L`action de Factinomycine D sur le pouvoir inducteur

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J. Embryol. exp. Morph. Vol. 23, 2, pp. 473-89, 1970
Printed in Great Britain
473
L'action de Factinomycine D
sur le pouvoir inducteur du nœud de Hensen
et la compétence neurogène de
Fectoblaste de poulet
ParJ. GALLERA 1
Laboratoire d'Embryologie expérimentale, Institut d'Histologie normale et
d'Embryologie générale, Université de Genève
Chez les Bactéries, Factinomycine D se fixe sur l'ADN et empêche la formation de TARN messager, ce qui se traduit presque instantanément (après
quelques minutes au maximum) par le blocage de la synthèse des protéines
spécifiques. L'action de l'actinomycine sur les cellules animales est plus complexe. Employée à doses très faibles, elle semble affecter surtout la formation
de l'ARN messager, mais elle peut aussi agir directement sur les composants
cytoplasmiques. Administrée à une concentration plus forte, elle se révèle
nettement toxique. D'autre part, le cytoplasme des cellules animales contient
toujours un stock important de divers ARN messagers plus ou moins stables
dont l'action ne peut se manifester qu'au moment ou les autres composants
cytoplasmiques atteignent un état déterminé de maturation. Par conséquent,
l'arrêt de la production de l'ARN messager ne se répercute sur la synthèse des
protéines qu'après un délai plus ou moins long. Chez les Oursins, l'actinomycine
n'altère pas le développement embryonnaire jusqu'au stade de la blastula
(Giudice/Mutolo&Donatuti, 1968). Chez les Urodèles (Brächet & Denis, 1963) et
chez la Truite (Hagenmaier, 1969), le développement se poursuit normalement
jusqu'au début de la gastrulation. Selon Flickinger (1963), Heilporn-Pohl
(1964), Leani Collini & Ranzi (1967), l'ARN spécifique de chaque tissu embryonnaire serait synthétisé, chez les Anoures et les Oiseaux, juste avant sa différenciation. Ajoutons encore qu'il est souvent impossible de préciser la nature de
l'ARN dont la synthèse a été inhibée par l'actinomycine (Denis, 1966). Il est
d'ailleurs probable que les anomalies graves résultent d'une action toxique de
cet antibiotique (Harris, 1968). Toutefois, l'emploi d'un matériel, qui se prête
particulièrement bien à l'étude de la synthèse massive des protéines spécifiques,
a permis à Soriano (1968) de démontrer que Pepithélium œsophagien de Souris
cultivé in vitro sur un milieu additionné d'actinomycine D à raison de 0,05
1
Adresse de l'auteur: Laboratoire d'Embryologie expérimentale, 20, rue de l'Ecole de
Médecine, 1211 Genève 4, Switzerland.
474
J. GALLERA
/Ag/ml empêche entièrement la kératinisation, sans que cet epithelium, retransplanté sur le milieu normal après 24 h, montre le moindre signe de dégénérescence et que l'incorporation de leucine tritiée soit diminuée.
L'action de l'actinomycine D sur le développement des embryons de Poulet a
déjà été étudiée par de nombreux auteurs (Pierro, 1961a, b; Klein & Pierro,
1963; Hell, 1964; Heilporn-Pohl, 1964; Wilt, 1965; Leani Collini & Ranzi,
1967). Cependant, le problème de la compétence de l'ectoblaste et du pouvoir
inducteur du nœud de Hensen n'a pas été abordé directement. Le travail
présent a pour but de combler cette lacune, en soumettant séparément ou bien
l'ectoblaste ou bien le nœud de Hensen à l'action de l'actinomycine.
Chez le Pleurodèle une étude similaire a été déjà réalisée par Denis (1963;
1966). Selon cet auteur, cet antibiotique inhibe à la fois la compétence de l'ectoblaste et le pouvoir inducteur de la lèvre blastoporale dorsale, bien que l'affaiblissement du pouvoir inducteur exige une dose d'actinomycine nettement plus
forte.
MATERIEL ET METHODES
Les expériences sont faites sur des blastodermes de White Leghorn cultivés
in vitro selon une variante de technique de New (1955). Une rondelle de la
membrane vitelline, détachée du vitellus avec le blastoderme, est étalée sur un
anneau de verre, de telle sorte que le blastoderme regarde vers le haut. Un
autre anneau de diamètre plus grand est emboîté sur le premier pour tendre la
membrane vitelline et la maintenir. L'ensemble est transporté sur un verre de
montre contenant la solution de Tyrode additionnée d'actinomycine D (Merck
Sharp et Dohme) à raison de 0,05 /*g ml à 0,25 /tg ml. Quelques gouttes de
cette solution sont encore versées sur la face ventrale du germe. Après un laps
de temps déterminé (de 30 à 150 min) chaque blastoderme est lavé soigneusement dans un grand cristallisoir rempli de Tyrode et transporté sur un autre
verre de montre contenant de l'albumen. Toutes les précautions sont prises
pour que la solution d'actinomycine et les blastodermes traitées soient à l'abri
de la lumière.
