
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 21 April 2017
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l'Université de Liège où il a pendant longtemps dirigé le Centre d'Ingénierie des Protéines, a rassemblé les
connaissances acquises au sujet de ces enzymes au cours des 70 dernières années. Grâce à la collaboration
de collègues de l'ULg et d'autres universités, il a ainsi retracé les grandes étapes de l'histoire des bêta-
lactamases qui constituent quelque 500 pages dans un ouvrage collectif faisant partie de la série Molecular
Anatomy and Physiology of Proteins (1). « Un collègue américain, éditeur et responsable de cette série, m'a
contacté pour me demander si je voulais bien être l'éditeur scientifique pour cet ouvrage consacré aux bêta-
lactamases », explique Jean-Marie Frère. Il faut dire que ce dernier en connaît un rayon sur le sujet puisque
cela fait plus de 30 ans que ses travaux de recherche portent sur ces enzymes bactériennes. Voici un petit
aperçu des étapes qui ont ponctué l'histoire des bêta-lactamases et la lutte contre ces enzymes de résistance
depuis leur découverte à nos jours.
Une résistance hautement transmissible
Comme le titre de l'article d'Edward Abraham et Ernst Chain l'indiquait à l'époque, les bêta-lactamases
sont des enzymes fabriquées par certaines bactéries qui détruisent les antibiotiques de la famille de la
pénicilline. Mais ces enzymes peuvent également réduire à néant les effets des antibiotiques de la famille
des céphalosporines, des carbapénèmes et des monobactames, selon l'enzyme et l'antibiotique en présence.
« Tous ces antibiotiques ont un structure commune appelée le noyau bêta-lactame et, comme l'évoque leur
nom, les bêta-lactamases détruisent ce noyau », précise Jean-Marie Frère. « En faisant cela, ces enzymes
rendent l'antibiotique totalement inactif. C'est ainsi que les bactéries qui les fabriquent deviennent résistantes
aux antibiotiques contentant un noyau bêta-lactame ». Or les antibiotiques concernés représentent environ
70% des antibiotiques régulièrement utilisés pour venir à bout des infections bactériennes… Si toutes les
bactéries ne fabriquent pas de bêta-lactamases, les caractéristiques qui permettent aux bactéries de les
produire se trouvent au niveau d'éléments génétiques mobiles. Cela signifie qu'au-delà d'une transmission
« mère-fille » verticale, la transmission des outils nécessaires à la fabrication des bêta-lactamases peut
également se faire de manière horizontale. Le matériel génétique en question peut donc circuler d'une bactérie
à l'autre, voire d'une espèce bactérienne à une autre.
Neutraliser les bêta-lactamases
Dès les années 50, les scientifiques se sont aperçus que plus on avait recours aux antibiotiques de la famille
de la pénicilline, plus les bêta-lactamases se répandaient. La résistance des bactéries aux antibiotiques
s'intensifiait. C'est alors qu'a commencé une véritable course poursuite entre les industries pharmaceutiques
et les chercheurs d'une part et les bactéries d'autre part. Les premiers tentant de trouver de nouvelles
molécules pour lutter contre cette résistance bactérienne, les secondes développant sans cesse de nouvelles
bêta-lactamases. « De nouvelles enzymes de ce type naissent à partir de mutations de bêta-lactamases
existantes », explique Jean-Marie Frère. « Les bactéries ont la force du nombre. Même s'il n'y a qu'une
chance sur un milliard pour qu'une telle mutation se produise, les bactéries se divisent tellement rapidement
que cette mutation finit par se présenter. Si vous avez une chance sur un milliard de gagner au Lotto
mais que vous achetez un milliard de tickets, vos chances de gagner deviennent bien réelles! ». Cette
course poursuite a mené le monde scientifique à la mise au point de deux tactiques de lutte contre la
résistance des bactéries. « La première consiste à déguiser la pénicilline de sorte que les bêta-lactamases ne
reconnaissent plus l'antibiotique. Le noyau bêta-lactame est bien présent mais caché grâce à une enveloppe
de substituants destinée à tromper les bactéries », indique Jean-Marie Frère. « La seconde tactique vise à
trouver des composés capables de détruire les bêta-lactamases. Les médicaments qui en découlent peuvent