Vol. 1, núm. 1Marzo 2002 Revista Internacional On-line / An International On-line Journal Reflexions autour de quelques prejugés concernat le traitement des patiens psychotiques: l'expérience d'un centre de jour à Genéve. A. Fredenrich-Mühlebach, A. Zanetti, S. Ehreusperger, M.C.G. Merlo. Resumen La evolución de los pscientes psicóticos es a menudo percibida con pesimismo. Se considera que estos pacientes poseen pocas posibilidades relacionales y escaso gusto por los contactos con los demás seres humanos. El trabajo con estos pacientes resulta a menudo frustrante y poco gratificante. Los autores describen la experiencia de un Centro de Día en Ginebra, que contradice estos prejuicios. Más de un tercio de los pacientes que presentanban trastornos psiquiátricos graves y frecuentemente de larga duración, pudieron retomar sus trabajos o sus estudios. Los acting out auto o hetero agresivos disminuyeron y se redujo fuertemente el número de hospitalizaciones psiquiátricas. Los mismos pacientes, en fin, subrayaron la utilidad de los grupos terapéuticos y mostraron que tenían conservada su capacidad de investir las relaciones interpersonales. Abstract Psychotic patients are often perceived as having few favorable outcome, as well as poor relational skills and diminished pleasure for relationships. Working with these patients is often considered as frustrating and not gratifying. The experience in a psychiatric day hospital in Geneva challenges these stereotypes. Within a population suffering from severe psychiatric disorders, which often occur in the long run, more than a third of patients were able to return or start work or school. They decreased auto- and heteroaggressive behaviours and they were also considerably less often hospitalized. Finally, patients themselves underlined the usefulness of therapeutic groups and showed their possibilities in engaging and enjoying interpersonel relationships. Résumé Les patients psychotiques sont souvent perçus comme ayant peu de possibilités d'évolution favorable, et peu de capacités relationnelles ou de goût pour les relations. Le travail avec ces patients est souvent vu comme frustrant et peu gratifiant. L'expérience d'un centre de jour à Genève met en discussion ces préjugés. Dans une population atteinte de troubles psychiatriques graves et souvent de longue durée, plus d'un tiers des patients a pu reprendre le travail ou des études. Les passages à l'acte auto ou hétéroagressif ont diminué et le nombre d'hospitalisations psychiatriques s'est fortement réduit. Enfin, les patients eux-mêmes ont souligné l'utilité des groupes thérapeutiques et ont montré ainsi leur possibilité d'investissement des relations interpersonnelles. Introduction Les personnes souffrant de troubles psychotiques, et plus particulièrement de troubles schizophréniques, sont perçues fréquemment comme n'ayant pas ou peu de possibilités de changement et d'évolution. Il est intéressant de constater que cette représentation a cours non seulement dans le grand public, mais également chez les professionnels de la santé, notamment chez ceux qui n'ont pas eu l'occasion de partager des processus d'évolution avec des patients psychotiques. Cela peut être le cas par exemple de professionnels de la santé qui ne rencontrent ces patients qu'à l'hôpital psychiatrique lors de moments de décompensation aiguë, durant lesquels la symptomatologie masque bien évidemment les ressources. Nous-mêmes n'avons pas été à l'abri de cette représentation figée. Lorsque nous avons envisagé une étude naturaliste sur le devenir de patients psychotiques, nous sommes partis du préjugé que les changements ne seraient pas ou seraient peu objectivables en terme de données " dures " (reprise d'études ou d'activité professionnelle, changement d'état-civil, de lieu de vie, etc...) mais que ce serait plutôt en terme de données qualitatives qu'ils pourraient apparaître. D'autre part, sur le terrain, nos collègues nous disent souvent que cela doit être lourd de travailler avec ces patients, qu'il faut être solide pour supporter la chronicité, que cela doit être