Note sur le ratio d`information et la loi fondamentale de la gestion

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Note sur le ratio d’information et la loi
fondamentale de la gestion active
Philippe Bernard
EURIsCO
Paris IX
Mars 2005
Le ratio d’information est devenu une des statistiques les plus couramment utilisées par les gérants pour évaluer leurs produits, utilisées par
les investisseurs pour évaluer leurs gérants avant de les embaucher ou de les
licencier. Il est également devenu, sous l’impulsion des travaux de Grinold
et Kahn ([Gri89], [GK00]) sur la gestion active. La décomposition proposée
notamment initialement par Grinold [1989] [Gri89] sous le nom de loi
fondamentale de la gestion active permet notamment de faire apparaître l’habileté du gérant à anticiper l’évolution des alphas, l’échelle de
son activité, les contraintes de financement dans la détermination de ce ratio
d’information. Aussi ce résultat s’est révélé jouer un rôle considérable dans
le développement des stratégies actives (Clarke et alii [2002a, 2002b]
[CdST02] [CDSW02] et les travaux de la société Analytic Investors).
Cette note a pour objectif de faire le point sur cette littérature centrale
pour la gestion active. Aussi, elle présente quelques résultats essentiels sur
les ratios d’information avant d’exposer la loi fondamentale active et ses
conséquences.
1
Le cadre
On considère un univers statique comprenant J actifs financiers à partir
desquels les gérants considérés construisent leurs portefeuilles.1 Les rendements (aléatoires) des titres sont notés rej , le vecteur ligne des J rendements
re. Le rendement espéré du titre j est noté rj , σ ij est sa covariance avec le
rendement du titre i. Le vecteur ligne des rendements espérés est noté r, enfin
la matrice (carrée) de covariance (J lignes × J colonnes) a pour symbole σ.
Chaque portefeuille est définit par les parts des titres qui entrent dans
sa composition. On note x (ou xp ) le vecteur des parts d’un portefeuille
quelconque (ou du portefeuille p) où :
x :=
£
x1 ... xj ... xJ
¤T
(1)
avec T est le symbole de la transposition d’un vecteur ou d’une matrice. Dès
lors que le vecteur x définit un portefeuille, il doit vérifier la restriction :
1.x = 1
1
(2)
On pourrait étendre ce cadre en supposant que les éléments de base, les différents j,
sont ou des titres, ou des portefeuilles. Les portefeuilles pourraient alors parfois être donc
des portefeuilles de portefeuilles. Mathématiquement, ce qui est seulement essentiellement
est que l’on définit initialement des éléments caractérisés par des rendements aléatoires
que l’on combine linéairement.
1
où 1 est le vecteur ligne (1 × J). Le rendement espéré du portefeuille p, noté
rp , est donné par :
rp = rxp
(3)
et sa variance σ 2p est donnée par :
σ 2p = xp σxp
2
(4)
Le ratio d’information
Le benchmark du gérant considéré est défini par le vecteur colonne xb ,
son rendement espéré et sa variance sont définis en conséquence :
rb = rxb , σ b = xb σxb
La distorsion (ou l’écart) du portefeuille p par rapport au benchmark b est
donc :
u = xp − xb
(5)
Les variables uj ainsi définies constitue les poids actifs de la littérature
et par construction leur somme est égale à zéro. La connaissance de cette
distorsion permet alors de calculer le rendement excédentaire du portefeuille
(par rapport au benchmark) ainsi que sa volatilité. En effet, si l’on définit le
rendement excédentaire de par rapport au benchmark :
de = rep − reb
alors son espérance et sa volatilité s’écrivent :
d = ru
√
σ d = uT σu
Cette volatilité est évidemment la tracking error. Le ratio d’information
est alors donné par le ratio de ces deux valeurs (Goodwin [1998] [Goo98]) :
IR =
d
σd
(6)
Comme on le voit, le ratio d’information qui historiquement a été proposée
dans les années 80 par la société BARRA est une généralisation du ratio de
Sharpe sous sa forme initiale. Il ne diffèrait en effet du ratio de Sharpe initial
que par la substitution du benchmark à l’actif sans risque. Cependant cette
différence initiale est devenue imperceptible depuis que Sharpe lui-même en
2
1994 a redéfini son propre critère par rapport à des benchmarks. Cependant,
malgré cette fusion forcée le terme ratio d’information a perduré notamment
car il existe une seconde présentation de cette statistique qui la différencie
substantiellement du ratio de Sharpe tant dans son interprétation que dans
son utilisation pratique.
