Quanta et photons Développements récents des Lasers à Electrons Libres Le Laser à Electrons Libres (LEL) est apparu il y a une vingtaine d’années, suscitant un vif intérêt de la part de la communauté scientifique : son milieu actif, des électrons libres, différent de ceux des lasers habituels (atomique & moléculaire), rend possible une variation continue de la longueur d’onde et permet aussi d’envisager des puissances très élevées. Aujourd’hui, les LEL émettant dans l’infrarouge sont utilisésquotidiennement, tandis que les recherches se poursuivent pour couvrir le domaine spectral qui s’étend de l’ultraviolet aux rayons X. Le LEL pourrait ainsi succéder aux anneaux de stockage dédiés au rayonnement synchrotron et constituer les sources dites de 4ème génération, la 3ème génération étant constituée des anneaux les plus récents tels que SOLEIL. Principe du LEL Un laser est un amplificateur d’ondes électromagnétiques. Le milieu amplificateur d’un LEL est constitué d’un faisceau d’électrons de haute énergie, soumis à une force périodique transverse à sa direction de propagation. Cette perturbation périodique est réalisée par ce que l’on appelle un « onduleur », constitué d’un champ magnétique transverse alterné. La fréquence des ondes à laquelle il peut y avoir amplification ne dépend que de l’énergie des électrons et de la période de l’onduleur. On peut comprendre son mécanisme comme résultant de la somme des ondes émises par l’ensemble des électrons : à chaque oscillation dans l’onduleur, un électron émet du rayonnement dit « synchrotron » et, à la fin de son passage dans l’onduleur, il a émis un train d’onde. Si tous les électrons sont en phase, tous les trains d’onde émis le sont également et le rayonnement devient cohérent : on obtient une émission laser. Un amplificateur d’ondes électromagnétiques peut souvent être traité en mécanique classique comme pour les tubes électroniques, tels le klystron ou le magnétron qui alimente notre four à micro-ondes. Une telle analyse est possible avec le LEL, car le système a accès à un quasi-continuum d’états (certains effets quantiques peuvent néanmoins apparaître, que nous ne discuterons pas ici). « L’inversion de population », caractéristique des lasers et qui permet l’existence d’un gain d’amplification supérieur à 1, est toujours réalisée puisque les électrons ont accès à ce quasi-continuum d’états libres d’énergies inférieures à la leur. En fait, le LEL est très proche de la physique des accélérateurs. L’approche classique permet également de bien comprendre physiquement les concepts en jeu. Voyons maintenant un peu plus en détail le principe de son fonctionnement, illustré en figure 1. Le LEL possède trois particularités essentielles : a) Le LEL utilise des électrons de haute énergie qui produisent un considérable effet Doppler (décalage vers le « bleu ») ce qui permet de raccourcir la longueur d’onde émise. b) Le couplage entre le champ électromagnétique et les électrons est assuré par une structure périodique transverse (« onduleur »). c) La mise Figure 1 - Principe du LEL et de la cohérence du rayonnement par la formation des micropaquets : un faisceau d’électrons (en bleu) de forte énergie parcourt une structure magnétique périodique (« l’onduleur ») dont le champ magnétique périodique, de période λ0 , (en vert) fait osciller les particules autour de leur axe de propagation (ligne bleue) et leur fait émettre de la lumière synchrotron (en rouge). Grâce à un processus complexe détaillé dans l’encadré, une modulation périodique de densité d’électrons se forme progressivement le long de l’onduleur conduisant à une mise en phase des trains d’onde émis par chaque électron. Un rayonnement lumineux cohérent est ainsi obtenu par addition des amplitudes des trains d’onde individuels. Article proposé par : Jean-Michel Ortega, [email protected], Laboratoire pour l'utilisation du rayonnement électromagnétique (LURE), CNRS/Université Paris Sud. 173 phase, nécessaire au LEL, des trains d’onde émis par les différents électrons est assurée par le groupement en micropaquets des électrons, provoqué par l’action conjuguée de l’onduleur et de l’onde stimulatrice. Les