
178 Économie et Solidarités, volume 36, numéro 2, 2005
© 2006 – Presses de l’Université du Québec
Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Québec, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca
Tiré de : Économie et Solidarités, vol. 36, no 2, Jean-Pierre Girard et Yvan Comeau, responsables • EES3602N
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
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de laquelle on peut établir une échelle ordonnant les pratiques effectives6…
Notre position est autre. Elle s’appuie sur la philosophie du langage et de la
connaissance de Wittgenstein (1953, §2-xi, p. 316) : « ce qui doit être accepté,
le donné – pourrait-on dire –, ce sont des formes de vie7 ». Puisqu’il y a diffé-
rence de formes de vie, il y a différence dans le sens et la signification donnés
à l’économie sociale, comme jeu de langage particulier. On peut en outre faire
l’hypothèse raisonnable que toutes les époques sont caractérisées par une
pluralité de formes phénoménologiques de l’économie sociale, mais qu’il y
a une forme dominante, conventionnellement admise à un moment donné
(Demoustier et Rousselière, 2006) ; autour de cette forme, il y a des formes
déviantes, différentes8… C’est pour cela qu’on est fondé à parler au sens de
Wittgenstein (1953, §241, p. 135) de concordance des pratiques : « c’est dans le
langage que les hommes s’accordent. Cet accord n’est pas un consensus d’opi-
nion, mais de forme de vie9 ». La délimitation générale de l’économie sociale
est alors un pseudo-concept au sens de Wittgenstein puisqu’elle reste floue et
vague : ce n’est que dans chaque contexte qu’elle prend un sens particulier10.
Une délimitation générale de l’économie sociale est alors relative au fait que
la transaction commerciale, fondée en modernité sur la dépersonnalisation,
n’épuise pas la relation que la personne noue avec l’organisation, une relation
personnalisée existe qui passe par exemple par la gouvernance politique de cette
organisation (Billaudot et Rousselière, 2006 ; Rousselière, 2006)11. À ce niveau
de généralité, cette délimitation générale est compatible avec une diversité de
pratiques, au cours du temps et suivant les pays.
Cet article porte alors fondamentalement sur la question : quelle(s) forme(s)
de la démocratie se retrouvent dans les statuts et les pratiques des organisa-
tions d’économie sociale et comment en comprendre les transformations ? Cela
conduit à tenter de spécifier les règles « démocratiques12 » qui existent dans ces
organisations en se focalisant sur trois points principaux à propos de la démo-
cratie : son champ (les personnes ayant accès [ou capacité d’accès] au pouvoir),
sa forme (les modes de répartition du pouvoir) et son étendue (ce qui relève de
la décision collective). Par souci de concision, nous nous consacrerons essentiel-
lement au premier point. En suivant cette démarche, la spécificité de certaines
périodes peut être alors affirmée : la diversité des conceptions du xixe siècle,
produit du débat coopération (des usagers) / participation (des salariés), lors de
l’émergence de l’économie sociale puis de sa consolidation laisse en effet place
au xxe siècle à un consensus autour d’une démocratie économique conçue alors
comme la combinaison des règles « égalité des voix » et « double qualité », les
coopératives de travailleurs apparaissant alors comme une catégorie particulière
de coopératives d’usagers. Avec l’évolution des organisations « anciennes » et
l’émergence de nouvelles formes (coopératives multipartenariales, entreprises
sociales), la période actuelle est celle d’une reformulation de ce débat ancien
avec l’introduction de nouvelles pratiques (telles que l’élargissement des parties