Économie sociale et démocratie économique : approche historique

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Hors thème
Économie sociale et démocratie
économique : approche
historique des règles
« démocratiques » au sein
des organisations d’économie
sociale en France1
Résumé • L’un des critères souvent utilisés pour
caractériser l’économie sociale et la différencier des
autres types d’organisations productives est celui de
son fonctionnement interne, alors désigné comme relevant d’un terme générique et ambigu de « démocratie
économique ». Cet article se propose d’éclairer l’évolution historique des règles « démocratiques » admises
au sein de l’économie sociale : le débat participation/
coopé­ration du xixe siècle laisse place au xxe siècle à
un consensus autour d’une démocratie économique
conçue alors comme la combinaison des règles « égalité
des voix » et « double qualité ». L’évolution des organisations « anciennes » et l’émergence de nouvelles
formes conduit à une reformulation de ce débat par
l’introduction de nouvelles pratiques (élargissement
des parties prenantes associées au pouvoir, règles
« capitalistes »…).
Damien Rousselière
Doctorant
Université Pierre-MendèsFrance Grenoble II
[email protected]
Abstract • One of the criteria often used to characterize the Social Economy and to differentiate it from
the other types of organizations is its administrative
functioning, then classify as belonging to the realm of
“economic democracy”. This article aims to clarify the
historical evolution of the “democratic” rules allowed
within the social economy : the debate between labormanagement and co-operation of the 19th leaves place at
the 20th century with a consensus around an economic
democracy conceived then as the combination of the
rules “equality between the members” and “double
quality”. The evolution of the “old” organizations and
the emergence of new ones lead to a reformulation
of this debate by the introduction of new practices
(multi-stakeholdership, “capitalist rules and logic…).
REsumEN • Uno de los criterios utilizado a menudo
para caracterizar la economía social y diferenciarla de
otros tipos de organizaciones productivas es su funcio-
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namiento interno, designado como proveniente del término genérico y ambiguo de
« democracia económica ». Este artículo se propone esclarecer la evolución histórica
de las reglas « democráticas » admitidas en la economía social : el debate participación / cooperación del S XIX, deja lugar en el siglo XX a un consenso en torno a
una democracia económica concebida como la combinación de reglas « igualdad
de voces » y « doble calidad ». La evolución de las organizaciones « antiguas » y la
aparición de nuevas formas conducen a una reformulación de este debate, debido a
la introducción de nuevas prácticas (ampliación de las partes involucradas asociadas
al poder, normas « capitalistas », etc.).
—•—
Le « gouvernement de n’importe qui » est voué à la haine interminable de tous ceux qui ont à présenter des titres au gouvernement
des hommes : naissance, richesse ou science. Il l’est aujourd’hui plus
radicalement que jamais parce que le pouvoir social de la richesse
ne tolère plus d’entraves à son accroissement illimité.
Jacques Rancière, La haine de la démocratie.
L’ÉCONOMIE SOCIALE ET LA DéMOCRATIE
COMME JEUX DE LANGAGE
Appliquée à l’économie sociale, la citation en exergue tirée de Rancière (2005),
auteur ayant travaillé sur les « archives » des utopies du mouvement ouvrier
français (Rancière, 1981), résume à elle seule toute la puissance subversive
de l’aspiration démocratique que peuvent représenter des formes d’auto­organisation économique non fondées sur le pouvoir exclusif des apporteurs
de capital. Aussi l’économie sociale, regroupant les « coopératives, mutuelles et
associations gestionnaires » (Vienney, 1994) est souvent différenciée des autres
formes d’organisations productives par la référence à un système de règles qui
lui serait spécifique : outre le caractère non lucratif, le fonctionnement démocratique est cité régulièrement comme un de ses critères d’appartenance, sans
que celui-ci soit réellement spécifié (voir par exemple les articles de la revue
Hermès « économie solidaire et démocratie » ; Dacheux et Laville, 2003) et sans
que soit levée l’ambiguïté sur la nature réellement démocratique des pratiques
de l’économie sociale2. Le principal problème des travaux s’intéressant au sujet
est de confondre la démocratie avec ses formes concrètes qui se sont imposées
historiquement (Castoriadis, 1996, 1999 ; Levine, 1998 ; Manin, 1996). À ce titre,
le vote majoritaire basé sur l’égalité des voix entre les votants qui nous semble le
plus naturel pour l’accès aux charges publiques n’est pas plus d’essence démocratique que le tirage au sort, modalité choisie par la démocratie athénienne.
Keynes, dans ses « Leçons à Cambridge » de novembre 1933 (Cambridge
Lectures), nous fait remarquer qu’il est important de débuter l’analyse économique par des définitions « souples » (loose definition), c’est-à-dire floues et
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vagues, évitant d’être trop rigide, avant d’avancer plus précisément au fil
de l’argumentation : pour Keynes, la communication entre les économistes
requiert qu’ils soient capables au départ de trouver un champ d’investigation commun sous la forme de concepts définis de manière lâche, et qu’ils
y travaillent ensuite dans le sens d’une plus grande précision (Davis, 1999).
Suivant cette proposition, nous devons nous contenter pour ce travail, qui se
veut surtout descriptif de l’évolution des règles « démocratiques » au sein de
l’économie sociale française, d’une définition floue et vague de la démocratie
et de l’économie sociale3.