deux premiers points (a&b) s’appliquent aussi bien au rayonnement synchrotron qu’au LEL. En fait, le LEL n’est rien d’autre que du rayonnement synchrotron « cohérent ». Cette cohérence apparaît (point c) sous l’influence du groupement des électrons. L’effet Doppler relativiste : l’antenne en mouvement On peut comprendre qualitativement le rayonnement synchrotron à partir du concept de l’antenne « relativiste » : une antenne fixe, vibrant à une fréquence νi, émet à une longueur d’onde : λi = c/νi . Pendant un temps T déterminé, cette antenne émet donc un train d’onde composé d’un certain nombre de périodes. Ce train est localisé dans la zone de l’espace comprise entre l’extrémité de l’antenne et le « mur » situé à une distance de l’antenne égale à cT (c, vitesse de la lumière). Imaginons que cette antenne se déplace. Elle vibre toujours à la même fréquence et, donc, le nombre de longueurs d’onde émises durant le temps T ne varie pas. Le train d’onde commence toujours à la position de l’antenne et finit sur le mur puisque la vitesse de la lumière est restée égale à c dans le référentiel de l’observateur (hypothèse relativiste) : ceci signifie que le train contient toujours le même nombre de périodes quelle que soit la position de l’antenne. Lorsque la vitesse de l’antenne devient très proche de celle de la lumière, le train d’onde est littéralement « écrasé » sur le mur relativiste... et la longueur d’onde émise peut devenir arbitrairement petite. Elle dépend de la vitesse de l’antenne (antenne constituée en pratique dans le LEL par un électron), laquelle va tendre asymptotiquement vers c lorsqu’on l’accélère (dans le cas du synchrotron SOLEIL, par exemple, la vitesse des électrons s’approche de celle de la lumière à environ 10−8 = 1/100000000 près !). On peut ainsi produire du rayonnement à des longueurs d’onde très courtes, dans les rayons X, par exemple : c’est le principe du rayonnement synchrotron (lequel se produit aussi pour toute trajectoire non uniforme d’un électron relativiste). Cette expression est similaire à celle obtenue dans le cas de l’antenne (figure 2). On exprime souvent λR en fonction du paramètre γ (γ = E/mc2 ∼ = E(MeV)/0.511 pour un électron) et du paramètre K caractérisant le champ de l’onduleur (K = Cste Bo λo ∼ = Bo λo où Bo est le champ magnétique exprimé en Tesla et λO en cm) : λR ∼ = λO (1 + K 2 /2)2γ 2 . Pour des énergies allant de 5 à 5000 MeV, le terme γ 2 varie entre 102 et 108. Donc, l’utilisation de faisceaux d’énergie élevée permet de déplacer la longueur d’onde émise, des quelques cm de période de l’onduleur à quelques Angströms ou moins ! Le domaine spectral que l’on peut balayer est déterminé par l’énergie et le paramètre K. Ce paramètre K varie typiquement de 1 à quelques unités. Le domaine spectral dépend donc en premier lieu de l’énergie et les variations de K (champ magnétique) permettent d’effectuer les changements continus et fins de longueur d’onde. Les énergies vont de quelques MeV pour l’infrarouge à quelques GeV pour les rayons X. On utilise donc des accélérateurs de taille importante : typiquement 10 m pour l’infrarouge, plusieurs centaines de mètres pour les anneaux de rayonnement synchrotron ou les projets de lasers à rayons X. Leur coût est élevé mais est justifié par leurs performances exceptionnelles (accordabilité en longueur d’onde sur une grande gamme et brillance spectrale). Figure 2 - Principe de l’effet Doppler relativiste : la lumière se propage à la même vitesse, c, dans tout référentiel, en particulier celui de l’observateur. La longueur d’onde devient : λ ∼ = λι (1 − v/c) . L’onduleur On ne sait pas réaliser des antennes émettant à des fréquences très élevées (dans la gamme du visible ou pour celle des rayons X). En revanche, on sait propager une antenne à une vitesse relativiste en accélérant des électrons libres, donc extrêmement légers, à une vitesse très proche de c, puis en les faisant osciller transversalement autour de leur trajectoire moyenne au moyen d’un onduleur (de période λO = quelques cm en pratique). Dans celui-ci, il est possible de calculer la valeur de la longueur d’onde émise λR : λR = λO (c/vz − 1) ∼ = λO (1 − vz /c) où vz est la vitesse longitudinale de la particule. 