Fiche d`actualité scientifique n°363

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Actualité scientifique
Scientific news
Décembre 2010
Le chikungunya, véhiculé
par des moustiques du
genre Aedes, se répand
dans le monde et
provoque périodiquement
de nouvelles flambées
épidémiques. L’Afrique,
l’Asie, l’océan Indien et
même le Sud de l’Europe
sont désormais touchés.
D’une simple fièvre à de
sévères douleurs
articulaires, le virus peut
prendre de multiples
formes chez les malades.
Cette extrême variabilité
des symptômes est due à
la variabilité de la défense
immune individuelle.
Grâce à des analyses
sanguines effectuées lors
de l’épidémie de 2007 au
Gabon, des chercheurs de
l’IRD et leurs partenaires1
viennent en effet de
montrer le rôle clé, dans
l’évolution clinique de
l’infection, de l’immunité
innée : la première ligne
de défense de
l’organisme. Le contrôle
de la maladie dépend
ainsi étroitement du
« terrain » immunitaire de
chaque patient. Les cas
graves seraient donc dus
à une défaillance de la
réponse innée, comme
chez les femmes
enceintes, les personnes
âgées, etc.
Ces travaux apportent un
éclairage nouveau sur
cette maladie, peu étudiée
jusque là et délaissée des
pouvoirs publics.
Chikungunya :
Le rôle clé de l’« immunité innée »
© IRD / Alain Pierret
N° 363
Actualidad cientifica
Véhiculé par les femelles moustiques du genre Aedes (ici Aedes albopictus dit le « moustique tigre »), le chikungunya s’est répandu ces dernières
années à de nouvelles régions du monde : océan Indien, Afrique centrale et même Sud de l’Europe.
Isolé pour la première fois en 1953 en Tanzanie, le
virus du chikungunya a causé de nombreuses
épidémies en Afrique et en Asie du Sud-Est au
cours du 20e siècle.
Une menace planétaire
Cette maladie infectieuse est due, comme la fièvre
jaune et la dengue, à un arbovirus, c’est-à-dire véhiculé par des arthropodes suceurs de sang : moustiques, tiques et phlébotomes. Ses principaux
vecteurs sont des moustiques du genre Aedes, en
particulier Aedes albopictus, surnommé le « moustique tigre », qui conquiert rapidement de nouveaux
territoires, grâce à ses œufs*. L’intensification des
déplacements humains, qui dispersent les larves, et
l’augmentation de la résistance des moustiques aux
insecticides ont contribué à l’expansion rapide des
épidémies ces dernières années à de nouvelles
régions du monde : les îles de l’océan Indien,
l’Afrique centrale et même très récemment le Sud
de l’Europe sont désormais touchés. La flambée
épidémique de La Réunion en 2005-2006 a notamment affecté plus de 260 000 personnes. La récente
épidémie dans le Sud de l’Italie, en 2007, ainsi que
le premier cas de fièvre rapporté dans le Sud de la
France illustrent le potentiel de dissémination
mondiale, faisant de cette maladie, rarement
mortelle mais très invalidante, une menace de santé
publique majeure.
Une immunité innée forte
D’une simple poussée de fièvre à des troubles articulaires très douloureux, le chikungunya peut prendre
de multiples formes. Cette extrême variabilité des
symptômes est due à la variabilité de la réponse
immune individuelle de chaque patient. Des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires1 viennent en effet
de montrer la fonction clé, dans de l’évolution clinique
de la maladie, de la première ligne de défense de
l’organisme : l’« immunité innée ».
Pour en savoir plus
En réponse à la présence d’ADN étranger dans l’organisme, suite à une infection virale, bactérienne ou
parasitaire, ou à la présence de cellules tumorales,
l’organisme active son système immunitaire. Cette
réponse immune, ou inflammatoire, est constituée
de deux grandes étapes : la défense non-spécifique,
aussi appelée « immunité innée », qui ne tient pas
compte de la nature du micro-organisme qu’elle
combat, et la réponse spécifique, qui cible l’agent
pathogène dans les cellules infectées.