Dans la première série d'expériences, les blastodermes toujours traités au
stade de la ligne primitive achevée, servent de donneurs. Un greffon pentagonal
(0,4 à 0,6 mm), contenant le nœud de Hensen, est prélevé et transplanté sur
un blastoderme un peu plus jeune (stade 3 ou 3 + , Hamburger & Hamilton,
1951), cultivé dans les conditions normales, c'est à dire sur l'albumen pur. Le
greffon est placé dans une niche pratiquée dans le rempart vitellin en avant du
croissant germinal. Les blastodermes hôtes sont remis dans l'incubateur et
fixés au Bouin 20 à 22 h plus tard.
Dans la deuxième série, nous utilisons le même type de greffon. Le fragment
greffé provient d'un embryon normal. Ce sont les blastodermes hôtes qui sont
traités par l'actinomycine au stade 3 ou 3 + . La greffe est exécutée après ce
traitement.
Afin de choisir une durée de traitement et une concentration adéquates, nous
Actinomycine D et le nœud de Hensen
Al5
avons effectué de nombreuses expériences préliminaires en utilisant l'actinomycine de plus en plus concentrée et en variant aussi bien le temps de son
action que l'âge des embryons soumis à ce traitement (à partir du stade 3 jusqu'au
stade 6). Ces expériences nous ont permis de confirmer les résultats de nos
prédécesseurs et de glaner quelques information nouvelles.
RESULTATS
Chez les Oiseaux, comme chez les autres espèces, une action relativement
courte de l'actinomycine n'influence sensiblement le développement embryonnaire qu'à des doses proches de sa concentration toxique. Par conséquent, de
minimes variations dans la vitalité du germe traité peuvent avoir des conséquences graves, ce qui explique la grande variabilité de la plupart des résultats
obtenus.
Action de Vactinomycine administrée au stade de la formation de la ligne
primitive durant 30 à 150 min. L'actinomycine doit pénétrer très rapidement dans
les cellules embryonnaires. En tout cas, nous n'avons pas remarqué de différences notables en fonction du durée de traitement.
L'actinomycine administrée à raison de 0,05 /*g/ml n'empêche pas, sauf
quelques cas exceptionnels, la formation d'un corps embryonnaire normal, mais
elle exerce déjà une certaine action antimitotique, puisque l'extension périphérique de nos blastodermes est toujours plus ou moins inhibée. En effet, leur
surface ne dépasse jamais 60 % de la surface moyenne des blastodermes de
contrôle.
L'actinomycine à une concentration un peu plus élevée (0,07 /*g/ml) est
toujours toxique. Seulement la moitié des blastodermes traités est parvenue à
constituer un corps embryonnaire, mais déjà plus ou moins désintégré après
20 h d'incubation ultérieure (Fig. 2E).
Le développement des blastodermes, incubés sur l'actinomycine à la concentration de 0,1 /£g/ml, est complètement stoppé, à l'exception pourtant de la
formation des îlots sanguins dont la différenciation s'arrête bientôt.
Action de Vactinomycine sur des blastodermes traités aux stades 5 et 6. A ces
stades, l'ébauche cérébrale est déjà virtuellement induite (Rao, 1968) et les
embryons deviennent moins sensibles à l'action de l'actinomycine. Cet antibiotique, administré durant 30 min à une concentration de 0,1 /tg/ml (dose
nettement toxique pour les embryons plus jeunes), n'agit pratiquement ni sur
le développement de l'embryon, ni sur l'extension périphérique du blastoderme,
alors qu'il suffit de prolonger ce traitement à 2 h pour que tous les embryons
soient gravement lésés. La nette différence des résultats obtenus en fonction de
la durée du traitement (différence qui ne se manifeste pas aux stades plus jeunes)
semble indiquer qu'avec l'âge les cellules embryonnaires deviennent moins
perméables à l'actinomycine.
Les anomalies obtenues concernent surtout, conformément aux observations
de Leani Collini & Ranzi (1967), la partie postérieure de l'embryon (voir Fig.
476
J. GALLERA
100/
Actinomycine D et le nœud de Hensen
Ail
1 A, B). Au moment de la fixation, le corps embryonnaire est en voie de décomposition, toujours plus avancée dans sa région postérieure. Le mesoblaste
axial et paraxial est le plus atteint. Ses cellules sont souvent entièrement désintégrées, ce qui permet à l'endoblaste d'adhérer à l'ectoblaste épaissi et plus ou
moins dégénéré le long de la ligne médiane (Fig. 1 D). A l'exception d'un seul
cas (Fig. 1 E), le cerveau et la partie antérieure de la moelle se sont constitués,
mais au moment de la fixation la paroi des vésicules cérébrales est déjà en
voie de dislocation. Le tronc est toujours raccourci, les somites sont rudimentaires et la moelle se rétrécit progressivement pour disparaître complètement ou,
dans quelques cas, se continuer par une crête ectoblastique formée de cellules
vacuolisees et dégénérées. Cette crête atteint le bourgeon tronco-caudal, pauvre
en cellules, mais toujours ébauché.
FIGURE 1
(A) Vue in toto d'un embryon traité au stade du repli cérébral transverse par
Pactinomycine(0,l /*g/ml) pendant 2 h. Nous voyons que c'est la partie postérieure
de l'embryon qui est la plus touchée. Le tronc est raccourci, rudimentaire et déjà en
état de décomposition partielle.
(B) Cas où le développement de l'embryon a été le plus fortement inhibé par Pactinomycine administrée après la formation du prolongement céphalique.
