Facteurs cellulaires de résistance à l`infection par le VIH

Facteurs cellulaires de résistance à l'infection par le VIH
Revue critique
de l'actualité scientifique internationale
sur le VIH
et les virus des hépatites
n°108 - mai-juin 03
VIH - IMMUNOLOGIE
Facteurs cellulaires de résistance à
l'infection par le VIH
Gianfranco Pancino
unité de biologie des rétrovirus, Institut Pasteur (Paris)
Cellular HIV-
protective
factors : a
comparison
of HIV-
exposed
seronegative
female sex
workers and
female blood
donors in
Abidjan, Côte
d’Ivoire
Jennes W.,
Sawadogo S.,
Koblavi-Dème
S., Vuylsteke
B., Maurice
C., Roels T.H.,
Chorba T.,
Nkengasong
J.N., Kestens
L.
The Journal of
Infectious
Diseases,
2003, 187, 206-
214
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Facteurs cellulaires de résistance à l'infection par le VIH
Le JID publie une étude menée à Abidjan dont le but était
d'analyser chez des femmes prostituées exposées au VIH mais
séronégatives des paramètres immunologiques susceptibles de
permettre l'identification de ces mécanismes de résistance. Une
diminution de l'expression du récepteur CXCR4 a été notée,
mais les limites méthodologiques de l'étude ne permettent pas
de tirer de conclusions.
Le JID publie une étude menée à Abidjan dont le but était
d'analyser chez des femmes prostituées exposées au VIH mais
séronégatives des paramètres immunologiques susceptibles de
permettre l'identification de ces mécanismes de résistance.
Une diminution de l'expression du récepteur CXCR4 a été
notée, mais les limites méthodologiques de l'étude ne
permettent pas de tirer de conclusions.
La sensibilité à l'infection par le VIH-1 varie grandement
entre les individus et dépend de facteurs génétiques,
environnementaux et immunologiques. Une résistance vis-à-
vis de la transmission du VIH-1 a été observée parmi des
individus qui ont été exposés au VIH-1 de façon répétée et
pendant des périodes prolongées. Ces individus exposés au
VIH-1 mais séronégatifs (ESN) ont été notamment identifiés
au sein de populations à risque, telles des prostituées ou des
toxicomanes.
De nombreuses études ont essayé d'identifier les mécanismes
de cette résistance/protection naturelle au VIH-1. En effet, la
compréhension des mécanismes de résistance et/ou de
protection chez des ESN peut apporter des informations
précieuses pour le développement de stratégies vaccinales
et thérapeutiques.
L'étude de Jennes et coll., publiée dans The Journal of
Infectious Diseases en janvier 2003, analyse un certain
nombre de paramètres immunologiques dans une population
de prostituées ESN à Abidjan, en Côte d'Ivoire, en
comparaison avec des femmes séronégatives donneuses
volontaires de sang, afin d'identifier des marqueurs de
protection. L'étude a été réalisée sur des prélèvements de sang
frais par cytofluorométrie de flux (FACS).
L'analyse a porté sur des marqueurs d'activation
lymphocytaires ainsi que sur des facteurs qui ont été
directement impliqués dans la sensibilité à l'infection par le
VIH-1. Parmi ces derniers, l'expression à la surface des
cellules cibles, les lymphocytes T CD4+, des récepteurs des
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chimiokines CCR5 et CXCR4, qui servent de corécepteurs
pour l'entrée du VIH dans les cellules, a été évaluée. En outre,
la production des beta-chimiokines ligands de CCR5, et de
cytokines de type Th1, telle l'IL-2, l'IFN-gamma et le TNF-
alpha, ou de type Th2, comme l'IL-4, a été évaluée par
marquage intracellulaire des lymphocytes.
En effet, des études précédentes avaient suggéré un rôle
potentiellement protecteur des cytokines de type Th1, associé
au développement d'une réponse immunitaire des
lymphocytes T contre le VIH-11. Au contraire, des études
réalisées sur des populations à forte prévalence d'infections
helminthiques, qui présentent une activation immunitaire de
type Th2, ont suggéré que cette activation soit un facteur
favorisant la transmission du VIH-1 et l'évolution rapide vers
le sida en Afrique2.
Vingt-sept prostituées ESN et 27 donneurs de sang témoins
ont fait l'objet de l'étude. La durée médiane de la prostitution
(et donc de l'exposition au risque d'infection qui y est associé)
parmi les ESN étudiées était de 6 mois et seulement 3 ESN
pratiquaient la prostitution depuis plus de 3 ans. Les résultats
de l'étude de Jennes et coll. indiquent que la majorité des
paramètres étudiés ne différent pas entre les ESN et les
témoins, et notamment les pourcentages de lymphocytes
marqués pour la production des beta-chimiokines et des
cytokines. Le marqueur d'activation CD38 est par contre
augmenté sur les lymphocytes T CD8 des ESN, suggérant une
activation de cette population lymphocytaire. L'expression du
corécepteur CCR5 sur les cellules T CD4 n'est pas différente
entre les 2 populations, alors que l'expression de CXCR4 est
diminuée chez les ESN. Les auteurs n'ont pas trouvé
d'association entre l'expression des marqueurs d'activation et
la durée de la prostitution, le nombre de clients, l'utilisation
de préservatifs ou la fréquence de maladies sexuellement
transmissibles protozoaires ou microbiennes (syphilis,
gonococcie ou infection à chlamydiae).
