298 B. Fortin et al.
© 2013 EDP Sciences / SIFEM Pédagogie Médicale 2013; 14 (4)
Introduction
Le bon enseignant rend explicite son raisonnement
clinique afin de servir de modèle aux étudiants en
médecine et notamment, en contexte de stage post-
gradué, aux résidents. Devrait-il également rendre
explicitel’importancedesvaleursintimesquiinfluen-
centsecrètementsa pratique ?Etdevrait-il encourager
lerésident à découvriret à dévoilerses propresrepères
intérieurs, afin d’exercer à leur égard une certaine
influence?Devrait-ilinciterlerésidentàsortirdesazone
de confort avant que la vie ne l’oblige à le faire ?
Au moment de définir les compétences requises
pour être un bon médecin de famille, le Collège des
médecins prend position au sujet des caractéristiques
recherchées chez ses membres. Ces caractéristiques
présupposent l’acquisition de certaines valeurs. Nous
adoptons ici la définition de Lieff[1]qui décrit les
valeurs comme étant les croyances au sujet de ce qui
est bien et de ce que la conscience dicte comme étant
les plus hautes priorités dans la vie. Les valeurs gui-
dent ou qualifient notre conduite personnelle, nos
interactions avec les autres, l’implication et la satis-
faction dans sa carrière.
Selon Borges et Hartung[2], les valeurs promues
au cours de la formation en médecine évoluent au
cours du temps. L’altruisme, la responsabilité, l’hon-
neur,l’intégrité, lesens du devoiret lerespect d’autrui
sont des vertus soutenues par le discours officiel de
la médecine[3]. Les étudiants en médecine rapportent
toutefois régulièrement des interactions ou des obser-
vations, au cours desquelles leurs enseignants ne res-
pectent pas les règles hospitalières, violent la confi-
dentialité du patient, formulent des commentaires
dégradants au sujet des patients, manquent de respect
envers des collègues médecins et ne fondent pas en
priorité leurs décisions au regard du patient considéré
comme finalité princeps de l’action médicale. Un
manque de cohérence entre les messages formulés par
les enseignants facultaires et ceux délivrés par les
superviseurs dans les milieux cliniques peut nuire à
l’intégration harmonieuse des valeurs. Face à une
telle ambiguïté, les étudiants peuvent être tentés de
simplement faire semblant d’adhérer aux valeurs offi-
cielles,selonlecontexteetlesconséquencesanticipées.
Coulehan et Williams[4]affirment que le milieu
de l’éducation médicale, considéré en tant qu’institu-
tion, prétend faire la promotion de l’empathie, de la
compassion et de l’altruisme mais que dans les faits,
ses acteurs font tacitement la promotion du détache-
ment, de l’intérêt personnel et accordent peu de place
à la prise en compte de la subjectivité. Dychel et
Epstein[5], quant à eux, accusent l’éducation médi-
cale d’éteindre la précieuse curiosité des étudiants.
Les propres valeurs du résident peuvent entrer en
conflit. Être libre ou être au service du patient ? Être
autonome ou satisfaire les attentes du supérieur hié-
rarchique ? Rester plus longtemps au travail ou rentrer
à la maison ? La manière de prendre en compte les ten-
sions entre les différentes valeurs, dans une recherche
d’équilibre, évolue avec le temps. Selon Borges et
Hartung[2], au fur et à mesure de leur formation, les
résidents tendent à privilégier un mode de vie qui leur
permet d’exercer un contrôle sur la gestion du temps
et qui favorise un équilibre entre la vie familiale et
professionnelle. Ils recherchent progressivement
l’indépendance et l’autonomie.
Créer un environnement favorable
Lucey et Souba[6]rapportent que le paradigme édu-
cationnel traditionnel utilise des règles renforçant les
valeurs désirées, sollicite des modèles de rôles posi-
tifs, récompense les comportements souhaités et éli-
mine ceux qui transgressent les règles.
L’exposition des étudiants au milieu clinique leur
offre en principe l’occasion de d’examiner comment
les principes magistraux peuvent prendre leur sens et
s’appliquer dans la vie réelle. Pourtant, les modèles
de rôle rencontrés en milieu clinique ne sont pas tou-
jours en harmonie avec ce qui est prôné en enseigne-
ment magistral. Au quotidien, l’influence de certains
de modèles de rôle, par le processus d’imitation que
ceux-ciinduisent, peut s’exercerde façonopposée par
rapport aux intentions de l’institution. Siristatidis et
Gagari[7]affirment que leurs collègues enseignants
en médecine n’ont pas la capacité d’enseigner en
s’appuyant sur des données probantes récentes, qu’ils
n’ont pas le temps de superviser les résidents, que