(C) Puissante induction cérébrale déclenchée par un greffon soumis préalablement à
une concentration létale d'actinomycine. L'orientation du cerveau induit (en haut
de la figure) est opposée à l'axe céphalo-caudal de l'embryon hôte.
(D) Coupe transversale de la région postérieure de l'embryon représenté in toto sur
la Fig. 1 A. Le long de la ligne médiane, l'épiblaste épaissi et dégénéré est en contact
direct avec l'endoblaste. Le mesoblaste axial et paraxial est désintégré.
(E) Coupe transversale pratiquée à la hauteur de la tête de l'embryon reproduit /'//
toto sur la Fig. 1 B. La chorde et l'intestin céphalique sont plus ou moins normalement constitués. Par contre, la plaque cérébrale rudimentaire est en pleine dégénérescence.
(F) Microphotographie in toto d'un blastoderme porteur d'un greffon nodal, soumis
préalablement à une concentration létale d'actinomycine. Ce greffon, mis dans une
ambiance embryonnaire saine, s'est bien développé et a provoqué une belle induction neurale. L'ensemble forme un embryon secondaire presque complet (en haut
et à gauche de notre figure).
(G) Coupe légèrement oblique de la région troncale de l'embryon secondaire
représenté in toto sur la figure précédente. Au-dessus du rempart vitellin on voit la
chorde, l'ébauche neurale induite et un somite rudimentaire.
(H) Le greffon, prélevé sur un blastoderme traité durant 2 h par l'actinomycine à
une concentration 0,25 /*g/ml, s'est cytolysé entièrement, de sorte qu'au moment
de la fixation il n'a laissé aucune trace. Toutefois, il a induit une ébauche neurale
rudimentaire sous laquelle le rempart vitellin s'est reconstitué.
(J) Le greffon traité par l'actinomycine à une concentration encore létale, mais plus
faible (0,1 /*g/ml) est arrivé à se différencier et à déclencher dans l'ectoblaste de
l'hôte la formation d'une gouttière neurale typique. Au-dessous de cette ébauche
neurale induite, on voit des structures fournies par le greffon. Vu leur forme extrêmement irrégulière, la coupe représentée passe par deux régions différentes de l'ébauche
neurale formée par le greffon et par la chorde provenant aussi du matériel greffé.
478
J. GALLERA
L'actinomycine à raison de 0,25 /igjml arrête presque tous les processus
évolutifs, à l'exception de la formation des îlots sanguins qui restent massés et
semblant avoir perdu toute capacité de multiplication et de différenciation. Les
blastodermes sont fortement contractés, les cellules de l'ectoblaste et même
celles du rempart vitellin commencent à se cytolyser et les détritus du rempart
vitellin envahissent l'aire pellucide.
Action de V act'momycine D sur le pouvoir inducteur de la région antérieure de la
ligne primitive. Les embryons donneurs (stade 4 — ) sont soumis pendant 2 h à
l'action de l'actinomycine à une concentration nettement toxique (0,1 à 0,25
/tg/ml). Après ce traitement, la ligne primitive reste parfaitement distinguable,
bien que ses contours s'estompent légèrement. Le greffon, englobant la région
antérieure de la ligne primitive, est alors excisé, lavé soigneusement dans le
Tyrode et transplanté sur l'aire opaque d'un blastoderme plus jeune (stade 3 ou
3 + ), incubé sur l'albumen pur.
Rappelons, en vue d'une comparaison ultérieure, que, dans nos travaux
précédents, des greffons identiques, mais prélevés sur des blastodermes normaux, ont toujours fourni une ébauche neurale rudimentaire, une chorde, du
mésoblaste, segmenté fréquemment en plusieurs paires des somites, et de
l'endoblaste pharyngien. Ces greffons ont toujours déclenché des inductions
cérébrales, tandis que la formation de la moelle n'était constante que, dans les
cas, où la greffe avait été pratiquée sur des blastodermes qui n'avaient pas
encore dépassé le stade 3 (Gallera & Ivanov, 1964).
Les expériences préliminaires, relatées dans ce travail, ont démontré que le
blastoderme au stade de la ligne primitive soumis à l'action de l'actinomycine à
raison de 0,1 /*g/ml, ne peuvent ni s'étaler sur la membrane vitelline, ni constituer un corps embryonnaire. L'actinomycine à une concentration de 0,25
/tg/ml, appliquée aux embryons plus âgés et résistants, arrête presque instantanément le développement embryonnaire et aboutit après 20 h d'incubation à
une cytolyse plus ou moins complète des dérivés axiaux et paraxiaux de la
ligne primitive.
Comme le montre le Tableau 1, nos greffons, transplantés sur des blastodermes sains, se comportent différemment.
Sauf trois cas, parmi les greffons soumis à la plus forte concentration de
l'actinomycine, tous les autres ont pu, au moins partiellement, poursuivre leur
développement. C'est la formation et la différenciation de l'endoblaste pharyngien-qui est la moins touchée, la segmentation du matériel somitique présomptif
est relativement sensible à l'actinomycine, mais, comme le prouve la comparaison avec les prestations des greffons normaux, c'est la différenciation du
neurectoblaste contenu dans le greffon qui est la plus fortement atteinte.
