2002/2 Bulletin des assureurs Vie destiné aux médecins suisses Maladies psychiques Supplément du Bulletin des médecins suisses No 51/52, 18 décembre 2002 Schweizerischer Versicherungsverband Association Suisse d’Assurances Associazione Svizzera d’Assicurazioni 2 Sommaire Editeur ASA Association Suisse d’Assurances Dr méd. Roland von Känel Classification actuelle des troubles mentaux 4 1941 – 1998 édité par les assureurs Vie La commission responsable de la parution du «Bulletin» se compose comme suit: Dr méd. Francesca C. Steinmann La psychiatrie à titre de spécialité médicale 20 Karl Groner Maladies psychiques du point de vue de l’assureur privé 36 Dr Jakob Bösch, Petra Wildemann La réintégration des malades psychiques dans le monde du travail 46 • Josef Kreienbühl, PAX, président • Karl Ehrenbaum, Zurich • Dr méd. Thomas Mall, Bâloise • Dr méd. Jan von Overbeck, Swiss Re • Dr méd. Walter Sollberger, Bernoise • Peter Suter, Winterthur • Dr méd. André Weissen, PAX Rédaction Jörg Kistler, dr phil. C.-F.-Meyer-Strasse 14 8022 Zurich, Téléphone 01-208 28 28 E-mail [email protected] Imprimerie Dürrenmatt Druck AG 3074 Muri-Berne Tirage 5500 exemplaires 3 Editorial Chère lectrice, cher lecteur, Un tiers environ des bénéficiaires de rentes AI souffrent des suites de maladies psychiques. Dans son article, Karl Groner montre comment les sociétés d’assurances privées traitent cette problématique et donne des explications sur l’examen des propositions ainsi que sur l’évaluation du risque décès et vie. Mais que sont véritablement les maladies psychiques et comment les reconnaît-on? Madame Steinmann décrit en détail quels sont les amalgames hâtivement faits au sujet de la psychiatrie. Elle décrit les méthodes de traitement et présente les approches de la recherche. Ainsi, de grands efforts sont consacrés à l’heure actuelle dans la recherche psychiatrique pour analyser les mécanismes biologiques à la base des maladies psychiques et pour étudier l’efficacité des diverses méthodes thérapeutiques. Le docteur von Kaenel donne un exposé de la classification moderne des maladies psychiques. Il met l’accent dans son article sur le fait qu’à peu près la moitié des troubles psychiques ne sont pas reconnus dans l’approvisionnement médical de base. Ceci est grave car sans diagnostic correct, une thérapie appropriée n’est pas possible. Qu’est-ce qui peut être entrepris pour empêcher les stigmatisations mentionnées que subissent les malades psychiques et pour maîtriser les charges sans cesse croissantes liées à l’assurance incapacité de gain? Petra Wildemann et le docteur Jakob Bösch démontrent que grâce à une reconnaissance précoce du problème, des possibilités prometteuses permettent à l’intéressé de se prévenir d’une exclusion du cercle social en empêchant que ses souffrances ne deviennent chroniques. Chère lectrice, cher lecteur, témoigner de compréhension pour les malades et engager à temps un traitement médical sur mesure pour adresser le problème est une chose. Mais la société doit également faire davantage pour réinsérer les malades dans le monde du travail. Dans l’intérêt du malade, mais aussi dans l’intérêt bien compris de la collectivité qui ne peut simplement assister sans rien faire à la croissance continue des coûts occasionnés par les maladies psychiques. Jörg Kistler, dr phil. 4 Classification actuelle des troubles mentaux Dr méd. Roland von Känel, FMH Médecine interne, Médecine psychosomatique et psychosociale (APPM), Département de Médecine psychosomatique, Zürcher Höhenklinik Davos Résumé La médecine de premier recours est fréquemment confrontée à des patients présentant des troubles mentaux non reconnus comme tels dans la moitié des cas environ. Or, de la justesse du diagnostic dépend la spécificité d’un traitement susceptible de soulager les maux dont souffre le patient. Cet article présente une classification simplifiée, d’après la CIM-10, pour les troubles mentaux fréquemment rencontrés en médecine de premier recours. Les dépressions sont répertoriées en fonction de leur apparition dans le temps (épisode isolé, récurrent, trouble persistant) et de leur degré de gravité (léger, moyen, sévère). Les troubles anxieux sont subdivisés comme suit : les phobies, dont l’agoraphobie, la phobie sociale et les phobies isolées, ainsi que les autres troubles anxieux auxquels se rattachent le trouble panique et l’anxiété généralisée. Dans les troubles somatoformes on distingue les troubles plutôt en rapport avec le système nerveux autonome, tels les dysfonctionnements neurovégétatifs somatoformes, et les troubles se manifestant plutôt par des douleurs dans le syndrome douloureux somatoforme persistant. Il est relativement rare de se trouver en pré- sence d’un tableau clinique complet de trouble somatoforme. Le diagnostic d’un trouble douloureux somatoforme, comme celui des états de stress et des troubles de l’adaptation, repose sur la mise en évidence d’une étiologie psychosociale dont les problèmes peuvent être codés avec la CIM-10. Selon leur date de survenue et leur durée, les états de stress et les troubles de l’adaptation sont classés en réaction aiguë à un facteur de stress, état de stress post-traumatique et troubles de l’adaptation. Il n’est pas rare non plus que les médecins généralistes soient face à des neurasthénies, à des troubles liés à l’abus d’alcool et à des troubles de la personnalité. Introduction L’objectif de cet article est de fournir une vue d’ensemble de la classification des troubles mentaux d’après les critères cliniques et diagnostiques de la Classification internationale des maladies (CIM-10) de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). La version française de la CIM-10 est disponible auprès de l’OMS à Genève. On peut discuter de l’utilité d’une approche descriptive du diagnostic des troubles mentaux selon une classification comme la CIM-10 en pratique clinique 5 quotidienne mais il est indéniable que, comme les atteintes somatiques, les troubles mentaux ne peuvent être traités selon les règles de l’art que s’ils sont reconnus et diagnostiqués comme tels. La réalité d’un trouble mental étant préexistante à son diagnostic, ce dernier repose sur différents syndromes, c’est-à-dire sur un nombre précis de symptômes discriminants dont la présence permet de caractériser le trouble dont il s’agit. Ni les tests biologiques, ni les techniques d’imagerie ne permettent de confirmer un diagnostic de trouble mental, c’est pourquoi la relation médecin-patient et l’anamnèse revêtent une importance particulière. Comme on le verra dans la suite, les troubles mentaux ne sont pas encore suffisamment dépistés ni traités en médecine générale, alors qu’à l’évidence les conséquences psychiques, sociales et somatiques en sont importantes en termes de perte de qualité de vie et d’augmentation de la morbidité et de la mortalité. Il faut souligner à cet égard que les répercussions des troubles mentaux sur la santé sont nombreuses et comparables à celles d’une atteinte somatique. Les critères diagnostiques de la CIM-10 ont un avantage certain, compte tenu du peu de temps dont dispose le médecin dans sa pratique quotidienne, car ils permettent d’opérer rapidement un tri entre les différentes catégories de troubles mentaux et, partant, de prendre les mesures thérapeutiques spécifiques qui s’imposent. Il est également utile de savoir que l’incidence des dépressions augmente avec l’âge et qu’elles sont deux fois plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes, par exemple, mais ces notions complémentaires ne peuvent pas être développées dans le cadre de cet article. Par ailleurs, l’évolution des coûts dans le système de santé, accroît l’importance d’un langage commun entre les différents partenaires lorsqu’il s’agit de maladies précises et des prestations fournies et exigées dans un tel cas. Ainsi le collaborateur d’une compagnie d’assurances aura des difficultés bien compréhensibles à se représenter concrètement une «dépression d’épuisement dans un contexte de stress psychosocial» alors qu’une définition précise du type «trouble de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée (CIM-10 F43.21) après décès du conjoint (CIM-10 Z63.4)» lui faciliterait grandement la tâche. Les malentendus qui s’ensuivent peuvent avoir une incidence sur les modalités de remboursement d’une psychothé- 6 rapie ambulatoire ou d’un séjour de réhabilitation à l’hôpital, alors que la souffrance subjective et les manifestations objectives d’un deuil prolongé avec somatisation sont les mêmes, quelle que soit la formulation du diagnostic. Troubles mentaux en médecine de premier recours Les études épidémiologiques conduites par le groupe de Wittchen au Max Planck Institut de Munich sur la prévalence des troubles mentaux dans les consultations de médecine de premier recours (primary care), mettent l’accent sur l’importance d’une méthodologie scrupuleuse et rigoureuse dans le diagnostic des troubles mentaux. Ces études ont porté sur plus de 20 000 patients et ont montré, d’une part, que chez les patients ayant consulté un généraliste et présentant des troubles mentaux correspondant aux catégories de la CIM-10, seuls un peu plus de la moitié de ces troubles ont été reconnus comme tels et d’autre part, qu’une dépression a été diagnostiquée à tort chez plus d’un patient sur dix. Dans trois quarts des cas, la présence de problèmes sociaux (famille, profession) revêt une importance clinique chez des patients dont les troubles mentaux ont été définis et il n’est possible d’agir positivement sur une telle situation que si elle est mise en évidence. Un traitement consécutif à une erreur de diagnostic peut avoir des effets indésirables avec d’éventuelles répercussions délétères sur l’état de santé du patient (troubles du rythme avec les antidépresseurs tricycliques, dyskinésies avec les neuroleptiques). Le cas le plus fréquent, en médecine de premier recours, n’est cependant pas l’erreur de diagnostic mais son absence et donc celle d’un traitement spécifique, que ce soit par des psychotropes ou d’autres interventions psychothérapeutiques. Encore moins fréquente, en proportion, est la mise en évidence des formes dites subcliniques des troubles mentaux où le nombre des symptômes est insuffisant pour qualifier un trouble réellement constitué. Même s’ils ne se présentent pas sous la forme d’un syndrome, ces troubles n’en ont pas moins une signification clinique. Ainsi, une corrélation a été établie à plusieurs reprises entre la gravité d’un état dépressif et le risque d’infarctus du myocarde (IDM), lors d’un suivi sur plusieurs années. Il apparaît clairement dès lors à quel point il est important de diagnostiquer et de traiter à temps les dépressions, qu’elles soient 7 cliniquement manifestes ou non, pour améliorer les fonctions psychiques et relationnelles mais aussi pour influer favorablement sur la morbidité somatique et la mortalité. Un quart des patients qui survivent à un IDM, présentent un «trouble dépressif majeur» au décours de cet accident. Ceci démontre que la prévalence d’un trouble dépressif majeur est environ trois fois supérieure, chez ce type de patients, à celle observée dans la population générale. Une dépression n’est cependant diagnostiquée que chez un patient cardiaque sur quatre et un traitement par un antidépresseur et/ou une psychothérapie ne sera prescrit que dans cas un sur deux. Il en ressort qu’un patient déprimé ayant subi un IDM n’a que 1 chance sur 10 de recevoir un traitement antidépresseur susceptible d’avoir un effet bénéfique sur sa survie. Classification des troubles mentaux Il n’est pas possible de traiter de l’ensemble des troubles mentaux selon la CIM-10 dans cet article. Il ne faut pas non plus que la subdivision des différents groupes d’affections paraisse trop complexe et aille à l’encontre du but recherché, à savoir montrer l’utilité d’une telle classification pour la pratique quotidienne. Selon les types de population, environ 10 à 20% des patients qui consultent un généraliste présentent des troubles mentaux au sens de la CIM-10 et des troubles mentaux subsyndromiques existent chez un pourcentage équivalent. Il est très important de savoir que ce sont rarement des symptômes psychiques qui amènent le patient à consulter son généraliste mais le plus souvent des plaintes de nature somatique comme des douleurs, une fatigue ou des troubles du sommeil. Les symptomatologies cliniques les plus fréquentes sont des épisodes dépressifs, une anxiété généralisée, un trouble somatoforme, une neurasthénie et une dépendance à l’alcool. Il faut cependant rappeler que les troubles mentaux s’accompagnent d’une morbidité importante. D’une manière générale, on observe que chez trois patients sur cinq atteints d’une dépression cliniquement manifeste, il est possible de diagnostiquer au moins un autre trouble psychique. Ainsi la concomitance de troubles dépressifs et anxieux constitue plutôt la règle que l’exception. La forte comorbidité dans les troubles mentaux reste un sujet de débat entre experts pour savoir s’il faut coder le diagnostic de trouble dépressif et 8 celui de trouble anxieux en deux affections distinctes: «trouble dépressif, épisode isolé (CIM-10 F32)» et «autres troubles anxieux (CIM-10 F41)» ou les coder ensemble sous «trouble anxieux et dépressif mixte (CIM-10 F41.2)». En pratique quotidienne, on recommande d’avoir recours à la première méthode, c’est-à-dire de délimiter autant que possible les différents troubles les uns des autres et de poser un diagnostic principal selon la CIM-10 et un/des diagnostic(s) annexe(s) de comorbidité. En cas de doute, il est souhaitable de faire appel à un confrère spécialiste. Dans tous les cas de figure, il faut essayer de déterminer par l’anamnèse lequel des troubles est apparu en premier. Chez des patients présentant une dépression associée à des troubles douloureux somatoformes, il n’est pas rare en effet de trouver un trouble de l’adaptation post-traumatique préexistant, remontant à un vécu traumatisant de l’enfance, et qui peut être la clé du succès thérapeutique. ble dépressif (trouble affectif bipolaire F31) sont assez rarement observés en médecine de premier recours, c’est pourquoi nous limiterons notre propos aux catégories suivantes: épisode dépressif isolé (F32), trouble dépressif récurrent (F33) et troubles de l’humeur (affectifs) persistants (F34). Dans l’anamnèse, il est toujours bon de demander au patient d’humeur dépressive s’il y a eu des phases dans sa vie où lui ou son entourage a eu l’impression qu’il était d’une humeur anormalement enjouée ou qu’il était exalté, voire euphorique, pour débusquer un trouble bipolaire II (épisodes dépressifs associés à des états hypomaniaques) qui doit recevoir un traitement différent de celui d’un trouble dépressif pur, c’est-à-dire unipolaire. Nous ne nous attarderons pas ici sur des symptômes psychotiques comme les idées