Cette seconde approche du ratio d’information suppose que les rendements suivent un modèle factoriel simple. Le facteur unique est supposée
être (sans perte de généralité) le benchmark lui-même. Par conséquent, pour
chaque titre j, son rendement rej suit l’équation suivante :
e j + β j reb
rej = α
(7)
αj , α
ei) = 0
∀j : cov(e
αj , reb ) = 0, ∀i 6= j cov(e
(8)
où α
e j est le résidu non expliqué par le facteur. Les hypothèses supplémentaires caractérisant le modèle factoriel sont que les α sont non corrélés :
Le rendement du portefeuille peut donc être décomposé de la manière suivante :
rep =
=
J
X
j=1
J
X
j=1
xj rej
xb rej +
= reb +
J
X
j=1
= reb + reb
J
X
j=1
uj rej
¡
¢
uj α
e j + β j reb
J
X
j=1
uj β j +
J
X
j=1
uj α
ej
Parmi les termes à droite de l’équation, reb est le rendement quePle gérant
aurait s’il suivait parfaitement le benchmark. Le second terme reb Jj=1 uj β j
est le rendement excédentaire engendré par la sur- ou la sous-exposition au
risque systématique (induit ici par le benchmark), l’équivalent de la stratégie
de market-timing. Enfin, le dernier terme représente le rendement excédenaire induit par les risques spécifiques des différents actifs. La somme des
deux derniers termes représente donc le rendement excédentaire de la gestion active. Pour diverses raisons, notamment la faiblesse dans de nombreuses
études du rendement du “benchmark timing”, on suivra la convention (adoptée par exemple par Grinold & Kahn [2000] [GK00]) consistant à ignorer
3
cette composante et à identifier le rendement de la gestion active au seul
rendement excédentaire du risque spécifique :
α
ep =
J
X
j=1
uj α
ej
(9)
Avec cette approche indicielle, et cette restriction sur le market timing, le
ratio d’information se redéfinit naturellement comme étant le ratio rendement
/ risque des alphas. En effet :
IR =
d
σd
mais :
de = rep − reb
Ã
=
= reb
reb + reb
J
X
J
X
uj β j +
j=1
uj β j +
j=1
J
X
j=1
J
X
j=1
uj α
ej
uj α
ej
!
− reb
Comme le market timing est supposé négligeable :
J
X
j=1
et donc :
uj β j ≈ 0
de = α
ep
Le ratio d’information est donc alors donné par l’expression suivante :
IR =
E [e
αp ]
σ (e
αp )
(10)
Dans la littérature cette présentation du ratio d’information est également
connu sous le nom du ratio alpha oméga2 ou l’ appraisal ratio.
L’intérêt du ratio d’information ainsi présentée est qu’il est une statistique
informative de la valeur ajoutée du gérant actif. En effet, si l’on suppose que
l’investisseur évalue le résultat du gérant par un classique critère espérance
2
Oméga étant généralement le symbole utilisé pour représenter σ (e
αp ).
4
variance, alors la valeur ajoutée du gérant actif peut se définir comme la
valeur atteinte par la fonction objectif pour α
ep :
γ
αp )
V A = E [e
αp ] − σ 2 (e
2
(11)
En utilisant l’expression (10) du ratio d’information :
V A = E [e
αp ] −
αp ]2
γ E [e
2 IR2
(12)
ou plus simplement :
γ α2p
(13)
2 IR2
en utilisant la convention que αp (αj ) sans tilde désigne l’espérance de la
variance aléatoire α
e p (e
αj ). Si l’on suppose que le alpha du gérant peut être
choisi dans un classique arbitrage entre l’espérance et la volatilité, alors on
est amené à rechercher la solution de la condition de premier ordre :
V A = αp −
∂
αp
VA=1−γ 2 =0
∂αp
IR
et donc le alpha optimal s’exprime en fonction du ratio d’information du
gérant :
IR2
αp =
(14)
γ
En supposant que le portefeuille sélectionné sera le portefeuille optimal ainsi
calculé, la valeur ajoutée d’un gérant est donc :
³ 2 ´2
IR
IR2 γ γ
−
VA =
γ
2 IR2
IR2
=
2γ
La valeur ajoutée du portefeuille actif est donc la conséquence de deux éléments : le ratio d’information du gérant (ou du portefeuille de celui-ci) et
l’aversion au risque γ du client. On perçoit donc ici toute l’importance pour
la gestion active de ce ratio d’information.
