs d’onde harmoniques du
fondamental sont également résonnantes, on peut utiliser cet
effet, soit, pour obtenir le laser à ces longueurs d’ondes plus
courtes sans avoir à augmenter l’énergie des particules (dif-
ficile en pratique), soit, recueillir et éventuellement ré-
amplifier le rayonnement des harmoniques, rendu cohérent
par un LEL ayant réalisé le groupement des électrons : cette
technique semble la plus prometteuse à l’heure actuelle
pour réduire la bande passante à une valeur plus intéressante
(celle du SASE est limitée à environ 1% au minimum).
Conditions d’obtention du LEL
Bien que le processus d’amplification tende à se produire
spontanément, il faut préparer le faisceau d’électrons, l’on-
duleur et la cavité optique avec un soin particulier si l’on
veut obtenir un LEL. En pratique, il faut le plus souvent
construire une installation spécialement conçue à cet effet,
dont le coût augmente avec l’énergie des photons que l’on
veut produire. Plus la longueur d’onde que l’on veut
atteindre est courte et meilleure doit être la « qualité » du
faisceau d’électrons : grossièrement, son étendue (dSdoù
dS représente l’élément de surface et dl’élément angu-
laire) doit être sensiblement égale à celle du faisceau
optique (∼
=λ2) que l’on veut produire. Cette condition
devient très difficile à remplir dans le domaine des rayons X
et a contribué à stimuler la recherche sur les faisceaux
d’électrons de haute énergie. La présentation détaillée des
accélérateurs utilisés pour le LEL sort néanmoins du cadre
de cet article.
Historiquement, la faisabilité du LEL a été démontrée
par l’équipe de J. Madey à Stanford en 1978 et a entraîné un
grand enthousiasme dans la communauté des chercheurs
travaillant sur accélérateurs. Dans la décennie 1980, les
USA ont énormément investis dans le LEL dans la perspec-
tive de la « guerre des étoiles » avec fort peu de résultats. En
parallèle, un certain nombre d’équipes, notamment celle de
J. Madey, réalisaient les premiers centres serveurs dans le
domaine spectral de l’infrarouge. D’autres équipes poursui-
vaient la réalisation de prototypes aux courtes longueurs
d’onde en utilisant soit des cavités optiques sur accéléra-
teurs circulaires soit du SASE sur accélérateurs linéaires. La
situation et les perspectives du LEL dans les différents
domaines spectraux sont maintenant plus claires. C’est ce
que nous allons résumer maintenant.
Les différents types de LEL
Le LEL infrarouge
Un LEL est plus facile à réaliser à grandes longueurs
d’onde et il est moins coûteux, car les énergies de faisceaux
sont plus basses : 5 à 50 MeV pour l’infrarouge. Ceci peut
être réalisé avec un accélérateur de quelques mètres de lon-