Une première délimitation générique de la démocratie serait celle de
Rancière (2005), le « gouvernement de n’importe qui » renvoyant directement
à l’éloge par Périclès de la démocratie athénienne : « Notre Constitution est
appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité,
mais du plus grand nombre » (Thucydide, Guerre du Péloponnèse II, §37). Dès lors,
différents couples d’opposition sur la démocratie, comme forme particulière
d’organisation politique basée sur « la volonté populaire », peuvent être repérés
de manière empirique, renvoyant théoriquement à différentes approches de
philosophie politique (Bernardi, 1999 ; Lévesque, 2004).
• La décision démocratique est-elle issue du résultat du vote majoritaire et
individuel (modèle « canonique » de la coopérative) ou d’un compromis
entre différents groupes sociaux (modèle de la société coopé­rative d’inté­rêt
collectif, des caisses d’épargne ou de bon nombre d’associations) ?
• Sur la répartition des pouvoirs, instaure-t-on l’égalité des sociétaires (une
personne ou un groupe égale une voix) ou au contraire une inégalité
basée sur le fait que les plus impliqués (par leur activité) ont le plus de
voix4 ? Est-on alors dans une démocratie « éclairée » (justifiant les pouvoirs
spécifiques de certains) ou directe (pratique de l’assemblée générale
permanente) 5 ?
• La démocratie est-elle un « processus » (nécessitant une éducation, une
information transparente…) ou un « état » d’une société donnée ?
• La démocratie consiste-t-elle en la préservation des droits individuels ou
de la minorité (quorum, droit de veto, place des fondateurs, obligation de
l’unanimité…) ou est-elle une dictature de la majorité, son champ pouvant
en outre être extensible à l’infini, puisque possédant en elle-même les
capacités de son autolimitation (Castoriadis, 1999) ?
• Enfin, la démocratie est-elle un système politique direct-participatif,
incarné dans des formes « spontanées » et informelles, ou représentatifdélégatif porté par des institutions ?
À propos de l’économie sociale, nous ne reprenons pas les théories
normatives proposant que l’on peut juger d’une instrumentalisation ou d’une
banalisation des formes actuelles, c’est-à-dire qu’il existerait une forme idéale
(définie en toute généralité) de la coopérative ou de l’association à l’aune
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de laquelle on peut établir une échelle ordonnant les pratiques effectives6…
Notre position est autre. Elle s’appuie sur la philosophie du langage et de la
connaissance de Wittgenstein (1953, §2-xi, p. 316) : « ce qui doit être accepté,
le donné – pourrait-on dire –, ce sont des formes de vie7 ». Puisqu’il y a différence de formes de vie, il y a différence dans le sens et la signification donnés
à l’économie sociale, comme jeu de langage particulier. On peut en outre faire
l’hypothèse raisonnable que toutes les époques sont caractérisées par une
pluralité de formes phénoménologiques de l’économie sociale, mais qu’il y
a une forme dominante, conventionnellement admise à un moment donné
(Demoustier et Rousselière, 2006) ; autour de cette forme, il y a des formes
déviantes, différentes8… C’est pour cela qu’on est fondé à parler au sens de
Wittgenstein (1953, §241, p. 135) de concordance des pratiques : « c’est dans le
langage que les hommes s’accordent. Cet accord n’est pas un consensus d’opinion, mais de forme de vie9 ». La délimitation générale de l’économie sociale
est alors un pseudo-concept au sens de Wittgenstein puisqu’elle reste floue et
vague : ce n’est que dans chaque contexte qu’elle prend un sens particulier10.
Une délimitation générale de l’économie sociale est alors relative au fait que
la transaction commerciale, fondée en modernité sur la dépersonnalisation,
n’épuise pas la relation que la personne noue avec l’organisation, une relation
personnalisée existe qui passe par exemple par la gouvernance politique de cette
organisation (Billaudot et Rousselière, 2006 ; Rousselière, 2006)11. À ce niveau
de généralité, cette délimitation générale est compatible avec une diversité de
pratiques, au cours du temps et suivant les pays.
Cet article porte alors fondamentalement sur la question : quelle(s) forme(s)
de la démocratie se retrouvent dans les statuts et les pratiques des organisations d’économie sociale et comment en comprendre les transformations ? Cela
conduit à tenter de spécifier les règles « démocratiques12 » qui existent dans ces
organisations en se focalisant sur trois points principaux à propos de la démocratie : son champ (les personnes ayant accès [ou capacité d’accès] au pouvoir),
sa forme (les modes de répartition du pouvoir) et son étendue (ce qui relève de
la décision collective). Par souci de concision, nous nous consacrerons essentiellement au premier point. En suivant cette démarche, la spécificité de certaines
périodes peut être alors affirmée : la diversité des conceptions du xixe siècle,
produit du débat coopération (des usagers) / participation (des salariés), lors de
l’émergence de l’économie sociale puis de sa consolidation laisse en effet place
au xxe siècle à un consensus autour d’une démocratie économique conçue alors
comme la combinaison des règles « égalité des voix » et « double qualité », les
coopératives de travailleurs apparaissant alors comme une catégorie particulière
de coopératives d’usagers. Avec l’évolution des organisations « anciennes » et
l’émergence de nouvelles formes (coopératives multipartenariales, entreprises
sociales), la période actuelle est celle d’une reformulation de ce débat ancien
avec l’introduction de nouvelles pratiques (telles que l’élargissement des parties
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prenantes associées au pouvoir, le fonctionnement interne vu comme le produit
d’un compromis entre groupes sociaux porteurs d’intérêts spécifiques ou enfin
l’introduction de règles « capitalistes »…)13.