délirantes et les hallucinations que l’on observe parfois dans la dépression grave (F32.3) car les manifestations psychotiques sont du ressort du psychiatre. Troubles dépressifs Les troubles dépressifs font partie des troubles affectifs ou de l’humeur (CIM10 F30-F39). Les épisodes maniaques ou hypomaniaques isolés (épisode maniaque F30) ou associés à un trou- Episodes dépressifs selon la CIM-10 F32 Il s’agit d’un état dépressif permanent ayant duré au moins deux semaines et qui a pris des proportions franchement anormales pour la personne 9 concernée, la plupart du temps au cours de la journée, presque tous les jours, et sur lequel les circonstances extérieures n’ont pratiquement aucune influence. Par principe, il ne faut faire appel à la notion d’«épisode dépressif» que pour un épisode isolé. Les épisodes dépressifs répétitifs doivent être diagnostiqués comme trouble dépressif récurrent en relation avec le type d’épisode présent (voir ci-dessous). Les dix symptômes du tableau 1 devront être systématiquement recherchés pour déterminer le degré de sévérité de l’épisode dépressif (tableau 2). Le diagnostic d’un épisode dépressif repose sur la présence d’au moins deux des 3 premiers symptômes. Un seul symptôme parmi les trois premiers, ne suffit pas pour poser un diagnostic de dépression au sens strict. On peut cependant parler d’une dépression subsyndromique, que l’on codera de préférence sous «autres épisodes dépressifs (F32.8)» ou sous «dysthymie (F34.1, voir ci-dessous)» si elle perdure assez longtemps. Si un état d’agitation ou de ralentissement (psychomoteur) particulier empêche le patient de décrire les symptômes en détail, on peut alors conclure globalement à un épisode dépressif sévère. L’apparition de symptômes déterminés ayant une signification clinique en cours d’épisode dépressif ou celle d’un trouble dépressif récidivant peut être délimitée comme syndrome so- Tableau 1 Les 10 symptômes de la dépression selon la CIM-10 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. Humeur dépressive Perte de l’intérêt ou du plaisir à des activités habituellement agréables Manque d’énergie ou de dynamisme Complexe d’infériorité ou manque de confiance en soi Manque d’appétit et perte de poids Sentiment de culpabilité et de dévalorisation Troubles du sommeil Vision négative et irréaliste des perspectives d’avenir Idéation suicidaire et antécédents d’automutilation ou de tentatives de suicide 10. Difficulté à soutenir son attention et à se concentrer 10 Tableau 2 Classification des épisodes dépressifs Degré de sévérité de la dépression Critère diagnostique Episode dépressif léger (F32.0) au moins 4 des symptômes 1 – 10, dont au moins 2 des symptômes 1 – 3 au moins 5 des symptômes 1 – 10, dont au moins 2 des symptômes 1 – 3 au moins 7 des symptômes 1 – 10, dont au moins 3 des symptômes 1 – 3 Episode dépressif moyen (F32.1) Episode dépressif sévère (F32.2) matique, en présence d’au moins quatre symptômes du tableau 3. La présence ou l’absence d’un syndrome somatique est codée au 5e caractère, c.-à-d. épisode dépressif de sévérité moyenne avec syndrome somatique F32.01 ou épisode dépressif de sévérité moyenne sans syndrome somatique F32.00. «Syndrome somatique» indique que la dépression s’accompagne d’une altération de la motricité, des fonctions neurovégétatives et du rythme circadien, avec une incidence sur l’état physique et mental, ainsi que sur le comportement et le vécu du malade. Trouble dépressif récurrent d’après la CIM-10 F33 Le trouble dépressif récurrent, comme son nom l’indique, se définit comme l’apparition d’au moins deux épisodes dépressifs séparés par une période de plusieurs mois sans symptomatologie affective. Si la durée de ces épisodes a été inférieure à deux semaines et/ou si l’intervalle sans trouble affectif n’a pas duré quelques mois au moins, il faut diagnostiquer d’«autres troubles de l’humeur (affectifs) récurrents (F38.1)». Pour simplifier, la classification des troubles dépressifs récurrents se fait en fonction des caractéristiques de l’épisode présent, c.-à-d. en fonction du tableau clinique observable, avec possibilité de considérer à part le syndrome somatique (voir cidessus): 11 Tableau 3 Caractéristiques du syndrome somatique 1. Perte de l’intérêt ou du plaisir à des activités habituellement agréables 2. Incapacité à ressentir des émotions 3. Réveil très matinal 4. Etat d’abattement matinal 5. Ralentissement psychomoteur ou agitation manifeste 6. Perte d’appétit 7. Perte de poids >5% du poids corporel du mois précédent 8. Diminution de la libido trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger (F33.0) trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen (F33.1) trouble dépressif récurrent, épisode actuel sévère (F33.2) Il importe de souligner qu’un trouble dépressif récurrent peut aussi connaître des rémissions, c.-à-d. qu’au moment de l’anamnèse un tel patient peut être en rémission complète: trouble dépressif récurrent, actuellement en rémission (F33.4) Troubles de l’humeur (affectifs) persistants selon la CIM-10 F34 Le seul trouble de cette catégorie évoqué ici sera la dysthymie F34.1. Il s’agit d’un trouble de l’humeur chronique (durant plusieurs mois, voire des an- nées ou la vie entière) de type dépressif et généralement fluctuant, qui selon la sévérité et la durée des différents épisodes n’est pas suffisamment grave pour être qualifié d’épisode dépressif léger. Troubles anxieux La CIM-10 distingue les troubles phobiques des autres troubles anxieux. Les troubles phobiques ont ceci de particulier que la peur est provoquée par une situation ne présentant aucun danger, clairement définie et extérieure au patient. Parmi les troubles phobiques, on compte l’agoraphobie, la phobie sociale et les phobies isolées concernant la confrontation à des situations ou des objets spécifiques (animaux, altitude, par ex.). Nous ne nous attarderons pas sur ces derniè- 12 res car les patients peuvent généralement éviter ce stimulus phobogène sans trop de difficultés dans leur vie quotidienne. Les phobies s’accompagnent typiquement d’une crainte d’anticipation et d’un comportement d’évitement par rapport à la situation phobogène. Le diagnostic de phobie peut aussi être posé lorsque cette dernière s’accompagne d’attaques de panique. Contrairement aux phobies, les autres troubles anxieux ne sont pas liés à un environnement particulier. A cette catégorie «autres troubles anxieux», appartiennent le trouble panique et l’anxiété généralisée. On préconise aussi de coder «trouble anxieux, sans précision (F41.9)», toute manifestation anxieuse subsyndromique ayant une signification clinique. Troubles phobiques selon la CIM-10 F40 Agoraphobie F40.0 Pour poser un diagnostic d’agoraphobie, il faut qu’une peur apparaisse dans au moins deux des quatre situations définies (foule, place publique, voyages avec éloignement important de chez soi, voyager seul) et que le comportement d’évitement constitue un handicap important. Selon la présence ou l’absence d’un trouble panique associé (voir ci-dessous), on op- tera pour le code agoraphobie sans antécédent de trouble panique (F40.00) ou agoraphobie avec trouble panique (F40.01). Les manifestations caractéristiques sont: peur de faire un malaise en public, de se ridiculiser et de ne pas trouver d’«issue de secours» pour pouvoir se réfugier le plus vite possible dans un endroit sûr, généralement chez soi. Phobies sociales F40.1 Le diagnostic de phobie sociale suppose que la peur soit limitée à des situations définies de la vie en société avec un comportement d’évitement marqué pouvant conduire à l’isolement social. Les situations qui classiquement suscitent la peur sont le fait de manger ou de parler en public ou de rencontrer une personne du sexe opposé à l’exception des personnes familières de l’entourage immédiat. Des manifestations neurovégétatives comme une sudation, le fait de rougir ou des tremblements, sont possibles. La distinction d’avec l’agoraphobie est parfois difficile. Contrairement au patient souffrant d’agoraphobie, la personne présentant une phobie sociale ne se sentira pas nécessairement mal à l’aise dans une foule mais craindra éventuellement d’adresser la parole à quelqu’un dans cette foule. 13 Autres troubles anxieux selon la CIM-10 F41 Trouble panique F41.0 Il s’agit de la survenue, par attaques, d’une peur intense imprévisible («comme tombée du ciel») que le sujet n’est pas capable de mettre en relation avec un stimulus externe. Il ne faut poser le diagnostic d’attaque de panique qu’en l’absence d’une phobie. Les notions d’attaque de panique, de crise de panique ou de crise d’angoisse sont synonymes de trouble panique. Les attaques durent entre quelques minutes et une demi-heure et s’accompagnent de symptômes physiques intenses dus à une activation neurovégétative. Les plus fréquemment cités sont: palpitations cardiaques, sensation de «souffle coupé» et vertiges. Le tableau 4 présente un récapitulatif des troubles somatiques liés à une attaque de panique. Dans certains cas, pour le patient comme pour le médecin, les troubles physiques sont une préoccupation plus grande que la peur à proprement parler. C’est pourquoi il n’est pas rare qu’il faille plusieurs années et une multitude d’examens somatiques sans résultat, avant de diagnostiquer et de traiter un trouble panique. D’autres symptômes cognitifs comme «avoir peur de mourir» ou «peur de devenir Tableau 4 Manifestations physiques d’une attaque de panique Domaine anatomique Symptômes et observations Système cardiovasculaire Thorax : oppression, violente douleur en «coup de poignard», palpitations cardiaques, tachycardie, troubles du rythme «Souffle coupé», sensation d’étouffement, oppression, hyperventilation Renvois, sensation de «boule dans la gorge», douleurs gastriques, nausées, vomissements, diarrhées Faiblesse musculaire, contractures, tremblements Pâleur ou rougeur cutanée, extrémités froides, sudation Vertiges, maux de tête Appareil respiratoire Tractus gastro-intestinal Muscles Peau et phanères Système nerveux central 14 fou», sont une aide éventuelle à l’interprétation des manifestations somatiques. Anxiété généralisée F41.1 Anxiété permanente et généralisée, portant notamment sur l’avenir, et associée à un état de tension motrice et d’hyperexcitabilité neurovégétative (sensation d’être survolté) persistant pendant plusieurs semaines au minimum. Les manifestations physiques sont comparables à celles figurant au tableau 4 pour les attaques de panique mais sont de moindre intensité et s’apparentent plutôt à une nervosité diffuse. Troubles somatoformes Les troubles somatoformes sont définis comme des symptômes physiques répétitifs sans cause organique démontrable pour lesquels le patient ne cesse d’exiger des examens médicaux. Lors de dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme (F45.3), les symptômes sont présentés comme ceux d’une atteinte physique portant sur un système ou un organe contrôlé par le système nerveux autonome. Les notions caractéristiques qui s’y rattachent sont la «névrose cardiaque», codée sous dysfonctionnement neuro- végétatif somatoforme du système cardiovasculaire (F45.30) ou «l’hyperventilation psychogène» codée sous dysfonctionnement neurovégétatif somatoforme du système respiratoire (F45.33). Le diagnostic d’un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) implique la présence d’une douleur insupportable et durable (généralement >6 mois) ne pouvant s’expliquer par aucun processus physiologique ou trouble organique. Les résultats anormaux fortuits ou normaux d’examens médicaux n’infirment pas automatiquement ce diagnostic. Bien qu’ils soient difficiles à mettre en évidence, il faut qu’il y ait des problèmes psychosociaux ou des conflits émotionnels suffisamment graves pour pouvoir être à l’origine des troubles. Le tableau 5 rassemble quelques facteurs psychosociaux et événements (life events) typiques provoquant ou faisant perdurer un syndrome douloureux somatoforme mais aussi d’autres troubles mentaux (état de stress et trouble de l’adaptation F43) et que l’on peut coder à l’aide de la CIM-10 (Z00Z99). Les douleurs chroniques reposant sur des mécanismes psychophysiologiques devraient être diagnostiquées dans la catégorie «facteurs psychologiques et comporte- 15 Tableau 5 Difficultés psychosociales pouvant influer sur l’état de santé Formation et culture générale (Z55) Activité professionnelle et chômage (Z56) Conditions de logement et difficultés économiques (Z59) Intégration culturelle (Z60.3) Vécu traumatisant remontant à l’enfance (Z61) Relation conflictuelle avec le partenaire (Z63.0) Décès d’un membre de la famille (Z63.3) Dislocation de la famille par séparation ou divorce (Z63.5) mentaux associés à des maladies ou des troubles classés ailleurs (F54)» avec un codage complémentaire provenant d’une autre partie de la CIM-10 (douleurs vertébrales chroniques dues à une maladie de Scheuerman et à une incapacité à faire face à la maladie de façon adéquate CIM-10 M42.0 F54). Des douleurs sans cause organique apparente peuvent aussi apparaître dans le cadre plus général du trouble somatoforme (F45.0) au cours duquel les plaintes portent sur de multiples symptômes qui doivent avoir persisté pendant au moins 2 ans. Elles interviennent généralement avant la trentaine et conduisent à pratiquer de nombreuses explorations sans résultat qui ne cessent de faire augmenter le volume du dossier du patient. Contrairement aux deux autres trou- bles somatoformes cités plus haut, il est rare que l’ensemble du trouble somatoforme fasse l’objet de consultations de médecine générale. Etat de stress et troubles de l’adaptation Il s’agit de troubles qui trouvent leur origine dans un événement traumatique exceptionnel (life event, voir tableau 5) ou dans une modification particulière des conditions de vie. Le tableau 6 permet de distinguer trois formes selon le déroulement chronologique de la symptomatologie. Les troubles s’accompagnent fréquemment de réactions émotionnelles parfois très vives (dépressions, peurs, contrariété; à coder au 5e caractère) et de symptômes neurovégétatifs. Il existe toujours une disproportion entre les exigences auxquelles le 16 Tableau 6 Classification des états de stress et des troubles de l’adaptation selon la CIM-10 F43 Trouble Début Durée Réaction aiguë à un facteur de stress F43.0 Etat de stress post-traumatique F43.1 Trouble de l’adaptation F43.2 Réaction subite et violente en l’espace de quelques minutes Réaction différée en l’espace de 6 mois après le traumatisme Réaction en l’espace de 1 (à 3) mois après l’événement 3 jours facteur de stress psychosocial confronte l’individu et les possibilités de ce dernier d’y faire face. Il faut signaler à cet égard que les limites sont fluctuantes entre un trouble de l’adaptation – deuil s’accompagnant d’une symptomatologie anormale (intensité ou durée excessive) – et une dépression. C’est