Dans trois cas (dont l'un est représenté sur la Fig. 1 F, G), nos greffons se sont
développés presque parfaitement, mais généralement leur différenciation est
plus ou moins deficiënte: l'ébauche chordale, quand elle existe, est réduite à un
court tronçon, l'ébauche neurale est rudimentaire et de nombreuses cellules du
Actinomycine
D et le nœud de Hensen
479
mésoblaste paraxial sont en train de se cytolyser. Bien que les prestations de nos
greffons soient, dans la majorité des cas, moindres que celles des greffons
normaux, leur 'revitalisation' est évidente. L'ambiance embryonnaire saine
fournit probablement les metabolites nécessaires à la survie de nos greffons et
absorbe partiellement l'actinomycine contenue dans le transplantât. En effet,
dans les cas extrêmes, les bords de la niche pratiquée dans le rempart vitellin,
laquelle contient le greffon, révèlent des signes nets de désintégration et les
Tableau 1
Prestations des greffons
Inductions
1
i
Nombre
Endodes
Actinoblaste
greffons
mycine Nombre désinMésen- pharyn- Ebauche
(/tg/ml) de cas tégrés Chorde Somites chyme
neurale
gien
0,1
11
0,15
0,25
0
6
9
3
9
82%
0
33%
1
16%
5
45%
2
0
-
6
55%
11
100%
0
5
6
83% 100%
3
6*
50% 100%
5
45%
0
0
-
S
Cerveau
Moelle
11
100%
6
100%
9f
100%
3
27%
2
33%
4
44%
* Dans deux de ces cas, il s'agissait d'endoblaste embryonnaire atypique et non différencié.
t Dans trois cas, l'ébauche cérébrale induite est rudimentaire.
mitoses dans l'ectoblaste sus-jacent sont rares et souvent atypiques. Toutefois,
quel que soit l'état de nos greffons, ils ont toujours induit la formation
d'ébauches neurales typiques, lesquelles, dans les cas, où la concentration de
l'actinomycine était de 0,1 /*g/ml, ne cèdent généralement en rien à celles
provoquées par les greffons normaux (Fig. IC, G, I). Les inductions déclenchées par les greffons soumis préalablement à l'actinomycine encore plus
concentrée sont fréquemment plus faibles et leur caractère régional plus
malaisé à définir (Fig. 2B). Cependant, même les greffons qui se sont désintégrés
complètement ont encore induit la différenciation neurale de l'ectoblaste susjacent qui a formé de petites plaquettes neurales, lesquelles, semble-t-il,
n'auraient pas pu accéder à un stade de différenciation plus avancée (Fig. 1 H).
Remarquons cependant que ces greffons dégénérés n'ont pas été rejetés. Nous
avons toujours trouvé un peu de détritus cellulaire amoncelé sous la partie
postérieure, ou plus rarement antérieure, des ébauches induites. Le rempart
vitellin des hôtes, enlevé au niveau du site du greffon, s'est reconstitué pour
recouvrir la face ventrale des structures neurales induites. Au moment de la
fixation, la quantité de détritus cellulaire encore présent est tellement minime
qu'il est légitime de supposer que la majorité des produits provenant de la
décomposition de ces greffons ont été phagocytés par le rempart vitellin et
480
J. GALLERA
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•* - L
>
**^
D
x
I
1
H
,
,
Actinomycine D et le nœud de Hemen
481
qu'une partie de l'actinomycine libérée a plus ou moins intoxiqué l'ectoblaste
sus-jacent.
Les résultats de cette série d'expériences nous permettent de conclure que
l'actinomycine employée à des doses nettement létales n'exerce aucune influence
sur le pouvoir inducteur de la partie antérieure de la ligne primitive. L'affaiblissement des inductions déclenchées par les greffons soumis au traitement le
plus violent, semble être plutôt dû à l'actinomycine qui a diffusée du greffon à
l'ectoblaste sus-jacent.
Action de Vactinomycine D sur la compétence neurogène de l'ectoblaste. Les
blastodermes hôtes au stade 3 ou 3 + sont traités pendant 90 min par l'actinomycine en solution plus ou moins concentrée (de 0,05 à 0,1 /tg/ml). Les greffons
nodaux, prélevés sur des blastodermes normaux, sont transplantés sur les
blastodermes traités.
Le Tableau 2 résume les résultats de cette série d'expériences.
Ce tableau exige de nombreux commentaires. L'actinomycine en solution de
0,05 /Ag/ml n'a jamais empêché la formation d'un corps embryonnaire. En
général, il est un peu plus petit que celui des embryons témoins, mais constitué
normalement. Cependant, dans un quart des cas, son développement s'est
FIGURE
2
(A) Coupe d'une belle induction cérébrale provoquée dans l'ectoblaste de l'hôte
soumis préalablement à l'actinomycine à raison de 0,5 /*g/ml pendant 1 h \.
(B) Un greffon traité préablement par l'actinomycine à une concentration de 0,25
/tg/ml, a pu, après sa transplantation sur un blastoderme sain, former un tronçon
chordal et induire une ébauche neurale typique.