frustrant, etc ... Finalement, la représentation des patients psychotiques est souvent restreinte à celle de personnes souffrant d'un trouble d'origine essentiellement génétique, repliées sur elle-même et sans grande possibilité d'entrer en contact et de partage émotionnel, donc peu accessibles aux " traitements relationnels ", et ce malgré de nombreux travaux montrant l'importance d'un travail psychosocial1 ou psychothérapeutique2. Bien entendu, il n'est pas toujours aisé d'entrer en contact et/ou de maintenir la relation avec ces patients, ni de leur permettre de bénéficier d'un travail sur eux-mêmes. Là encore, sans nier les moments pénibles et les sentiments d'impuissance régulièrement présents, nous aimerions insister sur la gratification qui existe aussi dans le travail avec ces patients, gratification liée au partage d'expériences humaines, avec leurs turbulences et leurs satisfactions. Dans notre pratique, il est rare que la relation avec eux n'ait pas évolué dans le sens d'une plus grande ouverture (du côté des patients, mais aussi du côté de l'équipe thérapeutique). Afin de discuter concrètement des possibilités d'évolution présentes chez ces patients, nous allons présenter quelques données issues de l'expérience du Programme de Jour, ouvert à Genève depuis 1995. Le Programme de Jour Le Programme de Jour offre un traitement limité dans le temps (maximum deux ans jusqu'en septembre 2000, et actuellement maximum 18 mois), avec un programme groupal intensif associé au traitement individuel, de façon à permettre un travail sur les relations interpersonnelles. Ce centre de jour constitue un maillon intermédiaire entre hospitalisation psychiatrique et traitement ambulatoire. Il accueille essentiellement des patients psychotiques, du lundi au vendredi, de 9 heures à 15 heures. Par son intensité, il offre un relais aux familles qui sont bien souvent démunies, notamment dans la vie quotidienne, face aux difficultés de leurs enfants. L'ensemble du traitement est organisé sous la forme d'une communauté thérapeutique3,4 qui comprend, après un moment d'accueil chaque matin, deux ou trois groupes thérapeutiques chaque jour, ainsi que des moments de pause et le repas de midi. Les groupes thérapeutiques5 ont été conçus pour permettre l'abord de certaines difficultés spécifiques aux pathologies psychotiques: groupes centrés sur la vie quotidienne, les médicaments neuroleptiques6, les informations sociales, la mobilisation corporelle, les relations sociales. De plus, à l'exception d'un groupe de libre-parole et du groupe de thérapie cognitive7, la majorité des groupes thérapeutiques utilisent des médiateurs (groupes verbaux à thèmes, médiatisés par une activité artistique8, par le théâtre9, par le corps ou par la préparation d'un repas) afin de favoriser l'expression des patients. Deux groupes communautaires complètent le programme: (a) l'assemblée générale réunit chaque semaine tous les soignants et tous les patients, et permet de clarifier les événements de la vie quotidienne au centre de jour de façon à créer une ambiance suffisamment fiable et sécurisante pour le développement d'une cohésion groupale10; (b) le groupe familles3,4, qui réunit à quinzaine tous les patients, leurs familles et l'équipe thérapeutique, permet un partage d'expériences et de réflexions dans une atmosphère parfois mouvementée, mais généralement soutenante et chaleureuse. Profil des patients ayant eu recours au Programme de Jour depuis son ouverture Les 107 patients entrés et sortis du centre de jour depuis son ouverture jusqu'au 31 octobre 2000 présentent une pathologie grave (voir tableau 1) : plus de 68% souffrent de troubles schizophréniques, plus de 30% ont une co-morbidité d'abus de substances (principalement du cannabis) et un peu plus de la moitié ont une histoire de troubles psychotiques de plus de 5 ans. Tableau 1 : Profil des patients entrés et sortis du Programme de Jour depuis son ouverture en janvier 1995 jusqu'au 31 octobre 2000. Une étude plus approfondie d'un sous-groupe de 25 patients représentatifs de l'ensemble des patients figurant dans le