Manifestations cliniques de la primoinfection VIH-1 chez des femmes de Mombasa Revue critique de l'actualité scientifique internationale sur le VIH et les virus des hépatites n°96 - octobre/novembre 2001 VIH - KENYA Manifestations cliniques de la primoinfection VIH-1 chez des femmes de Mombasa Mame Awa Faye Niang Service des maladies infectieuses, Hôpital de Fann (Dakar) Masserigne Soumare Service des maladies infectieuses, Hôpital de Fann (Dakar) Primary HIV-1 infection : clinical manifestations among women in Mombasa, Kenya Lavreys L., Thompson M.L., Martin Jr H.L., Mandaliya K., Ndinya-Achola J.O., Bwayo J.J., Kreiss J. Clinical Infectious Diseases, 2000, 30, 486-90 Une étude prospective menée au sein d'une cohorte de femmes prostituées a montré que la séroconversion VIH était accompagnée d'une forte prévalence de signes et symptômes compatibles avec une maladie aiguë. La détermination de la primo-infection pourrait conduire à un conseil de réduction de risque pour une prévention secondaire de la transmission aux partenaires et aux enfants. La fréquence des signes de la primo-infection VIH-1 est peu http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/96_1353.htm (1 sur 4) [08/04/2003 15:11:59] Manifestations cliniques de la primoinfection VIH-1 chez des femmes de Mombasa connue, leur détermination étant surtout basée sur des études transversales menées chez des patients vus pour raison médicale. Certaines estimations font état du caractère symptomatique des nouvelles infections VIH-1 dans 50 à 90% des cas. Mais celles-ci pourraient être surestimées en raison du type même des études. Par ailleurs, peu de travaux publiés ont inclus un groupe de patients séronégatifs en comparaison, bien que les signes ou symptômes qui caractérisent l'infection primaire VIH-1 soient non spécifiques. Pour les pays en développement, globalement, les données sur la primo-infection VIH-1 sont rares. Pour répondre à cette problématique, une étude prospective a été menée au sein d'une cohorte de prostituées séropositives pour le VIH-1 suivies depuis 1993 dans le cadre du -programme "Preparation for AIDS Vaccine Evaluation (PAVE)/HIV Network for Prevention Trials (HIV NET)" afin de déterminer la séro-incidence et les corrélations de la séroconversion. Il s'agit d'un des premiers essais de caractérisation des signes cliniques de la primo-infection dans une population africaine. Entre mars 1993 et mars 1998, les prostituées vues à la clinique municipale Ganjoni à Mombasa (Kenya) ont été incluses après consentement dans le cadre d'un suivi de cohorte. A l'inclusion, un questionnaire était rempli, un examen clinique conduit et une sérologie VIH-1 pratiquée. Les femmes sélectionnées étaient ensuite vues régulièrement tous les mois. Toutes ces femmes recevaient un counseling et un approvisionnement gratuit en préservatifs. Celles présentant une infection sexuellement transmissible recevaient par ailleurs un traitement adapté. Durant 5 ans, les données cliniques, comportementales et de laboratoire ont été régulièrement collectées. Pendant la période d'étude, 4007 femmes ont été dépistées pour le VIH-1 et 53,5% ont été trouvées positives. Sur les 1053 femmes séronégatives pour le VIH-1 qui ont pu être inclues dans l'étude, 883 ont été revues plus d'une fois à des visites de suivi. Un total de 9851 visites cliniques de suivi ont été répertoriées, avec une médiane de suivi de 12 mois (1 - 6 mois). Cent-soixante deux (162) femmes ont séroconverti, ce qui correspond à une incidence annuelle de l'infection VIH-1 de 12%. La médiane du délai entre la dernière visite séronégative et la première séropositive est de 1,1 mois (1 semaine - 3 mois). La fréquence des symptômes signalés chez les femmes ayant séroconverti était significativement plus élevée comparativement aux femmes n'ayant pas séroconverti. Onze symptômes et signes cliniques s'avèrent significativement associés à la séroconversion VIH : la fièvre, les céphalées, les arthralgies, les myalgies, les vomissements, la diarrhée, une éruption cutanée et une inflammation ganglionnaire pour ce qui http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/96_1353.htm (2 sur 4) [08/04/2003 15:11:59] Manifestations cliniques de la primoinfection VIH-1 chez des femmes de Mombasa sont des symptômes ; une candidose vaginale, une lymphadénopathie extra-inguinale et une lymphadénopathie inguinale pour les signes cliniques identifiés. 