174 Condition d’accord de phase et groupement des électrons Nous venons de décrire le processus d’émission de rayonnement synchrotron par des électrons se propageant dans un onduleur. Les centres de rayonnement synchrotron exploitent ainsi des accélérateurs circulaires de quelques GeV, sur lesquels on insère le plus de sections droites possibles contenant des onduleurs (un rayonnement de même type, quoique moins brillant, est émis également dans les aimants de courbure qui défléchissent la trajectoire des électrons dans l’anneau). Dans le LEL on produit, en plus, du rayonnement sti- Quanta et photons mulé. La stimulation peut être due au rayonnement synchrotron lui-même, éventuellement stocké dans une cavité optique, ou obtenue grâce à un laser extérieur. Il est alors possible d’obtenir une amplification très importante du rayonnement synchrotron : de 6 à 8 ordres de grandeurs. Grâce à ce mécanisme d’amplification par stimulation, le LEL apparaît donc comme une source d’avenir même si sa réalisation est délicate comparativement au rayonnement synchrotron. Il nécessite des accélérateurs spécialement conçus et construits à cet effet. A l’heure actuelle, le rayonnement synchrotron est en phase d’exploitation alors que le LEL (sauf dans l’infrarouge) en est plutôt au stade de la recherche et du développement. Revenons sur le processus de stimulation. Il faut se rappeler que dans tout laser, « stimuler » l’émission de lumière revient à mettre en phase les différents émetteurs (atomes ou ici électrons) de manière à ce que les amplitudes émises s’additionnent. Un tel rayonnement est souvent appelé « émission cohérente ». La cohérence est obtenue en groupant les électrons en petits paquets, séparés chacun par une distance égale à la période de l’onde électromagnétique que l’on veut amplifier. Lorsque ce « micro-groupement » est réalisé, tous les électrons sont en phase, la différence de phase entre 2 paquets quelconques étant alors un multiple de 2π (voir figure 1). Une particularité du LEL réside dans le fait que les électrons ne gardent pas une phase fixe par rapport à la lumière : celle-ci se propage dans le vide et sa vitesse est donc toujours supérieure à la vitesse de l’électron. Il se produit ainsi un glissement perpétuel de phase entre les paquets d’électrons émettant le rayonnement synchrotron et ce dernier. Cependant, il est possible de fixer ce glissement à une valeur égale à un multiple de 2π lorsque l’électron a parcouru une distance égale à un nombre entier de périodes de l’onduleur. On peut montrer qu’il se produit alors une auto-organisation du paquet conduisant au groupement désiré (voir encadré). Ce point est un peu subtil, mais possède le mérite de pouvoir être compris « classiquement ». Deux cas sont possibles suivant la valeur du gain optique que l’on sait produire : a) Le gain n’est pas suffisant pour obtenir la saturation de l’amplification en un seul passage dans l’onduleur : on a recours à une cavité optique, c’est-à-dire à de l’amplification multi-passages. On réalise un oscillateur laser (cas du LEL proprement dit). b) Le gain est suffisant pour obtenir le meilleur groupement possible en 1 seul passage (« SASE = Self Amplification of Spontaneous Emission ») Physiquement, le LEL et le SASE sont des phénomènes identiques. Cependant le SASE demande un faisceau d’électrons de plus haute qualité et un onduleur plus long afin d’obtenir la saturation de l’amplification en un seul passage. Il tend également à être beaucoup plus instable qu’un oscillateur car la cavité optique dans un LEL permet d’allonger considérablement la longueur de cohérence du laser et d’obtenir une bonne stabilité en longueur d’onde et en intensité. En revanche, le SASE ne nécessite pas de miroirs, ce qui est un énorme avantage dans le domaine des courtes longueurs d’onde (domaines XUV et X), où l’on ne sait pas réaliser de miroirs performants. Etant donné que les longueurs d’onde harmoniques du fondamental sont également résonnantes, on peut utiliser cet effet, soit, pour obtenir le laser à ces longueurs d’ondes plus courtes sans