© IRD / Xavier Pourrut
En réponse à la présence d’ADN étranger dans l’or-
ganisme, suite à une infection virale, bactérienne ou
parasitaire, ou à la présence de cellules tumorales,
l’organisme active son système immunitaire. Cette
réponse immune, ou inflammatoire, est constituée
de deux grandes étapes : la défense non-spécifique,
aussi appelée « immunité innée », qui ne tient pas
compte de la nature du micro-organisme qu’elle
combat, et la réponse spécifique, qui cible l’agent
pathogène dans les cellules infectées.
Chez les malades du chikungunya, la première étape
est très efficace. L’analyse de près de 70échantillons
sanguins prélevés au cours de l’épidémie de 2007 à
Libreville, la capitale du Gabon, a en effet révélé la
présence, au cours des quatre premiers jours de
symptômes, d’une quantité élevée d’interférons, de
cytokines et de chimiokines2, des sortes d’hormones
du système immunitaire. Les premiers jouent un rôle
prédominant dans la défense inflammatoire immé-
diate : ils interfèrent, d’où leur nom, avec la réplication
du virus dans les cellules de l’hôte et inhibent ainsi ce
dernier de manière très précoce. Les cytokines et les
chimiokines, quant à elles, ont pour fonction d’activer
la seconde étape : la réponse spécifique. Pour cela,
ces protéines attirent les cellules immunitaires,
appelées leucocytes, vers chaque site de réplication
du virus et orchestrent le déploiement des défenses
anti-virales de l’organisme.
Le contrôle de la maladie dépend ainsi étroitement
du « terrain » immunitaire de chaque patient. Les
cas graves seraient donc dus à une défaillance du
mécanisme de la réponse innée, comme chez les
femmes enceintes, les personnes âgées ou encore
les malades du sida.
Une maladie
extrêmement invalidante
Dès lors apparaîtraient les formes graves provo-
quant les raideurs articulaires très invalidantes dont
l’infection tient son nom : chikungunya signifie la
«maladie de l’homme courbé » en makondé, langue
d’Afrique australe. Ces symptômes durent en
général trois à sept jours, le temps que les cellules
immunitaires fassent leur travail, mais peuvent aussi
devenir chroniques et persister pendant des mois,
voire des années. Des complications neurologiques
et hépatiques peuvent également survenir dans
les formes les plus sévères. Aucun traitement
spécifique n’existant à ce jour, la prise en charge
thérapeutique vise uniquement à soulager ces
symptômes, avec des médicaments antalgiques
et anti-inflammatoires.
Les médecins sont à l’aube de leurs recherches sur la
maladie, longtemps délaissée par les pouvoirs
publics. L’équipe de recherche explore de même le
rôle, dans l’inhibition du pathogène, des cellules
appelées Natural Killer, capables de tuer directement
les cellules infectées. En parallèle, des travaux sont
également en cours sur la modulation de la réponse
immunitaire dans les cas de coinfection avec le virus
de la dengue, récemment découverts au Gabon*,
une nouvelle menace qui conjugue les deux fléaux.
* Voir fiche d’actualité scientifique n°312 :
Dengue et chikungunya : quand les fléaux se conjuguent.
Rédaction DIC – Gaëlle Courcoux
Ces travaux sur l’épidémie gabonaise de 2007 ont montré le rôle clé de l’immunité innée dans l’évolution clinique de l’infection.
Contacts
Éric LEROY,
directeur de recherche à l’IRD
Tél. : +241 07 85 06 13
UMR Émergence des pathologies virales
(IRD et université de la Méditerranée
Aix-Marseille 2)
Adresse
Centre international de recherches
médicales de Franceville (CIRMF)
BP 769, Franceville
Gabon
Référence
Wauquier N., Becquart Pierre, NkogheD.,
Padilla C., Ndjoyi-Mbiguino A., Leroy Éric.
The Acute Phase of Mild Chikungunya
Virus Infection in Humans is Associated
with Strong Innate Immunity and T CD8
Cell Activation,
Journal of Infectious
Diseases
, 2010.
DOI: 10.1093/infdis/jiq006
Mots clés
Chikungunya, virus, immunité innée
Coordination
Gaëlle Courcoux
Délégation à l’information
et à la communication
Tél. : +33 (0)4 91 99 94 90
Fax : +33 (0)4 91 99 92 28
Relations avec les médias
Vincent CORONINI
+33 (0)4 91 99 94 87
Indigo,
photothèque de l’IRD
Daina RECHNER
+33 (0)4 91 99 94 81
Retrouvez les photos concernant cette fiche sur :
www.indigo.ird.fr
© IRD / Michel Dukhan
1. Ces travaux ont été réalisés en collaboration avec des chercheurs du Centre international de recherches médicales de
Franceville et de l’université des sciences de la santé à Libreville au Gabon et de l’Inserm.
2. Les interférons, cytokines et chimiokines sont des protéines produites par les cellules du système immunitaire.
POUR EN SAVOIR PLUS
Le Sextant
44, boulevard de Dunkerque,
CS 90009
F-13572 Marseille Cedex 02
France