81% des 103 femmes ayant séroconverti présentaient au moins un des onze signes ou symptômes précités significativement associés à la séroconversion versus 52 % des femmes n'ayant pas séroconverti (p < 0,001) ; 52% avaient au moins trois d'entre eux versus 18% des femmes n'ayant pas séroconverti (p < 0,001). Les symptômes de l'infection VIH étaient souvent d'importance élevée : 44 %des femmes, au moment des visites de séroconversion, ont déclaré être "trop malades" pour travailler. La fréquence des arrêts de travail n'était que de 15% pour celles n'ayant pas séroconverti (odds ratio = 4 ; IC : 2,7-6,1). La cessation de travail pendant plus d'une semaine était aussi significativement plus élevée chez les femmes ayant séroconverti. Les auteurs ont tenté d'établir un score incluant quatre symptômes et deux signes. L'application de ce score à d'autres situations n'est pas réalisable du fait que sa sensibilité, sa spécificité et sa valeur prédictive sont dépendantes de la fréquence des symptômes et des signes, donc variables selon les populations. La principale force de l'étude a été son caractère prospectif. Mensuelle, la demande de sérologie a permis l'identification de la primo-infection tôt après la contamination. Ainsi, l'estimation de la fréquence de la maladie primaire paraît plus exacte que celles effectuées dans d'autres études cliniques ou hospitalières identifiant la séroconversion sur la base de la présence de signes de maladie. Une deuxième ligne de force est la possibilité de comparer des situations de séroconversion et de non séroconversion : par rapport à des signes cliniques ou à des symptômes en aucun cas spécifiques du VIH et semble-t-il plus fréquents en Afrique indépendamment du VIH qu'en Europe. La reconnaissance rapide de l'infection primaire VIH est très importante pour diverses raisons : D'abord, la sévérité de la maladie symptomatique est un élément pronostique pour ce qui concerne l'histoire naturelle de l'infection. La charge virale plasmatique durant l'infection aiguë ou durant la première année après la séroconversion apparaît importante pour l'évolution vers la chronicité. Ensuite, la reconnaissance de la primo-infection peut permettre de commencer précocement la mise sous traitement antirétroviral, même si les données cliniques, notamment sur les bénéfices à long terme, restent peu nombreuses. L'étude de l'infection primaire VIH peut d'autre part fournir des informations valables sur les interactions entre les facteurs viraux et immunologiques qui peuvent être déterminants pour le http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/96_1353.htm (3 sur 4) [08/04/2003 15:11:59] Manifestations cliniques de la primoinfection VIH-1 chez des femmes de Mombasa développement d'un vaccin. Enfin et surtout, du point de vue de la santé publique, l'identification et le counseling des nouveaux patients infectés peuvent permettre de réduire la transmission du VIH durant une période d'infectiosité accrue. En résumé, dans cette cohorte de femmes ayant un comportement à risque, la séroconversion VIH était accompagnée d'une forte prévalence de signes et de symptômes compatibles avec une maladie aiguë. En outre, en Afrique, où les traitements antirétroviraux ne sont pas toujours disponibles pour la majorité des personnes nouvellement infectées, la détermination de la primo-infection pourrait conduire à un conseil de réduction de risque pour une prévention secondaire de la transmission aux partenaires et aux enfants. http://publications.crips.asso.fr/transcriptase/96_1353.htm (4 sur 4) [08/04/2003 15:11:59]