pourquoi il est recommandé de définir un deuil qui se prolonge au-delà de six mois comme une dépression si les critères diagnostiques sont remplis. Autres troubles mentaux Neurasthénie F48.0 Les critères diagnostiques de la neurasthénie ou d’un «syndrome d’épuisement» ont de nombreux points communs avec le «Chronic Fatigue Plusieurs mois sinon années 6 mois Syndrom», ne figurant pas dans la CIM-10. Pour poser un tel diagnostic, il faut une fatigabilité mentale accrue après un effort intellectuel, s’accompagnant de difficultés à rassembler ses idées et à se concentrer, ou un état d’épuisement physique après des efforts minimes. Au moins deux des sept symptômes suivants, doivent en outre être présents: douleurs musculaires, céphalée de tension, vertiges, troubles du sommeil, irritabilité, incapacité à se détendre, dyspepsie. Il ne doit y avoir aucun trouble dépressif ou anxieux concomitant. Troubles de la personnalité selon la CIM-10 F60 Les troubles de la personnalité sont subdivisés en plusieurs groupes selon 17 des caractéristiques propres correspondant aux schémas comportementaux les plus fréquents ou les plus singuliers. Des schémas comportementaux stables et des réactions stéréotypées dans la cognition, la pensée, les sentiments et les sensations ainsi que dans les relations entraînent des problèmes relationnels et une détérioration du fonctionnement social. Il importe cependant de distinguer les modifications durables de la personnalité (F62) consécutives à des situations de stress intense ou durable. Lors de trouble de la personnalité associé à un autre trouble mental, il convient de poser les deux diagnostics. Par principe, un diagnostic de trouble de la personnalité ne doit être posé que par une personne disposant d’une formation adéquate et avec beaucoup de circonspection. Il n’est pas rare que des diagnostics du type «personnalité borderline» stigmatisent des patients pendant des années sans que les critères diagnostiques aient jamais été remplis. Troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation d’alcool selon la CIM-10 F10 On parle d’une utilisation d’alcool nocive pour la santé (F10.1) lorsque la consommation d’alcool entraîne réellement une altération de l’état de santé physique ou mental. Le diagnostic ne devra prendre en compte ni l’appréciation de l’entourage sur le caractère dangereux de la consommation d’alcool, ni les répercussions sociales négatives. Dans le syndrome de dépendance à l’alcool (F10.2) c’est la consommation d’alcool qui prime sur des comportements auxquels la personne dépendante accordait davantage d’importance par le passé. Pour poser ce diagnostic, il faut qu’au moins trois des six critères suivants soient simultanément remplis sur une période d’un an au minimum: envie démesurée de boire de l’alcool, perte de contrôle, symptômes de sevrage, apparition d’une tolérance, manque d’intérêt pour d’autres domaines de l’existence, consommation continuelle malgré les effets néfastes. 18 Bibliographie Berardi D, Berti Ceroni G, Leggieri G, Rucci P, Ustun B, Ferrari G. Mental, physical and functional status in primary care attenders. Int J Psychiatry Med 1999; 29:133 – 48 Carney RM, Freedland KE, Sheline YI, Weiss ES. Depression and coronary heart disease: a review for cardiologists. Clin Cardiol 1997; 20:196 – 200 Diling H, Mombour W. Schmidt MH. Internationale Klassifikation psychischer Störungen ICD-10. Bern: Huber 1993 Fink P, Sorensen L, Engberg M, Holm M, Munk-Jorgensen P. Somatization in primary care. Prevalence, health care utilization, and general practitioner recognition. Psychosomatics 1999; 40:330 – 8 Hautzinger M. Depressionen. Göttingen: Hogrefe 1998 Hemingway H, Marmot M. Evidence based cardiology: psychosocial factors in the aetiology and prognosis of coronary heart disease. Systematic review of prospective cohort studies. Br Med J 1999; 318:1460 –7 Linden M, Maier W, Achberger M, Herr R, Helmchen H, Benkert O. Psychiatric diseases and their treatment in general practice in Germany. Results of a World Health Organization (WHO) study. Nervenarzt 1996; 67:205 – 15 Pini S, Perkonnig A, Tansella M, Wittchen HU, Psich D. Prevalence and 12-month outcome of threshold and subthreshold mental disorders in primary care. J Affect Disord 1999; 56:37 – 48 Sartorius N, Ustun TB, Lecrubier Y, Wittchen HU. Depression comorbid with anxiety: results from the WHO study on psychological disorders in primary health care. Br J Psychiatry Suppl 1996; 30:38 – 43 Schneider S, Margraf J. Agoraphobie und Panikstörung. Göttingen: Hogrefe 1998 von Känel R, Gander ML, Egle UT, Buddeberg C. Differenzielle Diagnostik chronischer Schmerzsyndrome am BewegungsapparatCodierung nach der ICD-10. Schweiz Rundsch Med Prax 2002; 91:548 – 56 Weiller E, Bisserbe JC, Maier W, Lecrubier Y. Prevalence and recognition of anxiety syndromes in five European primary care settings. A report from the WHO study on Psychological Problems in General Health Care. Br J Psychiatry Suppl 1998; 34:18 – 23 Wittchen HU, Kessler RC, Beesdo K, Krause P, Hofler M, Hoyer J. Gener- 19 alized anxiety and depression in primary care: prevalence, recognition, and management. J Clin Psychiatry 2002; 63 Suppl 8:24 – 34 Wittchen HU, Hofler M, Meister W. Prevalence and recognition of depressive syndromes in German primary care settings: poorly recognized and treated? Int Clin Psychopharmacol 2001; 16:121 – 35 Wittchen HU, Lieb R, Wunderlich U, Schuster P. Comorbidity in primary care: presentation and consequences. J Clin Psychiatry 1999; 60 Suppl 7:29 – 36; discussion 37 – 8 Wittchen HU, Essau CA. Comorbidity and mixed anxiety-depressive disorders: is there epidemiologic evidence? J Clin Psychiatry 1993; 54 Suppl:9 – 15 Zisook S, Shuchter SR. Depression through the first year after the death of a spouse. Am J Psychiatry 1991; 148:1346 – 52 20 La psychiatrie à titre de spécialité médicale Dr méd. Evolution historique, présent et futur Francesca C. Steinmann, diplomée FMH en psychiatrie et psychothérapie, Centre médicale Römerhof, Zurich Résumé La psychiatrie, en tant que partie non négligeable de la médecine moderne, est liée à des associations contradictoires. Les concepts sont souvent vagues, de fausses idées naissent en outre d’interactions avec des projections personnelles ou la stigmatisation du fait de préjudices commis durant l’histoire. Soigner l’image de la psychiatrie est donc chose indiquée. Le présent article entend présenter une vue d’ensemble du vaste champ de la psychiatrie, en tant que domaine spécialisé de la médecine, moyennant référence à l’évolution historique ainsi qu’aux objectifs de la recherche psychiatrique à l’heure actuelle et dans un proche avenir. 1. Evolution historique Une rétrospective des derniers deux siècles et demi Les écrits d’Hippocrate contiennent, dans le Corpus Hippocraticum et sous le titre «De la maladie sacrée»(Morbus Sazer), des opinions doctrinales modernes et concises concernant les troubles psychiques: «Il faut savoir que, d’une part, les plaisirs, les joies, les rires et les jeux, d’autre part, les chagrins, les peines, les mécontentements et les plaintes ne nous proviennent que de là (le cerveau). C’est par là surtout que nous pensons, comprenons, voyons, entendons, que nous connaissons le laid et le beau, le mal et le bien, l’agréable et le désagréable, soit que nous distinguions ces choses par les conventions d’usage, soit que nous les reconnaissions par l’utilité qu’elles nous procurent, ressentant, dans cette utilité même, le plaisir et le déplaisir, suivant les opportunités, les mêmes objets ne nous plaisant pas. C’est encore par là que nous sommes fous, que nous délirons, que des craintes et des terreurs nous assiègent, soit la nuit, soit après la venue du jour, des songes, des erreurs inopportunes, des soucis sans motifs, l’ignorance du présent, l’inhabitude, l’inexpérience. Tout cela, nous l’éprouvons par le cerveau quand il n’est pas sain, c’est-à-dire quand il est trop chaud, ou trop froid, ou trop humide, ou trop sec, ou quand il a éprouvé quelque autre lésion contre nature à laquelle il n’est pas habitué. La folie provient de son humidité; en effet, devenu trop humide, il se meut nécessairement; se mouvant, ni la vue, ni l’ouïe ne sont sûres, le patient voit et 21 entend tantôt une chose tantôt une autre; la langue exprime ce qu’il voit et entend. Mais tout le temps que le cerveau est dans le repos, l’homme a sa connaissance. Si le patient est en proie à des craintes et à des terreurs, cela provient du changement qu’éprouve le cerveau. Pour ces raisons, je regarde le cerveau comme l’organe ayant le plus de puissance dans l’homme, car il nous est, quand il est sain, l’interprète des effets que l’air produit. Chaque maladie a, par elle-même, sa nature et sa puissance, et aucune n’est inaccessible et réfractaire. La plupart sont curables par les mêmes influences qui les produisent. Donc, c’est une connaissance que le médecin doit avoir, afin que, discernant l’opportunité de chaque cas, il donne l’aliment à ceci qui en sera augmenté et le retranche à cela qui, par ce retranchement, sera diminué.» (Hippocrate, 460 – 370 av. J.-C., trad. tirée de Littré, HIPPOCRATE. – Œuvres complètes , vol. 6, p. 387 – 395). Dans l’enseignement d’Hippocrate, il est un principe essentiel dont la teneur est la suivante: «On doit remonter à la cause, et au début des causes.» Ainsi, l’étiologie des médecins de l’école d’Hippocrate est tout à fait rationnelle et libérée de toute superstition populaire (dont les partisans ont tendance à imputer en toute occasion à des démons inquiétants les symptômes caractéristiques présentés par des malades). Au contraire, de telles conceptions ataviques sont combattues au plus haut point. L’art de guérir scientifique d’Hippocrate se fonde sur une pensée globale. La médecine de l’école hippocratique considère toujours l’organisme du malade dans son entier, car l’être humain physique et spirituel, dans son ensemble, est vu comme un organisme. Donc, après que dans l’antiquité grecque et romaine déjà, les troubles psychiques soient décrits et reconnus comme une maladie physique du cerveau, la tradition de la guérison médicale antique se perd par la suite. Au Moyen-Age, les troubles psychiatriques ne sont plus reconnus comme tels et les malades psychiques sont détenus dans des conditions inhumaines, au fond de geôles, ou poursuivis par l’Inquisition en tant que sorcières ou sorciers. 22 Au 17e et 18e siècle, les malades psychiques, considérés comme des personnes asociales, sont logés avec les handicapés, les pauvres, les vagabonds et les prostituées dans divers types de maison de réclusion. En ces lieux, il sont souvent enchaînés et privés de tout traitement médical. Au cours du siècle des Lumières, soit dans la deuxième partie du 18e, s’installe progressivement une humanisation du traitement des malades psychiques. Les anciennes maisons d’enfermement des personnes délirantes deviennent des «asiles de fous». Dans ce contexte est sans cesse évoquée la légendaire «libération des fous de leurs chaînes» opérée par le médecin français Philippe Pinel qui, en 1794 à Paris, libère les malades mentaux de leurs chaînes à «l’Hospice de Bicêtre». Pinel défend alors la thèse que les fous ne sont pas des coupables que l’on doit punir, mais des malades méritant toute la considération que l’on doit à des êtres humains qui souffrent. C’est le début d’une nouvelle compréhension des maladies mentales. Des impulsions de même type, très nettement axées sur la psychiatrie sociale, proviennent également d’Angleterre, sous la forme dudit «Mouvement Non-Restraint». John Conolly (1794 – 1866) en particulier, qui re- nonce entièrement aux moyens de contrainte mécaniques, exige une attitude indulgente et empreinte de bonté à l’égard des patients, ouvre une ère nouvelle de traitement, avec visites journalières des médecins, de nombreux établissements sociaux ainsi qu’une occupation régulière des malades dans l’artisanat et l’agriculture (Möller, Laux, Deister, 1995). En Suisse, Auguste Forel (1848 – 1931), en qualité de médecin-chef de la clinique psychiatrique du Burghölzli, introduit dans cet esprit, pour les patients qui sont encore maintenus dans l’inaction à l’époque, la thérapie fondée sur le travail et l’occupation, qui existe toujours à l’heure actuelle. Il fait également en sorte de supprimer toute consommation d’alcool à la clinique. Il introduit à titre de remplacement une limonade préparée à la clinique. Au 19e siècle, la psychiatrie allemande est divisée en deux camps, notamment en raison de la dispute sur les causes des troubles psychiques. Les «Psychiker» voient les maladies de l’esprit comme des maladies de l’âme incorporelle et comme une conséquence des péchés. Les «Somatiker» formulent au contraire des approches relevant des sciences naturelles ou de l’anthropologie. Vers la fin du 19e siè- 23 cle, on en arrive à une intégration croissante de la psychiatrie dans la médecine générale, en particulier dans la neurologie en développement. Emil Kraepelin (1856 – 1926), professeur ordinaire de psychiatrie à Munich, crée une systématique des maladies psychiques sur la base de l’observation de l’évolution globale. Le professeur de psychiatrie zurichois et médecin chef de la clinique psychiatrique du Burghölzli, Eugen Bleuler (1857 – 1939), introduit la notion de «schizophrénie» pour la «dementia praecox» décrite par Kraepelin. Karl Jaspers définit en 1913 l’essence de la dépression comme une «profonde tristesse» et un «blocage de l’expression de l’âme». La systématique des maladies, telle que développée par Kraepelin et Bleuler, exerce une influence majeure sur la suite de l’évolution de la doctrine en matière de maladies psychiatriques qui, depuis les années 70 du siècle dernier, est unifiée sous la partie psychiatrique de «l’International Classification of Deseases – ICD». Aux USA est développé en parallèle le système DSM, qui trouve son application en Europe dans des domaines de recherche avant tout. Sigmund Freud (1856 – 1936), médecin en neurologie et en psychiatrie, pro- fesseur extraordinaire à Vienne, développe au tournant du siècle sa théorie du processus de réaction inconscient et neurotique, les grands traits de la psychanalyse à titre d’approche pour une explication des troubles neurotiques et de forme de thérapie. A la suite des théories de Pawlow et Skinner, au sujet de la «conditionabilité» ou l’apprentissage de modèles de comportement, une psychologie fondée sur la théorie de l’apprentissage se développe, qui explique les troubles psychiques comme des conséquences de processus d’apprentissage; cette théorie prépare, avec la thérapie du comportement, une forme de psychothérapie en conséquence, qui est aujourd’hui encore une des méthodes psychothérapiques importantes. Au 20e siècle, des progrès tout à fait essentiels sont enregistrés dans les méthodes de traitement somatique qui, depuis lors, ont nettement amélioré les possibilités thérapeutiques de la psychiatrie et contribué de manière accrue à une modification positive de l’approvisionnement des malades psychiques: Traitement de la paralysie progressive avec accès de fièvre via une infection par des agents pathogènes de la malaria, introduit la première fois par 24 Julius Wagner. Puis remplacement de cette forme de thérapie par des traitements à la pénicilline. (Les courbes de fièvre, par lesquelles les traitements de l’époque, à base de malaria, ont été documentés peuvent être vues aujourd’hui encore au Musée de la clinique universitaire psychiatrique de Zurich.) 