avoir à augmenter l’énergie des particules (difficile en pratique), soit, recueillir et éventuellement réamplifier le rayonnement des harmoniques, rendu cohérent par un LEL ayant réalisé le groupement des électrons : cette technique semble la plus prometteuse à l’heure actuelle pour réduire la bande passante à une valeur plus intéressante (celle du SASE est limitée à environ 1% au minimum). Conditions d’obtention du LEL Bien que le processus d’amplification tende à se produire spontanément, il faut préparer le faisceau d’électrons, l’onduleur et la cavité optique avec un soin particulier si l’on veut obtenir un LEL. En pratique, il faut le plus souvent construire une installation spécialement conçue à cet effet, dont le coût augmente avec l’énergie des photons que l’on veut produire. Plus la longueur d’onde que l’on veut atteindre est courte et meilleure doit être la « qualité » du faisceau d’électrons : grossièrement, son étendue (d Sd où d S représente l’élément de surface et d l’élément angulaire) doit être sensiblement égale à celle du faisceau optique (∼ = λ2 ) que l’on veut produire. Cette condition devient très difficile à remplir dans le domaine des rayons X et a contribué à stimuler la recherche sur les faisceaux d’électrons de haute énergie. La présentation détaillée des accélérateurs utilisés pour le LEL sort néanmoins du cadre de cet article. Historiquement, la faisabilité du LEL a été démontrée par l’équipe de J. Madey à Stanford en 1978 et a entraîné un grand enthousiasme dans la communauté des chercheurs travaillant sur accélérateurs. Dans la décennie 1980, les USA ont énormément investis dans le LEL dans la perspective de la « guerre des étoiles » avec fort peu de résultats. En parallèle, un certain nombre d’équipes, notamment celle de J. Madey, réalisaient les premiers centres serveurs dans le domaine spectral de l’infrarouge. D’autres équipes poursuivaient la réalisation de prototypes aux courtes longueurs d’onde en utilisant soit des cavités optiques sur accélérateurs circulaires soit du SASE sur accélérateurs linéaires. La situation et les perspectives du LEL dans les différents domaines spectraux sont maintenant plus claires. C’est ce que nous allons résumer maintenant. Les différents types de LEL Le LEL infrarouge Un LEL est plus facile à réaliser à grandes longueurs d’onde et il est moins coûteux, car les énergies de faisceaux sont plus basses : 5 à 50 MeV pour l’infrarouge. Ceci peut être réalisé avec un accélérateur de quelques mètres de lon175 Encadré L'onduleur assure le couplage et la mise en phase des électrons avec la lumière 1. Il assure le couplage de l’onde optique avec les particules en imprimant à celles-ci une vitesse transverse périodique, parallèle au champ électrique de l’onde (voir figure). Ainsi l’électron va pouvoir travailler dans le champ électrique de l’onde et lui céder de l’énergie lorsqu’un accord de phase est réalisé. 2. Il assure l’accord de phase entre l’électron et l’onde à certaines longueurs d’onde ainsi que la mise en phase (groupement) de l’ensemble des électrons. La longueur d’onde, λ R , décrite précédemment, correspond en fait à l’accord de phase entre les particules et l’onde : lorsque l’électron décrit une période de l’onduleur il a été dépassé par exactement une période lumineuse et par les N périodes du train à la fin de l’onduleur de N périodes. Donc, lorsque s’inverse la vitesse transverse de l’électron, acquise dans l’onduleur, le champ électrique de l’onde s’inverse également et le produit des deux garde un signe constant ! Autrement dit, le travail de l’électron dans le champ électrique de l’onde conserve le même signe dans tout l’onduleur, ce qui réalise bien la condition de phase, sans qu’il y ait synchronisme. Ceci est vrai pour les longueurs d’onde harmoniques égales à λ R /n (n impair). Il s’ensuit deux conséquences : – Les longueurs d’onde où l’émission synchrotron est maximale sont λ R et ses harmoniques (l’électron travaille dans son propre champ). Cet effet est utilisé dans les centres de rayonnement synchrotron pour obtenir un spectre de rayonnement relativement étroit à des longueurs d’onde que l’on peut