À Marseille, un succès contre les bactéries résistantes

Contrôler l'antibiorésistance
Grâce à l'usage d'anciens antibiotiques, la région Paca a réussi à contrôler l'antibiorésistance.
«Non, la résistance aux antibiotiques n'est pas une menace pour la population.» Le professeur Didier
Raoult, spécialiste en maladies infectieuses, directeur de l'unité de recherche sur les maladies infectieuses et
tropicales émergentes et de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection à Marseille, entend jeter
un pavé dans la mare et démentir les prévisions alarmistes.
Pourtant, Marisol Touraine, la ministre de la Santé, a fait de la lutte contre l'antibiorésistance la grande cause
nationale de 2016. Le rapport du Dr Jean Carlet sur les antibiotiques, remis à la ministre le 23 septembre
dernier, pointe en effet que près de 160. 000 patients développent chaque année en France des infections
dues à des bactéries multirésistantes aux antibiotiques et 12.500 en meurent directement.
«S'il y a 12.500 morts en France à cause de bactéries multirésistantes comme l'indique le rapport Carlet, on
devrait en avoir plusieurs centaines à Marseille. Or j'ai déclaré 33 morts en cinq ans pour cette cause»,
souligne le Pr Pierre-Édouard Fournier, président du Comité de lutte contre les infections nosocomiales.
«Ce sont des prédictions basées sur des modèles mathématiques auxquels on peut faire dire ce que l'on
veut», estime le Pr Raoult qui, pour sa part, préfère se référer aux constatations de phénomènes existants.
Depuis 2001, il bénéficie au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (APHM) d'un outil unique
en France, un observatoire de la résistance aux antibiotiques des principaux micro-organismes pathogènes
appuyé depuis deux ans sur un système de surveillance qui regroupe les résultats de 80 % des laboratoires de
microbiologie de la région Paca.
Or, selon ces données, entre 2001 et 2015, il n'a «pas été observé d'augmentation globale ou de phénomène
de cumul de la résistance», souligne le Pr Raoult. «Sur les dix bactéries pathogènes les plus fréquemment
isolées, les taux de résistance ont soit peu augmenté, soit diminué», précise-t-il en citant l'exemple du
staphylocoque doré, dont la résistance à la méticilline a régressé de 33,4 % en 2001 à 12,8 % actuellement.
Aucun cas de résistance à tous les antibiotiques disponibles n'a été observé dans une étude sur 51 cas de
souches de bactéries pathogènes hautement résistantes.
«Il est urgent de changer de modèle»
La seule bactérie multirésistante qui ait réellement émergé récemment en Paca est Klebsiella pneumonia
(angines, infections pulmonaires ou infections urinaires), responsable d'une épidémie dans plusieurs
établissements de la région. «Nous avons montré qu'aucune de ces bactéries n'était panrésistante en utilisant
des molécules antibiotiques anciennes, que les études et les analyses actuelles ont trop tendance à négliger
alors qu'elles sont très efficaces», indique le Pr Raoult.
«Il est urgent de changer de modèle», s'alarme le professeur, selon lequel nous avons un patrimoine de
33 molécules anciennes efficaces dont certaines ne sont plus commercialisées parce qu'elles ne sont plus
rentables. Il cite ainsi l'exemple d'une patiente atteinte d'une tuberculose multirésistante qui a été guérie
grâce à une molécule contre la lèpre tombée en désuétude.
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