DE L’ASSOCIATIONNISME À L’ÉCONOMIE SOCIALE :
DE LA MULTIFONCTIONNALITÉ À UNE DIVISION
DU TRAVAIL PAR STATUT
L’émergence de l’économie sociale au xixe siècle s’inscrit dans la transformation
d’organisations parafamiliales précoopératives ayant le statut de « compagnie »,
dites à nom collectif, tous les membres étant solidairement responsables et en
principe ad finitum. Différents exemples des troupes de théâtre ou de musiciens
insistent sur le caractère quasifamilial de telles organisations, comme l’Illustre
Théâtre de Molière (Mongrédien, 1992). Pour certains auteurs du xixe siècle,
comme Morin (1896), ces organisations attestaient d’une antériorité forte de
la forme coopérative14. Dans leur prolongement, les associations ouvrières
utilisent le statut de « commandite simple » prévu par le Code du commerce
napoléonien, sociétés réunissant deux catégories d’associés : d’une part, les
commandités (qui ont le statut d’associés en nom collectif et qui, ainsi, ont
tous la qualité de commerçants et répondent indéfiniment et solidairement
des dettes sociales), d’autre part, les commanditaires (qui répondent des dettes
sociales à concurrence de leur apport en parts sociales). Un débat se noue alors
sur la nature démocratique de ce type de statuts. S’ils ne préservaient pas de la
répression, ces statuts pouvaient impliquer une forte asymétrie des pouvoirs
dans l’organisation, avec par exemple l’existence d’un véritable patronage des
gérants, du fait de leur responsabilité illimitée. Pour d’autres, au contraire,
comme Hubert-Valleroux (1884), avocat des coopérateurs communards, ces
statuts en obligeant les individus par « une forte souscription » étaient gages
d’une forte implication et partant d’une forte participation (condition d’une
démocratie effective).
Le statut de sociétés en nom collectif ou en commandite va refluer du
fait de la création de la société anonyme à capital variable (le titre III de la loi
du 24 juillet 1867 qui permet l’entrée et la sortie permanente des sociétaires
conformément aux principes coopératifs, garantie qu’en cas de désaccord envers
les décisions prises un sociétaire puisse démissionner à tout moment). Comme
le rapportent les différents débats préparatoires à l’Assemblée nationale, ce
sont les représentants des associations ouvrières qui ont voulu un statut aussi
peu dérogatoire que possible au droit commercial. Le risque était que dans le
contexte d’une démocratie politique encore en émergence une loi spécifique
rendait ces organisations coopératives plus facilement repérables et moins à
l’abri de la répression (Vienney, 1980, p. 123). Espagne (1996, p. 7) met alors
en évidence que ces différentes associations ouvrières ont en commun la
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spontanéité et la diversité des modèles, expérimentés sans statut légal propre,
loin d’une application stricte des « statuts des Équitables Pionniers de Rochdale,
qui ont été ultérieurement la matrice des législations coopératives [les premières
associations ouvrières] […] se glissaient dans le statut des sociétés ordinaires,
en tâchant d’y inscrire en premier lieu des commandements moraux et sociaux
(prière collective, solidarité, formation), en second lieu des dispositions originales, de type en général buchézien (réserves collectives, indirectement rendues
possibles comme substitut du capital par la variabilité de celui-ci) et quelquefois
fouriériste15 (Familistère de Guise) ». Cet aménagement suivant les objectifs
des créateurs fait que très souvent des principes comme l’unicité des voix ou
la limitation de l’intérêt au capital n’étaient pas appliqués, et celui de double
qualité (tous ceux qui ont un intérêt à l’activité doivent pouvoir être associés à
la gestion) se heurtait en outre pour les associations ouvrières à une forte tradition « professionnelle–aristocratique » conduisant à la limitation du sociétariat
(Espagne, 1999).
L’aménagement statutaire des règles coopératives rejoint ainsi les
pré­occupations du mouvement ouvrier (qui se défie au maximum de l’État) et
celles du mouvement politique libéral (ayant pour credo d’intervenir le moins
possible dans les libres contrats entre individus). Cette même préoccupation
est à l’œuvre lors de la création du statut associatif conduisant à ce que l’association ne reprenne pas au plan juridique la règle d’égalité des pouvoirs des
adhérents. L’économie sociale à ce carrefour du siècle est alors la combinaison
entre volonté des promoteurs et libéralisme politique : la plupart des règles
de fonctionnement notamment celles régissant la démocratie, c’est-à-dire les
modalités de l’exercice du pouvoir, relèvent du contrat interpersonnel et donc
du libre accord entre les parties.
Ces pratiques de démocratie économique au sein de cette économie sociale
en construction (Gueslin, 1998) se rapprochent sur le principe d’une multifonctionnalité organisée en grande partie sur un uni-sociétariat. Comme le remarque
Espagne (1996, p. 8), la coopérative est souvent multifonctionnelle comme
unité de production, de distribution, de consommation, de formation mais
aussi parfois « un projet de société “totale” (communautés icariennes, phalanstériennes, etc.)16 ». Certaines organisations en place permettent l’existence de
personnes ayant des pouvoirs différents de fait en fonction non de leur rapport
à l’activité mais de leur position sociale, éléments dus à leur relation avec une
démocratie politique elle-même en construction. Les différentes expériences
doivent user d’une marge de manœuvre relativement réduite (modulée par
leur objectif politique) avec le pouvoir politique en place, comme le montre le
cas des caisses de secours mutuel qui ne sont tolérées que si elles sont présidées
par un notable nommé par l’empereur (Gueslin, 1998).
