71
TEMPO MÉDICAL – SEPTEMBRE 2012 – WWW.MEDIPRESS.BE
VIH/SIDA
Au milieu des années 90, nous avons été
les témoins des premiers résultats spec-
taculaires avec les inhibiteurs de la pro-
téase virale, le saquinavir et le lopinavir,
des molécules antivirales très puissantes
qui visaient pour la première fois une autre
cible thérapeutique que la transcriptase
inverse du VIH. Ces médicaments ont été
repris avec les inhibiteurs nucléosidiques
dans un schéma de trithérapie, selon le
principe HAART (High Active Antiretroviral
Therapy), qui demeure à ce jour le traite-
ment standard.
De maladie mortelle, le sida
devient une affection chronique
TM : C'était une époque
particulièrement passionnante, sans
aucun doute.
SDW : Comme vous le dites ! N'oubliez pas
que nous ne disposions d'aucun test quan-
titatif permettant de mesurer la charge
virale jusqu'au début des années 90, ce
qui est devenu possible avec la PCR. Nous
pouvions bien enregistrer une augmenta-
tion abrupte et spectaculaire du nombre
de lymphocytes T CD4+ après une inter-
vention thérapeutique. Ce que l'on peut
qualifier sans plus comme une des princi-
pales avancées dans la lutte contre le VIH.
Depuis lors, après le millénaire, l'arsenal
des inhibiteurs de transcriptase inverse, de
protéase et d'intégrase s'est constamment
étendu et nous disposons actuellement
d'une nouvelle génération de molécules
qui n'engendrent pas les graves effets
secondaires d'un HAART prolongé (aug-
mentation des affections cardiovasculaires,
lipodystrophie et diabète). De même, un
patient atteint du sida n'est plus soumis à
des schémas draconiens comme il y a vingt
ans, qui imposaient la prise rigoureuse, à
heures fixes, de 18 comprimés par jour.
Actuellement, plusieurs médicaments sont
administrés à l'aide d'un seul comprimé,
par voie orale.
TM : Ces meilleurs médicaments
ont-ils entraîné un changement de
mentalité chez les médecins traitants
et/ou les patients ?
SDW : Je pense que oui. Après coup
– très peu l'ont perçu ainsi au moment
même – la période du développement du
HAART a aussi été la période où le sida
a progressivement évolué d'une maladie
mortelle vers une affection chronique. Ces
nouveaux traitements efficaces ont égale-
ment eu pour conséquence que l'éventail
des complications s'est modifié de fond
en comble chez les patients sidéens. Il y
a vingt ans, les patients recevaient un trai-
tement prophylactique pour des maladies
infectieuses comme la pneumonie ou la
méningite. Par contre, lorsqu'un patient
porteur du VIH se présente à la consulta-
tion de nos jours, le médecin traitant doit
avant tout se soucier de l'ostéoporose, de
la bronchite chronique et de l'insuffisance
rénale. Autrement dit, une gamme com-
plexe d'affections possibles en tant qu'ef-
fets secondaires du HAART. Mais elles sont
tout autant la conséquence de l'infection
virale et de la réponse inflammatoire. On
peut tranquillement affirmer que l'infection
par le VIH est passée dans le domaine de la
médecine interne. ■
Actuellement,
plusieurs
médicaments sont
administrés
à l'aide d'un seul
comprimé,
par voie orale.
Figure 2. Image au microscope à balayage électronique d'un virion de VIH-1 (en vert), qui se sépare d'un
lymphocyte en culture.
TMB348FRpDeWit2Colonnes.indd 71 31/08/12 13:43