1933: Publication du «traitementcoma-insuline» par Manfred Sakel; cette méthode se poursuit jusqu’à l’aire de la psychopharmacothérapie, puis devient obsolète. 1937: Introduction de la thérapie par électrochoc par Kerletti et Bini. Cette forme de traitement, qui est encore utilisée avec succès aujourd’hui en cas de dépressions résistant au traitement, a mauvaise réputation, sans fondement d’ailleurs. Ce traitement est administré avec ménagement, sous narcose avec surveillance anesthésique et sous relaxation musculaire périphérique. Quand bien-même elle représente une des formes de traitement psychiatrique les plus efficaces et les plus sûres – et a aidé de nombreux patients souffrant de graves dépressions, qui ne pouvaient être traités à satisfaction par des médicaments psychotropes – elle est une des méthodes thérapeutiques les plus contestées et suscite, hors des milieux spécialisés de la psychiatrie, la plus grande des défiances et craintes. La stigmatisation de l’électrochoc, qui sur le plan international se manifeste par ailleurs de manière diverse, est une raison additionnelle pour que de nombreux patients et leurs proches considèrent ce traitement comme inacceptable. A partir de 1950 env.: Développement de médicaments psychotropes: 1949: Cade découvre l’effet antimanique du lithium (des sources thermales riches en lithium étaient déjà prescrites du temps des Romains, à titre de cures stabilisantes pour le moral). 1952: Développement de la chlorpromazine en tant que premier neuroleptique, par Delay et Deniker. 1954: Berger découvre le méprobamate, à titre d’anxiolytique. 1957: Kuhn découvre l’imipramine, en tant qu’antidépresseur. De plus en plus, l’approche biologique de la recherche gagne alors en importance dans la psychiatrie, une orientation de la recherche largement déterminante, en particulier durant les 40 dernières années. Il est question dans ce contexte de l’élucidation de questions génétiques, neuropathologiques, neurophysiologiques et 25 neurochimiques. Actuellement, des espoirs sont notamment placés dans la recherche portant sur les transmetteurs et les récepteurs, ainsi que dans la recherche moderne de la génétique moléculaire, avec pour objectif projeté de continuer à lever le voile sur les fondements biologiques des maladies psychiques et, sur cette base, de développer de meilleures approches thérapeutiques. A l’époque du «National-socialisme», on a commis des atrocités effroyables en psychiatrie, en particulier par la stérilisation forcée et le meurtre d’innombrables malades psychiques. En Suisse également, des stérilisations forcées ont été perpétrées. Un travail récapitulatif a été fait récemment par Florance Droz, dans le cadre d’une thèse de doctorat sous la direction du Professeur Daniel Hell, de la clinique psychiatrique universitaire de Zurich. La publication de ce travail est imminente et ne doit pas être anticipée ici. Les conceptions – qui ont perduré des siècles durant – selon lesquelles les maladies psychiques sont une punition d’un comportement de pécheur, les crimes qui ont été commis dans des cliniques psychiatriques pendant la 2e guerre mondiale, le fait que des troubles psychiques peuvent conduire à des pertes ou à des troubles de com- pétences essentielles (dans les sensations, le vécu, la conscience, les fonctions-je, l’aptitude à l’interaction sociale, la cognition, l’affect), et même que la prise de conscience de la maladie peut parfois faire défaut – ce qui, en cas de mise en danger de soi ou d’autrui, peut rendre nécessaire une privation de liberté à titre préventif et des hospitalisations ou traitements forcés – ternit l’image de la psychiatrie; cette discipline ne parvient que lentement à compenser ce déficit de réputation. Soigner son image, sa communication et la transmission des informations, voilà des causes qui sont aujourd’hui essentielles. Ainsi donc, de nos jours, la plupart des patients souffrant de troubles psychiatriques sont traités par des médecins généralistes et non pas par un spécialiste (Brown; Schulberg. 1995; Hirschfeld et al., 1997). Pour la santé psychique de la population, il est dès lors important que l’approvisionnement en soins psychiatriques prodigués dans un cabinet de généraliste soit d’un haut standard. Car la morbidité, la mortalité et les frais augmentent avec des maladies psychiatriques insuffisamment traitées et non reconnues (Hirschfeld, 1997). 26 Dans ce domaine, il y a manifestement besoin d’agir par une présence accrue de la psychiatrie dans les études de médecine, dans les formations de médecins spécialistes et dans les formations continues. Une raison fondamentale du traitement insuffisant de maladies psychiatriques se situe probablement aussi dans la stigmatisation de la psychiatrie et de ses maladies. (Lauber et al. 200o, 2001). Cette stigmatisation, qui est le fait de peurs et d’idées fixes préconçues (que l’on trouve également chez les membres de professions médicales, dans le corps médical luimême surtout et même entre médecins spécialistes psychiatriques) conduit à une connaissance lacunaire de l’état actuel de la science en ce qui concerne la reconnaissance et le traitement de troubles psychiques. Sur le plan émotionnel, nous semblons toujours subir à l’heure actuelle, s’agissant des maladies psychiatriques, une forte influence exercée par des idées dépassées et inadéquates. Ainsi une enquête représentative effectuée dans la population suisse a montré que des maladies dépressives sont toujours perçues comme étant essentiellement des suites de situations de vie non maîtrisées et qu’il n’y a absolument pas à mettre en œuvre des formes de thérapies psychiatriques efficaces et couronnées de succès (Lauber et al. 2002). Constatation effrayante, l’étude laisse à penser que les formes de traitement principales – et également celles qui sont «evidence-based» couronnées de succès – dans la psychiatrie seront rejetées par de larges couches de la population, qu’elles leur sont inconnues ou que leurs indications, en ce qui concerne le tableau clinique, ne suscitent qu’une vague confiance, si tant est qu’elles soient véritablement prises en considération. Soigner l’image de la psychiatrie et, par l’action de spécialistes en psychiatrie, communiquer à des niveaux multiples, faire passer l’information au sujet des formes de traitement pleines de succès et administrées avec ménagement sont actuellement une exigence vitale de santé publique et, dans le cadre de la pression accrue des coûts, plus importante que jamais. 2. Présent Quel est le contenu de la psychiatrie? La psychiatrie est la science médicale et l’activité médicale spécialisée qui englobe la recherche, le diagnostic et 27 la thérapie de maladies psychiques de l’homme. Dans ce cadre sont considérés, sous une approche multidimensionnelle et une compréhension dite «biopsychosociale», des facteurs biologiques et psychosociaux ainsi que leurs effets sur le tableau des symptômes psychopathologiques. La psychiatrie se divise en de multiples sous-domaines, ainsi différenciera-ton par exemple entre la psychiatrie de l’adulte, la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, la gérontopsychiatrie, la psychopharmacologie, la psychiatrie biologique, la psychothérapie et la psychosomatique. Diagnostique Parallèlement à l’examen somatique du patient et aux procédures classiques de production d’images, c’est le psychodiagnostic qui est primordial. Contrairement à la médecine somatique, où le médecin peut réunir des constats physiques, il faut encore largement, à l’heure actuelle, procéder de façon indirecte en psychiatrie. Les changements qu’il s’agit d’enregistrer le seront essentiellement par la voie de l’entretien et de l’observation précise du comportement. Les symptômes de maladie qui se manifestent sous forme de singulari- tés du comportement sont d’une observation plus aisée. Bien plus difficile est l’art de reconnaître des signes qui se situent principalement au niveau du vécu intérieur. La gestuelle, les mimiques et les procédés mettant en œuvre le mouvement peuvent alors aider à révéler quelque chose sur la vie intérieure. C’est par l’entretien encore que l’on tente de récolter des informations sur le vécu d’un autre et sur la toile de fond de ses motivations. Pour valider l’information ainsi obtenue intervient l’orientation vers la fonction d’indicateur de la langue et du comportement (des indicateurs sont des communications involontaires de la personne qui s’exprime, de type verbal ou non, dont l’examinateur qui officie peut tirer quelque chose). La psychiatrie se distingue encore par une autre caractéristique importante: entretien et comportement portent également l’empreinte de la personnalité de l’examinateur et de l’interaction émotionnelle entre le patient et le médecin, de sorte que le processus d’examen, fondé sur l’observation du comportement et l’entretien, dépend dans une bien plus large mesure d’interprétations subjectives de l’observation que dans la plupart des processus diagnostiques de la médecine somatique. La base émotionnelle ini- 28 tiale de l’interlocuteur ainsi que l’interaction entre le médecin et le patient exercent une influence notable sur le déroulement de l’entretien et sur les processus de perception qui y sont liés. En dépit de ces particularités, la psychiatrie est une partie de la médecine. Le caractère spécial de cette branche réside dans le fait que le physique et le psychique sont considérés à mesure égale, à titre de causes possibles de modifications psychopathologiques. Thérapie Les procédures de thérapies psychiatriques sont variées sous l’angle de leur méthode. Hormis la psychopharmacothérapie, sont utilisés avec succès et selon indication la luminothérapie, l’électrochoc, la privation de sommeil partielle ou totale. La psychothérapie implique le traitement de malades avec des moyens psychiques, en particulier par des entretiens et des procédures d’exercices. Les méthodes sont ici aussi variées. Les bases essentielles des formes de psychothérapies sont la psychologie de l’inconscient (psychodynamie) d’une part et, de l’autre, la psychologie de l’apprentissage et la psychologie comportementale. Dans le cadre de la compréhension biopsychosociale de la maladie, les sociothérapies se sont révélées particulièrement importantes. Autrement dit, le traitement de malades par des facteurs du milieu, la structuration du déroulement de la journée, l’interaction dans le contexte de processus de groupes, la thérapie par l’occupation et le travail. Mais on ne saurait taire le fait qu’en dépit de ces développements positifs, la nécessité d’agir pour optimiser l’approvisionnement des malades psychiques existe comme auparavant. Tant dans le domaine ambulatoire que dans le secteur hospitalier, les besoins de traitement ne cessent d’augmenter, ce qui signifie – justement parce que la psychiatrie est un domaine interactif sur le plan psychique et exige par conséquent une main d’œuvre nombreuse – que nous avons un urgent besoin de médecins formés de manière compétente et qui, du point de vue structure de leur personnalité, sont mûrs, résistants, intéressés et innovateurs. Dans la zone entre traitement hospitalier et ambulatoire, il y a encore trop peu d’institutions transitoires qualifiées (par ex. logement doté d’un encadrement adéquat, clinique de jour) et il s’agit aussi de créer des 29 offres d’approvisionnement adéquat pour le nombre croissant de patients âgés souffrant de troubles psychiques. Digression Comment soutenons-nous la psychiatrie? Mis à part un intérêt croissant pour des facteurs psychiques longtemps négligés, la psychiatrie a une image ambiguë chez les confrères médecins. Mais le caractère particulier de la psychiatrie réside également dans le rôle des malades psychiques. Ceux-ci sont toujours, dans notre société, considérés tout autrement que des malades souffrant d’affections physiques. Pour beaucoup, les symptômes d’une maladie psychique demeurent difficilement compréhensibles, sont rejetés, interprétés comme étant la conséquence d’une faute, ou même considérés comme dangereux. Chercher de l’aide en raison de problèmes psychiques est généralement bien plus problématique que de recourir à une consultation médicale pour des atteintes physiques. Il est souvent fort difficile à un patient de reconnaître qu’il a des problèmes psychiques et qu’il ne sera pas en mesure de les résoudre tout seul. De nombreux malades ne soupçonnent même pas que derrière ces problèmes «psychiques», ne se cache pas toujours une maîtrise lacunaire des difficultés de la vie, mais souvent une véritable maladie physique. Le médecin doit faire preuve d’une grande patience et consacrer beaucoup de temps pour expliquer clairement au patient – qui se trouve dans un état de défense fondé sur la méfiance et la peur – les mécanismes pathophysiologiques de ses symptômes maladifs existant au niveau microbiologique et cellulaire, pour l’amener à une compréhension de la maladie et développer ainsi chez lui une motivation pour la thérapie, motivation qui trouve sa source dans l’information et la connaissance. En particulier, face à des symptômes dérogeant totalement à une pensée ou à une existence normales, comme, par exemple, des idées délirantes ou des illusions des sens, mais aussi en présence de symptômes de troubles dépressifs, le patient cherche souvent à garder secrètes ces manifestations afin de ne pas laisser transparaître la «folie» de son vécu. Les malades psychiques doivent se faire du souci à l’idée d’être exclus des relations sociales normales par des processus instituant tabou et discrimination. 