Faisant le bilan de ces expériences, dans le cadre de son rapport de la
sixième division sur « l’économie sociale » de l’exposition universelle de 1900,
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Gide (1905) montre ainsi une unité entre ces différentes expériences autour des
objectifs mais non de la forme ou des règles d’organisation, car elles participeraient de manière commune à quatre grands objectifs : l’augmentation des
salaires, l’augmentation du confort et du bien-être, la sécurité du lendemain,
l’indépendance. Le terme d’association utilisé couvrant « des formes infiniment
variées et qui sont bien loin d’être encore toutes connues » (L’émancipation cité
in Draperi, 1998) ne peut donc renvoyer à une conception particulière de la
démocratie comme régissant le fonctionnement interne.
UN CONSENSUS AUTOUR DES RÈGLES
« ÉGALITÉ DES VOIX » ET « DOUBLE QUALITÉ »…
EN ÉVOLUTION
Débutant sur une division progressive du travail entre organisations suivant leur
statut, à la suite de la promulgation des différentes lois spécifiques (Demoustier,
2001), la période suivante va être alors celle de l’assimilation entre unifonctionnalité et unisociétariat. Le débat fort entre les deux traditions rochdaliennes
identifiées par Desroche (1981, p. 140), c’est-à-dire la tradition coopérative
(d’usagers associés) et la tradition participative (de producteurs associés),
conduit, après de nombreuses péripéties à la renonciation à l’admission des
ouvriers des co-operatives et des wholesales anglais à la qualité de members. Puis,
contrairement au programme de Gide (1929) de coopé­rativisation complète
de l’économie, on constate le reflux de la production dans les coopératives de
consommation (vendant en magasin les produits de leurs usines). De l’évolution
des rapports entre la coopération et la participation (des salariés aux résultats,
au capital, à la gestion des entreprises) se constitue un « dogme » coopératif
marqué par les congrès « conciliaires » de Paris (1937) et Vienne (1966), « consacrant la primauté du consommateur, et, sans déclarer hérétiques les avocats de
la participation aux bénéfices, passe complètement sous silence leurs positions
et propositions, auxquelles les principes codifiés ne font aucune référence »
(Espagne, 1997, p. 3). Dès lors s’impose la notion de « double qualité », basée
sur les principes de services rendus aux usagers et de la participation de ces
usagers à la gestion de l’entreprise, s’accompagnant d’une formation ad hoc
des cadres coopératifs. Les législations nationales reposent alors en général
sur le postulat de la « base sociale homogène », c’est-à-dire de la réduction
du sociétariat à une seule catégorie d’usagers consacrant le « reflux des expériences coopératives élargies à des groupes sociaux ou à des groupes d’intérêts
­diversifiés » (Espagne, 2000, p. 173).
Ce consensus autour de l’autogestion et de l’autonomie (la participation
des bénéficiaires à la gestion est un critère de différenciation avec les formes
d’entreprises capitalistes ou d’entreprises publiques) va conduire à imposer un
modèle dominant de la coopérative d’usagers, influant notamment sur la forme
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de la coopérative de production : la loi de 1947 transforme ainsi conceptuel­
lement les travailleurs des coopératives de production en une catégorie d’usagers de la coopérative (bénéficiant du service fourni par la coopérative qui est
celui d’un cadre commun de production). Ce modèle va s’étendre à l’association (loi de 1901) comme le note Vienney (1980, p. 124) : « les “cotisations” des
membres manifestant leur adhésion et leur accession aux organes sociaux en
même temps qu’elles permettent au groupement – comme personne distincte
de celle des membres – d’organiser des activités à leur intention avec un patrimoine qui lui est propre ». Pour certaines associations, la reconnaissance d’utilité
publique impose toutefois à partir de statuts types que « le fonctionnement de
l’association doit être démocratique et organisé en ce sens par ses statuts ».
Ainsi, de même que pour les organisations mutualistes (avec le code de
la mutualité) et les coopératives (avec l’unification du statut coopératif et les
nouvelles lois sectorielles), c’est à partir du moment où l’économie sociale s’inscrit dans une perspective de relais des politiques publiques et économiques de
l’État que les règles démocratiques ne relèvent plus du simple et libre accord
entre les adhérents mais sont fortement contraintes par la législation. Le cadre
juridique de l’économie sociale issu de ce processus de « compromis institutionnalisé » (Vienney, 1994) impose des règles instituant l’égalité ou d’autres
formes de coordination entre les adhérents de l’organisation d’économie sociale
et relie cette organisation fermée à l’intérêt général de la collectivité dans
laquelle elle s’insère (avec l’impartageabilité [totale ou partielle] des réserves
ou la dévolution altruiste de l’actif net en cas de liquidation). La réflexion sur la
forme interne de la démocratie et sur la manière dont est pensé le rapport entre
l’organisation et son environnement (autonomie/relais de l’action publique ; au
bénéfice exclusif de ses membres/finalité altruiste) est en conséquence au cœur
des différentes conceptions des mouvements comme le montre la déclaration
de l’ACI (Alliance coopérative internationale) de 1966.
Un débat coopérative/communauté se noue par ailleurs autour du
mouvement des communautés de travail porté par la Communauté Boimondau
(Boîtiers de montres du Dauphiné) portant principalement sur le champ de
la démocratie et son étendue (Picut, 1997 ; De Bettignies et Hofstede, 1977).