3
Statistiques
Quantifier précisément le ratio d’information est donc une étape importante pour évaluer les gérants. Un résultat important permet de souligner
5
Tab. 1 — Le t des rendements excédentaires en fonction du ratio d’information
et de l’horizon
horizon
5
10
15
20
25
0,1
0,22
0,32
0,39
0,45
0,50
0,3
0,67
0,95
1,16
1,34
1,50
ratio d'information
0,5
1,12
1,58
1,94
2,24
2,50
0,7
1,57
2,21
2,71
3,13
3,50
0,9
2,01
2,85
3,49
4,02
4,50
cependant la difficulté d’obtenir une telle estimation précise à partir d’un
historique limité.
Sous l’hypothèse que les variables soient distribuées normalement, on
peut évaluer la significativité d’un rendement excédentaire à l’aide du t de
Student :
α
bj √
t=
T
(15)
σ
bj
où les b dénotent que les variables sont les valeurs historiques constatées.
Aussi il existe une relation immédiate entre la statistique de significativité
des rendements excédentaires et le ratio d’information (historique) puisque :
√
(16)
t = IR T
Il explique plusieurs façons d’utiliser cette relation :
— en utilisant le ratio d’information constaté historiquement sur T périodes, on peut évaluer la significativité statistique des rendements excédentaires ; le tableau 1 présente les valeurs du t que l’on peut obtenir
en fonction des ratios d’information et de l’horizon et illustre le fait que
les rendements excédentaires soient statistiquement significatifs, il est
nécessaire pour des valeurs plausibles du ratio d’information de disposer
d’un horizon relativement long (fréquemment au moins 10 périodes) ;
— en se fixant un t (par exemple 1.96), on peut déterminer le nombre
de périodes d’observations nécessaires pour établir que les rendements
excédentaires moyens du gérant ne soient pas la conséquence de la
chance mais de son habileté.
Sur la base d’une enquête de BARRA, Kahn [1999] [Kah99] donnait les
statistiques du tableau 2 sur les ratios d’information. Ces résultats partiels,
par rapport aux autres estimations, sont parmi les résultats les plus optimistes sur les ratios d’information des gérants. Selon ces données, on peut
considérer qu’un excellent gérant est un gérant qui a un ratio d’information
d’au moins un, un très bon gérant a un ratio d’information d’au moins 0.5.
6
Tab. 2 — Une estimation de la distribution des ratios d’information des gérants
Quantile
90
75
50
25
10
IR
1,0
0,5
0,0
-0,5
-1,0
source : Kahn [1999]
Comme les résultats du tableau 1 le montrent, s’il n’est nécessaire que de 5
ans pour établir la significativité (au seuil de 5%) des rendements excédentaires d’un excellent gérant, il en faut le triple, 15.3 périodes, si le gérant est
“seulement” un très bon gérant ! D’où la conclusion de Richard Kahn :
“so long a time series is quite problematic.Most active managers
today probably do not have such lengthy track records. More
importantly, managers and strategies may not retain their information ratios over such long periods. Superior information and
great opportunities don’t last forever.” ([Kah99] p. 30)
La conclusion de ces résultats est donc que même si théoriquement il
est a priori possible de contrôler l’impact de la chance dans les rendements
excédentaires d’un gérant, concrètement les conditions nécessaires pour un
tel contrôle sont peu susceptibles d’être vérifiées. Par conséquent, il apparaît
quasi-impossible de trouver des circonstances où de bonnes performances
peuvent être avec certitude attribuées à la seule habileté du gérant. La chance
est un facteur que l’on ne peut quasiment jamais tenir pour négligeable.