tableau 1 confirme la gravité de leur pathologie et leurs possibilités de changement à différents niveaux (Fredenrich-Mühlebach, Zinetti, Ehrensperger et al, en préparation). Il s'agit des patients entrés et sortis du Programme de Jour entre septembre 1996 et mars 2000, restés dans le programme pendant plus de 1 mois et ayant pu faire l'objet d'évaluations d'entrée et de sortie détaillées. Nous allons nous restreindre à présenter dans cet article quelques données objectives qui montrent que nos a priori sur la difficulté à objectiver des changements chez ces patients étaient infondés. Quelques changements objectifs Ces 25 patients sont restés en moyenne 12.3 ± 9.1 mois au centre de jour. Alors qu'à l'entrée 15 avaient une histoire de tentamens, seuls 2 en ont fait durant le traitement au centre de jour. A l'entrée, 11 patients avaient une histoire d'épisodes de violence et 4 patients ont eu un épisode de violence durant le traitement au centre de jour. En arrivant, 12 patients avaient une histoire de contacts avec la justice pour des motifs délictueux, et seuls 2 patients ont commis des délits durant le traitement. En ce qui concerne les hospitalisations, 8 patients sur 25 (32%) ont dû être hospitalisés durant leur traitement au centre de jour (6 patients 1 fois, 1 patient 3 fois et 1 patient 4 fois), alors que la majorité avait déjà été hospitalisée entre 3 et 7 fois auparavant (voir tableau 2). Tableau 2 : Hospitalisations psychiatriques durant le traitement au Programme de Jour en fonction du nombre d'hospitalisations antérieures (N=25). Ces résultats montrent, outre la gravité de l'histoire clinique de ces patients, qu'un traitement suffisamment contenant peut permettre de modifier le risque de passages à l'acte auto et hétéro-agressif. Il permet également de limiter le nombre d'hospitalisations psychiatriques, de manière à permettre aux patients de mieux bénéficier du traitement dans le sens d'un processus thérapeutique. Réinsertion dans le monde scolaire ou professionnel Au cours du traitement, il s'est avéré que 9 patients sur 25 (36%) se sont préparés à reprendre une activité professionnelle ou une formation, qu'ils ont pu entreprendre dès leur sortie du Programme de Jour. Bien entendu, ce résultat ne préjuge pas forcément du maintien dans le long terme de cette réinsertion. En plus de ces 9 sujets, 6 autres (24%) ont désiré se préparer à entreprendre un travail protégé, ce qu'ils ont fait à la sortie. D'autres patients enfin ont organisé avec nous un "après" centre de jour avec des journées structurées par des activités de loisirs. Notre hypothèse est que la plupart des patients qui ont pu expérimenter le cadre du centre de jour ont pris ou repris goût au fait d'avoir des journées structurées ainsi qu'à la possibilité de rencontres et d'échanges avec d'autres personnes. Ils ont, de plus, expérimenté l'importance de cette structuration concrète pour leur équilibre psychique. Certains repensaient en effet rétrospectivement avec énormément d'angoisse aux périodes de repli et d'isolement durant lesquelles seul leur monde intérieur rythmait le temps et remplissait leur vie. Avis des patients sur l'expérience groupale A la sortie, 24 patients sur 25 ont déclaré avoir trouvé le centre de jour utile, et ce pour des raisons diverses que nous ne détaillerons pas ici. A la question ouverte " en quoi ce traitement vous a-t-il été utile ?" (voir tableau 3), pour 14 patients sur 24 l'utilité était liée aux aspects groupaux, donc relationnel, du traitement. Leurs réponses montrent l'importance du partage d'expérience avec des pairs (a, b), et la possibilité d'acquérir un certain " insight relationnel "10 (Tableau 3, c). Nous retrouvons aussi le facteur thérapeutique que Yalom10 appelle "sentiment d'universalité" (Tableau 3, f). La possibilité de vivre des moments difficiles avec d'autres sans que cela implique de rupture de relation ni de débordement émotionnel est également soulignée (Tableau 3, d). Certains aspects sont plus en lien avec une amélioration de l'affirmation de soi (Tableau 3, e). Un élément important est le fait que