CONTRIBUTION À UNE ÉCONOMIE POLITIQUE DE
L’ÉMANCIPATION
SIMON TREMBLAY-PEPIN
THÈSE SOUMISE À LA FACULTÉ DES ÉTUDES SUPÉRIEURES
COMME EXIGENCE PARTIELLE À L’OBTENTION
DU DOCTORAT EN SCIENCE POLITIQUE
PROGRAMME DE DOCTORAT EN SCIENCE POLITIQUE
UNIVERSITÉ YORK
TORONTO, ONTARIO
MAI 2015
© Simon Tremblay-Pepin, 2015
!
ii
Résumé
Cette Contribution à une économie politique de l’émancipation a pour objet d’étude les
institutions de trois projets émancipateurs : le projet d’autonomie de Cornélius
Castoriadis, le municipalisme libertaire de Murray Bookchin et l’économie participative
de Michael Albert et Robin Hahnel. La thèse formule la critique de ces projets à partir de
quatre théories critiques contemporaines : la démocratie radicale française (Jacques
Rancière, Claude Lefort, Miguel Abensour), l’école de la limite (André Gorz, John
Bellamy Foster, Serge Latouche), la critique de la valeur (Moishe Postone, Robert Kurz,
Anselme Jappe) et les pratiques des organisations libertaires (Francesca Polletta, Francis
Dupuis-Déri, David Graeber). En mettant en parallèle ces trois projets émancipateurs et
ces théories critiques, il est possible de mettre en lumière les éléments communs qui les
unissent. Ainsi, la thèse dégage un socle institutionnel commun aux trois projets.
Cependant, ces critiques permettent également de constater les limites et les tensions qui
habitent les projets émancipateurs étudiés. Quatre tensions sont particulièrement mises en
évidence. Deux de ces tensions sont de nature politique, l’une se situe entre politique et
économie et l’autre entre autonomie et écologie. Les deux autres tensions portent
davantage sur l’économie : la première à propos du travail, de la rémunération et des
besoins, tandis que la seconde concerne la monnaie, les prix et l’allocation. La thèse
propose des voies institutionnelles pour tenter de dépasser ces tensions.
Mots-clefs : Cornélius Castoriadis; Murray Bookchin; Michael Albert; Robin Hahnel;
émancipation; projet; démocratie; planification; autonomie; écologie.
iii
Abstract
This Contribution to a political economy of emancipation studies the institutions of three
emancipatory projects: Cornelius Castoriadis’ autonomy project, Murray Bookchin’s
libertarian municipalism and Michael Albert and Robin Hahnel’s participatory
economics. This dissertation offers a critique of these projects from the perspective of
contemporary critical theories organized under four umbrellas: French radical democracy
(Jacques Rancière, Claude Lefort, Miguel Abensour), the school of the limitedness
(André Gorz, John Bellamy Foster, Serge Latouche), the critique of value (Moishe
Postone, Robert Kurz, Anselm Jappe) and libertarian organization practices (Francesca
Polletta, Francis Dupuis-Deri, David Graeber). By comparing the three emancipatory
projects to these critical theories, common elements that unite them can be highlighted.
Therefore, there emerges from this dissertation an institutional common ground for all
three emancipatory projects. Moreover, these criticisms also allow the tensions and
limitations inhabiting the emancipatory projects to be identified. Four tensions are
emphasized. Two of these tensions are political in nature: one revolves around politics
and economics and the other around autonomy and ecology. The two others focus instead
on the economy: the first relates to work, compensation and needs, while the second
refers to currency, prices and allocation. This dissertation puts forward institutional ways
of overcoming these tensions.
Tags: Cornelius Castoriadis; Murray Bookchin; Michael Albert; Robin Hahnel;
emancipation; project; democracy; planning; autonomy; ecology.
iv
Remerciements
La présente thèse a été écrite sur plusieurs années. J’ai bénéficié au cours de ce processus
de l’aide, des réflexions et des encouragements d’un grand nombre de personnes. Il m’est
impossible de les nommer toutes dans ces remerciements. À défaut, je vais me contenter
de cerner des personnes clés sans qui la rédaction de la présente aurait été impossible.
D’abord, il me faut souligner la grande disponibilité et la grande générosité de Martin
Breaugh qui a accepté d’être mon directeur. Sa rigueur et la profondeur de sa pensée font
honneur au métier qu’il exerce. Il a su me guider tant à travers les théories politiques
nombreuses et diverses qui sont abordées dans cette thèse qu’à travers les méandres des
exigences universitaires qu’il faut parcourir pour mener à bien un projet comme celui-ci.
Je garde de cette traversée l’impression d’avoir non seulement eu un excellent directeur,
mais d’y trouver également un interlocuteur brillant et, s’il le souhaite, un ami avec qui
continuer cette longue discussion que représente la vie intellectuelle en sciences sociales.
De même, l’ensemble des membres du jury devant lequel cette thèse a été défendue doit
être remercié. Leurs réflexions stimulantes et leurs nombreuses questions feront
progresser mes travaux à venir.
Ce texte a été revu, commenté, travaillé par d’autres que moi. Merci à tous ceux et celles
qui y ont contribué. Un merci particulier à Marie Léger-St-Jean qui a, comme à chaque
fois que nous avons travaillé ensemble, grandement amélioré mon travail au point je
me demande s’il me sera encore possible d’écrire sans bénéficier de son œil acéré. Merci
également à Mathieu Dufour qui, lors des ultimes corrections, a permis d’importantes
améliorations des expressions mathématique qu’on retrouve à la fin du troisième chapitre.
v
Depuis septembre 2008, lorsque j’ai entrepris le processus doctoral, j’ai eu la chance
immense d’être proche de certaines personnes qui ont donné sens à ma vie et qui ont
rendu possible cette réflexion. J’ai en quelque sorte passé à l’âge adulte en compagnie
d’Eve-Lyne Couturier : ensemble nous avons bâti ce que nous sommes aujourd’hui. Sa
recherche constante de nouvelles expériences, sa contagieuse curiosité intellectuelle et la
confiance dont elle a fait preuve à mon endroit sont maintenant des fondements de la
personne que je suis. J’ai trouvé en Anne-Marie Provost une détermination tranquille
doublée d’une vivacité d’esprit qui m’ont beaucoup nourri. Nos discussions franches sur
les implications que nous avons eues ensemble ont participé à faire progresser ma
compréhension du monde et de beaucoup d’enjeux qui sont traités dans cette thèse. Les
dernières années passées en compagnie de Julie Chateauvert participent à faire de moi un
meilleur être humain et exige constamment de faire avancer ma pensée. Sa justesse,
l’acuité de son intelligence et sa générosité à l’endroit des autres en font un modèle à la
fois inatteignable et inspirant. Sans l’amour partagé avec ces trois personnes, ma vie
actuelle, incluant cette thèse, aurait été impossible. Merci.
On ne vient pas de nulle part. Mes parents, Céline et Michel, sont en grande partie
responsable de ce que ces idées précises se soient exprimées à travers moi. La maison de
Céline et François aura été un havre d’écriture privilégié, surtout grâce à leur grande
bonté de recevoir un si mauvais invité qui s’enferme souvent, des heures durant, dans sa
chambre pour écrire. Je conserve comme un précieux souvenir les délicieux soupers, leur
préparation et les échanges agréables qui les accompagnaient. De même, mes longues
discussions avec Michel sur l’actualité politique du moment comme sur des questions
plus vastes sont un exercice pour l’esprit, d'autant plus plaisante avec une personne aussi
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