Comme on l’a déjà souligné plus haut, il existe peu d’études empiriques
systématiques sur les ratios d’information des gérants. Le travail interne de
BARRA utilisé par Kahn était une partielle exception. Une autre dont les
données sont plus précises est fournie par les données présentées par Goodwin [1998] [Goo98] dans son survey sur le ratio d’information. Les données
sont tirées de la base de données de la société Franck Russell. Les rendements
trimestriels portent sur la décade allant du 1er trimestre 1986 au dernier trimestre 1995 et portaient sur 212 managers opérant sur 6 catégories de titres,
dont l’international avec les titres européen, australiens et extrême orientaux
(EAFE), les obligations privées, les small-caps. Le nombre minimum de managers par catégorie est au minimum de 27, au maximum de 48, et à chaque
catégorie est affectée un indice.3
3
L’indice sélectionné par Goodwin pour chaque catégorie est un indice professionnel-
7
Tab. 3 — Les données utilisées par Goodwin [1998]
catégorie
market-oriented large-cap equity
large-cap value equity
large-cap growth equity
small-cap equity
international EAFE equity
sector-rotation bonds
benchmarks
Russell 1000
Russell 1000 Value
Russell 1000 Growth
Russel 2000
MSCI EAFE
Lehman Brothers Aggregate
managers
48
35
27
35
28
39
Tab. 4 — Statistiques sur les ratios d’information
t
market-oriented large-cap equity
large-cap value equity
large-cap growth equity
small-cap equity
international EAFE equity
sector-rotation bonds
moyenne
écart-type
Max
0,74
0,27
0,96
1,03
0,2
1,41
0,77
0,47
Moy.
0,11
0,02
0,25
0,41
0,01
0,26
0,18
0,16
Ecart-type
0,37
0,17
0,26
0,29
0,13
0,39
0,27
0,10
75%
0,4
0,16
0,34
0,58
0,08
0,48
0,34
0,19
%>1
0
0
0
2,9
0
2,6
0,9
1,4
30
25
20
Russell 2500
15
Russell 2000
10
5
0
-0,2
0
0,2
0,4
0,6
0,8
1
Fig. 1 — L’impact du benchmark sur la distribution des ratios d’information
- l’exemple des small-caps (source : Goodwin [1998])
8
%>0,5
12,5
0
14,8
40
0
20,5
14,6
14,9
Les résultats essentiels obtenus par Goodwin sont reportés dans le tableau
4. La catégorie des obligations privées est la seule où la valeurs maximale des
ratios d’informations est considérablement supérieure à 1. Cependant, même
dans ce cas, le pourcentage des managers à dépasser ce seuil de 1 est négligeable (2.6%). Si l’on ramène le seuil de 1 à 0.5, les small-caps apparaissent
provisoirement comme la catégorie où la part des managers au delà de ce seuil
est la plus importante (40%). En moyenne (non pondérée), cette fraction est
légèrement inférieure à 15%. Le secteur où les ratios d’information sont les
plus faibles est le secteur international : la valeur maximale est de 0.2, la
valeur moyenne de 0.01. Comme on le voit les données plus désagrégées et
plus précises de Goodwin donnent une image plus pessimiste des ratios d’information que les données très succinctes de BARRA. Et peut-être la réalité
est-elle encore pire. En effet, comme le souligne Goodwin, les résultats sont
parfois très dépendants du benchmark choisi. Ceci est notamment le cas des
small-caps, la catégorie où les ratios d’information apparaissaient les plus
élevés. La substitution au Russell 2000 du Russell 25004 modifie en effet subtantiellement les résultats comme l’illustre la figure 1 : à la places des 40%
de managers dont le ratio d’information est supérieur à 0.5, on retrouve une
part moyenne de 15% !
4
Composante spécifique du rendement et information
Une approche de la composante spécifique du rendement consiste à interpréter celle-ci comme la conséquence d’une information privée immédiatement non complètement répercutée dans les prix - marchés financiers informationnellement non totalement efficients. Ainsi, dans un document de
travail de Barra, Richard Kahn décrivait ainsi la gestion active :
“Active management combines art and engineering. The art involves finding valuable information about future returns. The engineering involves efficiently capturing that information in superior portfolios. [...] Active management is forecasting.” ([Kah99]
pp. 3 et 5)
Une modélisation simple et riche d’enseignement de cette vue de la gestion
active consiste à supposer que le gérant perçoit des signaux privés sej plus ou
lement couramment utilisé comme benchmark. Cependant, d’autres choix auraient été
possibles et, comme l’a souligné lui-même Goodwin, pour certaines catégories l’effet n’est
pas négligeable comme on le verra plus loin.
