DOSSIER
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MISE AU POINT
Les patients diabétiques représen-
tent une proportion croissante de nos
patients coronariens, parmi lesquels
beaucoup seront revascularisés. Quel que soit
le traitement choisi, la présence du diabète
augmente la mortalité, avec plus de resténose
intra-stent et plus d’occlusion coronaire après
angioplastie ou pontage qu’en l’absence de
diabète. Les recommandations récentes des
sociétés savantes, en particulier de l’European
society of cardiology, reprises
pour la plupart par la Société
française de cardiologie et la
HAS, permettent de mieux
préciser les indications et le
choix de la revascularisation.
Les paramètres intervenant
dans ce choix dépendent de
l’anatomie coronaire, de la situation clinique,
de facteurs liés au patient et de la comorbi-
dité (tableau 1).
Quel coronarien diabétique
faut-il revasculariser ?
Si tous les coronariens diabétiques doivent
bénéficier d’un traitement médical optimal et
d’une correction intensive des autres facteurs
de risque, l’indication d’une coronarographie
en vue d’une revascularisation dépend essen-
tiellement de la situation clinique.
Syndrome coronarien aigu et diabète :
privilégier une stratégie invasive précoce
Dans une méta-analyse incluant plus de
60 000 patients [1], la présence d’un diabète
augmente de 70 % le risque de décès à 1 an
dans le syndrome coronarien aigu (SCA) ST+
et de 20 % dans le SCA ST-. L’angioplastie
sera privilégiée en cas de SCA ST+ inférieur
à 12 heures lorsqu’elle peut être réalisée
moins de 2 heures après le premier contact
médical (moins de 90 minutes si présenta-
tion avant 2 heures, infarctus étendu et
dans les 24 heures lorsque le patient a été
fibrinolysé) [2].
La présence d’un diabète doit faire privilé-
gier une stratégie invasive dans le SCA ST-,
le bénéfice étant plus important que chez
les patients non diabétiques. La coronaro-
graphie sera réalisée dans les 24 premières
heures chez les patients à haut risque, avec
score de GRACE supérieur à 140 (élévation
de la troponine, sous décalage de ST). Elle
peut être réalisée dans les 72 premières
heures chez les diabétiques à plus faible
risque [2]. Dans l’étude FRISC II, la straté-
gie invasive diminue en valeur absolue le
risque de décès infarctus à 1 an de 9,3 %
chez les diabétiques avec SCA ST-, 3 fois
plus que chez les non diabétiques (3,1 % de
diminution du risque à 1 an). Dans l’étude
TACTICS-TIMI 18, la stratégie invasive per-
met chez les diabétiques une réduction du
risque de décès infarctus nouvelle hospitali-
sation pour SCA à 6 mois de 7,6 % en valeur
absolue (vs 1,8 % chez le non diabétique).
Parmi les 3 488 patients coronariens d’Euro
Heart Survey, un tiers d’entre eux étaient dia-
bétiques, et deux tiers présentaient un SCA [1].
Aucun bénéfice de la revascularisation n’était
retrouvé chez les non diabétiques. A l’inverse,
la revascularisation diminuait la mortalité
à 1 an chez les diabétiques (5,7 % vs 8,6 %
Le diabète augmente
le risque de mortalité
à 1 an de 70 μ si SCA ST+
et 20 % si SCA ST-.
C. Le Feuvre
Institut de cardiologie, Centre hospitalo-universitaire de la Pitié-Salpêtrière, Paris
Qui, quand, comment revasculariser
le diabétique ?
Qui, quand, comment revasculariser le diabétique ?
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revascularisation. Le taux de décès et d’évé-
nement cardiaque majeur à 5 ans n’est pas
diminué par la revascularisation initiale
(22,8 % vs 24,1 % dans le groupe médical).
Aucune réduction du risque n’est retrou-
vée dans le stratum angioplastie (patients
à faible risque). A l’inverse, dans le stratum
pontage concernant des patients à risque
plus élevé, la revascularisation diminue le
risque d’infarctus (tableau 2). Cette étude
ne permet pas de comparer angioplastie et
pontage, les patients de ces deux groupes
ayant des caractéristiques cliniques et
angiographiques différentes.