plusieurs patients ont décrit que le travail groupal et relationnel effectué au Programme de Jour a pu les aider dans leurs relations à l'extérieur (Tableau 3, h, i). Ceci est à souligner car les capacités de généralisation des patients psychotiques ont trop souvent été mises en doute. Tableau 3 : Quelques exemples de réponses des patients à la question " En quoi ce traitement vous a-t-il été utile ? ". En guise de conclusion Ces résultats montrent qu'un traitement peut limiter les risques de passage à l'acte chez des patients souffrant de troubles psychiques graves, ce qui est important étant donné notamment le risque suicidaire chez ces patients (entre 10 et 15% des patients psychotiques se suicident, particulièrement dans les semaines après la sortie d'une hospitalisation psychiatrique et dans les premières années d'apparition du trouble psychotique11). La limitation des risques de passage à l'acte hétéro-agressif est également importante. En effet, outre le risque encouru par autrui (les membres de la famille souvent, mais pas uniquement), les conséquences psychologiques d'un acte agressif sont massives pour le patient, avec notamment un renforcement de l'apathie par crainte de la perte de contrôle et une répression encore plus marquée des mouvements agressifs intérieurs qui freinent les possibilités d'un travail sur soi. De plus, les résultats concernant la possibilité d'une reprise de travail ou d'études méritent réflexion. Avoir une activité professionnelle favorise l'estime de soi, si malmenée chez les personnes présentant un trouble psychotique. Un traitement psychiatrique est d'autant plus investi qu'un des buts possibles est une reprise d'études ou de travail, objectif qui peut favoriser ensuite l'amélioration de la compliance au traitement médicamenteux et de l'alliance thérapeutique. Par voie de conséquence, nous aimerions insister sur la prudence nécessaire avant de proposer une rente Invalidité à des jeunes psychotiques, au lieu de chercher à leur offrir d'abord et le plus rapidement possible un traitement intensif et spécifique. En effet plus le traitement débute rapidement, meilleur est le pronostic12,13,14,15, d'autant plus s'il peut être associé avec la prise d'un neuroleptique atypique. Nous tenons néanmoins à souligner encore une fois qu'une évolution favorable reste toujours possible, quelle que soit la durée du trouble psychotique. L'investissement des relations et des groupes par les patients apparaît très clairement dans leurs descriptions de l'utilité du traitement. Plusieurs d'entre eux sont d'ailleurs venus au centre de jour dans le but d'améliorer leurs relations, car ils souffraient de ne pas pouvoir entrer en contact avec les autres, notamment en raison de l'envahissement de leur monde intérieur par les symptômes psychotiques. Comment en effet entrer en relation avec autrui lorsque des sentiments de persécution associent les contacts à une mise en danger ou lorsque des idées de concernement font perdre au sujet la capacité de décentration indispensable à tout échange relationnel ? En somme, même si la tendance au repli sur soi, si fréquente chez ces patients, fait office de mécanisme de défense ou d'opération de sécurité, il s'agit d'une adaptation coûteuse en terme de souffrance et de solitude. Le fait que la plupart des patients aient choisi, en fin de traitement au centre de jour, d'avoir une activité ou une occupation qui leur permette d'être en relation avec d'autres gens, confirme leurs possibilités et leurs besoins d'investissements relationnels. En fait, nous sommes bien loin de la représentation simplificatrice du repli autistique traditionnellement associé aux pathologies psychotiques. Cet article est paru dans la revue Médecine&Hygiène, No2360, septembre 2001, volume 59, 1786-1789 et est reproduit avec l'aimable autorisation de cette revue. Implications cliniques Bibliographie Mojtabai R, Nicholson RA, Carpenter BN. Role of psychosocial treatment in management of schizophrenia: a meta-analytic review of controlled outcome studies. 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