2017
Les cahiers de propositions
RISQUE ALCOOL – QUELLE
POLITIQUE MENER ?
2022
Addiction - Alcool
Contribution de l’ANPAA
ADDICTION - ALCOOL RISQUE ALCOOL – QUELLE POLITIQUE MENER ?
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En 2015, les débats autour de la loi de modernisation de notre système de santé,
au Parlement comme dans les médias, ont illustré la difculté de dénir en France une
politique de réduction des risques liés à la consommation d’alcool, deuxième facteur
de mortalité évitable après le tabac. Depuis l’adoption de la loi Evin en 1991 – une
loi prise en modèle dans de nombreux pays –, des initiatives parlementaires, sous la
pression de la lière vitivinicole, ont conduit à son affaiblissement progressif, d’abord
en supprimant l’interdiction relative à l’afchage publicitaire, puis en autorisant la
publicité sur Internet, et enn, en la dénaturant totalement au nom de la défense des
terroirs dans le cadre de la loi de modernisation de notre système de Santé votée
en 2015.
Pourtant, les risques et les dommages sanitaires et sociaux liés à la consommation
d’alcool sont de mieux en mieux connus. Face à ces risques, l’objectif des acteurs
de santé n’est ni l’abstinence ni la mise en place d’une politique prohibitionniste
qui a déjà fait la preuve de son inefcacité. La consommation d’alcool trouve sa
source dans la recherche de plaisir qu’il ne s’agit pas de nier et que rien ne sert
d’interdire, mais les consommateurs ont le droit de connaitre les risques associés à
la consommation d’alcool. L’Association nationale de prévention en alcoologie et
addictologie (ANPAA) appelle dès lors le prochain gouvernement à apporter une
réponse cohérente et résolue via l’adoption d’un plan national de réduction des
dommages.
INTRODUCTION
TITRE I
ADDICTION - ALCOOL RISQUE ALCOOL – QUELLE POLITIQUE MENER ?
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ANALYSE
TITRE II
A la différence de la publicité pour les produits du tabac qui a été interdite,
la publicité pour les boissons a été autorisée mais encadrée avec l’objectif
d’empêcher l’incitation à boire de l’alcool, notamment pour protéger les jeunes, plus
vulnérables à l’inuence du marketing. Dans cet esprit, le texte de 1991 interdit les
supports publicitaires qui s’imposent à tous (télévision, cinéma, afchage) ainsi que
les opérations de parrainage. La loi encadre également les supports et contenus
autorisés (tout ce qui n’est pas autorisé est interdit), l’objectif étant de permettre une
information objective sur le produit (nature, composition, élaboration, dénomination,
terroir de production…) sans pour autant inciter à la consommation.
Cependant, depuis 1991, la loi a été dénaturée par un grignotage progressif. En
1994, la publicité par afchage est de nouveau autorisée partout en France, alors
qu’elle n’avait été autorisée que dans les zones de productions viticoles. L’autorisation
par la loi HPST en 2009 de la publicité sur Internet – média où la publicité s’impose
à tous et utilisé massivement par les jeunes – illustre bien le glissement entre l’objectif
initial et le texte amendé que les lobbys dénoncent aujourd’hui comme inefcace.
Dernière victoire en date du lobby de l’alcool, l’introduction, dans la loi de
modernisation de notre système de Santé – contre l’avis du ministère de la Santé –,
d’un amendement excluant des règles encadrant la publicité les « contenus, images,
représentations, descriptions, commentaires ou références » relatifs notamment « à
une région de production », « à une indication géographique », « à un terroir »,
« au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager lié à une boisson alcoolique
disposant d’une identication de la qualité ou de l’origine ». La plupart des
boissons alcooliques pouvant exciper d’une origine géographique, on peut dès lors
s’attendre au retour de toutes formes de communications promotionnelles, y compris
à la télévision et au cinéma.