Le pronostic du patient coronarien diabé-
tique est plus lié à la thrombose qu’à la sté-
nose. Le traitement médical optimal avec
correction intensive des facteurs de risque
diminue le risque de décès-infarctus chez
tous ces patients. A l’inverse, la revasculari-
sation ne permet une amélioration du pro-
nostic que chez les patients à haut risque et
une amélioration fonctionnelle que chez les
patients restant symptomatiques sous trai-
tement médical. Dans les recommandations
ESC sur l’angor stable [4], l’indication de la
coronarographie en vue d’une revasculari-
sation chez les patients diabétiques comme
chez les non diabétiques doit être limitée
aux patients à haut risque ou avec angor
réfractaire au traitement médical maximal
(tableau 3). Les patients sont considérés à
haut risque si la mortalité annuelle est supé-
en l’absence de revascularisation), ainsi que
le taux de décès, infarctus et accident vascu-
laire cérébral (9,9 % vs 16,9 % en l’absence de
revascularisation).
En l’absence de contre-indication extracar-
diaque liée au terrain, une stratégie invasive
en vue d’une revascularisation est donc recom-
mandée chez tous les diabétiques présentant
un SCA [2].
Coronarien diabétique stable :
revasculariser si haut risque
ou angor réfractaire
L’étude BARI 2D [3] a permis de préciser les
indications de revascularisation chez le coro-
narien diabétique stable, démontrant qu’en
cas de faible risque d’événement cardiaque,
le traitement médical optimal sans revas-
cularisation initiale était une stratégie qui
n’augmentait pas le risque de décès-infarctus.
Cette étude a randomisé la revascularisation
chez 2 368 patients diabétiques coronariens
stables, avec une stratification sur le mode de
revascularisation le plus approprié selon les
caractéristiques cliniques et angiographiques.
Les patients randomisés angioplastie versus
traitement médical seul avaient des lésions
coronaires moins complexes et un risque de
décès-infarctus plus faible que les patients
randomisés pontage versus traitement médical
seul (tableau 1). A 5 ans, 42 % des patients
du groupe médical ont un cross over avec
Tableau 1. Paramètres guidant le choix de la stratégie de revascularisation chez le coronarien diabétique.
Situation clinique – Maladie coronaire stable
– Syndrome coronarien aigu avec ou sans sus décalage de ST
– Choc cardiogénique
Anatomie coronaire – Score SYNTAX
Accessibilité des lésions à une angioplastie ou de l’artère coupable à un pontage
– Etendue de l’ischémie
Facteurs liés
au patient
– Fragilité
– Préférence
– Compliance et tolérance d’une bithérapie antiagrégante plaquettaire
– Nécessité d’un traitement anticoagulant
– Chirurgie non cardiaque programmée
Comorbidités
associées
– EUROSCORE ou STS score
Age et espérance de vie
– Fraction d’éjection ventriculaire gauche
– Présence d’une valvulopathie ou artériopathie des membres inférieurs
– Insuffisance pulmonaire ou rénale
Anomalie de la coagulation ou risque hémorragique
Antécédent de chirurgie cardiaque
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Angioplastie coronaire
Le diabète augmente le risque de néphropa-
thie induite par l’iode, qui sera prévenue par
une hydratation suffisante, le choix et la limi-
tation de la quantité du produit de contraste.
Le bénéfice du stent actif sur le stent nu est
retrouvé dans les méta-analyses des coro-
nariens diabétiques, avec une réduction du
taux de nouvelle revascularisation, mais aussi
une diminution du risque de décès et d’in-
farctus [1]. Il n’est pas retrouvé de différence
entre les différents stents actifs de dernière
génération, le bénéfice chez le diabétique
étant comparable quel que soit le stent actif
utilisé. Malgré l’utilisation de stents actifs, le
risque d’événement cardiaque majeur après
angioplastie reste cependant plus élevé que
chez le non diabétique. Le diabète multiplie
rieure ou égale à 3 % (épreuve d’effort
précocement et fortement positive selon le
score de Duke, ischémie supérieure à 10 %
du ventricule gauche à l’imagerie fonction-
nelle, athérome tritronculaire avec sténoses
proximales du tronc commun ou de l’IVA au
scanner).
L’indication de revascularisation
étant retenue, comment choisir
entre angioplastie et pontage ?
Les critères de choix entre angioplastie et
pontage sont résumés dans le tableau 1. La
revascularisation chez le diabétique reste
un challenge, la mortalité restant plus éle-
vée que chez le non diabétique quel que
soit le mode de revascularisation choisi.