4
Lequel pourtant ne diffère du premier que marginalement comme son nom l’indique.
9
moins informatifs sur chaque titre j. Comme les rendements, ces signaux
sont des variables aléatoires. Elles sont supposées plus ou moins corrélées
au rendement du même titre, notamment à sa composante spécifique. Par
contre, pour simplifier considérablement la formalisation, on va supposer que
la structure des signaux est “séparable”, au sens où le signal sj n’est d’aucune
utilité pour prévoir les α
e k des titres différents de k. Aussi on suppose :
Hypothèse 1 Pour tout gérant, si s = (s1 , ..., sJ ) est l’ensemble des signaux
perçus, alors pour tout titre j :
αj |sj ]
E [e
αj |s1 , ..., sJ ] = E [e
(17)
L’intérêt essentiel du signal pour le gérant est qu’il lui permet de substituer à sa croyance a priori E [e
αj ] une espérance conditionnelle supposée
être plus précise E [e
αj |sj ] - où sj est la valeur du signal observée. Lorsque
les variables aléatoires (e
αj , sej ) sont supposées être des variables distribuées
de manière normale, le théorème de Gauss-Markov assure que la meilleure
prévision conditionnelle à l’observation du signal est donnée par la régression
linéaire :
cov(e
αj , sej )
E [e
αj |sj ] = E [e
[sj − E [e
αj ] +
sj ]]
(18)
2
σ (e
sj )
Si aucun agent ne recevait d’information privée, les anticipations seraient
naturellement identiques, et le fameux consensus déterminerait l’équilibre.
Formellement, dans notre modélisation, E [e
αj ] peut être interprété comme ce
consensus. Dans les modèles d’équilibre traditionnels (CAPM, APT, ...), une
restriction courante serait de poser :
E [e
αj ] = 0
(19)
Le traditionnel alpha du rendement du titre j, l’écart par rapport à ce consensus, est alors donné par E [e
αj |sj ] et peut être relié au signal perçu par le
gérant de la manière suivante :
αj |sj ] − E [e
αj ]
αj = E [e
cov(e
αj , sej )
[sj − E [e
=
sj ]]
2
σ (e
sj )
La covariance apparaissant dans cette expression peut naturellement être
remplacée en faisant appel à l’identité :
cov(e
αj , sej ) = ρ(e
αj , sej )σ(e
αj )σ(e
sj )
10
(20)
Le alpha peut alors être réécrit :
·
sj ]
sj − E [e
αj , sej )σ(e
αj )
αj = ρ(e
σ(e
sj )
¸
(21)
ρ(e
αj , sej ) est la corrélation qui existe entre l’information du gérant et la composante spécifique du titre. Dans la littérature financière, on l’appelle le coefficient d’information du gérant sur le titre j et on le notera ICj . Sous
l’hypothèse de normalité des variables aléatoires, le terme entre crochets de
l’équation est une variable Sj d’espérance nulle, d’écart-type 1, dont les valeurs sont distribuées pour l’essentiel entre −2 et +2. Cette variable S est
souvent présenté comme le score du signal perçu par le gérant sur le titre j.
Naturellement, si l’on suppose une corrélation positive entre sej et α
e j , plus la
valeur du score Sj du signal perçu est élevée, plus élevée sera la probabilité
d’une valeur effective positive de α
e j . Enfin, le dernier du membre de droite
de l’équation est la volatilité de cette composante spécifique du rendement.
Par conséquent, si l’on cherche à adosser les alphas à des signaux perçus par
les gérants, une relation importante est la relation :
αj = σ(e
αj ) × ICj × Sj
(22)
où le rendement spécifique espéré apparaît comme le produit de la volatilité
spécifique, de la capacité du gérant à prévoir les évolutions, et de la qualité
du signal perçu.