Bien que la diminution de l'expression de CXCR4 soit par
contre associée à la durée de la prostitution, aucune
explication claire à cette association n'est donnée. Dans une
étude récente, une diminution de l'expression de CXCR4 sur
les lymphocytes TCD4 a également été détectée chez des
toxicomanes vietnamiens ESN3. Dans cette étude, la
diminution de CXCR4 a été corrélée à une diminution de la
proportion des lymphocytes naïfs, qui expriment
préférentiellement CXCR4. Toutefois, il est communément
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admis que les virus qui sont transmis par voie sexuelle
utilisent essentiellement la molécule CCR5, et donc la
signification de la diminution de CXCR4, observée dans ces
études, par rapport à la résistance à l'infection, n'est pas
évidente. Comme le soulignent Jennes et coll., une étude
longitudinale pourrait permettre d'évaluer si cette
diminution est susceptible de jouer un rôle direct ou
indirect dans la résistance à l'infection.
Des études phénotypiques chez d'autres populations exposées
au VIH-1 par voie sexuelle ont révélé des profils d'activation
lymphocytaire différents chez les ESN en comparaison avec
des témoins séronégatifs non exposés. Biasin et coll. ont
montré un profil d'activation immunitaire de type Th1 au
niveau systémique et surtout au niveau des muqueuses
génitales de femmes italiennes ESN partenaires de sujets
infectés4. Une proportion augmentée de lymphocytes T CD8,
et notamment des sous-populations mémoire et des sous-
populations exprimant des marqueurs d'activation, chez des
ESN à été documentée par diverses études5,6. Ces données,
ensemble aux résultats de Jennes et coll., soutiennent
l'hypothèse d'un éventuel rôle protecteur des lymphocytes T
CD8, par le biais de la sécrétion de facteurs inhibiteurs du
VIH-1 et/ou d'une activité cytotoxique.
L'étude de Jennes et coll. n'apporte pas, à notre avis, de
nouveaux éléments déterminants à la compréhension du rôle
des facteurs immunologiques dans la protection contre la
transmission du VIH-1 et à leur identification. Cette étude a
toutefois le mérite d'avoir analysé les paramètres
immunologiques en utilisant du sang frais, en évitant ainsi des
modifications d'expression de certains marqueurs lors de la
manipulation ou de la culture des lymphocytes.
La limite majeure de l'étude de Jennes et coll. réside dans le
choix de la population d'ESN : les prostituées incluses dans
l'étude n'ont pas une ancienneté de comportement à
risque qui permette de conclure que l'absence de
contamination par le VIH-1 est due à une
résistance/protection contre l'infection plutôt qu'à d'autres
facteurs, y compris la chance.
D'autres études suggèrent qu'une pratique de la prostitution de
plus longue durée (plus de 3 ans) constitue un solide critère
de risque7. Il est par conséquent difficile d'évaluer si l'absence
de différences entre les ESN et la population témoin pour
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certains des paramètres étudiés a une signification biologique
réelle ou ne dérive en partie de l'inclusion dans l'étude d'une
large proportion (48%) d'ESN avec une durée de la
prostitution inférieure à 6 mois.
Les facteurs immunologiques de protection
Des nombreuses études ont exploré les réponses
immunitaires chez des individus exposés et séronégatifs
(ESN) dans l'effort de comprendre les mécanismes
responsables de leur protection apparente contre l'infection
par le VIH. Aucun des mécanismes de défense
immunitaire exploré n'apparaît capable, à lui seul,
d'expliquer ce phénomène de résistance. Il est donc
probable qu'un ensemble de facteurs, génétiques et
immunitaires, convergent à déterminer la résistance à
l'infection, et que ces mécanismes varient entre les
individus, selon leur origine, leur environnement et, peut
être la voie d'exposition au VIH.
Ainsi, une mutation homozygote (Delta32) d'une des
molécules nécessaires à l'entrée du VIH-1 dans la cellule,
le co-récepteur CCR5, a été associée à la résistance à
l'infection, mais elle est présente seulement chez environs
1% des individus de race blanche et absente au sein des
populations d'Afrique et d'Asie.
Parmi les réponses immunitaires qui ont été associées à la
résistance chez des ESN on compte aussi bien des réponses
spécifiques contre le VIH et des réponses de défense non
spécifiques ou innées. Parmi ces dernières, citons
l'augmentation, chez un certain nombre d'ESN, de la
sécrétion de facteurs inhibiteurs du VIH par des cellules du
système immunitaire et notamment par les lymphocytes
CD8. Une augmentation de l'activité des cellules Natural
Killer (NK), qui sont responsables des défenses plus
précoces contre les agents infectieux, a été également
décelée chez certains ESN.
Parmi les réponses spécifiques, la présence de lymphocytes
T CD4 et/ou T CD8 capables de reconnaître des antigènes
du VIH a été détecté chez une proportion consistante
d'ESN (environs 30-50% selon les études). Enfin, la
présence d'anticorps dirigés contre les protéines externes
du VIH a été aussi détectée dans les sécrétions génitales,
dans les urines et dans le plasma de certaines femmes
ESN.
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