Tableau 2. Etude BARI 2D [3] : 2 368 coronariens diabétiques stables, randomisation traitement médical optimal (TMO) seul
ou associé à angioplastie, et randomisation TMO seul ou associé au pontage (choix du mode de revascularisation selon les
caractéristiques angiographiques et cliniques).
Angioplastie
+ TMO
TMO seul Pontage
+ TMO
TMO seul
Athérome tritronculaire 20 % 20 % 52 % 52 %
Occlusion coronaire 32 % 32 % 61 % 61 %
Décès cardiaque à 5 ans 5 % 4,2 % 8 % 9 %
Infarctus à 5 ans 12,3 % 12,6 % 10 % 17,6 %*
*p = 0,003 pontage + TMO
vs
TMO seul.
Tableau 3. Indications de la revascularisation chez le coronarien stable, diabétique ou non diabétique, sous traitement médical optimal (TMO) [4].
Indication Pour améliorer
le pronostic
Pour améliorer
les symptômes
persistant sous
TMO
Sténose tronc coronaire > 50 % * IA IA
Sténose IVA1 > 50 % * IA IA
2-3 tritronculaire avec dysfonction ventriculaire gauche IB IIaB
Sténose > 50 % sur dernier vaisseau coronaire IC IA
Ischémie ventriculaire gauche > 10 % à imagerie fonctionnelle
(IRM, écho ou isotopes)
IB IB
Sténose coronaire > 50 % avec symptômes invalidant malgré TMO
(ou TMO mal toléré)
_IA
Dyspnée-insuffisance cardiaque avec ischémie-viabilité ventriculaire gauche > 10 % sur sténose coronaire > 50 % IIbB IIaB
Pas de symptôme invalidant sous TMO sur vaisseau autre que tronc coronaire, IVA1 ou dernier vaisseau,
ou sur sténose coronaire avec ischémie ventriculaire gauche < 10 % ou FFR * 0,8
IIIA IIIC
* avec ischémie documentée ou FFR < 0,8 pour sténoses coronaires entre 50 et 90 %
Qui, quand, comment revasculariser le diabétique ?
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de l’ensemble des patients inclus. Le béné-
fice à long terme de l’utilisation des deux
mammaires chez le diabétique compense
possiblement le risque infectieux initial si
la technique de prélèvement mammaire
permet de préserver les collatérales et la
vascularisation sternale. Même avec un
prélèvement mammaire squelettisé, le
diabète reste un facteur indépendant pré-
dictif d’infection sternale (OR 4,6 pour les
diabétiques non insulinodépendant, OR
6,9 % pour les insulinodépendants) [1].
Un contrôle glycémique optimal péri opé-
ratoire, au besoin avec insuline, diminue
le risque infectieux et améliore la cicatri-
sation.
Pontage
vs
angioplastie coronaire
En l’absence d’atteinte de l’IVA proxi-
male, les coronariens diabétiques mono
ou bitronculaire en angor stable relè-
vent préférentiellement de l’angioplastie
(figure 1). Chez les autres diabétiques
avec angor stable, le choix du mode de
revascularisation repose sur une discussion
médico-chirurgicale intégrant l’ensemble
des paramètres du tableau 1 (situation
clinique, anatomie coronaire, facteurs liés
au patient, comorbidité). Chez le corona-
rien diabétique stable avec sténose du
tronc commun supérieure à 50 % et isché-
mie documentée (ou supérieure à 70 %
sur deux incidences ou avec FFR inférieure
à 0,8), l’angioplastie est indiquée chez
les patients à haut risque chirurgical et
sténose ostiale ou de la partie moyenne
du tronc commun, et la chirurgie chez le
patient à bas risque chirurgical et score
SYNTAX supérieur ou égal à 33. Chez tous
les autres diabétiques avec angor stable
et sténose du tronc commun nécessitant
une revascularisation, le choix repose sur
une discussion médico-chirurgicale, la
présence d‘un diabète étant un argument
en faveur de la chirurgie.