30 Ici aussi, nous sommes confrontés à des mécanismes d’appréciation émotionnels, qui s’accompagnent d’une stigmatisation. Ceci a des effets spécialement tragiques en ce sens que le malade psychique ne doit pas seulement souffrir de ses symptômes de maladie – et sur la base de la peur, de l’ignorance et de préjugés, il refuse des thérapies possibles qui pourraient lui apporter de grands bénéfices en ce qui concerne le long terme, le bienêtre subjectif, la performance, etc. – mais il doit de surcroît supporter des évaluations de sa maladie lourdement chargées sur le plan émotionnel, qui s’accompagnent de honte, peur, doute, tendance au suicide, solitude, exclusion et rejet. Ceci se manifeste clairement par exemple dans l’encadrement personnel différent apporté par les parents et les connaissances aux divers malades: alors que dans les établissements de soins somatiques, les fleurs, cadeaux et cartes affluent, les collègues et collaborateurs appellent, les visites sont fréquentes et le malade reçoit, dans une large mesure, acceptation et soutien sur le plan social, c’est à peine si l’on voit dans un établissement psychiatrique un salut, un bouquet de fleurs offert par des collaborateurs, des amis; y font également défaut les habituelles boîtes de chocolat, les cartes et les porte-bonheur de la part de connaissances et de collègues. Les malades sont seuls et isolés. Souvent, ils se gênent de faire savoir qu’ils séjournent dans une clinique psychiatrique. Il n’y a guère de visites, et si oui, uniquement de la part des parents les plus proches, comme les père et mère ou frères et sœurs, qui souffrent également beaucoup. Les malades – tout comme leur environnement – sont irrités par les symptômes de maladie psychique et, compte tenu du trouble que ceux-ci suscitent, il n’est pas rare qu’on abandonne les patients à leur sort et à l’institution qui s’en charge. 3. Futur Recherche Les plus grands efforts sont aujourd’hui consentis dans la recherche psychiatrique pour identifier les mécanismes biologiques qui sont à la base des troubles du fonctionnement du cerveau chez les malades psychiatriques et pour analyser l’efficacité des interventions thérapeutiques. Le but est un enregistrement et une caractérisation multidimensionnels des troubles psy- 31 chiques à divers niveaux biologiques: génétique, fonctionnel, structurel, électrophysiologique, biochimique, neurophysiologique, etc. Ainsi seront développées, hormis les méthodes d’examen indirectes, des méthodes directes, objectivables, moins dépendantes de l’examinateur. Celles-ci ne peuvent ni ne doivent remplacer l’exploration clinique par le médecin expérimenté, mais elles sont bien au contraire appelées à lui fournir un soutien précieux. Ci-après, nous n’aborderons – brièvement – que deux domaines du monde vaste et vivant de la recherche psychiatrique: Neuro-Imaging Les procédés d’imagerie structurelle et fonctionnelle ont élargi les connaissances sur la fonction du cerveau dans le cadre de troubles psychiatriques et fournissent constamment de nouvelles conclusions. L’imagerie du cerveau a pu contribuer à révolutionner la compréhension des maladies psychiatriques. Au début des années 90, se sont développées de plus en plus, dans la tomographie par résonance magnétique qui va audelà de la morphologie classique, de nouveaux moyens pour l’étude de la physiologie, de la biochimie et de la fonction du système nerveux central (Braus; Henn, 2002). Dans les troubles de l’âme, il y a des disfonctionnements fondamentaux à divers niveaux des processus de traitement neuronal des informations avec, par conséquent, un comportement modifié. La psychopathologie peut dans ce contexte être comprise comme une modification de l’interaction des réseaux de neurones, ou de divers subsystèmes neuronaux (Spitzer M., 1997). A l’aide du MRI (Magnetic Resonance Imaging) et du fMRI (fonctional Magnetic Resonance Imaging), du SPECT (Singel Photon Emission Computerized Tomography) et du PET (Positron Emission Tomography), des modifications structurelles associées aux symptômes cliniques ont pu être représentées (Schnider, Treyer, Buck, 2000). Dans quelques cas épars, on a même réussi à présenter des modifications de la structure cérébrale qui précèdent l’apparition d’une malade clinique. Celles-ci peuvent donc servir d’indicateurs précoces de certaines psychoses (Fannon et al. 2001 nov.). Dans le cadre de ces études, des techniques fonctionnelles sont également utilisées pour suivre la modification des activités métaboliques de diverses zones cérébrales sous traitement. 32 Par ce biais, il a été possible de relever des informations importantes sur la façon dont les médicaments psychotropes peuvent améliorer les fonctions cérébrales pathologiques. Les techniques d’imagerie fonctionnelle pourraient livrer à l’avenir des informations précieuses pour le choix des procédures thérapeutiques appropriées. Même dans la recherche portant sur les maladies de type schizophrène, des procédures fMRI ont permis de montrer le rôle central du thalamus dans la pathogenèse (Ettinger et al. 2001; Andreasen et al. 1997; Korn et al. 2000). Des examens par imagerie structurelle à un stade précoce des psychoses ont permis d’appuyer l’hypothèse de développement neuronal des schizophrénies (Fannon et al. 2000b oct.). Les troubles schizophrènes sont probablement les maladies psychiatriques les plus graves. Env. 1% de la population souffre de tels dérangements à la fin de l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Ces maladies persistent pour le reste de la vie et s’accompagnent d’une morbidité et d’un handicap notables. Les thérapies existant à l’heure actuelle ne sont que partiellement efficaces; une grande priorité est mise sur le développement de moyens thérapeutiques agissant plus spécifiquement, et cette recherche est poursuivie très activement. En Suisse a lieu depuis des années, notamment sous la direction du prof. F. X. Vollenweider, du département de la recherche à la clinique psychiatrique universitaire de Zurich, une recherche psychiatrique suivie avec intérêt au niveau international, dans le domaine des psychoses schizophrènes (Vollenweider 1998; 1998; 2001). Recherche génétique La possibilité de prévoir au préalable et de manière plus spécifique, grâce à des analyses génétiques, quelle sera la réaction au traitement ou si des effets secondaires possibles apparaîtront, serait un grand allègement pour les patients et permettrait aux médecins d’adopter des stratégies de traitement plus efficaces et plus rationnelles. Les maladies psychiatriques ont, selon toute vraisemblance, des causes multifactorielles et, par conséquent, leur réaction aux traitements aussi. Elles se fondent probablement sur des interactions entre différents gènes (plan polygénétique) et l’environnement social; en conséquence, l’analyse des relations s’avère complexe. 33 La pharmacogénétique étudie cette influence du polymorphisme génétique sur la pharmacodynamie et la pharmacocinétique; elle tente de déterminer la réaction au traitement médicamenteux ainsi que le profil des effets secondaires. Citons uniquement ici, à titre d’exemple, le Cytochrom P450, qui est impliqué dans la phase I de la métabolisation de médicaments et qui, par conséquent, n’est pas sans avoir une influence notable sur la pharmacocinétique de nombreuses substances. Le Cytochrom P450 couvre plus de 30 enzymes (Weber, 2001). La biotransformation de la plupart des médicaments psychotropes dépend du P450 Isoenzymen (Chen et al, 1996). Une activité différente de l’enzyme a principalement des effets sur la pharmacocinétique des médicaments y relatifs et doit souvent être prise en compte dans la thérapie clinique (par exemple dans l’adaptation du dosage en cas de métabolisme lent ou ultrarapide), pour véritablement obtenir une efficacité des médicaments ou pour éviter l’apparition d’effets secondaires lourds. Même avec les médicaments dotés d’une étroite fenêtre thérapeutique (par ex. le lithium), la pharmacogénétique pourrait fournir des informations précieuses et permettre des stratégies de traitement prospectives en lieu et place de celles qui ont cours aujourd’hui et qui sont réactives. Bibliographie Andreasen N. The role of the thalamus in schizophrenia. Can J Psychiatry 1997; 42: 27 – 33 Braus DF, Henn FA. Psychiatrie im Wandel: Neuronale Netzwerkstörungen lassen sich mit moderner Kernspinntomographie sichtbar machen. Schweiz Arch Neurol Psychiatr 2002; 153: 256 – 65 Brown C, Schulberg H. The efficacy of psychosocial treatments in primary care. A review of randomized clinical trials. Gen Hosp Psychiatry Nov 1995; 17(6): 414 – 24. Review Chen S, Chou WH et al. The cytochrome P4502D6 (CYP2D6) enzyme polymorphisms: screening costs and influence on clinical outcomes in psychiatry. Clin Pharmcol Ther 1996 Nov; 60(5): 522 – 534 Callicott JH, Ramsey NF, Tallent K et al. Functional magnetic resonance imaging brain mapping in psychiatry: methodological issues illustrated in a study of working memory in schizophrenia. Neuropsychopharmacology 1998; 18: 186 – 96 34 Ettinger U et al. Magnetic reso- Lin KM, Poland RE et al. The evol- nance imaging of the thalamus in first-episode psychosis. American Journal of Psychiatry 2001; 158: 116 – 118 Fannon D, Chitnis X, Doku V et al. Features of structural brain abnormality detected in first-episode psychosis. Am J Psychiatry 2000a Nov. 157(II): 1829 – 34 Fannon D et al. Third ventricle enlargement and developmental delay in first-episode psychosis: preliminary findings. Br J Psychiatry. 2000b Oct; 177: 354 – 9 Hippokrates, fünf auserlesene Schriften, Capelle W, Fischer Bücherei, Januar 1959, S. 71 – 72, c.14, c.15, c.16 Hirschfeld R, Keller M et al. The National Depressive and ManicDepressive Association consensus statement on the undertreatment of depression. JAMA Jan 22 – 29 1997; 277(4): 333 – 40 Korn M. 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I und II/2002, S. 93 – 96 Möller H-J, Laux G, Deister A. Psychiatrie, 1995 Hippokrates Verlag. 35 Spitzer M. A cognitive neuroscience Vollenweider F. X. Pharmacological view of schizophrenic thought disorder. Schizophr Bull 1997; 23:29 – 50 Schnider A, Treyer V, Buck A. Selection of Currently Relevant Memories by the Human Posterior Medial Orbitofrontal Cortex. The Journal of Neuroscience. August 1, 2000, 20(15): 5880 – 5884 Vasquez-Barquero J et al. Mental health in primary care. An epidemiological study of morbidity and use of health resources. Br J Psychiatry Jun 1997; 170: 529 – 35 Vollenweider F. X. Neue Aspekte der PET- und SPECT-Forschung: Metabolische Korrelate psychotischer Störungen bei Schizophrenen und Modell-Psychosen, 1998, Psychiatrische Universitätsklinik Zürich – Forschungsabteilung Vollenweider F. X. Advanced and Pathophysiological Models of Hallucinogenic Drug Action in Humans: A Preamble to Schizophrenia Research, Psychopharmacopsychiatr. 31 (1998) (Supplement) 1 – 12 Aspects. Brain mechanisms of hallucinogens and entactogens. Diagnoses in Clinical Neuroscience Vol 3 No 4,2001 Weber V W. The legacy of pharmacogenetics and potential applications. Mutation Research 2001; 479: 1 – 18 36 Maladies psychiques du point de vue de l’assureur privé Karl Groner, Chief Underwriting & Compliance «Zürich» Compagnie d’Assurance, Zurich Résumé Au cours des dernières années, la fréquence des maladies psychiques a augmenté de façon disproportionnée. La tendance est encore renforcée par des phases de faible conjoncture. Cette évolution crée de très lourdes charges dans le domaine des prestations des assureurs sociaux et privés. Cet article montre comment les compagnies d’assurances privées abordent cette problématique. Il présente en particulier les aspects de l’examen de la proposition et apporte un éclairage sur l’évaluation du risque décès et incapacité de gain. Introduction Selon des statistiques de l’AI portant sur janvier 2002, environ 73 000 personnes touchent une rente au titre de maladies psychiques. Ceci représente le 33% des bénéficiaires de rente et, en comparaison de 1986, le chiffre a pratiquement triplé. Dans le même laps de temps, le nombre total de rentes allouées au chapitre de la maladie (toutes causes confondues) a passé approximativement de 85 000 à 157 000 et n’a donc augmenté «que» de 85% environ. Dans le domaine des assurances privées, les statistiques officielles ne donnent que très parcimonieusement les causes respectives des cas d’invalidité. Mais selon les déclarations concordantes de spécialistes œuvrant dans le domaine des prestations, il faut également constater une tendance analogue chez les assureurs privés. Il est fort bien connu que la charge du domaine des assurances sociales et privées croît avec l’augmentation du chômage dans des phases de faible conjoncture économique. Les raisons Tableau 1 Bénéficiaires de rente par cause d’infirmité et sexe en Suisse, janvier 2002 Causes d’infirmité Hommes Infirmités congénitales 15 000 Maladies 93 000 – dont atteintes psychiques 38 000 Accidents 16 000 Total 123 000 Femmes 13 000 77 000 35 000 7 000 96 000 Total 27 000 170 000 73 000 23 000 220 000 Total en % 13 77 33 10 100 37 de ce phénomène ne peuvent être prouvées statistiquement. Mais il est incontesté qu’en présence de circonstances professionnelles défavorables et de menaces de chômage, les rentes AI, LPP et des assurances privées sont plus attrayantes que les indemnités journalières APG, car elles garantissent un revenu de substitution plus élevé et de plus longue durée. Certaines atteintes à la santé, qui n’ont pas eu de conséquences – ou alors seulement dans une mesure infime – sur la capacité de travail pendant une longue période, s’aggravent soudainement et sont présentées à l’assureur comme une raison d’obtenir des prestations d’assurance. Même dans des cas douteux, il existe fréquemment de bonnes chances de toucher une rente, car il est souvent difficile à l’assureur de prouver que les conditions ouvrant droit aux prestations sont insuffisantes dans le cas d’espèce. Des difficultés particulières apparaissent dans ce contexte avec les affections difficilement prouvables sur le plan objectif. A titre d’exemple type, référence soit faite ici aux maladies de l’appareil locomoteur, notamment les douleurs dorsales, les troubles psychiques et les plaintes d’ordre psychosomatique en général. Les commentaires qui suivent portent sur les assurances régies par la loi sur le contrat d’assurance, autrement dit sur les assurances facultatives conclues sur une base privée, en particulier sur les assurances vie, les rentes en cas d’incapacité de gain et les indemnités journalières maladie. Le principe de l’assurance privée consiste en ce que diverses personnes se réunissent pour former un collectif de risques afin de couvrir ensemble les conséquences financières – moyennant des primes relativement modiques – de dommages subis par des individus du fait de la survenance de l’événement assuré. La condition nécessaire au bon fonctionnement du système est que l’étendue du risque soit calculable statistiquement et que les membres de cette collectivité présentent d’une certaine manière un profil de risque identique. Si les personnes qui y entrent sont avant tout celles qui témoignent d’un risque supérieur à la moyenne (ce que l’on appelle de l’antisélection), les primes ne suffisent plus à couvrir le dommage; elle doivent alors être relevées, ce qui provoque un effet dissuasif sur les bons risques ou sur ceux qui se situent dans la moyenne. Leur sortie de l’assurance facultative serait la