L’Histoire naturelle et clinique
L’infection par le VIH entraîne la perte de l’immunité, le
développement d’infections opportunistes et de certains cancers.
L’infection s’accompagne également d’un cortège de symptômes
dits « constitutionnels », au premier chef l’amaigrissement, les
adénopathies et la fièvre. Ces atteintes définissent le SIDA, cause
de décès prématurés.
Newsletter SCOR Global Life
L’infection VIH : 1996 ou le début d’une nouvelle histoire
La révolution des traitements
antirétroviraux
En 1996 sont apparus les premiers traitements associant les
anti-protéases, appelés plus communément « trithérapies » ou
HAART (Highly Active Antiretroviral Therapy).
Ces traitements entraînent une remontée rapide des CD4 et
une diminution significative de la charge virale, même s’ils sont
introduits tardivement chez un patient au stade SIDA. Sur le
long terme, au prix d’un traitement quotidien et à vie, il y a une
restauration immunitaire ; c’est ainsi que s’explique la formidable
réduction de morbi-mortalité du SIDA depuis les années 2000.
Depuis, l’efficacité des traitements antirétroviraux ne s’est pas
démentie et reste stable dans le temps.
140
120
100
80
60
40
20
0
1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
s1
2003
s2
2004
s1
2005
s2
2006
s1
2007
s2*
2008
s1*
2009
s2*
2010
s1*
SIDA
Décès
Incidence pour 1000 personnes-année
* Données corrigées du délai de déclaration.
Evolution du nombre de cas et de décès
par SIDA de 1994 à 2006 en France.
Les nouvelles données et nouveaux espoirs
L’infection par le VIH a donné lieu à une recherche jamais
égalée jusque-là dans l’histoire de la médecine, et à des espoirs
considérables.
Des stratégies thérapeutiques orientées vers la réponse
immunitaire de l’organisme.
Les complications majeures de l’infection par le VIH non traitée
restent le développement du SIDA et des cancers, consécutifs à
l’immunodépression, létales dans 99,9 % des cas.
L’efficacité des traitements antirétroviraux a permis de contrôler
cette immunodépression mais a laissé émerger une série de
manifestations cliniques que nous regroupons sous le terme de
« comorbidité ».
On sait maintenant que l’activation immunitaire et les
phénomènes d’inflammation liés à la réplication du virus lui-
même favorisent au long cours l’apparition de comorbidités, en
particulier cardiovasculaires, osseuses, cérébrales, cancéreuses
etc. ; d’où la nécessité d’un contrôle de la réponse immunitaire
chez ces patients.
Les comorbidités liées au VIH
Au cours des années 2000, la compréhension des comorbidités
associées au VIH s’est améliorée. Ainsi, le sur-risque cardiovasculaire
ne trouverait pas son origine dans les traitements antirétroviraux,
mais bien dans l’infection virale elle-même.
On observe également chez les porteurs du VIH une augmentation
du risque de cancers, non liés au SIDA en soi mais à d’autres
facteurs de risques qui peuvent se surajouter à l’infection VIH …
par exemple le tabagisme (cancers du poumon), la coinfection
avec le virus de l’hépatite B ou C (cancer du foie) etc.
Les traitements sont-ils efficaces à long
terme ?
Une étude française de 2009 (1) a évalué les bénéfices acquis
après dix ans de traitement antirétroviral. Chez les patients
traités à des phases très tardives de l’infection VIH, le taux de
lymphocytes CD4 atteignait environ 200. Après dix ans, ce
taux continue d’augmenter. Cependant, cette restauration
permanente du système immunitaire exige qu’une condition
soit respectée : il s’agit de la compliance des patients, c’est
à dire leur adhésion au traitement et leur capacité à prendre
quotidiennement leur médicament antirétroviral.
Le vaccin anti-VIH et l’éradication virale,
du fantasme à la réalité
Le premier essai thérapeutique positif d’un vaccin anti-VIH a
été réalisé en Thaïlande et publié en 2009 (2). Il montre une
prévention de l’infection chez 31,2 % des vaccinés. Si cette
efficacité vaccinale est encore trop faible, ces résultats sont très
prometteurs et la recherche continue.
Par ailleurs, un premier cas de guérison (définitive ?) a également
été observé en Allemagne en 2009 (3), chez un patient
leucémique ayant subi une greffe de moelle osseuse à partir
d’un donneur porteur d’une déficience génétique en molécules
d’entrée du virus (CCR5) ; ce patient conserve aujourd’hui une
charge virale indétectable. De nouveaux espoirs sont ainsi nés,
avec l’objectif de reproduire cette expérience unique.
