2002/2
Bulletin des
assureurs Vie destiné
aux médecins suisses
Maladies psychiques
Schweizerischer Versicherungsverband
Association Suisse d’Assurances
Associazione Svizzera d’Assicurazioni
Supplément du Bulletin des médecins suisses
No 51/52, 18 décembre 2002
Sommaire
2
Dr méd. Roland von Känel
Classification actuelle
des troubles mentaux 4
Dr méd. Francesca C. Steinmann
La psychiatrie à titre
de spécialité médicale 20
Karl Groner
Maladies psychiques du point
de vue de l’assureur privé 36
Dr Jakob Bösch, Petra Wildemann
La réintégration des malades
psychiques dans le monde
du travail 46
Editeur ASA Association Suisse
d’Assurances
19411998 édité par les assureurs Vie
La commission responsable de la parution
du «Bulletin» se compose comme suit:
Josef Kreienbühl, PAX, président
Karl Ehrenbaum, Zurich
Dr méd. Thomas Mall, Bâloise
Dr méd. Jan von Overbeck, Swiss Re
Dr méd. Walter Sollberger, Bernoise
Peter Suter, Winterthur
Dr méd. André Weissen, PAX
Rédaction Jörg Kistler, dr phil.
C.-F.-Meyer-Strasse 14
8022 Zurich, Téléphone 01-208 28 28
E-mail joerg.kistler@svv.ch
Imprimerie Dürrenmatt Druck AG
3074 Muri-Berne
Tirage 5500 exemplaires
3
Editorial
Chère lectrice, cher lecteur,
Un tiers environ des bénéficiaires de rentes AI souffrent des suites de mala-
dies psychiques.
Dans son article, Karl Groner montre comment les sociétés d’assurances
privées traitent cette problématique et donne des explications sur l’examen
des propositions ainsi que sur l’évaluation du risque décès et vie.
Mais que sont véritablement les maladies psychiques et comment les recon-
naît-on? Madame Steinmann décrit en détail quels sont les amalgames hâti-
vement faits au sujet de la psychiatrie. Elle décrit les méthodes de traitement
et présente les approches de la recherche. Ainsi, de grands efforts sont
consacrés à l’heure actuelle dans la recherche psychiatrique pour analyser
les mécanismes biologiques à la base des maladies psychiques et pour étu-
dier l’efficacité des diverses méthodes thérapeutiques.
Le docteur von Kaenel donne un exposé de la classification moderne des
maladies psychiques. Il met l’accent dans son article sur le fait qu’à peu près
la moitié des troubles psychiques ne sont pas reconnus dans l’approvision-
nement médical de base. Ceci est grave car sans diagnostic correct, une thé-
rapie appropriée n’est pas possible.
Qu’est-ce qui peut être entrepris pour empêcher les stigmatisations men-
tionnées que subissent les malades psychiques et pour maîtriser les charges
sans cesse croissantes liées à l’assurance incapacité de gain? Petra Wilde-
mann et le docteur Jakob Bösch démontrent que grâce à une reconnaissance
précoce du problème, des possibilités prometteuses permettent à l’intéressé
de se prévenir d’une exclusion du cercle social en empêchant que ses souf-
frances ne deviennent chroniques.
Chère lectrice, cher lecteur, témoigner de compréhension pour les malades
et engager à temps un traitement médical sur mesure pour adresser le pro-
blème est une chose. Mais la société doit également faire davantage pour
réinsérer les malades dans le monde du travail. Dans l’intérêt du malade,
mais aussi dans l’intérêt bien compris de la collectivité qui ne peut simple-
ment assister sans rien faire à la croissance continue des coûts occasionnés
par les maladies psychiques.
Jörg Kistler, dr phil.
4
Dr méd. Roland von Känel,
FMH Médecine interne,
Médecine psychosomatique
et psychosociale (APPM),
Département de Médecine
psychosomatique,
Zürcher Höhenklinik Davos
sence d’un tableau clinique complet
de trouble somatoforme. Le diagnos-
tic d’un trouble douloureux somato-
forme, comme celui des états de stress
et des troubles de l’adaptation, repose
sur la mise en évidence d’une étiologie
psychosociale dont les problèmes
peuvent être codés avec la CIM-10.
Selon leur date de survenue et leur
durée, les états de stress et les trou-
bles de l’adaptation sont classés en
réaction aiguë à un facteur de stress,
état de stress post-traumatique et
troubles de l’adaptation. Il n’est pas
rare non plus que les médecins géné-
ralistes soient face à des neurasthé-
nies, à des troubles liés à l’abus
d’alcoolet à des troubles de la person-
nalité.