conséquence logique, tout comme la 38 ruine de l’assurance qui surviendrait à plus ou moins brève échéance. Il revient à la compagnie d’assurance de réunir le collectif, d’encaisser les primes convenues, d’examiner les prétentions en réparation de dommages et de les satisfaire, mais aussi d’accepter de nouveaux membres dans l’effectif. Dans le cadre de l’examen du risque, il est établi si le candidat présente des caractéristiques moyennes de risque, qui autorisent une assurance contre des tarifs de primes normaux. En cas de risques accrus, le plus souvent une assurance est possible moyennant surprime. Le montant de celle-ci se fonde également sur des bases statistiques, avant tout sur des observations faites au cours de décennies dans d’importants collectifs d’assurés, observations complétées par les résultats d’analyses cliniques reconnues, les effets prévisibles des progrès substantiels de la médecine étant pris en compte. Sur cette base, il peut être fixé de manière assez précise quel est le degré de mortalité d’un collectif du fait de l’hypertonie, du diabète ou d’autres maladie suffisamment recensées sur le plan statistique. Les surprimes pour risque aggravé évoquées dans des commentaires figurant plus loin doivent toujours être comprises en pour cent de la pure prime risque de base. La détermination de surprimes pour risques aggravés est un peu plus délicate dans l’assurance d’incapacité de travail ou de gain. Des documents statistiques liés aux causes sont nettement plus rares dans ce domaine de l’assurance. Souvent donc, les surprimes ne peuvent être fixées que par voie d’approximation. La plus grande difficulté réside cependant dans le fait que la survenance de l’événement assuré dépend fortement de la personnalité, de la disposition subjective ainsi que du contexte privé et professionnel de l’assuré. Des états médicaux identiques peuvent avoir, chez deux personnes différentes, des conséquences tout autres en ce qui concerne la capacité de travail et de gain, selon leur personnalité, leur disposition et leur contexte socioéconomique. Ceci fait que dans de nombreux cas, une couverture de l’incapacité de gain peut certes être accordée, mais moyennant exclusion de certaines atteintes préexistantes à la santé. A cet égard, les maladies comportant un fort degré subjectif occupent une place centrale. Nous citerons à nouveau, à titre d’exemple, les maladies musculosquelétaires ainsi que les troubles psychiques et neurovégétatifs. 39 Point de la situation sous l’angle médico-actuariel Les maladies psychiques sont responsables à l’heure actuelle d’une part notable de la morbidité et de la mortalité. Ainsi aux USA, on estime que 50 millions d’adultes sont atteints de troubles psychiques en une année. En Allemagne, on pense qu’environ 40% des patients qui consultent leur médecin de famille présentent un trouble psychique notable. Comme les statistiques de l’assurance sociale le montrent également, les maladies de cette nature sont la cause d’une part considérable des rentes servies au titre de l’incapacité de travail et des prétentions pour des soins à long terme. Certains patients, qui ont traversé de graves troubles psychiques, se rétablissent et peuvent reprendre complètement leurs activités antérieures. D’autres deviennent incapables de travailler pour assez longtemps, déjà du seul fait d’un léger stress. La majorité des adultes sont dotés d’une personnalité qui leur permet de supporter les charges de la vie quotidienne. Mais l’individu réagit tout à fait différemment sur le plan émotionnel au stress de source externe. Il est par conséquent difficile d’établir précisément ce qui entre encore dans le champ de la «norme», et à partir de quand il y a lieu de parler d’un trouble. Chez certains individus apparaît cependant un trouble évident de la personnalité, qui conduit à des types de comportement singuliers, à des réactions émotionnelles hors normes ou à des troubles du fonctionnement endogène sur le plan émotionnel et mental. La composante fortement subjective des troubles psychiques représente, hormis l’incidence élevée pour la récidive, un défi notable pour l’examen du risque d’un point de vue médico-actuariel. Sous la lettre F de la nomenclature ICD-10, sont surtout déterminants sur le plan quantitatif – pour le domaine de l’assurance privée – les troubles affectifs (F30 – F39) comme ceux dus au stress, les troubles somatoformes et neurotiques (F40 – 49). Je me limiterai donc dans mon exposé à ces maladies sans m’attacher aux maladies organiques psychiques, ni aux dérangements psychiques liés à l’abus de drogues, ni aux troubles de la personnalité, du comportement, ni enfin à la demence, etc. Pour ces dernières, une couverture du risque décès, pour autant qu’elle existe, n’est souvent possible qu’à des conditions très fortement aggravées. L’assurance de l’incapacité de travail et de gain doit être généralement refusée. Je n’aborderai pas spécialement non plus les mala- 40 dies «modernes» telles que le «Syndrome de fatigue chronique», la «Fibromyalgie», etc., dont la délimitation avec les troubles psychiques est sujette à controverse. Acquisition des informations Pour l’acceptation d’une assurance vie, incapacité de gain ou indemnité journalière, le proposant doit en règle générale donner des renseignements sur son état de santé. S’agissant de prestations relativement restreintes, un questionnaire à remplir personnellement suffit. Pour des sommes assez importantes, un examen médical est nécessaire, qui contient également des questions à l’attention du candidat. Selon la loi sur le contrat d’assurance, le proposant est tenu «de communiquer par écrit à l’assureur tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, tels qu’ils lui sont connus ou doivent être connus lors de la conclusion du contrat». (art. 4 LCA). Sont réputés importants les faits au sujet desquels l’assureur a posé des «questions précises, non équivoques». En cas de fausse déclaration, l’assureur a le droit de se départir du contrat. Comme de par leur nature, les troubles psychiques et leur degré de gravité peuvent être souvent ressentis de manière très subjective, il est fort important que soient posées des questions claires, qui ne laissent nulle porte ouverte à l’interprétation. Il serait par ex. possible que la question «Souffrez-vous actuellement d’une atteinte à la santé?» reçoive une réponse négative alors que le médecin de famille soigne en même temps une dépression ainsi qu’une hyperttension par voie médicamenteuse. Sur le plan subjectif, la dépression pourrait être perçue comme une manifestation associée et la thérapie comme une médication complémentaire pour remédier à l’hypertension. Bien qu’il y ait une fausse déclaration sur le plan objectif, la jurisprudence protège souvent la déclaration que l’assuré ressent comme correcte sur le plan subjectif. C’est pourquoi la majorité des compagnies d’assurance posent des questions telles que «Prenez-vous ou avez-vous pris régulièrement des médicaments durant les 5 dernières années? Si oui, lesquels? Motif?» ou «Suivez-vous ou avez-vous suivi un traitement psychiatrique ou psychothérapeutique durant les 5 dernières années?» Les troubles psychiques apparaissent dans les questionnaires et certificats sous les descriptions les plus variées. Hormis les notions telles que celles de 41 la surcharge de travail, du stress, des problèmes matrimoniaux, etc., on rencontre également des diagnostics «médicaux» comme la dystonie végétative, la dépression larvée, entre autres. L’examinateur du risque doit obtenir alors des renseignements plus détaillés qu’il demande au médecin traitant moyennant accord écrit de la personne à assurer. Selon la source en question, de telles informations sont d’une puissance évocatrice différente et, à l’occasion, elles ne sont guère utilisables pour l’appréciation du risque. S’il n’y a pas eu de traitement par un psychiatre, nul diagnostic selon ICD-10 ou DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, édition 4) n’est – souvent – disponible. En pareil circonstance, il est important d’obtenir une description aussi complète que possible du tableau de la santé du patient, du déroulement des troubles ainsi que du contexte personnel. De façon idéale, il faudrait des renseignements médicaux comprenant les éléments suivants: diagnostic, si possible avec classification ICD-10 ou DSM-IV degré de gravité et durée de la maladie avec précision pour savoir si l’épisode est unique ou s’est répété durée depuis le dernier épisode périodes d’incapacité de travail traitement: durée de(s) l’hospitalisation(s) et durée/ type du traitement ambulatoire. Timing des thérapies médicamenteuses, compliance. Effet des diverses thérapies état psychique actuel; le(s) facteur(s) déclenchant(s) est/sont-il-s encore présent(s)? anamnèse familiale positive pour maladies psychiques ou suicide données relatives à l’activité professionnelle, aux conditions d’engagement et à l’aptitude de fonctionnement psychosocial personnalité et aptitudes à maîtriser la situation structure et relations familiales toute modification/régression des activités journalières dans le passé le plus récent singularités du comportement maladies associées problèmes d’alcool, consommation de drogues tentatives de suicide avec dates En règle générale, des informations d’une telle portée et aussi détaillées ne sont pas disponibles. Ceci fait que des hypothèses doivent être admises à titre de prudence qui, naturellement, 42 Tableau 2 Suicide et diagnostics psychiatriques Diagnostics psychiatriques dans les suicides intervenus >90 % Fréquence de troubles affectifs dans les suicides intervenus* 40 – 70% Fréquence de la dépendance (alcool, drogues) 25 – 50% dans les suicides intervenus* Fréquence de troubles de la personnalité dans les suicides intervenus* 30% Risque à vie de suicide en cas de dépression majeure 15% Risque à vie de suicide en cas de schizophrénie 10% Risque à vie de suicide en cas de dépendance 3% * La co-morbidité avec plusieurs diagnostics psychiatriques est fréquente. (Source: the international Handbook of Suicide and Attempted Suicide, K. Hawton, K. Van Heeringen (eds.) Chichester; Wiley & Sons; 2000) conduisent à une appréciation du risque défavorable pour les candidats. Cela ne devrait pas exister! En tant que conséquence de la thématisation accentuée et de la disparition du tabou des maladies psychiques, un psychiatre, un psychothérapeute ou un psychologue sera consulté aujourd’hui, même en présence de problèmes mineurs, bien plus rapidement qu’il y a 10 ou 15 ans. Dans les esprits des personnes chargées de l’examen des risques, l’opinion est cependant ancrée comme auparavant, selon laquelle un traitement psychiatrique est généralement le signe d’un trouble grave. Des informations complètes, détaillées sont donc dans l’intérêt du patient, car elles permettent dans nombre de cas une décision plus favorable en matière d’acceptation. Appréciation du risque de décès Le risque accru de décès en rapport avec une maladie psychique est principalement imputable à l’incidence plus grande de suicides et d’accidents, en comparaison des personnes en bonne santé. Dans plus de 90% des suicides existe un diagnostic psychiatrique. Après une tentative de suicide, il y aurait lieu, selon GUM1, de formuler un refus pendant une année. Indépendamment de la maladie de base psychiatrique à tarifier séparément, il est recommandé pendant les 5 années qui suivent de prélever une surprime de 43 risque de 5 pour mille du capital assuré; autrement dit, on admet sur un fondement statistique que pour 1000 assurés avec anamnèse identique, 5 meurent chaque année des suites d’un suicide. Après 6 ans, une acceptation normale est possible, à condition qu’il se soit agi d’une tentative unique et qu’il n’y ait pas cumul de facteurs défavorables (voir tableau 2). Dans l’assurance vie privée du 3e pilier, le suicide est en fait exclu de la couverture d’assurance pendant les 3 premières années (pas de délai de carence correspondant dans la prévoyance professionnelle). Malgré cela, les surprimes pour risque aggravé mentionnées seront relevées, car le suicide est souvent camouflé en accident et, par conséquent, il n’est fréquemment pas possible de le démontrer, ou alors une telle preuve s’avère très difficile. Dans les diagnostics psychiatriques selon ICD10 F3 + F4 sans tentative connue de suicide, le GUM recommande en général: acceptation normale en cas de troubles légers (existants ou selon anamnèse) en cas de troubles semi-graves, récidivants et graves, les recommandations vont de l’acceptation normale (après 1 – 2 ans sans récidive) au rejet resp. à l’ajournement, en passant par les surprimes pour risque aggravé de 25 à 100%. Est déterminante l’appréciation individuelle, moyennant prise en compte de facteurs pronostiques (voir tableau 3). Appréciation du risque d’incapacité de travail et de gain Les compagnies de réassurance s’efforcent de donner aux assureurs au premier risque des directives en matière de couverture du risque d’incapacité de gain dans le domaine délicat des maladies psychiques également. Ci-après quelques exemples tirés du GUM: Stress et troubles de l’adaptation (ICD F43) Episodes légers, uniques: Ajournement ou clause d’exclusion durant la 1ère année suivant la fin du traitement. Acceptation normale dès la 4e année après la fin du traitement. Dans l’intervalle, 25 – 100% de surprime. Episode semi-graves et graves: Ajournement de 1 – 3 ans après la fin du traitement. Ensuite, clause d’exclusion plus surprime pour risque aggravé d’env. 100%. Dès la 1 GUM: Global Underwriting Manual de la Suisse de Réassurances. De grandes sociétés de réassurance mettent à disposition des assureurs directs, dans le cadre de leurs prestations de service, des directives pour l’appréciation du risque de la plupart des maladies apparaissant à une certaine fréquence. Comme des masses importantes de données doivent être évaluées pour l’établissement de telles directives, les assureurs directs ne seraient généralement pas en mesure d’élaborer eux-mêmes de telles aides à l’appréciation. Des réassureurs leaders disposent fréquemment d’équipes spécialisées composées de médecins et de statisticiens, dont la tâche première consiste à mettre au point des bases de tarification et à soutenir les assureurs directs dans leur travail d’appréciation des risques. 