La supériorité du pontage sur l’angio-
plastie chez le diabétique pluritroncu-
laire a été démontrée quelle que soit la
technique d’angioplastie. Chez les diabé-
tiques pluritronculaires de l’étude BARI,
la mortalité cardiaque à 5 ans était de
par 2 à 3 le risque de thrombose de stent
comparé au non diabétique. Ce risque accru
de thrombose doit inciter à utiliser le pra-
sugrel ou le ticagrelor associé à l’aspirine
chez le diabétique avec syndrome corona-
rien aigu. Dans TRITON-TIMI 38 (angioplastie
pour syndrome coronarien aigu), le prasu-
grel diminue à 15 mois le risque cumulé de
décès cardiaque infarctus, accident vasculaire
cérébral (9,9 % sous prasugrel vs 12,1 % sous
clopidogrel). Le bénéfice est deux fois plus
important chez le diabétique que chez le non
diabétique (30 % de réduction d’événement
avec le prasugrel chez le diabétique vs 14 %
chez le non diabétique). Dans le sous-groupe
prédéfini des 4 662 patients diabétiques
avec syndrome coronarien aigu de l’étude
PLATO, comparant ticagrelor et clopidogrel,
le ticagrelor diminue de 18 % le risque de
décès et de 35 % le risque de thrombose de
stent. En l’absence d’étude spécifique chez
le coronarien stable, l’utilisation du ticagre-
lor ou du prasugrel reste « off label » chez
le diabétique revascularisé par angioplastie
pour angor stable.
Pontage coronaire
Comme pour l’angioplastie, le risque d’évé-
nement cardiaque après pontage coro-
naire est plus élevé chez le diabétique que
chez le non diabétique. Dans le registre
STS incluant près de 150 000 patients, la
mortalité 30 jours après pontage est aug-
mentée de 20 % chez le diabétique et
même de 40 % chez le diabétique insuli-
nodépendant par rapport au non diabé-
tique [1]. Le diabète augmente également
le taux de morbidité et de complications
infectieuse post opératoires, ainsi que le
taux d’occlusion de pontage à 1 an [1].
A l’inverse du patient non diabétique, chez
le patient diabétique, l’occlusion du pon-
tage par artère radiale est plus fréquente
que celle du pontage saphène. L’utilisation
de deux pontages mammaires augmente
le risque d’infection sternale, tout parti-
culièrement en présence de diabète. Dans
l’étude ART (simple vs double mammaire),
la moitié des patients repris pour infection
sternale était diabétiques, alors que les
diabétiques ne représentaient que 24 %
MISE AU POINT
C. Le Feuvre
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Cette étude a randomisé stent actif ou
pontage chez 1 900 diabétiques pluritron-
culaires (87 % de tritronculaires) bénéfi-
ciant d’un traitement médical optimal. Le
risque d’événement cardiaque majeur à
5 ans est plus bas avec la chirurgie, en
particulier le risque de décès et d’infarc-
tus, au prix d’une augmentation du risque
d’accident vasculaire cérébral (tableau 4).
Conclusion
Si tous les coronariens diabétiques doivent
bénéficier d’une correction intensive des
facteurs de risque, l’indication et le choix
du mode de revascularisation dépend de
nombreux paramètres incluant la situation
clinique, l’anatomie coronaire, les facteurs
liés au patient et la comorbidité. Tous les
20,6 % après angioplastie au ballon, vs
5,8 % après pontage [5]. L’utilisation du
stent nu n’a pas fait disparaître cette
différence : dans une méta-analyse de
10 études randomisées, la mortalité à
5 ans chez les diabétiques pluritroncu-
laires était de 29 % après stent vs 23 %
après pontage (HR = 0,7, 0,56-0,87) [1]. La
supériorité du pontage sur l’angioplastie
ne disparaît pas avec l’utilisation du stent
actif. Le taux de nouvelle revascularisa-
tion est trois fois plus élevé après stent
actif que pontage dans les sous-groupes
de diabétiques du contrôle historique
ARTS 2 et de l’étude SYNTAX, et 6 fois
plus élevé dans l’étude CARDIa (11,8 %
après stent actif vs 2 % après pontage).
L’étude FREEDOM confirme la supériorité
du pontage sur l’angioplastie avec stent
actif chez le diabétique pluritronculaire.
Figure 1. Choix entre angioplastie et pontage chez le coronarien stable, diabétique ou non diabétique, sans sténose du tronc commun [3].
Tableau 4. Etude FREEDOM, comparant angioplastie et pontage chez 1900 diabétiques pluritronculaires [6].
Evénements à 5 ans Angioplastie Pontage p
Décès – infarctus – accident vasculaire cérébral 26,6 % 18,7 % 0,005
Décès 16,3 % 10,9 % 0,049
Décès cardiovasculaire 10,9 % 6,8 % 0,1
Accident vasculaire cérébral 2,4 % 5,2 % 0,03
Infarctus 13,9 % 6 % 0,001
1 / 6 100%
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