Actuellement, la trithérapie améliore l’espérance de vie des
patients, principalement lorsque le taux de lymphocytes
CD4 dépasse 500/mm3 et lorsque la charge virale reste
indétectable.
Sources
(1) AIDS. 2010.
Immune and virological benefits of 10 years of permanent viral control
with antiretroviral therapy.
Guihot et al, DECAMUNE study group.
(2) N Engl J Med. 2009
Essai de Phase III de Vaccination par canarypox recombinant/HIV et
gp120 en Thaïlande.
Rerks-Ngarm S, et al.
(3) N Engl J Med. 2009
Long term control of HIV by CCR5 delta 32/delta 32 stem cell
transplantation
G Hutter et al.
Newsletter SCOR Global Life
1200
1100
1000
900
800
700
600
500
400
300
200
100
0
0 3 6 9 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Compte des CD4 (cellules / mm3)
Semaines Années
Latence clinique
Infection Primo-infection
Dissémination du virus
Symptômes
constitutionnels
Infections
opportunistes
Décès
VIH / ARN (c/mL)
Source : Bartett et Gaillant, 2003
10
?
10
6
10
5
10
4
10
3
10
2
Charge virale
Lymphocytes CD4
SIDA
Charge virale et taux de lymphocytes CD4 en fonction
du temps chez un sujet infecté par le VIH, non traité.
En clinique, deux paramètres sont utilisés pour le suivi
d’une personne infectée par le VIH : le taux de lymphocytes
CD4 et la charge virale.
Sans traitement, les CD4 décroissent de 50 à 70 cellules/mm3 par
an, jusqu’à une valeur inférieure à 200 cellules/mm3 : cette perte
d’immunité, annoncée par les symptômes constitutionnels, se
traduit par l’apparition d’infections opportunistes, éventuellement
de cancers, pour conduire à la mort.
Par ailleurs, plus la charge virale est élevée, plus la destruction
lymphocytaire est intense, plus l’évolution de l’infection vers le
SIDA est rapide. Actuellement, la charge virale est considérée
comme indétectable au-dessous du seuil de 20-50 copies/ml.
Immunoactivation
Inflammation
Risque CV
Os*Cancers
Déficit immunitaire
Vieillissement
Cancers
SIDA
Cancers
VIH
Immunodépression
Les nouveaux Concepts physiopathologiques
Les traitements immunosuppresseurs : avant tout
des conséquences infectieuses et carcinologiques
• Les maladies auto-immunes résultent d’une activation anormale
du système immunitaire, conduisant à une « auto-agression »
de l’organisme.
• Après une greffe d’organe, le système immunitaire devient
également délétère en détruisant et rejetant l’organe greffé.
Voici 2 types d’affections pour lesquelles le traitement de choix
est l’utilisation de médicaments diminuant la réponse immunitaire :
« les immunosuppresseurs ».
Le système immunitaire possède des actions anti-infectieuses et
anti-tumorales essentielles. Ceci explique que les patients subissant
une immunodépression thérapeutique présentent une sensibilité
particulière vis-à-vis des infections et un risque accru de cancer.
…/…
Pouvons-nous considérer que l’espérance
de vie d’un patient infecté par le VIH sous
traitement, dont l’immunité est restaurée,
atteint actuellement 20 à 30 ans ?
« Une étude ancienne mentionnait une
espérance de vie de 39 ans. Cette espérance
de vie est constamment recalculée, en
raison des progrès thérapeutiques dans
les pays où les traitements sont accessibles.
Or un délai est nécessaire pour évaluer ces
progrès, sachant aussi que des algorithmes
permettent sans doute de calculer cette
espérance de vie. Nous considérons que
les comorbidités, athéroscléroses et cancers,
sont principalement dues à l’infection VIH et
non pas au traitement. Il s’agit du consensus
actuel. Nous nous acheminons donc vers
un traitement très précoce, car il empêche
l’apparition des athéroscléroses et des
cancers. Si nous y parvenons, nous possédons
toutes les raisons de penser que l’espérance
de vie des patients devrait être normale,
même si nous ne réussissons pas à supprimer
le virus des réservoirs. »
Professeur BRIGITTE AUTRAN
* Risque cardiovasculaire et osseux.