44 Tableau 3 Facteurs pronostiques Eléments favorables Eléments défavorables Environnement privé et professionnel stable Pas de conflit conjugal ou familial manifeste Pas de dépendances connues Bonne prise de conscience de la maladie Pas de maladie de base physique Instabilité professionnelle Antécédents familiaux de maladies psychiques Diagnostic ancien Personnalité conservée et stable Bon soutien social Cause qui déclenche la maladie connue et supprimée 6e année, 50 % de surprime, et acceptation normale dans des cas sélectionnés. S’agissant des maladies chroniques et récidivantes, le rejet est recommandé. Troubles somatoformes (ICD F45) La condition pour l’appréciation du risque de troubles somatoformes est qu’une cause organique puisse être Conflit conjugal ou familial manifestes, problèmes financiers Abus d’alcool et/ou de drogues Mauvaise prise de conscience de la maladie Maladies physiques, en particulier lorsqu’ elles causent des douleurs chroniques ou limitent fortement les activités Pas d’antécédents familiaux de maladies psychiques Diagnostic récent Troubles du comportement, notamment violence Pression liée au travail Tentative de suicide antérieure Consultation de nombreux médecins («shopping médical») exclue pour les douleurs décrites par le patient Formes légères à semi-graves. Ajournement de 2 – 5 ans après la fin du traitement. Puis surprime de risque de 50 – 100%. S’agissant de formes graves, une offre avec surprime pour risque aggravé n’est possible qu’environ 10 ans après la fin du traitement. 45 Il est déconseillé de faire usage de clauses d’exclusion, car lors de l’éventuel fondement d’une prétention, les douleurs somatiques seront placées au premier plan et il ne sera pas toujours possible à l’assureur de prouver leur cause psychique. Troubles affectifs (ICD F3) La Minor Depression fera l’objet, selon son intensité, d’un ajournement de 1 – 5 ans après la fin du traitement. Puis l’acceptation est recommandée avec 50 – 100% de surprime. En cas de cyclothymies et dysthymies, des délais d’ajournement de 2 – 10 ans sont indiqués. Pour les dépressions graves et les troubles bipolaires, ce n’est qu’environ 10 ans après la fin du traitement qu’une offre avec surprime pour risque aggravé peut être envisagée. La pratique des sociétés d’assurance a tendance à être plus retenue que ne le recommandent les sociétés de réassurance. Les raisons essentielles d’un tel comportement sont souvent la forme non évidente des diagnostics à disposition, des diagnostics qui diffèrent d’un médecin à l’autre ainsi que les informations fréquemment lacu- naires sur les facteurs pronostiques et le contexte psychosocial et socioéconomiques. Ces facteurs d’insécurité incitent de nombreux assureurs à exclure de la couverture de l’incapacité de gain des proposants présentant un diagnostic psychiatrique. Une partie des compagnies utilisent des clauses d’exclusion qui, compte tenu du manque d’information décrit, sont souvent formulées de manière très globales. Exemple: une incapacité de travail/ gain, causée par des maladies psychiques et les suites médicalement attestées, ne donne pas droit à des indemnités journalières, ni à des rentes. Il est manifeste qu’une telle clause est conçue trop largement dans la majorité des cas. En règle générale, une limitation dans le cadre des chiffres F3 et F4 (ICD 10) serait suffisante. Il est douteux qu’au vu du nombre croissant de sinistres et du contexte économique qui se dégrade, il faille exiger des sociétés d’assurance une plus grande disposition à accepter les risques. Des renseignements médicaux détaillés, moyennant application d’une clé de diagnostic reconnue, seraient certainement une première étape en direction d’une appréciation différenciée et adaptée au risque du cas particulier. 46 La réintégration des malades psychiques dans le monde du travail Dr Jakob Bösch, Externe Psychiatrische Dienste Baselland, Bruderholz Petra Wildemann, Aktuar SAV/DAV, Industry Service Leader Insurance and Banking, IBM Schweiz, Zürich Résumé Dans le domaine de l’incapacité d’exercer la profession/le travail, les coûts à long terme sont énormes et augmentent de manière exponentielle plus la durée de la rente est longue. Des modèles sont nécessaires pour soutenir les individus dans leur réintégration après des coups du sort extraordinaires (accidents, mobbing ou maladie), payer des prestations ciblées et adaptées aux coûts et éviter de futurs dommages. Nous oublions dans ce contexte que, de surcroît, une grande partie des intéressés peut être exclue du cercle social sous l’effet de souffrances chroniques. Des moyens médicaux et techniques sont demandés, qui sont liés à des modèles assortis de programmes didactiques fondés sur l’individualité et requérant l’utilisation des techniques actuelles. Précisément, réunir les moyens actuels de la technique, de la communication et de l’individualité offre une solution globale à ce thème si difficile et complexe, pour s’attaquer au problème et présenter des solutions. 1. Introduction Le nombre des individus qui doivent être mis au bénéfice d’une rente en raison de douleurs chroniques a crû en Suisse de plus de cent pour cent au cours des deux dernières décennies; la croissance est spécialement forte dans les groupes d’âges inférieurs. Les souffrances psychiques et les problèmes de douleurs chroniques sont en tête des groupes de diagnostic. La déconnexion précoce du monde du travail du fait de troubles psychiques a atteint dans l’intervalle une part équivalant à presque un tiers de toutes les rentes octroyées. Simultanément, le nombre de ceux qui peuvent être réintégrés dans la vie du travail ne cesse de régresser. La médecine et, en particulier, la psychiatrie se trouvent dans une situation contradictoire. Les causes de cet état d’urgence sont essentiellement imputées aux conditions de l’économie, aux structures des systèmes d’assurance et aux évolutions de la société. Malgré cela, le partenariat nécessaire avec les employeurs, les assureurs et l’environnement des personnes touchées par la maladie et le handicap – pour corriger l’évolution décrite – n’est pas suffisamment réalisé. Apparemment, les possibilités du système médical pour les tâches du maintien de l’em- 47 ploi et de la réintégration dans le monde du travail sont sous-estimées et on en appelle trop exclusivement à l’effet des mesures essentiellement médicothérapeutiques. Fréquemment, les évolutions défavorables sont même soutenues par une série de facteurs iatrogènes. Est spécialement attristante l’augmentation du nombre d’individus psychiquement handicapés et mis au bénéfice de rentes en dépit de coûts pharmaceutiques en augmentation massive, par exemple avec doublement des coûts pour les antidépresseurs au cours de cinq ans, et en dépit d’une croissance constante de l’offre de traitement psychiatrique et psychothérapeutique. De nouvelles méthodes de traitement ainsi que de nouveaux modèles de gestion de la maladie et de l’handicap sont demandés. Mais des voies nouvelles impliquant le recours à la technologie pour le bien-être des intéressés sont également partie intégrante du processus de guérison. En particulier, il s’agit de reconnaître que les malades ou les handicapés, les thérapeutes, les assureurs et, finalement, les employeurs ont les mêmes intérêts, à savoir le maintien de la capacité de travail des personnages principaux de ces drames. Ne pas pouvoir travailler – c’est bien connu – est la situation de travail la plus stressante. Et même si la déclaration de maladie ou la mise au bénéfice d’une rente paraît alléger à court terme les conséquences financières pour les employeurs, ceux-ci seront inévitablement invités à repasser à la caisse sous forme de prélèvements sociaux accrus et, aujourd’hui, il est absolument impossible d’évaluer les coûts futurs. Ci-après seront discutées des conclusions tirées de projets très prometteurs et couronnés de succès dans d’autres pays et concernant le maintien de l’emploi ainsi que la réintégration en cas d’handicap chronique. Il s’agit essentiellement du St Loye’s Transformations Project en Angleterre (1), du Disability Management Programme au Canada (2, 3) et des travaux assez bien connus déjà pour un Pain Management interdisciplinaire (4). Un propre modèle, le Care Network Solutions Project, sera également présenté. 2. Une Success Story Le St Loye’s Transformation Project (UK) a débuté en automne 1998 en tant qu’essai pilote et a été prolongé et étendu au bout d’une année, vu son succès. Au cœur du projet, il y avait un service gratuit de consultation au bénéfice des employeurs, travailleurs 48 et personnes en quête d’un emploi, lorsque la place de travail était menacée ou déjà perdue en raison de problèmes de santé ou d’handicaps de travailleurs. Dès le départ, le but était d’exploiter les synergies entre les services existants et le St Loye’s Transformation Project. Un accent particulier a été mis sur les interfaces entre les divers fournisseurs de prestations. Comme chacun le sait, ce sont là les points faibles dans l’ensemble du réseau des services. Le St Loye’s Transformation Project offrait un service de consultation limité dans le temps, souple mais complet, avec focalisation sur la capacité de travail. L’évaluation des premiers 110 cas de consultation a enregistré 25% de personnes sans emploi au début de la consultation, 59% en situation de travail stable, 34% en cours de consultation et uniquement 7% de dropouts. Un placement d’environ 90% a été considéré comme réaliste. Pour un investissement de 400 000 livres anglaises, une économie d’au moins 10 millions de livres a été réalisée. Ce montant au premier abord étonnant est compréhensible lorsque l’on sait qu’en Suisse, tout octroi d’une rente anticipée due à la maladie coûte en moyenne, aux assureurs et à la collectivité, 1 million de francs au moins. Le temps entre le premier contact et l’acceptation du plan d’action par toutes les parties intéressées a été en moyenne de 1 à 5,1 mois, du premier contact à la situation de travail stable. Les clients venaient essentiellement via un travail de médias, les annonces et le bouche à oreille; autrement dit, il y avait 45% de personnes s’annonçant elles-mêmes, alors que 35% étaient inscrites par l’employeur. Il n’y avait presque pas de personnes envoyées par des médecins et des services de santé. Le contact avec les employeurs a été déterminant pour le succès du placement. Les clients de la consultation qui ont obtenu une place de travail et qui subissaient un handicap de courte durée étaient – comme c’est bien connu – bien plus motivés à travailler que ceux qui avaient quitté le travail depuis un certain temps déjà. Ces derniers exigeaient davantage de conseils et par conséquent, généraient une charge financière supérieure. De tous les clients, 39% subissaient leur handicap depuis moins d’un an, 55% depuis moins de deux ans et 77% depuis moins de cinq ans. La réinsertion ou le maintien de la place de travail étaient plus fructueux chez les grands employeurs qu’auprès de moyennes et petites entreprises. Il était important à cet égard que le 49 contact ne soit pas essentiellement entretenu avec les responsables de ligne, mais à l’échelon du management. Les responsables de ligne sont, selon les auteurs, très fortement focalisés sur la nécessité de réduire les coûts et la rentabilité de leur domaine de responsabilité; ils ne peuvent que mal calculer les coûts de la perte de travail en cas de départ du travailleur, encore moins bien que les coûts du réengagement et de la familiarisation au travail pour un travailleur expérimenté; ils sont tout aussi peu capables de calculer les coûts des hausses des primes d’assurance liées à la croissance constante du nombre des personnes bénéficiant d’une rente. Compte tenu des structures et des bases légales différentes dans le domaine de l’assurance, des modèles en provenance d’autres pays ne peuvent être repris que sous une forme adaptée en Suisse. Le Case Management est déjà appliqué pour des maladies et accidents spécifiques, en particulier auprès des assurances responsabilité civile, où l’on remplace, suivant en cela l’exemple de l’étranger, le principe «deny and defend» par «accept and assist». On a vu que des accidentés, qui doivent lutter des années durant pour la reconnaissance du dommage subi, ne peuvent re- trouver la santé et la capacité de se réinsérer; au contraire, ils sont le plus souvent prisonniers de la frustration et de la colère, voire de dépressions. 3. Travailler en réseau et gagner du temps dans le secteur médical Selon diverses études menées dans plusieurs pays du monde industrialisé, le taux de troubles psychiques pendant une année s’élève à 20 – 30%. La probabilité de tomber malade à ce titre pendant toute la vie a été estimée à 40 – 50%. Au vu des expériences glanées au cours des dernières décennies, on doit admettre que l’extension des assurances et de l’approvisionnement de la médecine ainsi que de la psychiatrie a contribué à la hausse disproportionnée des octrois de rentes pour troubles psychiques et de l’appareil locomoteur, qui représentent ensemble 70% des rentes. Ceci non pas du fait du mauvais travail des individus, mais en raison des procédures fragmentées et des efforts cloisonnés et non connectés des divers acteurs, qui ne mettent pas suffisamment au centre de leurs préoccupations l’objectif supérieur de la réintégration au travail, ou le perdent souvent de vue. 50 Exemple 1: un dessinateur en bâtiment de 55 ans avec études postgrades, qui a travaillé pendant plus de 20 ans dans la même entreprise, est submergé par un travail soumis à délai. En dépit d’un engagement supplémentaire considérable, il n’arrive pas à terminer le travail dans le délai souhaité. Il en résulte une discussion tendue, le patient souffre d’une «dépression nerveuse» et le médecin le met à l’incapacité de travail. Le patient redoute de recevoir son congé lorsqu’il retournera, rétabli, à son travail. La physiothérapeute consultée liste sur une pleine page A4 les symptômes de douleurs et de tensions. Un trouble d’anxiété à caractère dépressif est aisément constatable. Après une incapacité de travail de cinq mois, au cours de laquelle il n’y a eu aucun contact avec l’employeur, le patient est envoyé en psychiatrie avec le vœu d’une annonce à l’AI et expertise. La crainte du congé empêche ce patient de recouvrer la santé. Cinq mois d’éloignement du travail, ce n’est généralement plus optimal pour la réinsertion de patients, mais ce n’est pas mauvais non plus. Souvent, la perte – indéterminée dans le temps – d’une main d’œuvre qualifiée pendant des mois met déjà l’employeur dans des difficultés, de sorte que sa disposition à trouver des solutions transitoires et à prendre des mesures de réinsertion diminue, surtout au vu du manque de communication qui prévaut fréquemment. Un traitement psychiatrique usuel aide plutôt, en pareils cas, à consolider le processus de la maladie et à renforcer la focalisation sur des symptômes au lieu de réintégrer le patient dans le monde du travail. Même si, s’agissant de l’octroi d’une rente, une expertise négative est établie, le temps nécessaire pour élucider l’affaire et prendre des décisions provoque une absence prolongée au travail. Dans les cas les plus favorables, à concurrence de six mois et, dans les cas les plus défavorables, jusqu’à 24 mois, ce qui dégrade à tel point la capacité de réinsertion