Ainsi « dans la communauté, la règle est librement discutée et acceptée par
tous » (Picut, 1997, p. 26) : la décision démocratique est issue d’un consensus
unanimiste (avec différents mécanismes ayant pour objet de préserver les
intérêts des minorités) ; le mandat du chef est dit « impératif » et donc révocable à tout moment. Le fonctionnement repose alors souvent en réalité sur la
figure charismatique du chef (comme Marcel Barbu puis Marcel Mermoz)17,
véritable médiateur et arbitre entre les différentes volontés individuelles. Cette
idée de démocratie « éclairée » entre en cohérence avec la volonté (progressivement abandonnée) d’une rémunération basée sur la « valeur humaine » des
travailleurs, appréciée par les subordonnés et les supérieurs. La conception de
la démocratie dans ces communautés ne comporte pas une différence de nature
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mais plutôt de degré avec celle du mouvement coopératif puisque, d’une part,
la participation à la démocratie se fait sur la base d’un rapport à l’activité, le
travail18, et, d’autre part, sur la nécessité d’un processus éducationnel favorisé
par le droit à l’information et à la formation pour tous d’accéder à la capacité de
décider. Cela conduira comme le rappellent Picut (1997) et Demoustier (1981)
à une coexistence relativement « pacifique » entre l’Entente communautaire et
la Confédération générale des SCOP (sociétés coopératives de production),
les communautés de travail finissant par adhérer à cette dernière avant de
disparaître.
RENOUVELLEMENT ET DIVERSIFICATION DES PRATIQUES,
ET INTERROGATION CONTEMPORAINE
SUR LA DÉMOCRATIE ÉCONOMIQUE
Inaugurée par la « crise » au sens des régulationnistes (Boyer et Saillard, 2002),
la période suivante est celle d’une profonde mutation des pratiques de l’économie sociale et d’un remodelage important des statuts (loi d’économie sociale
de 1983 avec l’UES [Union d’économie sociale], loi de 1992 sur les coopératives,
modernisation du code de la mutualité, différentes instructions fiscales sur les
associations, loi de 2001 sur les SCIC [Sociétés coopératives d’intérêt collectif]
et la transformation d’association en coopérative) par hybridation pour partie
avec des règles « capitalistes » (droits politiques accordés aux apporteurs de
capitaux ou contamination du droit commercial). La diversification actuelle de
l’économie sociale met en évidence de nouvelles conceptions de la démocratie
non seulement dans les organisations « anciennes » mais aussi dans celles en
émergence. Comme le montre le quadrilatère de Desroche (1976) relevant
les clivages qui peuvent opposer les différents groupes d’acteurs selon leur
place dans l’organisation, l’ensemble de ces pratiques a alors à affronter des
problèmes communs dans leur organisation.
Ainsi, le consensus précédent autour de deux règles vues comme constitutives des formes démocratiques d’organisation n’existe plus aussi bien dans les
grandes organisations en transformation que dans les nouvelles en émergence.
Sans être exhaustif, on peut relever les points suivants qui ont des impacts
particuliers sur le droit régissant l’économie sociale :
• la transformation des activités traditionnelles de ces organisations (nécessitant par exemple une mobilisation plus importante de capitaux ou la
recherche d’intégration d’une filière de production) entraînant la transformation des organisations : se pose par exemple dans les groupes d’économie sociale la question du contrôle démocratique des décisions prises
par la technostructure salariée ou par une société mère sur ses filiales
(Côté, 2001). Présente de manière plus cruciale dans les coopératives
d’entrepreneurs, cette situation a été entérinée par la possibilité, d’une
Économie et Solidarités, volume 36, numéro 2, 2005
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part, d’une représentation des salariés dans les instances statutaires des
coopératives agricoles depuis 1972 et dans les coopératives d’artisans
et de pêcheurs depuis 1983, et celle, d’autre part, de remontée directe
des bénéfices des filiales aux coopérateurs (au risque de transformer la
coopérative mère en simple coopérative d’actionnaires) ;
• l’émergence de « nouveaux entrants » dans le système : la figure du client
(non associé) jusque-là absente ou du moins cachée (Vienney, 1996) comme
le permet le développement d’opérations avec des tiers non associés,
remet en cause la double qualité (de bénéficiaire du service et de partie
prenante à la gouvernance politique) dans les coopératives (qui deviennent
« ouvertes »), les mutuelles (par la pratique de l’assurance de groupe) ou
les associations de services ; l’existence d’usagers « non militants » ou des
personnes ayant un « engagement distancié » (Ion, 1997) (c’est-à-dire ne
se considérant plus comme responsables de l’organisation du service)
questionne le principe de responsabilité sur lequel s’était fondée l’idée
d’autogestion coopérative ; de même, l’émergence de la figure du mandataire social (étendu par le code de la mutualité aux élus mutualistes)
par les responsabilités qui lui sont données sur le modèle général de la
société commerciale (Espagne, 2000, p. 179) invalide l’égalité formelle
entre sociétaires. Ce dernier point étant renforcé pour les coopératives par
la suppression par la loi de 1992 du statut général de la coopération de
l’obligation du scrutin secret pour l’élection des administrateurs (procédure généralement reconnue comme la condition d’un vote sincère et
libre des citoyens19).
L’évolution du cadre statutaire, devant s’articuler à terme avec le statut de
la SCE (Société coopérative européenne), est alors forte avec la transformation
du cadre coopératif général depuis la loi de 1992. Cette évolution, semblable
dans nombre de pays, conduit à un aménagement important des principes
coopératifs puisque aboutissant à une véritable remise en cause de l’uni-stakeholdership (l’homogénéité de la base sociale correspondant à l’unicité de la
fonction exercée, c’est-à-dire de la cause du contrat de société coopérative) et
du Selbsthilfe (l’orientation de leur activité vers la satisfaction des besoins de
leurs propres membres, par l’effort commun de ceux-ci ; Espagne, 2000). Deux
scénarios d’ouverture du sociétariat des organisations de l’économie sociale
en France apparaissent : dans le cas de la loi de 1992, on a deux catégories
d’associés, ceux pour qui le contrat de société a pour cause la réalisation de la
finalité institutionnelle (toujours conçue de la même manière) de la coopérative
(la fourniture de ses services) et ceux pour qui la cause du contrat de société
est l’obtention d’une rémunération avantageuse de leur investissement sous la
« fiction » générale que ces investisseurs « entendent contribuer par l’apport de
capitaux à la réalisation des objectifs de la coopérative » (article 3 bis nouveau
de la loi générale sur la coopération) ; dans le deuxième cas pour la SCIC, les
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différentes catégories d’associés renvoient à une démultiplication de la finalité
de l’organisation qui n’est plus seulement le service de ses sociétaires mais celui
de la communauté et de l’intérêt général (Demoustier, 2004).