(C) Ce greffon sain, transplanté sur un blastoderme traité par l'actinomycine, a
induit la formation d'une plaque neurale légèrement ondulée. Le greffon, lui-même,
s'est différencié relativement bien. Sous la plaque neurale induite nous voyons une
minuscule gouttière neurale, une chorde et un somite. Toutes ces ébauches ont
été fournies par le greffon.
(D) Le greffon traité par une forte concentration d'actinomycine s'est entièrement
cytolysé. Cependant, avant sa disparition totale, il a provoqué une forte induction
neurale dans l'ectoblaste de l'hôte.
(E) Coupe pratiquée à la hauteur de la plaque cérébrale en état de dégénérescence
avancée d'un embryon hôte soumis à l'action de l'actinomycine au stade 3 + .
(F) Induction d'une plaque neurale (en haut de notre figure), dans l'ectoblaste d'un
blastoderme traité, par un greffon sain.
(G) Le greffon a donné naissance à une plaque neurale (en bas de la figure) plus
puissante que celle induite dans l'ectoblaste du blastoderme hôte traité préalablement par l'actinomycine. Entre ces deux ébauches neurales, on voit la chorde
fournie par le greffon.
(H) Coupe de la plaque neurale d'un blastoderme hôte, porteur d'un greffon qui a
déclenché l'induction neurale représentée sur la Fig. 2 F .
(I) Cette microphotographie concerne le même cas que celui qui est représenté sur
la Fig. 2G. Cette fois-ci, la coupe se rapporte au territoire axial présumé du blastoderme hôte, lequel n'a pas réussi à se différencier.
3i
E M B 23
482
J. GALLERA
arrêté au stade du repli cérébral transverse et, au moment de la fixation, les
structures axiales étaient déjà plus ou moins désintégrées (Fig. 2E).
L'extension périphérique des blastodermes traités par l'actinomycine à
raison de 0,05 /tg/ml est toujours visiblement diminuée, de sorte que leur surface dépasse rarement la moitié de la normale.
Tableau 2
Prestations des greffons
Actinomycine Nombre
(/*g/ml) de cas
0,05
26
0,07
10
0,1
9
Chorde
Somites
Corps de
l'embryon hôte
Absent
EndoPlus
ou déblaste
ou
composé Inducpharyn- Ebauche moins précoce- tions
gien
neurale normal
ment
neurales
24
19
26
19
19
7
26
92%
73%
100%
73%
73%
27%
100%
5
2
10
8
0
10
7
50%
20%
100%
80%
100%
70%
Tous les blastodermes sont contractés et en état de décomposition.
Seuls des amas cellulaires ressemblant aux îlots sanguins sont
encore distinguables. Les greffons se sont détachés des hôtes, de
sorte qu'ils n'ont pas pu déclencher des inductions.
Les greffons, quoique prélevés sur des embryons normaux, sont fortement
affectés par leur transplantation sur des blastodermes exposés préalablement à
l'action de l'actinomycine. Leur elongation est minime, le mesoblaste fourni par
ces greffons n'a pu se différencier que d'une façon très imparfaite et la formation
d'une ébauche neurale rudimentaire aux dépens du neurectoblaste greffé est
également moins fréquente que dans le cas de la transplantation sur des blastodermes sains. Néanmoins, tous ces greffons ont déclenché des inductions
neurales typiques (Fig. 2 A), dont le développement a souvent été inhibé
précocement. Dans ces cas, elles se présentent sous la forme d'une plaquette ou
d'une petite gouttière neurale (Fig. 2F et H).
L'extension périphérique des blastodermes exposés à l'action de l'actinomycine légèrement plus concentrée (0,07 /*g/ml) est le plus souvent entièrement
bloquée. Le corps embryonnaire à peine ébauché est déjà en voie de décomposition. Le rempart vitellin est cytolysé en nombreux endroits. Si ce processus
a débuté autour du greffon, ce dernier se détache du blastoderme sans pouvoir
exercer une action inductrice sur l'ectoblaste sus-jacent (2 cas). Dans un autre
cas, le greffon s'est noyé dans le détritus, provenant du rempart vitellin dégénéré, et il n'a pas pu maintenir le contact avec l'ectoblaste du blastoderme hôte
et réaliser son pouvoir inducteur.
Le développement des greffons de ce groupe d'expériences (à comparer la
Actinomycine
D et le nœud de Hensen
483
première et la deuxième rangée sur le Tableau 2) est encore plus fortement
affecté. Bien qu'ils aient toujours fourni du mésoblaste, ce dernier n'a réussi à
se différencier que dans une moitié des cas. La Fig. 2C concerne le cas, où la
différenciation du greffon a été la plus complète. Il a induit une plaque légèrement plissée, mais dont le caractère est typiquement neural.
La Fig. 2G et I représente un cas particulièrement instructif. Quoique les
structures axiales du blastoderme hôte ne soient pas parvenues à se différencier,
Pectoblaste périphérique a répondu à la présence du greffon en constituant une
belle plaque neurale saine d'aspect, bien que sa différenciation soit retardée par
rapport à la durée d'incubation de cet embryon.
Quant aux nos blastodermes (9) soumis à l'actinomycine à une concentration
de 0,1 /^g/rnl, ils ont tous dégénéré. Leur extension périphérique est non seulement bloquée, mais ils se sont contractés, le rempart vitellin en voie de décomposition a envahi presque entièrement l'aire pellucide et les greffons ont été
rejetés. Au moment de la fixation, l'ectoblaste n'est pas encore complètement
cytolysé. Ses cellules, par suite de la contraction du blastoderme, deviennent
cubiques et leurs noyaux sont ou bien pycnotiques ou bien en état de caryohexis.