5
Loi Fondamentale de la gestion active
Si l’on suppose que l’on optimise le rendement de la gestion active sous
un critère espérance - variance, alors la fonction objectif s’écrit :5
γ
U = E [e
αp ] − σ 2 (e
αp )
(23)
2
où γ est l’aversion relative à l’égard du risque et :
E [e
αp ] =
J
X
uj E [e
αj ]
j=1
L’hypothèse que les α
e j soient orthogonaux les uns aux autres implique que
2
la variance σ (e
αp ) s’écrit :
2
αp ) =
σ (e
J
X
u2j σ 2 (e
αj )
(24)
j=1
5
Pour soulager les écritures, on n’explicite plus les signaux à partir desquels sont évalués
ces espérances et ces variances.
11
Les conditions de premier de ce problème de maximisation libre d’une fonction strictement concave sont évidemment :
∀j : E [e
αj ] − γuj σ 2 (e
αj ) = 0
L’ “investissement” optimal uj est donc donné par :
uj =
E [e
αj ]
γσ 2 (e
αj )
(25)
Si l’on suppose que l’habileté du gérant soit uniforme à travers les titres
de son univers :
∀j : ICj = IC
(26)
alors le rendement excédentaire corrigé par la volatilité :
αj
= IC × Sj
σ(e
αj )
(27)
Comme Sj est d’espérance 0 et d’écart-type 1, le ratio αj /σ(e
αj ) a les propriétés suivantes :
Propriété 1 Le ratio αj /σ(e
αj ) est d’espérance nulle et d’écart-type IC.
Si l’on revient aux conditions d’optimisation (relation (25)), la substitution à uj de sa valeur optimale dans la variance nous donne :
¶2
J µ
X
E [e
αj ]
αp ) =
σ 2 (e
αj )
σ (e
2 (e
γσ
α
)
j
j=1
¶2
J µ
1 X E [e
αj ]
= 2
γ j=1 σ(e
αj )
2
et donc γ peut donc être lié aux autres variables par la relation :
r
PJ ³ E[hαj ] ´2
j=1
γ=
σ(h
αj )
σ (e
αp )
(28)
Aussi, on peut réécrire la valeur optimale uj :
uj =
σ (e
αp )
E [e
αj ]
r
2
σ (e
αj ) PJ ³ E[hαj ] ´2
j=1
12
σ(h
αj )
(29)
Le terme au dénominateur de la seconde fraction,
r
PJ
j=1
³
E[h
αj ]
σ(h
αj )
´2
, peut
évidemment être interprété comme étant à un facteur près l’écart-type de la
variable E [e
αj ] /σ(e
αj ) :
v
µ
µ
¶ u X
¶2
u1 J
E [e
αj ]
E [e
αj ]
t
σ
=
(30)
σ(e
αj )
J j=1 σ(e
αj )
Cependant, les résultats de la section précédente nous assurent que la valeur de l’écart-type est égal au coefficient d’information IC du gérant. Par
conséquent, on peut réécrire l’équation (29) de la manière suivante :
uj σ(e
αj ) =
αp )
E [e
αj ] σ (e
√
σ(e
αj ) IC J
(31)
Le résultat de cette équation est parfois présentée comme étant l’allocation
αj )) de
optimale des risques. A nouveau si l’on calcule l’écart-type σ (uj σ(e
ces différentes variables uj σ(e
αj ), l’écriture de la relation (31) et la constance
de sa seconde fraction à travers les différents j conduit à :
µ
¶
E [e
αj ]
σ (e
αp )
√
(32)
αj )) = σ
σ (uj σ(e
×
σ(e
αj )
IC J
Cependant la propriété 1 nous donne :
¶
µ
E [e
αj ]
= IC
σ
σ(e
αj )
et donc l’écart-type des allocations des risques est :
σ (e
αp )
σ (uj σ(e
αj )) = √
(33)
J
Cette dernière propriété combinée aux résultats précédents conduit à réécrire
le rendement espéré spécifique du gérant de la manière suivante :
X
uj E [e
αj ]
E [e
αp ] =
j
=
X
j
µ
E [e
αj ]
(uj σ(e
αj ))
σ(e
αj )
¶
αj ))
On peut réécrire cette somme à l’aide de la covariance des variables (uj σ(e
E[h
αj ]
et σ(hαj ) . En effet, comme l’espérance de ce dernier terme est nul, on a :