Chez les malades du chikungunya, la première étape
est très efficace. L’analyse de près de 70 échantillons
sanguins prélevés au cours de l’épidémie de 2007 à
Libreville, la capitale du Gabon, a en effet révélé la
présence, au cours des quatre premiers jours de
symptômes, d’une quantité élevée d’interférons, de
cytokines et de chimiokines2, des sortes d’hormones
du système immunitaire. Les premiers jouent un rôle
prédominant dans la défense inflammatoire immédiate : ils interfèrent, d’où leur nom, avec la réplication
du virus dans les cellules de l’hôte et inhibent ainsi ce
dernier de manière très précoce. Les cytokines et les
chimiokines, quant à elles, ont pour fonction d’activer
la seconde étape : la réponse spécifique. Pour cela,
ces protéines attirent les cellules immunitaires,
appelées leucocytes, vers chaque site de réplication
du virus et orchestrent le déploiement des défenses
anti-virales de l’organisme.
Le contrôle de la maladie dépend ainsi étroitement
du « terrain » immunitaire de chaque patient. Les
cas graves seraient donc dus à une défaillance du
mécanisme de la réponse innée, comme chez les
femmes enceintes, les personnes âgées ou encore
les malades du sida.
Une maladie
extrêmement invalidante
Contacts
Éric LEROY,
directeur de recherche à l’IRD
Dès lors apparaîtraient les formes graves provoquant les raideurs articulaires très invalidantes dont
l’infection tient son nom : chikungunya signifie la
« maladie de l’homme courbé » en makondé, langue
d’Afrique australe. Ces symptômes durent en
général trois à sept jours, le temps que les cellules
immunitaires fassent leur travail, mais peuvent aussi
devenir chroniques et persister pendant des mois,
voire des années. Des complications neurologiques
et hépatiques peuvent également survenir dans
les formes les plus sévères. Aucun traitement
spécifique n’existant à ce jour, la prise en charge
thérapeutique vise uniquement à soulager ces
symptômes, avec des médicaments antalgiques
et anti-inflammatoires.
Tél. : +241 07 85 06 13
[email protected]
UMR Émergence des pathologies virales
(IRD et université de la Méditerranée
Aix-Marseille 2)
Adresse
Centre international de recherches
médicales de Franceville (CIRMF)
BP 769, Franceville
Gabon
Référence
wauquier n., becquart pierre, nkoghe d.,
padilla c., ndjoyi-mbiguino a., leroy Éric.
The Acute Phase of Mild Chikungunya
Virus Infection in Humans is Associated
with Strong Innate Immunity and T CD8
Cell Activation, Journal of Infectious
Diseases, 2010.
DOI: 10.1093/infdis/jiq006
Les médecins sont à l’aube de leurs recherches sur la
maladie, longtemps délaissée par les pouvoirs
publics. L’équipe de recherche explore de même le
rôle, dans l’inhibition du pathogène, des cellules
appelées Natural Killer, capables de tuer directement
les cellules infectées. En parallèle, des travaux sont
également en cours sur la modulation de la réponse
immunitaire dans les cas de coinfection avec le virus
de la dengue, récemment découverts au Gabon*,
une nouvelle menace qui conjugue les deux fléaux.
Mots clés
Chikungunya, virus, immunité innée
*Voir fiche d’actualité scientifique n°312 :
Dengue et chikungunya : quand les fléaux se conjuguent.
Rédaction DIC – Gaëlle Courcoux
1. C es travaux ont été réalisés en collaboration avec des chercheurs du Centre international de recherches médicales de
Franceville et de l’université des sciences de la santé à Libreville au Gabon et de l’Inserm.
Coordination
Gaëlle Courcoux
Délégation à l’information
et à la communication
Tél. : +33 (0)4 91 99 94 90
Fax : +33 (0)4 91 99 92 28
[email protected]
2. Les interférons, cytokines et chimiokines sont des protéines produites par les cellules du système immunitaire.
Relations avec les médias
Vincent Coronini
+33 (0)4 91 99 94 87
[email protected]
Ces travaux sur l’épidémie gabonaise de 2007 ont montré le rôle clé de l’immunité innée dans l’évolution clinique de l’infection.
© IRD / Michel Dukhan
© IRD / Xavier Pourrut
Indigo,
photothèque de l’IRD
Daina Rechner
+33 (0)4 91 99 94 81
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