Introduction
L’objectif de cet article est de fournir
une vue d’ensemble de la classifica-
tion des troubles mentaux d’après les
critères cliniques et diagnostiques de
la Classification internationale des
maladies (CIM-10) de l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS). La ver-
sion française de la CIM-10 est dispo-
nible auprès de l’OMS à Genève. On
peut discuter de l’utilité d’une appro-
che descriptive du diagnostic des trou-
bles mentaux selon une classification
comme la CIM-10 en pratique clinique
Résumé
La médecine de premier recours est
fréquemment confrontée à des pa-
tients présentant des troubles men-
taux non reconnus comme tels dans la
moitié des cas environ. Or, de la jus-
tesse du diagnostic dépend la spécifi-
cité d’un traitement susceptible de
soulager les maux dont souffre le pa-
tient. Cet article présente une classifi-
cation simplifiée, d’après la CIM-10,
pour les troubles mentaux fréquem-
ment rencontrés en médecine de pre-
mier recours.
Les dépressions sont répertoriées en
fonction de leur apparition dans le
temps (épisode isolé, récurrent, trou-
ble persistant) et de leur degré de gra-
vité (léger, moyen, sévère). Les trou-
bles anxieux sont subdivisés comme
suit : les phobies, dont l’agoraphobie,
la phobie sociale et les phobies iso-
lées, ainsi que les autres troubles
anxieux auxquels se rattachent le
trouble panique et l’anxiété générali-
sée. Dans les troubles somatoformes
on distingue les troubles plutôt en rap-
port avec le système nerveux auto-
nome, tels les dysfonctionnements
neurovégétatifs somatoformes, et les
troubles se manifestant plutôt par des
douleurs dans le syndrome doulou-
reux somatoforme persistant. Il est
relativement rare de se trouver en pré-
Classification actuelle
des troubles mentaux
5
dans sa pratique quotidienne, car ils
permettent d’opérer rapidement un tri
entre les différentes catégories de
troubles mentaux et, partant, de pren-
dre les mesures thérapeutiques spéci-
fiques qui s’imposent. Il est également
utile de savoir que l’incidence des
dépressions augmente avec l’âge et
qu’elles sont deux fois plus fréquentes
chez les femmes que chez les hom-
mes, par exemple, mais ces notions
complémentaires ne peuvent pas être
développées dans le cadre de cet
article.
Par ailleurs, l’évolution des coûts dans
le système de santé, accroît l’impor-
tance d’un langage commun entre les
différents partenaires lorsqu’il s’agit
de maladies précises et des presta-
tions fournies et exigées dans un tel
cas. Ainsi le collaborateur d’une com-
pagnie d’assurances aura des difficul-
tés bien compréhensibles à se repré-
senter concrètement une «dépression
d’épuisement dans un contexte de
stress psychosocial» alors qu’une
définition précise du type «trouble de
l’adaptation avec réaction dépressive
prolongée (CIM-10 F43.21) après dé-
cès du conjoint (CIM-10 Z63.4)» lui
faciliterait grandement la tâche. Les
malentendus qui s’ensuivent peuvent
avoir une incidence sur les modalités
de remboursement d’une psychothé-
quotidienne mais il est indéniable que,
comme les atteintes somatiques, les
troubles mentaux ne peuvent être trai-
tés selon les règles de l’art que s’ils
sont reconnus et diagnostiqués com-
me tels. La réalité d’un trouble mental
étant préexistante à son diagnostic, ce
dernier repose sur différents syndro-
mes, c’est-à-dire sur un nombre précis
de symptômes discriminants dont la
présence permet de caractériser le
trouble dont il s’agit. Ni les tests biolo-
giques, ni les techniques d’imagerie
ne permettent de confirmer un dia-
gnostic de trouble mental, c’est pour-
quoi la relation médecin-patient et
l’anamnèse revêtent une importance
particulière.
Comme on le verra dans la suite, les
troubles mentaux ne sont pas encore
suffisamment dépistés ni traités en
médecine générale, alors qu’à l’évi-
dence les conséquences psychiques,
sociales et somatiques en sont impor-
tantes en termes de perte de qualité
de vie et d’augmentation de la morbi-
dité et de la mortalité. Il faut souligner
à cet égard que les répercussions des
troubles mentaux sur la santé sont
nombreuses et comparables à celles
d’une atteinte somatique. Les critères
diagnostiques de la CIM-10 ont un
avantage certain, compte tenu du peu
de temps dont dispose le médecin
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