Plus généralement, un débat se noue sur l’importance et la nature du
cadre statutaire dans lequel s’inscrivent les pratiques de l’économie sociale, ainsi
que sur le retour d’une conception des règles démocratiques comme relevant
du libre accord entre les parties prenantes. L’irruption de nouveaux entrants
dans le système avec les bénévoles et militants, les donateurs et mécènes, les
consommateurs et clients, les fournisseurs, banquiers et financeurs publics,
font qu’à la pratique du pouvoir formellement reconnu s’ajoutent alors des
pratiques d’influence (et donc un multipartenariat) qui s’inscrivent non seulement dans des réseaux institutionnels de partenariat ou d’échange, mais aussi
dans des réseaux interpersonnels. Aussi un certain nombre d’organisations se
créent explicitement sur la « minorisation » de la nécessité d’un cadre formel
pour régir la démocratie20. À propos de ces organisations, Draperi (2003, p. 49)
y voit un nouveau modèle d’action au sein d’une économie du social, moins
égalitaire que solidaire ou caritative, moins alternative qu’intégrée dans la
société civile, comme réaction à la puissance d’une économie « dominante »
pro­ductrice d’exclusions et d’inégalités et aux valeurs qu’elle prône. Leur
modèle de référence est moins la coopérative qu’un projet à l’œuvre, l’entreprise
sociale, « rencontre actuelle de deux traditions de pratiques : celle de l’action
sociale et celle de l’économie sociale ».
Dès lors, on peut s’affirmer comme relevant d’une économie sociale par
les objectifs, et non plus en référence à une forme commune d’organisation
basée sur la double qualité, notamment pour les organisations ayant un objectif
altruiste, comme le montre la promotion des fondations, aujourd’hui rattachées au plan européen au champ de l’économie sociale. De même, d’autres
organisations altruistes, celles relevant de l’insertion par l’activité économique,
n’associent pas (sur le modèle des associations sanitaires et sociales21 et à la différence des coopératives sociales italiennes) les bénéficiaires de leur activité tout
en ayant une finalité de service à la collectivité. Si de nouvelles formes tendent
à prendre en compte le problème de l’organisation lié à la multifonctionnalité
qu’affrontent la plupart des expériences de l’économie sociale émergente,
elles ne renvoient pas nécessairement à une définition identique du « peuple »
concerné par la distribution du pouvoir. Le cadre conceptuel des régies de
quartier associant dans leur conseil d’administration habitants et associations,
représentants des collectivités locales et représentants des bailleurs sociaux,
n’est en effet pas celui des expériences de commerce équitable. Celles-ci n’assimilent pas automatiquement multipartenariat et multisociétariat, puisque
ayant pour objectif de mettre à la disposition des consommateurs du Nord
les produits issus d’un commerce équitable avec le Sud, elles n’associent pas
nécessairement, d’une part, tous leurs consommateurs et, d’autre part, suivant
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en cela un modèle gidien de la théorie du juste prix (Gide, 1929), l’ensemble des
producteurs, et ce, même si des instances de concertation avec les organisations
du Sud sont en cours de constitution.
CONCLUSION
À la fin de ce détour historique, il semble donc bien que les règles à l’œuvre
dans les organisations d’économie sociale en ce début du xxie siècle ne soient
pas assimilables à celles du milieu du xixe, et cela, même si comme grammaires
de justification au sens de Boltanski et Thévenot (2000) une partie des acteurs22
peuvent se référer à l’utopie portée par les penseurs associationnistes dont la
critique de l’économie politique et les propositions sur la régulation sociale
du marché sont aujourd’hui encore d’une actualité brûlante (Demoustier et
Rousselière, 2005). Le débat historique entre formes émergentes et institutionnelles de l’économie sociale ne semble pas réductible à celui entre démocratie
représentative et démocratie participative mais témoigne à chaque époque de
la confrontation de différentes générations d’organisations avec des représentations dominantes de la nature de la démocratie. À ce titre, cette histoire des
règles « démocratiques » dans l’économie sociale peut être relue à l’aune de
deux lignes directrices23 :
• à travers les relations entre les deux traditions rochdaliennes relevées par
Desroche que sont la coopération (au sens où ce sont les destinataires du
service qui ont les droits politiques de gestion de la société) et la participation (ce sont ceux mettant en œuvre le service – les travailleurs – qui
ont ces mêmes droits politiques) : si l’associationnisme démarre sur une
confusion entre ces traditions à l’origine, le passage vers l’économie
sociale va consacrer une séparation par statut. La forme « coopérative
d’usagers » s’impose alors de manière générale (aussi bien pour les coopératives – dont celles de production – que les mutuelles et les associations).