choisir. – Le rayonnement synchrotron émis à ces longueurs d’onde produit un effet sur le paquet d’électrons. Pour mieux comprendre, imaginons que l’on envoie un rayonnement à la longueur d’onde λ R sur le paquet d’électrons circulant dans l’onduleur : chaque électron va perdre ou gagner de l’éner- gueur, mais qui doit néanmoins être blindé vis à vis des radiations ionisantes. De fait, il existe un manque évident de lasers puissants et accordables en longueur d’ondes dans l’infrarouge (voir figure 3). C’est pourquoi un certain nombre de LEL infrarouge fut construit dans le monde et une petite dizaine d’entre eux constituent des centres serveurs pour l’utilisation. En Europe, FELIX et CLIO offrent plus de 2500 heures/an de faisceau, attribués par des comités de programme selon le mérite scientifique des projets proposés. Ces LELs offrent une large gamme spectrale, une accordabilité aisée ainsi que de fortes puissances crêtes et des impulsions courtes temporellement. En utilisant des miroirs métalliques, ces LEL sont continûment accordables, d’un facteur 2 à 3, pour chaque énergie des électrons (laquelle peut être changée par « sauts »). La durée d’impulsion peut être ajustée entre typiquement 0,5 et 5 ps, selon que l’on désire effectuer des expériences de « spectroscopie » ou des expériences « résolues en temps ». Ce réglage, qui est une caractéristique particulière du LEL sur accélérateur linéaire 176 gie selon sa phase initiale par rapport à ce rayonnement. Les électrons plus rapides vont tendre à rejoindre ceux qui ont été ralentis qui se trouvent devant eux. On obtient ainsi progressivement une modulation de densité longitudinale du faisceau d’électrons à la période λ R : cet effet est le processus d’émission stimulée du LEL. En pratique, c’est le rayonnement synchrotron émis par les électrons qui va initier le processus : les électrons sont soumis au champ du rayonnement synchrotron émis par ceux qui sont derrière et qui se propage plus vite qu’eux. Comme dans tout laser, c’est bien le bruit de photons qui déclenche le phénomène « d’avalanche » qu’est l’émission stimulée. Figure - Dans l’onduleur, à la résonance, lorsque l’électron a parcouru une période λo de l’onduleur, l’onde lumineuse a parcouru (λo + λ R ) : l’électron a donc acquis un déphasage de 1 période ( = 2π ) par rapport à l’onde lumineuse. Le travail de la particule dans le champ est proportionnel à E · vx = C ste · cos(2π z i /λ R ) où z i est la position d’un électron donné, E, le champ électrique de l’onde et vx , la vitesse transverse de l’électron. => Les électrons subissent une modulation de vitesse, à cause de leur propre travail dans le champ électromagnétique qu’ils ont émis, avec la périodicité λ R , ce qui provoque leur groupement avec cette périodicité. pulsé, est obtenu en modifiant la longueur de la cavité optique, qui détermine le retard entre l’impulsion lumineuse stockée dans la cavité optique et le paquet d’électrons. Les applications de ces lasers sont très variées. Elles incluent notamment des études de surfaces et d’interfaces par des techniques non-lineaires (voir l’article sur la somme de fréquences dans Images de la Physique 2001), des études de dynamique moléculaire et de dynamique de nanostructures (article dans Images de la Physique 1997). Une des applications les plus récentes est la spectroscopie d’ions moléculaires en phase gazeuse par dissociation multiphotonique (MPD). Cette technique permet l’identification d’une absorption par la mesure des produits de dissociation avec des spectromètres de masse ultrasensibles. La non-linéarité du processus requière la forte puissance d’un LEL. Plusieurs centaines de publications décrivent les résultats obtenus dans ces centres serveur. A l’heure actuelle, les centres serveurs LEL dans le domaine infrarouge tendent à devenir des centres « multilasers », où divers types de lasers à impulsions courtes synchronisés avec le LEL permettent des Quanta et photons Le LEL sur accélérateurs linéaires Figure 3 - Domaine spectral du LEL CLIO et d’Oscillateurs Paramétriques Optiques – lasers infrarouge « classiques » – (des OPA – Amplificateurs Paramétriques Optiques – pompés par Ti :S existent jusqu’à environ 20 µm avec des puissances plus faibles). A une énergie donnée, le laser est accordable en longueur d’onde de façon continue par balayage du champ magnétique de l’onduleur. Un changement d’énergie demande environ 1 heure. expériences du type « pompe-sonde » en associant les domaines spectraux de l’ultraviolet, du visible et de l’infrarouge proche et lointain. Le LEL sur anneau de stockage Dans les débuts du laser à électrons libres, les LELs sur anneaux apparurent comme très prometteurs car ils permettent d’utiliser des accélérateurs construits pour le rayonnement synchrotron (RS). Ceci réduit considérablement l’investissement nécessaire, et permet de coupler le LEL avec le RS pour des expériences pompe-sonde pour suivre la dynamique des systèmes excités. Dans de tels accélérateurs, le faisceau d’électrons est recirculé tour à tour. L’efficacité du système d’accélération est donc plus élevée, car on a peu d’énergie à fournir au faisceau, comparé à un accélérateur linéaire. C’est sur l’anneau ACO d’Orsay que fut réalisé le premier LEL sur anneau et dans le visible en 1983 par une équipe franco-américaine. Cependant, l’onde lumineuse n’interagit pas avec un paquet « neuf » comme pour les LELs implantés sur accélérateur linéaire, mais avec le même paquet qui garde la mémoire de l’interaction laser sur un bon nombre de tours, ce qui réduit le rendement du laser et augmente la durée de l’impulsion. Le LEL sur anneau a été limité jusqu’à présent au domaine UV, mais les premiers résultats à longueur d’onde plus courte (80 nm) commencent à apparaître. Cependant, c’est sur les accélérateurs linéaires que le LEL à courte longueur d’onde est le plus prometteur et fait l’objet de nombreux projets à travers le monde. A coté des LEL infrarouge fonctionnant sur des petits accélérateurs linéaires, la communauté scientifique s’intéresse maintenant au LEL à courte longueur d’onde fonctionnant sur des machines de beaucoup plus haute énergie : 500 MeV à 20 GeV, selon l’objectif. Il existe deux principales difficultés à l’obtention de LEL à courtes longueurs d’onde : a) L’absence de miroirs possédant une réflectivité suffisante couvrant une large gamme spectrale. b) La difficulté de réaliser des faisceaux d’électrons de qualité suffisante. Pour résoudre la première difficulté, on a imaginé de réaliser des LEL fonctionnant sans cavité optique (donc sans miroirs), c’est à dire en mode SASE. L’idée est séduisante sauf que la qualité du faisceau d’électrons doit être d’autant meilleure, ce qui augmente la deuxième difficulté : en particulier il faut un courant d’électrons d’intensité crête très élevée (> 1 kA), une divergence très faible du faisceau d’électrons (de l’ordre de 0.1 µrad) et un onduleur très long, jusqu’à une centaine de mètres, et d’une précision inégalée. Seuls les accélérateurs linéaires sont éventuellement capables de performances compatibles avec le SASE. En effet, les excitations dues à l’émission de grandes quantités de rayonnement synchrotron dans les anneaux de stockage limitent les performances de ceux-ci. En revanche, les performances des accélérateurs linéaires peuvent être « arbitrairement » bonnes (en théorie) même si celles demandées constituent déjà un véritable défi technologique. Ce défi est particulièrement important dans le domaine des rayons X pour lesquels on doit atteindre des énergies de 10 à 20 GeV, ce qui rend l’accélérateur très coûteux. De plus, ces accélérateurs peuvent fournir des impulsions d’électrons d’une durée de l’ordre de quelques centaines de femtosecondes, ce qui est particulièrement intéressant pour de nombreuses applications. Certaines « astuces » proposées pourraient même permettre de réaliser des impulsions « attosecondes » (longueur du train d’onde inférieure à 0,3 µm). Des progrès notables ont été accomplis ces dernières années, qui ont permis à une expérience menée à Hambourg (laboratoire DESY) d’atteindre la saturation de l’amplification à la longueur d’onde de 80 nm. Cette expérience résulte de la construction d’un prototype d’accélérateur financé par les deux communautés de physique des particules et rayonnement