Marges linguistiques – Numéro 1, Mai 2001
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Fort de cette critique justifiée du “ mot ” comme support privilégié de la représentation
culturelle en classe de langue, J.-C. Beacco entend heureusement proposer des pistes plus
diversifiées mais aussi plus méthodiques pour l’enseignement des dimensions culturelles en
classe de langue. On note cependant que le portrait global, un peu caricatural, que dresse
l’auteur des “ pratiques d’enseignement ”, laisse peu de place aux réflexions didactiques
antérieures, pourtant bien attestées ces vingt dernières années, dans ce domaine.
Par suite, l’auteur cherche à établir un inventaire des finalités didactiques disponibles
pour les enseignements culturels en classe de langue, à partir d'une typologie des
compétences inspirée de celle du Cadre européen commun de référence et illustre globalement
les choix qu'il est possible d'effectuer dans ce domaine, en fonction des situations éducatives.
Sont exposés essentiellement quatre aspects: (1) La culture-civilisation comme
“ savoir-faire ” dont la finalité “ immédiate ” reste la gestion du quotidien mais qui peut
également constituer une première approche d’une culture d’entreprise ; (2) La culture-
civilisation comme “ savoir ”, ce savoir se subdivisant lui-même en “ savoirs encyclopédiques ”
(connaissances, réputées fondamentales ou indispensables), élaboration d’une “ culture
générale ” et organisation de connaissances relatives à des caractéristiques tenues pour
identitaires de la société cible (traits identitaires) ; (3) la culture-civilisation comme “savoir-
être”, soit encore l'occasion d'une relativisation de ses propres pratiques sociales, de ses
propres convictions ou encore de ses croyances (comparaison des cultures, analyse des
stéréotypes culturels). L’auteur expose ainsi la possibilité d’une “éducation interculturelle”
légitimée, notamment en Europe, par les migrations de populations et la nécessité de lutter
contre diverses formes d’intolérance et de racisme. (4) La culture-civilisation comme “savoir-
interpréter” qui repose sur l’hypothèse que tout membre d'une communauté culturelle dispose,
à divers degrés, “d'une compétence interprétative qui le met en mesure de donner du sens
social à certains éléments de son environnement, au moins immédiat” (p.127).
Au terme de cet inventaire non exhaustif et “purement illustratif” (p. 114) de
compétences opérationnelles, de compétences de connaissance et de visées éducatives, il est
précisé que les finalités éducatives esquissées peuvent parfaitement coexister comme autant
d'exigences distinctes et éventuellement cumulables. Cette dernière affirmation pose d’ailleurs
problème, dans la mesure où, après avoir déploré le manque de fondements théoriques des
pratiques d’enseignements, l’auteur oscille entre une reconnaissance des pratiques et de trop
timides propositions, qui restent également fragiles sur le plan théorique qu’elles prétendaient
éclairer. Par ailleurs, l’inscription du projet “méthodologique” de l’auteur, en faisant
explicitement référence à une situation socio-historique particulière, à savoir la question des
populations migrantes dans le processus de construction européenne, gagne en pertinence
locale tout en perdant au plan plus général des enseignements français langue étrangère et
français langue seconde.
La dernière partie de l’ouvrage, plus courte mais plus dense, entend s’inscrire dans des
“stratégies de continuité” (p. 137) en précisant comment pourraient être (re)considérées les
approches discursives dans le domaine de la culture-civilisation. Si l’ethnographie de la
communication est hâtivement pointée comme l’une des pistes possibles de renouvellement de
la réflexion didactique, il n’en demeure pas moins que son programme reste, selon l’auteur,
largement à réaliser. Sans approfondir davantage les avantages d’une ethnographie de la
communication appliquée à la didactique f .l.e., la question porte désormais sur un certain
nombre d’aménagements des pratiques observées précédemment. Ces aménagements en
passent tout d’abord par la reconnaissance de la diversité des discours sociaux et non plus
celle des “mots” à forte charge culturelle (discours didactiques, discours de témoignage,
discours des médias, discours officiels et institutionnels, discours des sciences sociales);
également par la découverte systématique d’une société, grâce à une méthodologie axée sur
une typologie plus élaborée des discours sociaux (textes expositifs vs non expositifs; discours
allusifs vs explicites), mais aussi par la prise en compte de paramètres tels que la densité
culturelle (représentation complexe vs raréfiée de la réalité sociale), l’interprétation des
observables ; la lisibilité linguistique (prévisibilité forte vs faible), les utilisations didactiques
(activation de la compétence interprétative, approfondissement puis réinvestissement),
fonction enfin de différents supports (discours “spontanés” ou indices non verbaux, discours de
divulgation des sciences sociales, discours de l’événement et des individus).