Pour justier cet amendement, le principal argument avancé par la lière était l’insécurité
juridique, à l’origine d’une prétendue autocensure de la part des annonceurs et
des médias pour promouvoir l’œnotourisme. L’évolution des dépenses de publicité
témoignait pourtant de la bonne santé du marketing alcool. Les dépenses de
publicité pour la lière alcool n’ont pas cessé de progresser, passant de 237 millions
d’euros en 2003 à 459 millions en 2011.
CHAPITRE I : QUE PRÉVOIT LA LOI EVIN ?
ADDICTION - ALCOOL RISQUE ALCOOL – QUELLE POLITIQUE MENER ?
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Les risques associés à la consommation d’alcool sont aujourd’hui incontestables,
démontrés par de nombreuses études scientiques et entérinés par les autorités
sanitaires internationales. Ces connaissances, qui ont évolué grâce aux progrès de
la recherche, remettent en cause un certain nombre de croyances préétablies :
1. La consommation d’alcool ne procure aucun bénéce pour la santé. Les assertions
contraires (allégations sur un bénéce cardiovasculaire, réduction du risque de
maladie d’Alzheimer, etc…) ont toutes été démenties ;
2. Les dommages sont proportionnels à la quantité consommée ;
3. Le risque de cancer pour plusieurs organes est signicativement augmenté par les
consommations régulières, même pour de faibles quantités ;
4. La consommation d’alcool aggrave ou provoque des violences, notamment les
agressions sexuelles et les accidents sur la route.
L’avertissement sanitaire actuel, imposé en 1991 par la loi Evin, « L’abus d’alcool est
dangereux pour la santé », est dès lors obsolète dans la mesure le risque existe
même pour des quantités faibles.
La consommation d’alcool en France est parmi les plus élevées des pays de l’OCDE
(3e derrière l’Autriche et l’Estonie en 2012) avec une moyenne de 11,8 litres d’alcool
pur par habitant contre 8,8 litres en moyenne1. L’alcool est ainsi à l’origine de 49 000
décès prématurés par an en France, constituant la deuxième cause de mortalité
évitable, ainsi que la première cause d’hospitalisation en France (580 000 patients
pour un coût estimé à 2,6 Md€)2.
Parmi les 8,4 millions de consommateurs réguliers en France, 31 % relèvent de la
catégorie des buveurs à risque ponctuel et 8 % des buveurs à risque chronique.
Si la consommation moyenne d’alcool baisse depuis 50 ans, on observe une
augmentation préoccupante des ivresses alcooliques chez les jeunes (au moins 3
par an pour 30 % des 18-25 ans). Plus de la moitié des jeunes de 16 ans qui avaient
consommé de l’alcool au cours du dernier mois estimaient, en 2015, qu’ils n’avaient
pas de difculté à se procurer du vin ou des alcools forts ; ce niveau atteint 80 %
quand il s’agit de bière.
Alors que l’on entend souvent que les drogues licites rapportent plus qu’elles
ne coûtent, l’analyse des chiffres montre que c’est faux. Chaque année, l’alcool
rapporte 3,2 milliards d’euros de taxes à l’Etat. Mais, dans le même temps, celui-ci
doit débourser plus de 7,7 milliards d’euros pour couvrir le coût des soins engendrés
par des maladies liées à l’alcool. La taxation sur les alcools ne représente ainsi que
37 % du coût des soins. Allant plus loin, l’économiste Pierre Kopp a estimé à près de
120 milliards d’euros le coût social de l’alcool (comme pour le tabac), répartis entre
la prise en charge des soins, le coût de la prévention et de la répression, la perte
de production pour les entreprises et les administrations (arrêts maladies, accidents
du travail) ou encore la valeur des vies humaines perdues3.
1 Tackling Harmful Alcohol Use, OCDE, 12 mai 2015.
2 Paille (François), Reynaud (Michel), L’alcool, une des toutes premières causes d’hospitalisation en
France, InVS, Bulletin Epidémiologique hebdomadaire (BEH) 25-26, 7 juillet 2015.