Sous cet ectoblaste, on aperçoit des cellules mésoblastiques qui, par endroits, se
rassemblent en amas dont l'aspect rappelle les îlots sanguins tout au début de
leur formation.
L'analyse des expériences de notre deuxième série démontre que dans tous
les cas où l'état du blastoderme hôte, traité préalablement par l'actinomycine, a
permis aux greffons nodaux de maintenir leur contact avec l'ectoblaste, ces
greffons ont déclenché des inductions neurales typiques. Ce phénomène a eu
lieu même dans les cas où le blastoderme hôte n'était pas parvenu à constituer
son ébauche neurale propre. Le développement des ébauches neurales induites
est souvent retardé et même quelques fois arrêté précocement. En conclusion,
l'actinomycine, même employée à des doses létales, ne supprime nullement la
compétence neurogène de l'ectoblaste, mais empêche la différenciation ultérieure des structures induites.
DISCUSSION
L'exposition des blastodermes de Poulet à une courte action de l'actinomycine D, dissoute dans le Tyrode même à des concentrations fortement toxiques,
n'inhibe jamais instantanément et complètement les processus évolutifs. Dans
aucun cas, nous n'avons pu obtenir l'arrêt de la formation des îlots sanguins.
Notons à ce propos que, comme Settle (1954) l'a démontré, les futures cellules
hématopoïtiques sont prédéterminées très tôt, avant l'apparition de la ligne
primitive et elles sont alors localisées dans l'ectoblaste de la région postérieure de
l'aire pellucide. Toutefois, les expériences de Hell (1964) et de Wilt (1965) ont
montré que l'actinomycine, administrée avant le stade 6, contrarie le développement ultérieur des îlots formés et empêche la synthèse d'hémoglobine.
Malgré le lavage soigneux de nos blastodermes et leur transport sur le milieu
31-2
484
J. GALLERA
normal, les effets du traitement par l'actinomycine semblent de prime abord
irréversibles et ne se manifestent qu'après un délai plus ou moins long selon la
dose employée. Rappelons pourtant que l'actinomycine peut aussi agir sur les
composants cytoplasmiques (Goldberg & Rabinovitz, 1962; Caspersson, Färber,
Foley & Killander, 1963; Franklin, 1963; Yaffe & Feldman, 1964; Yaffe &
Fuchs, 1967). Brächet & Ficq (1964), en utilisant l'actinomycine radioactive
[14C], ont montré que, dans les oocytes des Urodèles, elle se combine avec
l'ADN cytoplasmique, dont la majeure partie semble être associée aux plaquettes vitellines. Si le même phénomène a lieu chez les Oiseaux, une quantité
considérable d'actinomycine pourrait s'accumuler dans le rempart vitellin de
nos blastodermes. Cette actinomycine serait progressivement libérée lors de la
digestion des granules vitellins et absorbée par les cellules de l'ectoblaste.
Les transplantations de greffons sains sur des blastodermes traités et vice
versa, montrent clairement que l'action de l'actinomycine est au moins partiellement réversible. Cet antibiotique peut diffuser d'une cellule à l'autre et ce
processus est visiblement soumis à la loi des masses. Ainsi donc, les greffons
traités par des doses nettement létales d'actinomycine peuvent, après leur
transplantation sur un blastoderme sain, se développer presque normalement
et n'affectent qu'à peine l'ectoblaste sus-jacent. Par contre, le développement
des greffons non traités, qui ont été transplantés sur des blastodermes exposés
préalablement à l'action de l'actinomycine, est fortement inhibé, tandis que,
seulement dans quelques cas exceptionnels, les ébauches induites par ces
greffons se sont mieux développées que les structures axiales des hôtes.
Après ces remarques préliminaires, abordons les problèmes que nous nous
sommes proposées d'élucider dans le travail présent.
La première série de nos expériences démontre clairement que l'exposition
de la ligne primitive achevée à l'action, non seulement toxique mais nettement
létale, de l'actinomycine ne détruit nullement son pouvoir inducteur neurogène.
Tous nos greffons, même ceux qui se sont cytolyses entièrement, ont déclenché
des inductions neurales typiques.
Afin de comprendre ce résultat, rappelons quelques données élémentaires. Le
nœud de Hensen tué est encore capable d'induire, au moins dans l'ectoblaste de
l'aire pellucide, la formation d'une ébauche neurale (Waddington, 1932;
Leikola & McCallion, 1968; Viswanath, Leikola & Rostedt, 1968). Comme nous
l'avons démontré (Gallera, Nicolet & Baumann, 1968), les substances inductrices sont diffusibles et peuvent agir à travers un filtre millipore. Leur nature, selon
toute vraisemblance, est protéinique. L'accomplissement de l'action inductrice
exige 4 à 6 h, s'il s'agit de l'ectoblaste de l'aire pellucide (Leikola & McCallion,
1967) et de 6 à 8 h dans le cas, où l'inducteur est appliqué contre l'ectoblaste
de l'aire opaque (Gallera, 1965). Mentionnons encore que le mésoblaste axial,
prélevé au stade du prolongement cephalique, ne possède qu'un faible pouvoir
inducteur (Hara, 1961) qu'il perd d'ailleurs bientôt entièrement au cours de son
développement ultérieur (Gallera, 1966). Il paraît donc fort probable qu'au
Actinomycine
D et le nœud de Hensen
485
stade de la ligne primitive achevée sa région antérieure contient déjà toutes les
substances nécessaires à déclencher l'induction neurale.