La période de mutations actuelles est celle d’une nouvelle hybridation
avec notamment des règles capitalistes (pouvoir octroyé aux actionnaires-investisseurs en capital) et participatives (pouvoir octroyé aux
travailleurs) ; le droit communautaire pouvant alors tendre à faire évoluer
les droits nationaux par contagion ou par capillarité ;
• à travers les relations entre multipartenariat et multisociétariat, le passage
actuel étant celui de la double qualité au multisociétariat, l’organisation
d’économie sociale ne serait plus seulement au service de ses membres
mais devrait prendre en compte (à des degrés divers) ses rapports avec
les différents acteurs composant son environnement, justifiant ainsi une
fonction « d’utilité sociale » ou « d’utilité collective ». En reprenant la différenciation analytique de Espagne (2002) entre multi-stakeholdership (prise
en compte des intérêts et des opinions de différentes parties intéressées à
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l’action ou aux effets de l’action de la société) et multi-shareownership, on
montre que l’évolution historique est celle de la tendance à l’assimilation
entre l’un et l’autre. Si le dilemme multi-stakeholdership/multi-shareownership
apparaît comme celui classique entre le contrat et l’organisation (soit
contrat entre organisations distinctes, soit gestion par la même organisation de ce conflit), au plan normatif, on pourrait alors par exemple
s’interroger sur la configuration qui serait la plus efficace au point de
vue économique comme l’avait par exemple théorisé Williamson (1985)24
ou celle qui fondamentalement permettrait le mieux de contribuer à la
construction d’un « espace public de proximité » (Dacheux et Laville,
2003)25 ou à un mode particulier de développement (Lévesque, 2004).
Au sein même de ces organisations, la démocratie, qui n’est garantie par
aucune forme institutionnelle (Demoustier, 2001 ; Laville, 2001 ; Rancière,
2005), y est par essence fragile, car toujours confrontée à l’oligarchie,
c’est-à-dire « au gouvernement des meilleurs et à la défense de l’ordre
propriétaire » (Rancière, 2005, p. 8).
Notes
1
Mes remerciements vont à Danièle Demoustier (Institut d’études politiques de Grenoble), François
Espagne (ancien secrétaire général de la Confédération générale des SCOP), aux participants du
colloque « Économie solidaire et démocratie » (CNAM, avril 2004) et aux rapporteurs anonymes de
la revue pour leurs lectures attentives et leurs commentaires précieux sur des premières versions
de ce texte. Je reste bien évidemment seul responsable de ses lacunes et des idées avancées ici.
2
Un exemple pour cela : l’obligation de sociétariat et d’y consacrer une part de son revenu pour les
salariés dans certaines coopératives de travailleurs est-elle une pratique démocratique ? Non, si, en
acceptant la conception de la démocratie comme régime politique ayant pour objet la préservation
des droits individuels, on considère qu’elle viole la liberté individuelle de choix (renvoyant à un conflit
sur ce qui relève de l’espace du choix démocratique) ; oui, si l’on considère qu’elle favorise l’investissement et la participation de chacun (si l’on conçoit la démocratie comme issue d’un « processus »
et « d’un apprentissage »). Ce débat renvoie mutatis mutandis à celui sur l’obligation ou non de vote
aux élections politiques (qui de la France ou de la Belgique est le pays le plus démocratique ?).
3
Notre propos reste sur ce plan empirique et positif et non explicatif : nous ne proposons pas une
théorie à même d’expliquer les faits que l’on présente, par exemple en développant précisément
la manière dont on pourrait comprendre comment les transformations sociales peuvent induire les
transformations des organisations d’économie sociale. C’est pourquoi cet article doit être vu comme
un premier pas dans l’établissement d’un savoir sur les transformations historiques de l’économie
sociale.
4
Débat renvoyant à la critique par Platon de « l’égalité démocratique » impliquant selon lui qu’aucune
compétence déterminée n’est nécessaire pour participer à la prise des décisions politiques.
5
Débat résumé par Aristote dans le couple égalité arithmétique et égalité géométrique.
6
On renvoie à Dacheux et Laville (2003) pour ce type d’analyse, qui a un grand intérêt, débordant
le cadre strict de cet article.
7
Dans ses Recherches philosophiques, Wittgenstein s’en prend à une définition du langage qui considère ce dernier comme une sorte d’étiquetage généralisé des objets du monde. Comme le faisait
remarquer Wittgenstein, nous n’avons pas besoin de comprendre ce qu’est l’essence de la beauté
pour utiliser le mot « beauté » correctement ; la recherche de l’essence créant même des confusions
sur l’usage correct d’un terme. Aussi, au lieu de rechercher un substrat qui définisse le beau en soi,
Wittgenstein propose d’en trouver le sens dans notre usage réel du mot (par exemple en se demandant comment les enfants en apprennent l’utilisation, sur quels types d’exemples…) : « L’expression
“jeu de langage” doit ici faire ressortir qu’un langage fait partie d’une activité, ou d’une forme de vie »
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(Wittgenstein, 1953, §23, p. 39). Une telle « forme de vie » est donc un ensemble complexe de
jeux de langage, elle ne doit pas être conçue comme le résultat d’un choix délibéré, mais comme ce
qui résulte d’habitudes profondément ancrées, utilisées de manière automatique par les usagers.
8
On ne développe pas ce point, qui nécessite de donner un sens particulier au droit comme compromis
entre grammaires de justification différentes. Cela fait qu’un statut juridique est compatible avec une
pluralité de pratiques effectives, dont on ne peut dire d’aucune qu’elles ne respecteraient pas « l’esprit »
de la réglementation. En conséquence, on ne rentre pas dans les discussions qui pourraient différencier « économie sociale », « économie solidaire », « économie alternative », « associationnisme »…
(Billaudot et Rousselière, 2006).