CHAPITRE II : QUELS SONT LES RISQUES DE LA CONSOMMATION
D’ALCOOL ?
CHAPITRE III : CONSOMMATIONS NOCIVES D’ALCOOL, QUEL
IMPACT SUR LA SANTÉ ET LES FINANCES PUBLIQUES ?
3 Kopp (Pierre), Le coût social des drogues, OFDT, Tendances, septembre 2015.
ADDICTION - ALCOOL RISQUE ALCOOL – QUELLE POLITIQUE MENER ?
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Que l’on prenne le sujet sous l’angle de la santé, de l’économie ou de l’évaluation
des politiques publiques, les analyses convergent sur les mesures à mettre en
œuvre pour réduire les dommages liés à la consommation nocive d’alcool. L’OMS4,
l’OCDE5 ou plus récemment la Cour des Comptes6 en France formulent les mêmes
préconisations :
- Encadrer la publicité et le marketing pour l’alcool an de limiter l’exposition des
jeunes. L’exposition précoce à de la publicité pour l’alcool est associée à une
image socialement positive de l’usage d’alcool et, ultérieurement, à un usage plus
important et un risque plus important de dépendance et de complications.
- Agir sur le prix en augmentant les taxes an de réduire les consommations nocives.
Comparée aux autres pays de l’OCDE, la France a des niveaux de taxes sur l’alcool
plus faibles, en particulier pour le vin7 qui jouit d’un privilège scal. La taxation sélective
de boissons alcooliques destinées aux jeunes (prémix) en 2004 a considérablement
réduit le marché de ces produits.
- Jouer sur l’accessibilité des produits. La facilité à se procurer de l’alcool inuence
les achats et la consommation. Limiter l’accessibilité peut passer par l’interdiction de
la vente aux mineurs dans les cafés, bars et restaurants et dans les points de vente
au détail, par la réduction du nombre de points de vente, par l’encadrement des
heures d’ouverture ou encore par l’interdiction de certains emplacements (périmètre
autour des écoles par exemple).
- Développer une politique de prévention indépendante de l’inuence des
producteurs. Comme le souligne l’OMS, « la participation de l’industrie des boissons
à l’éducation des jeunes et aux activités destinées à la jeunesse pose un problème,
étant donné que leur soutien, direct ou indirect, pourrait être considéré comme une
tentative d’obtenir de la crédibilité auprès des jeunes ».
4 Stratégie mondiale visant à réduire l’usage nocif de l’alcool, Organisation mondiale de la Santé,
2010.
- Favoriser une recherche indépendante visant à garantir une production scientique
non biaisée. Des organismes scientiques, reconnus internationalement, existent déjà
et pourraient voir leurs moyens renforcés : Santé Publique France, l’Observatoire
Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT), l’Institut National du Cancer
(INCa), l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), la HAS.
Des exemples pris à l’étranger montrent que l’action sur ces différents leviers est
efcace. L’Australie a ainsi retrouvé en 2012 le niveau de consommation de
1992 après avoir atteint un pic 2006. C’est le premier pays membre de l’OCDE à
expérimenter en 2011 le prix minimum, tout en réglementant strictement la publicité
des boissons alcoolisées. En Écosse, l’interdiction des rabais depuis 2010 a permis
une réduction de la consommation de l’ordre de 2,6 %.
CHAPITRE IV : QUELS SONT LES PRINCIPAUX LEVIERS D’ACTION
RECOMMANDÉS PAR LES AUTORITÉS DE SANTÉ ?
5 Lutter contre la consommation nocive d’alcool - Politiques économiques et de santé publique, Note
de synthèse, OCDE, mai 2015.
6 Les politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool, Cour des comptes, Juin 2016.
7 Panorama de la santé, OCDE, novembre 2016.
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