de l’individu que finalement, seul l’octroi d’une rente entre encore vraiment en ligne de compte. Le principe dominant, largement répandu chez nous et malheureusement même au sein de la psychiatrie sociale, selon lequel «D’abord la guérison, puis la reprise du travail ou d’abord la réhabilitation, puis le placement» doit être remplacé par la solution «le travail à bonne dose est la meilleure thérapie» ou, en d’autres termes, la réadaptation au travail ne peut avoir lieu que 51 sur les lieux du travail. Même des instituts de réadaptation psychiatriques sont particulièrement sujets au danger de trop focaliser sur la disparition des symptômes avec et sans valeur d’handicap et de ne pas voir les ressources à disposition. faite, par rapport à l’évaluation psychiatrique, est largement plus positive et le patient peut bientôt commencer un nouvel apprentissage, alors que la dose des médicaments est diminuée sans aucun inconvénient à une fraction de ce qu’elle était. Exemple 2: Un homme de tout juste 20 ans souffre d’une psychose qui est traitée par voie d’hospitalisation et administration de médicaments neuroleptiques à haute dose. Une réadaptation dans une clinique de jour sociopsychiatrique et dans un emploi protégé est entamée. En raison d’un manque probable de motivation, desdits symptômes négatifs schizophrènes sont diagnostiqués: la réduction des médicaments souhaitée par le patient et ses proches est refusée. Sur la base des rapports médicaux, le patient perd sa place d’apprentissage sans qu’un contact direct n’ait eu lieu entre l’employeur et le responsable de la réadaptation. L’institution psychiatrique insiste pour une annonce à l’AI qui a finalement lieu bien que le patient fasse pression pour pouvoir achever normalement son apprentissage. En fin de compte, le père du patient réussit à organiser pour celuici un stage d’initiation de 14 jours. L’évaluation des prestations qui y est Dans l’état actuel de la formation, les personnes œuvrant en psychiatrie doivent être conscientes qu’elles sont des spécialistes pour les places de travail qui sont protégées ou qui protègent, mais non pas pour la réinsertion et le maintien de la place de travail dans l’économie libre. La nature et l’accentuation des symptômes de maladie ou des handicaps n’ont qu’un rapport conditionnel avec les possibilités de réinsertion. L’entraînement suivi intensivement, des années durant, pour reconnaître et classifier les symptômes de maladie masque souvent le regard sur les parties saines du malade et la distance avec les employeurs est généralement trop grande pour une réintégration réussie dans le travail. Il en résulte une tendance inconsciente à attacher les gens à des institutions. Des nouveaux venus soumis à la procédure de réadaptation souhaitent fréquemment reprendre le travail, comme des études le montrent, mais les accom- 52 pagnants sont opposés à cette idée, par crainte que l’on exige trop de leurs ouailles. on peut souvent obtenir des améliorations décisives par la simple réduction des médicaments. 4. Plus la réadaptation dure, moins les intéressés se font confiance Plus la durée de la réadaptation est longue – loin des lieux du travail – moins les intéressés ont confiance en leurs aptitudes dans cette étape vers le travail et l’autonomie, alors que les personnes qui les encadrent exigent ensuite cela de leur part. Pendant la réhabilitation, le pourcentage des personnes actives dans l’économie libre diminue aussi drastiquement et n’est plus à la fin que de 5%. Pour la réinsertion professionnelle, il faut d’autres partenaires, par exemple des Case Manager, qui font du maintien du poste de travail leur tâche principale. Il convient de souligner une fois encore à quel point il est important de faire passer à l’arrière-plan l’élimination des symptômes et la prévention possible de récidive pour placer au cœur des préoccupations le maintien de la capacité de travail et de formation, ce qui augmente automatiquement la qualité de vie de l’intéressé. Fait également partie de cette démarche un usage prudent et limité de médicaments psychotropes. Face à la pratique actuelle de prescription usuelle, Exemple 3: Une femme de 58 ans a été hospitalisée trois fois en 17 ans dans un établissement psychiatrique pour des idées paranoïaques, au sujet desquelles divers diagnostics ont été émis. La quatrième hospitalisation a eu lieu déjà 1 an et demi après la troisième. Sous la pression de crises se multipliant, il fut décidé d’administrer un neuroleptique retard. Peu après la reprise de son travail, la patiente reçoit son congé. L’employeur – engagé sur le plan social – s’est plaint de constater chez cette dame – auparavant toujours soignée – des tendances au laisseraller, ce qui n’est pas tolérable lorsque le contact avec la clientèle est une nécessité. La patiente régresse alors massivement, perd toute initiative personnelle et ne peut plus tenir son ménage qu’avec l’aide intensive d’organisations spitex. Ce n’est qu’après l’arrêt du médicament retard, décidé après un an, à l’occasion d’un «consilium» psychiatrique, et l’administration d’une moindre dose d’un autre neuroleptique que la patiente change tout à fait. Elle redevient alors active, loquace et fait à nouveau preuve d’initiative. La rente AI entière qui lui a été 53 octroyée entre-temps est cependant maintenue. Dans cet exemple, il faut admettre l’existence d’une perte d’emploi iatrogène. Aujourd’hui, les traitements par médicaments psychotropes se caractérisent trop souvent par des dosages surfaits, de trop rares tentatives de réduction et – en cas de nouvelles crises intervenant en dépit des médicaments – par des augmentations excessives des doses et des combinaisons multiples; ils ont de surcroît un influence défavorable sur la capacité de travail et de formation, comme l’exemple qui suit le montre à l’évidence. Exemple 4: Un écolier de 16 ans souffre de contrariétés et de blocage dans l’étude. Il reçoit les antidépresseurs les plus divers et, finalement, une psychothérapie centrée sur la personne. Lors d’une consultation concernant les médicaments psychotropes, un antidépresseur lui est prescrit à raison de dix fois la dose normale. Une crise de Grandmal conduit à une administration supplémentaire d’un antiépileptique et à la perte de la capacité de conduire. Un retrait et une inactivité accrus rendent finalement nécessaire une hospitalisation psychiatrique. Dans la clinique privée, on ré- duit la dose de l’antidépresseur à 3 fois la dose normale. Avec une thérapie du comportement, le patient apprend à réélargir sa marge de mouvement, comme voyager seul, rencontrer des personnes de son âge, etc. Après avoir quitté la clinique, «pour stabiliser le succès», la dose d’antidépresseur est à nouveau augmentée au cours d’une consultation spéciale à 16 fois, mesure accompagnée d’un logement et de travaux protégés, le patient étant peu utilisable en raison de pressions dans la tête et de fatigue permanente. Le patient, qui a fêté ses 20 ans dans l’intervalle, reçoit une rente AI. Après un changement de médecin initié par ses parents, la médication est réduite de façon ciblée. Le patient reprend ses activités sportives, y compris le sport de compétition et ses hobbies, voyage seul aux USA et peut finalement entreprendre une formation exigeante. Les jeunes individus – précisément – ont aujourd’hui un tout autre accès aux nouveaux médias et moyens techniques qui nous sont offerts. Nous devrions vraiment intégrer et mettre à profit ce fait dans la guérison. Déjà pendant la thérapie, une communication ciblée via la connexion avec des personnes du même âge sur Internet 54 ou par l’intermédiaire de canaux spécifiquement choisis peut sensiblement améliorer la guérison. Des hobbies qui seront soutenus par des mises en œuvre techniques peuvent être encouragés. Des voyages aux USA peuvent déjà aider au préalable, dans un contexte de communication bien défini, à préparer la réinsertion. Suivant l’exemple d’un jeune homme venant de l’Inde, qui est aveugle depuis sa naissance et qui a pu entreprendre une activité de programmeur grâce à l’aide d’IBM, de nombreux autres jeunes peuvent obtenir une chance lorsque l’environnement peut la leur créer (voir article dans Schweizer Versicherung de juin 2002, de Petra Wildemann). 5. Le but principal est le maintien de l’emploi La psychiatrie sociale peut acquérir une force nouvelle grâce à un lien plus étroit avec les assurances et l’économie. Des idées contraires à cette conception doivent être combattues. Selon Sokoll (5), le Disability Management (DM) peut, en cas de dépressions, s’appuyer fortement sur le modèle Sherbrooke pour la réadaptation en présence de douleurs dorsales. Grâce à une intervention sur les lieux du travail – parallèlement au traitement médical de la maladie aiguë – le retour au travail doit intervenir 2,4 fois plus rapidement en moyenne qu’en cas de seul traitement médical ordinaire. Le DM englobe une première aide et le traitement de la maladie aiguë, mais également un service en réseau pour la réadaptation sur le plan médical. Le but principal est d’éviter le handicap à long terme. La personne assurée devrait être familiarisée avec le rôle consistant à devenir son propre manager, avec la responsabilité qui en découle pour sa santé et sa force de travail. Ceci peut parfaitement impliquer aussi une collaboration avec des organisations de patients. Le pilotage de la réadaptation de haut en bas échoue en règle générale. Les meilleurs indicateurs d’un retour rapide et durable au travail sont: l’amélioration constante de l’état la sécurité de l’emploi la perception de l’emploi comme un soutien le sentiment que le supérieur hiérarchique vous revoit avec plaisir la conscience que l’emploi en question sera adapté à un retour graduel à une pleine prestation de travail Réadaptation Clinique universitaire Responsabilité civile après accidents sans faute du lésé Traitement éventuellement incorrect jusqu’à ce moment-là (par ex. psychiatrie) Chômage de longue durée sans faute de l’intéressé Mobbing, stress sur les lieux du travail Maladie Accident Home Réintégration Programme de réinsertion Care Point: Processus itératif jusqu’à la réintégration Début de la mise en œuvre Soins Consulting Business Management Sélection Clinique d’arrondissement Care Point Travailler avec le bon dosage est la meilleure thérapie! 55 56 Cette adaptation de l’emploi et le retour progressif à la pleine performance au travail – qui est adaptée en fonction de l’individu – dès que les premières améliorations surviennent, sera élevée au rang de norme à respecter. De même, le contact précoce avec le système médical traitant et la promotion d’une culture de l’emploi dans le respect et l’adaptation souple des exigences en matière de travail sont une partie du programme. De grandes possibilités sont promises au réseau Internet avec le «self-screening» et la gestion de la maladie, avec les avantages de la protection des données, du Patient-Empowerment, etc. Le programme Care Point, qui a été développé en collaboration avec des représentants de l’industrie, offre une solution globale, pour aider également les intéressés qui, du fait de leurs souffrances chroniques, n’ont qu’une chance infime de retour dans la structure sociale actuelle (voir graphique: Care Point). Par analogie à la mise en œuvre réussie, qui implique des méthodes de formation bien définies, on peut aussi aider des patients souffrant de maux chroniques. Parallèlement aux programmes médicaux et thérapeutiques, des mesures de formation continue, en groupe ou sous forme individuelle, fournissent la base pour un retour dans le processus du travail. Le programme de formation qui a été développé dans l’initiative Care Point (voir remarque ci-dessous), comprend des unités didactiques, qui peuvent être enseignées en groupes, individuellement ou en une formule mixte. Selon le degré de formation, les programmes en question sont exécutés par un professeur qualifié et/ou les modules d’enseignement peuvent être transmis également par le «Distance Learning», en tant qu’e-Learning. Ces unités didactiques peuvent commencer par des modules tout à fait simples, et aller jusqu’à des contenus complexes et à des certificats reconnus sur le marché du travail. Ainsi le patient n’a pas seulement montré qu’il aimerait redevenir un membre à part entière de la structure sociale, mais il l’a également prouvé. 57 Remarque Care Point Le projet Care Point est issu d’un travail commun visant à présenter des chances directes et indirectes à l’individu auquel les modèles actuels n’offrent pas de possibilités optimales. L’objectif est de travailler – avec l’individu – au développement d’une nouvelle chance pour son futur. Il n’est pas seulement demandé une conversion des anciennes performances en rente, mais une aide véritable apte à développer chez l’intéressé une véritable foi dans l’avenir. Care Point est une approche intégrée, qui informe sur de véritables solutions à partir d’un accompagnement médical et thérapeutique, en concours avec les employeurs et les assureurs. De plus, des solutions globales sont appliquées, qui se fondent sur le développement technique actuel et qui mettent en relation les possibilités du réseau et de la formation. Au centre de la mise en œuvre de Care Point, il y a la responsabilité pour la coordination des procédures, qui revient en premier lieu aux assurances ou aux institutions sociales, dont l’individu dépend au cours de sa carrière de malade. Le concept global contient les services et prestations suivantes, qui peuvent également faire l’objet de modules séparés: Consulting/mise au point du Business Case Project Management Mise au point du triage Design et exécution de programmes didactiques pour la réinsertion professionnelle Etablissement de platesformes de communication, de réseaux, etc. Elaboration de programmes de formation et de réintégration Exécution de la formation de base et de la formation continue Certificat Soutien dans la réintégration Pour de plus amples informations sur Care Point, veuillez consulter sur Internet www.CH21.ch. 58 Bibliographie 1 Evaluation of the St Loye’s Transformations Project; St Loye’s Report, (2000) (Newman P, Bidgood I. ) 2 Code of Practice for Disability Management; National Institute of Disability Management and Research, (2000), (King A, Zimmermann W) 3 The Close-Up on Disability Costs in Canada’s Pulp and Paper Industry; National Institute of Disability Management and Research, (2000) 4 Main CJ, Spanswick CC. Pain Management, An Interdisciplinary Approach, Edinburgh 2000, Churchill Livingstone 5 Sokoll G. (2002): Global Workers Compensation Initiatives in Prevention Rehabilitation and Disability Management. Kongressband des «First International Forum On Disability Management» Schweizerischer Versicherungsverband Association Suisse d’Assurances Associazione Svizzera d’Assicurazioni