9
Dans ses Méditations pascaliennes, Bourdieu (1997) fait le lien entre sa théorie du champ et la
philosophie du langage de Wittgenstein : si on suit cette analyse, pour comprendre le jeu de langage
« économie sociale », il faut comprendre les pratiques des différents agents du champ, qu’ils soient
théoriciens, doctrinaires ou patriciens.
10
Cela explique d’ailleurs pourquoi, malgré des recherches et des propositions sans fin sur le sujet, il
n’y a pas et ne peut y avoir de définition fixant une fois pour toutes l’identité de ces organisations, la
déclaration de l’Alliance coopérative internationale de 1995 pouvant être perçue comme un compromis
historiquement daté, voir Chomel et Vienney (1996) à ce propos.
11
Notons qu’on retrouve des éléments similaires lorsque Demoustier (2001) parle d’activités sociotechniques ou quand Vienney (1980, p. 22) désigne les coopératives comme organisations participant
au maintien des rapports interpersonnels et sociaux auxquels les personnes sont attachées.
12
En nous gardant bien de réduire, comme le rappelle Castoriadis (1996), la démocratie à un simple
ensemble de « procédures démocratiques », puisqu’elle renvoie également au plan anthropologique
à un « imaginaire social » spécifique. Ce dernier point pourrait être appréhendé en ce qui concerne
l’économie sociale par une description historique des normes éthiques (ou logiques d’action, c’est-àdire le sens donné à l’action) des acteurs de l’économie sociale et donc leur grammaire de justification
au sens de Boltanski et Thévenot (2000).
13
Le découpage historique « grossier » que nous proposons ici s’appuie (et recoupe) en partie l’analyse régulationniste proposant une classification par les grandes crises du capitalisme (Boyer
et Saillard, 2002) ; classification notamment utilisée par Demoustier (2001). Nous nous en
démarquons toutefois quelque peu, nous rapprochant de celui proposé par Espagne (1996) pour les
coopératives de travailleurs en France, en effectuant un découpage en trois périodes : 1830-1901,
puis, 1901-1981 et, enfin, depuis 1981.
14Ainsi un contrat de société de musiciens du 3 novembre 1600 précisait-il : « tous les gains, dons,
présens et autres émolumens qui proviendront du jeu des instrumens desdicts recongnoissans
et de leur musique qu’ilz et chacun d’eulx sçavent et ont accoustumé de jouer ordinairement tant
aux festins d’espouzailles, fiansailles, banquets, assemblées que aultrement, en quelque sorte et
manière que ce soyt et tant aux champs que à la ville où ilz seront employez et tant ensemblement
que séparement, se partiront esgallement entre eulx et en prendront ou auront autant l’un que l’autre
comme loyallement et fidellement associez » (Morin, 1896, p. 12).
15
Espagne se réfère ici aux conceptions différentes de l’association coopérative de Buchez et Fourier ;
la première est largement à l’origine des statuts modernes de la coopération, et la seconde a inspiré
des projets communautaires (les phalanstères ; voir sur ce point : Demoustier et Rousselière,
2005 ; Gueslin, 1998).
16
Sur la pluralité des formes communautaires inspirées de Cabet (communautés icariennes) ou de
Fourier, on se permet de renvoyer à Desroche (1981), Rancière (1981) et Gueslin (1998).
17
Pour une explicitation de l’expérience communautaire par un de ses praticiens, voir notamment le
livre d’entretiens de Mermoz (1978). Ce dernier quittera Boimondau dès 1951 sur le constat de la
« normalisation » et du « suicide collectif » de Boimondau.
18Au prix, il est vrai, de considérer toute activité (celles de l’épouse, mère, enfant) comme un travail.
188
19
Voir à ce propos l’article 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948.
20
Cela renvoie à la proposition de conceptualisation de ces pratiques en termes d’hybridation des
ressources de Laville (1994) : ce qui compte pour différencier ces organisations des autres est,
d’une part, leur objectif affiché et, d’autre part, les ressources qu’elles mobilisent (marchandes, non
marchandes, non monétaires).
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21Ainsi, dans le domaine sanitaire et social, le développement des organisations s’est fait initialement
sur le thème du handicap social (institué avec la loi de 1975 et abrogé en 1998) et donc de l’incapacité
politique des personnes bénéficiaires du service.
22
Ou plutôt ce que des auteurs, comme agents appartenant à ce champ, leur prêtent comme intentions,
au risque de l’erreur scolastique (Bourdieu, 1997).
23
On pourrait également faire l’histoire de la relation entre préservation des droits de la minorité et
dictature du principe majoritaire, et celle de la formalisation (statutaire, juridique) ou non des règles
démocratiques : on peut remarquer que le nouveau cadre juridique (l’exemple type étant la SCIC)
renvoie largement au libre accord entre les parties prenantes.
24
Williamson (1985, p. 206-239) compare en effet différents modèles d’organisations collectives
(groupes de pairs, organisation communautaire) ou même « fédérées » aux autres formes « capitalistes » ; pour les premières, la forme « groupes de pairs » – si au total elle est dépassée par la
« relation d’autorité » – est la plus efficiente.
25
On pense à la remarque critique de Eme (2002) à propos de la Société coopérative d’intérêt collectif
qui tend à « internaliser ce qui constitue – entre les élus, les administrations et les autres acteurs – un
débat public ».
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Tiré de : Économie et Solidarités, vol. 36, no 2, Jean-Pierre Girard et Yvan Comeau, responsables • EES3602N
Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés
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Économie et Solidarités, volume 36, numéro 2, 2005
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