L'actinomycine modifie-t-elle les propriétés de ces substances? A la lumière
de nos résultats, cette supposition ne paraît pas plausible. En effet, même nos
greffons, dont les prestations étaient minimes, ont encore provoqué des inductions neurales qui ne cèdent en rien aux normales. Seules les inductions dues
aux greffons entièrement cytolysés ont été plus ou moins affaiblies. Dans
ce cas pourtant, le greffon a dû libérer toute l'actinomycine, dont il avait été
imprégné, et il a pu facilement intoxiquer l'ectoblaste sus-jacent du blastoderme hôte.
Au stade de la ligne primitive moyenne à longue, l'ectoblaste garde encore sa
compétence neurogène maximale. C'est durant cette période du développement
que, dans la deuxième série d'expériences, nous avons soumis nos blastodermes
hôtes à l'action de l'actinomycine, dont la concentration était en général
moindre que dans nos expériences précédentes. Sauf les cas où les blastodermes
ont dégénéré précocement et rejeté les greffons, dans tous les autres cas, nos
greffons, prélevés sur des blastodermes non traités, ont déclenché des inductions
neurales. Quelquefois, ce phénomène a même eu lieu sur des blastodermes qui
avaient déjà perdu toute capacité de différenciation et n'ont pu former leur
ébauche neurale propre. Toutefois, si les structures axiales du blastoderme hôte
n'étaient pas capables de poursuivre leur différenciation, les ébauches neurales
induites par nos greffons n'ont jamais dépassé sensiblement le degré de développement atteint par l'ébauche neurale de l'hôte. Il semble donc que l'actinomycine
n'agit pas sur la compétence de l'ectoblaste. Par contre, elle empêche la cytodifférenciation ultérieure des ébauches neurales induites.
Nos expériences préliminaires, où des blastodermes un peu plus âgés (stade
5 ou 6) ont été exposés à l'action de l'actinomycine et dont l'ébauche cérébrale
avait déjà été virtuellement induite, ont démontré que, un seul cas exceptionnel
mis à part, l'actinomycine n'a pas empêché la formation des vésicules cérébrales
primaires et d'un tronçon médullaire plus ou moins court. Ce n'est qu'à ce
stade qui précède la cytodifférenciation active, que les structures axiales commençaient à se décomposer. Notons encore que l'ébauche médullaire était
toujours la moins développée. La moelle, en s'amincissant progressivement,
n'arrivait jamais à s'étendre jusqu'au niveau du bourgeon tronco-caudal
rudimentaire. N'oublions pas pourtant que le matériel médullaire présomptif
n'occupe qu'une place très restreinte en comparaison à celle du neurectoblaste
cérébral. L'élongation de la moelle n'est donc possible qu'à la condition que
ses cellules se divisent rapidement. Or, nos expériences ont révélé que l'actinomycine employée à une concentration qui n'empêche pas en général la formation du corps embryonnaire normal, inhibe toujours plus ou moins fortement
l'extension périphérique du blastoderme traité. Elle agit donc comme une
substance nettement antimitotique. Toutefois, si, selon l'avis couramment
admis, l'actinomycine D agit plus précocement et plus fortement sur la synthèse
486
J. GALLERA
de l'ARN messager que sur celle de l'ADN, on peut dès lors supposer qu'aux
doses où l'actinomycine a réussi à inhiber l'extension périphérique du blastoderme, sans empêcher l'induction neurale, ces doses étaient suffisantes pour
bloquer presque complètement la synthèse de l'ARN messager. Par conséquent,
les metabolites responsables de la compétence neurogène de l'ectoblaste devaient être déjà présents dans le cytoplasme de nos blastodermes avant que
nous les ayons exposés à l'actinomycine.
Quelques résultats expérimentaux acquis précédemment méritent d'être
signalés. Si le greffon inducteur est appliqué contre l'ectoblaste d'un blastoderme suffisamment jeune, l'action inductrice peut être interrompue plusieurs
heures avant la formation d'une ébauche neurale induite virtuellement (Gallera,
1965), laquelle apparaît toujours au même moment que la plaque neurale de
l'embryon hôte (Gallera, 1968). Le délai entre le temps de l'action inductrice et
sa manifestation extérieure doit être dû ou bien à quelque mécanisme inhibiteur
inconnu, ou bien il faut admettre que l'ectoblaste doit subir quelques modifications progressives qui le rendrait apte à réagir aux substances inductrices
déjà présentes dans ses cellules. Quoi qu'il en soit, nos expériences n'apportent
aucune preuve que l'actinomycine exerce une influence quelconque sur le
développement intrinsèque de l'ectoblaste jeune.