µ
¶
E [e
αj ]
E [e
αj ]
1X
cov(uj σ(e
αj ),
(uj σ(e
αj ))
)=
σ(e
αj )
J j
σ(e
αj )
13
Par conséquent :
E [e
αj ]
)
σ(e
αj )
Mais l’équation (29) nous assure que les deux variables de la covariance sont
proportionnelles et donc que leur corrélation est unitaire. Par conséquent :
E [e
αj ]
E [e
αj ]
cov(uj σ(e
αj ),
αj )) × σ(
) = σ(uj σ(e
)
(34)
σ(e
αj )
σ(e
αj )
σ(e
αp )
(35)
= √ × IC
J
Aussi on peut réécrire finalement le rendement espéré spécifique du gérant
comme :
√
E [e
αp ] = Jσ(e
αp )IC
αj ),
E [e
αp ] = Jcov(uj σ(e
ou encore en faisant apparaître le ratio d’information, IR - avec :
E [e
αp ]
IR =
σ(e
αp )
on obtient la version simple de la loi fondamentale de la gestion active :
√
IR = IC J
(36)
Propriété 2 Le ratio d’information d’un gérant est donc le produit de la
capacité du gérant à prévoir les rendements spécifiques, le coefficient d’information IC, et de la racine carrée du nombre d’actifs sur lesquels il a pris des
positions :
√
IR = IC J
(37)
√
Dans la littérature J est parfois appelée breadth et son calcul lorsque
l’on rejette certaines hypothèses simplificatrices est beaucoup moins simple
que dans le cas étudié en raison notamment des corrélations qui peuvent
exister entre les signaux ou entre les rendements. Cette loi fondamentale de
la gestion active, due à Richard Grinold [1989] [Gri89], est que pour
dégager un ratio d’information élevé il est nécessaire que le gérant ait une
habileté à prévoir les rendements et qu’il multiplie ses positions.
6
Contraintes de financement et ratios d’information
En pratique, les gérants sont souvent soumis à des contraintes additionnelles, notamment des contraintes de financement, qui les empêchent d’exploiter complètement leurs prévisions. Ces contraintes se traduisant par l’incapacité des gérants d’ajuster immédiatement les allocations des risques à
14
leurs valeurs optimales, données par la relation (31). Ceci revient à conserver
E[h
α ]
αj ), σ(hαjj) ) la corrélation entre les deux variables,
dans l’écriture de la cov(uj σ(e
appelée coefficient de transfert dans la littérature (Clarke et alii
[2002] [CdST02]) et noté T C :
¶
µ
E [e
αj ]
αj ),
T C = corr uj σ(e
σ(e
αj )
Aussi, lorsque le gérant n’est pas capable d’égaliser uj à sa valeur optimale,
la covariance entre l’allocation optimale des risques et les ratios rendement
/ risque des variables spécifiques sont données par :
cov(uj σ(e
αj ),
E [e
αj ]
σ(e
αp )
) = T C √ × IC
σ(e
αj )
J
(38)
Cette modification conduit à réécrire la loi fondamentale sous une forme généralisée due à Clarke et alii [2002] [CdST02] qui intègré via ce coefficient
de transformation les contraintes additionnnelles des gérants :
√
IR = T C × IC J
(39)
Sous cette forme, le ratio d’information du gérant, et donc sa valeur ajoutée,
est la conséquence du jeu combiné de trois facteurs :
— l’habileté du gérant à prévoir les alphas (IC) ;
— les opportunités qu’offre le marché au gérant, la fameuse “breadth”,
mesurée par J dans notre formalisation ;
— enfin la flexibilité dont bénéficie le gérant dans ses investissements,
flexibilité représentée par le coefficient de transfert (T C).