synchrotron. Le laboratoire DESY a actuellement les moyens de prolonger l’accélérateur et l’onduleur afin de tenter d’atteindre la longueur d’onde de 6 nm. Quoiqu’il en soit, il ne fait pas de doute que le domaine VUV est d’ores et déjà accessible par le SASE et des expériences d’application sont en cours. Il reste à voir dans quelle mesure on peut atteindre une stabilité suffisante avec une telle source. C’est pourquoi beaucoup de travaux portent sur la possibilité « d’injecter », c’est-à-dire de démarrer, le SASE avec un premier faisceau très monochromatique : ce pourrait être un premier faisceau SASE que l’on aurait filtré (« self-seeding »), les harmoniques d’un SASE que l’on aurait luimême injecté avec un laser « classique » (par exemple des 177 harmoniques générés dans un gaz), etc... Les promoteurs de DESY poussent à la construction d’un SASE pour les rayons X avec un accélérateur de 10 à 20 GeV sans attendre les résultats de l’expérience à 6 nm : le coût élevé (785 Meuros) n’a pas encore permis de le financer. La plupart des projets actuellement étudiés proposent du SASE ou de la génération d’harmonique plutôt dans le domaine XUV (énergie de photons < 1 keV), plus facile à réaliser et moins coûteux. Un tel projet, dénommé « Arc-en-Ciel » a d’ailleurs commencé à être étudié en France. Les applications potentielles du SASE sont très nombreuses. Signalons celle qui est le plus souvent mises en avant et qui appartient au domaine de la biologie : la possibilité de résoudre la structure des protéines sur des molécules uniques, ce qui supprimerait la contrainte actuelle de devoir cristalliser ces molécules pour pouvoir étudier leur structure. La possibilité de réaliser de telles études avec une impulsion unique ouvrirait en outre la voie à l’étude des processus biologiques en « temps réel ». Conclusion Le laser à électrons libres est maintenant devenu un outil de recherche qui a fait ses preuves dans le domaine de l’infrarouge et qui commence à les faire dans le domaine de l’ultraviolet sur anneau de stockage. Il apparaît certain que la technique du SASE va permettre de réaliser des lasers accordables avec des impulsions extrêmement brèves dans le domaine des courtes longueurs d’onde (rayons X) sans que l’on puisse prédire précisément jusqu’où l’on peut aller. En effet, les difficultés techniques sont grandes mais les enjeux scientifiques sont importants. Pour finir, signalons l’apparition d’un nouveau concept d’accélérateur linéaire : l’accélérateur linéaire à recirculation (ERL). Dans celui-ci, on ne récupère pas les particules à chaque tour, comme dans un anneau de stockage, mais seulement leur énergie. Ceci permet de produire de forts courant moyens, comme dans un anneau de stockage mais sans en avoir les inconvénients (les paquets d’électrons stockés y auto-induisent des perturbations). On est encore assez loin des courants atteints dans les anneaux mais, déjà, on a réussi à produire avec un ERL un LEL infrarouge débitant une puissance moyenne supérieure à 1 kW (à Jefferson labs aux E.U.). Cette réussite pourrait préfigurer des applications industrielles du LEL, dans les domaines spectraux allant de l’UV à l’infrarouge : traitement de surface, synthèse de matériaux, séparation isotopique. Pour en savoir plus Le laser à électrons libres ORTEGA (J.-M.), « Les lasers et leurs applications scientifiques et médicales », (ed. C. Fabre & J. P. Pocholle, Les éditions de Physique, 1996), 4, 233. COUPRIE (M.-E.) and ORTEGA (J.-M.), Analusis, 28, 725 (2000). Le LEL infrarouge CLIO : http://www.lure.u-psud.fr/CLIO.HTM Le projet de LEL XUV en France : http://www.lure.u-psud.fr/Congres/ Femto /Arc-en-cielvashort.pdf Applications : MARSI (M.) et al., Phys. Rev. B61, R5070 (2000) LEMAIRE (J.) et al., Phys. Rev. Lett., 89, 273002 (2002) SAUVAGE (S.) et al., Phys. Rev. Lett., 88, 177402-1 (2002) PRAZERES (R.) et al., Eur. Phys. J. D3, 87 (1998) CRÉPIN (C.) et al., Phys. Rev. Lett., 85, 964 (2000) Colloque « Applications des sources accordables VUV-X fs combinant accélérateurs et lasers : slicing sur SOLEIL et la proposition ARC-EN-CIEL », http://www.lure.u-psud.fr/Congres/Femto/default.htm 178