Pour clore cette discussion rappelons les résultats que Denis (1963, 1966) a
obtenu chez les Amphibiens à la suite d'expériences similaires aux nôtres. Il a
aussi constaté que l'actinomycine D agit plus fortement sur la formation et le
développement ultérieur d'une ébauche neurale que sur le pouvoir inducteur de
la lèvre blastoporale dorsale, à laquelle, sous quelques réserves, peut être
comparé le nœud de Hensen des Oiseaux. Toutefois, vu la différence du
matériel expérimental employé, la confrontation de nos résultats s'avère
difficile. Nos greffons, soumis à l'action de l'actinomycine suffisamment forte
pour provoquer leur cytolyse complète, ne perdent nullement leur pouvoir
inducteur. En revanche, Denis a pu, en fonction de la durée d'action de l'actinomycine, ou bien supprimer totalement le pouvoir inducteur de la lèvre blastoporale ou bien l'affaiblir progressivement.
Dans 80 % des cas, la lèvre blastoporale saine mise en sandwich entre deux
fragments d'ectoblaste traité préalablement par l'actinomycine, n'a suscité
aucun signe de neuralisation, bien que plusieurs de ces sandwiches aient survécu pendant deux jours et le nombre des cellules dégénérées fût minime. Dans
nos expériences, au contraire, tous les blastodermes qui ne se sont pas désintégrés rapidement après leur exposition à l'actinomycine, ont formé des
ébauches neurales sous l'action d'un greffon sain. Il semble donc que chez les
Amphibiens l'actinomycine influence le processus de l'induction neurale plus
directement que chez les Oiseaux. Il est possible que la différence entre nos
résultats soit due d'une part au fait que l'induction neurogène est particulièrement précoce chez les Oiseaux, et d'autre part que le substratum inducteur des
Amphibiens garde beaucoup plus longtemps sa capacité d'induire.
Actinomycine
D et le nœud de Hensen
487
RESUME
Nos expériences sont effectuées sur de jeunes blastodermes de Poulet cultivés in vitro selon la technique de New légèrement modifiée afin de faciliter le
transport des blastodermes d'un milieu à un autre.
Les blastodermes sont exposés pendant un laps de temps relativement court
(30 min à 150 min) à l'action de l'actinomycine D, dissoute dans le Tyrode à une
concentration allant de 0,05 à 0,25 /*g/ml.
Dans la première série d'expériences, les greffons nodaux, prélevés sur des
blastodermes traités sont transplantés sur l'aire opaque de blastoderme cultivés normalement. Tous ces greffons, même ceux qui sont ultérieurement
cytolysés, ont déclenché des inductions neurales typiques.
Dans la deuxième série d'expériences, les blastodermes hôtes ont été traités
par l'actinomycine. Si son action n'était pas suffisamment forte pour provoquer
la désintégration rapide des blastodermes, nos greffons sains ont toujours
induit la formation d'ébauches neurales qui n'arrivent pas à poursuivre leur
différenciation, si le blastoderme hôte était fortement atteint. L'actinomycine, à
des doses efficientes, exerce toujours une action antimitotique et inhibe en
premier lieu l'extension périphérique du blastoderme. Pour arrêter le développement des structures axiales, il est nécessaire d'utiliser une plus forte concentration de cet antibiotique.
La discussion de nos résultats nous a amené à conclure que chez les Oiseaux
aussi bien les metabolites responsables de la compétence de l'ectoblaste que les
substances inductrices doivent se trouver déjà dans le cytoplasme avant le
moment, où nous avons soumis les blastodermes à l'actinomycine. Par conséquent, chez les Oiseaux, l'induction neurogène ne semble pas être liée à une
synthèse d'ARN messager qui aurait lieu après notre traitement par l'actinomycine.
SUMMARY
The action of actinomycin D on the inductive capacity of Hensen1 s node
and the neuraiization of chick ectoderm
Experiments were made on chick blastoderms, cultured in vitro according to
New's technique, slightly modified in order to transfer blastoderms easily from
one medium to another.
The embryos were exposed to a short treatment with actinomycin D (30150 min). The actinomycin was dissolved in Tyrode, at concentrations ranging
from 005 to 0-25 figjmX.
In the first series of experiments, the Hensen's node of treated embryos was
excised and transplanted into the area opaca of untreated blastoderms. Although
the actinomycin sometimes caused cytolysis of the graft, neural structures were
induced in all cases.
In the second series of experiments, normal grafts of Hensen's node were put
488
J. GALLERA
in the area opaca of treated hosts. They always elicited neural induction, except
when the host blastoderms disintegrated precociously. However, these neural
inductions were rapidly arrested in their differentiation if the development of the
host was strongly inhibited. Even at the lowest active dose, the actinomycin
showed antimitotic properties. In the first place the peripheral expansion of
blastoderms was reduced; only at higher doses was the development of axial
structures actually inhibited.
From our results, we have concluded that, in birds, the actinomycin does not
affect the synthesis of metabolites necessary for the first steps of the ectoderm
neuralization, nor the production of the inductive substances. It seems, on the
other hand, very likely that these cellular compounds were already present in the
cytoplasm at the stage when our embryos were treated with actinomycin. Therefore, in birds the induction processes are not dependent on the synthesis of new
messenger RNA(s) after the primitive streak stages.
Ce travail a bénéficié de l'appui du Fonds national suisse de la Recherche
scientifique, auquel nous exprimons ici notre vive gratitude.
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