Clarke et alii [2002] [CdST02] ont réalisé des simulations qui illustrent l’importance des contraintes financières. Pour réaliser ces simulations,
le benchmark choisi était le S&P 500. Dans un premier temps, les alphas de
l’univers pris en compte étaient simulés à l’aide de la formule (22) :
αj = IC × σ j × Sj
(40)
La valeur supposée du coefficient d’information était 0.067, ce qui dans un
environnement de 500 titres correspond, selon la formule
de la loi
√ simple
6
fondamentale, à un ratio d’information de 1.50 (= 0.067 500). La tracking
error sélectionné est égale à 5%, une valeur couramment utilisée. Ces deux
6
Par rapport aux données de l’étude de Goodwin [1998] [Goo98] cette valeur correspond approximativement à la valeur maximale de l’échantillon des 220 managers - 1.42
pour la catégorie des obligations privées.
15
Tab. 5 — La performance de la gestion active et les contraintes de financement
TE (%)
sans contraintes
long seulement
long seulement et neutralité par rapport
au marché
turnover 50% au maximum
contraintes combinées
coefficient de
ratio
alpha (%)
transfert
d'information
5
5
0,98
0,58
1,47
0,87
7,3
4,3
5
0,47
0,7
3,5
5
5
0,73
0,31
1,09
0,46
5,5
2,3
paramètres étant fixées, il suffit pour obtenir les alphas que l’on utilise de
simuler 500 scores suivant une loi normale. L’échantillon d’alphas constitué, l’étape suivante est alors de déterminer numériquement les poids actifs
optimaux.7 Grâce à l’absence de contraintes de financement, avec le coefficient d’information supposée, le rendement excédentaire actif engendré est
de 7.3%.
Pour estimer les effets des contraintes de financement, Clarke et alii
[2002] [CdST02] imposent alors des contraintes additionnelles en supposant
successivement :
— le gérant ne peut réaliser de ventes à découvert et doit donc avoir
uniquement des positions d’investissement longues ;
— le gérant ne peut réaliser de ventes à découvert et doit au surplus avoir
un portefeuille neutre par rapport au marché, i.e. avoir un bêta égal à
1;
— le gérant est contraint d’avoir un turnover maximum de 50% sur ses
titres ;
— enfin, le gérant est supposé simulétanement devoir satisfaire la contrainte
des positions longues, de la neutralité par rapport au marché, et d’un
turnover maximum de 50%.
Les résultats obtenus sont reportés dans le tableau 5. L’imposition de la
contrainte longue réduit d’un tiers la performance du gérant que l’on considère son ratio d’information (0.87 contre 1.47) ou son alpha (4.3 contre 7.3).
Une autre conséquence de l’imposition de cette contrainte sur les ventes à
découvert est de réduire considérablement les positions actives négatives. Le
coefficient de transfert mesurant la capacité du gérant à réaliser les investissements actifs optimaux diminue de 40% passant de 0.98 à 0.58. L’addition de
contraintes supplémentaires (la neutralité par rapport au marché, le turnover
7
Les différentes exercices d’optimisation du portefeuille ont été réalisés par Clarke et
alii [2002] [CdST02] en recourant à optimisateur de portefeuille BARRA.
16
maximum) fait encore chuter le coefficient de transformation, le minimum atteint étant de 0.31. La disparition de la flexibilité financière dont témoigne
cette évolution du coefficient de transfert a pour conséquence de réduire le
rendement excédentaire à 2.3% tandis que le ratio d’information tombe à
0.46.
Les résultats de Clarke et alii [2002] [CdST02] illustrent donc l’importance des contraintes de financement dans la performance des gérants, et
les possibilités d’amélioration de ces dernières.
Références
[CdST02] R. Clarke, H. de Silva, and R. Thorley, (2002). Portfolio
constraints and the fundamental law of active management. Financial Analysts Journal, September - October 2002.
[CDSW02] R.G. Clarke, H. De Silva, and B. Wander, (2002). Risk allocation
versus asset allocation. Journal of Portfolio Management, 29(1),
Fall 2002.
[GK00]
R. Grinold and R. Kahn, (2000). Active Portfolio Management.
Irwin, 2ème edition, 2000.
[Goo98]
Th. Goodwin, (1998). The information ratio. Financial Analysts
Journal, July-August 1998.
[Gri89]
R.C. Grinold, (1989). The fundamental law of active management. Journal of Portfolio Management, pages 30—37, Spring
1989.
[Kah99]
R.N. Kahn, (1999). Seven quantitative insights into active management. Barra research insights, 1999.
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